Facteurs de croissance plaquettaires en implantologie orale : mythes ou réalités ? - Implant n° 1 du 01/02/2004
 

Implant n° 1 du 01/02/2004

 

Chirurgie

Jean Koskievic *   Jean-Michel Garel **   Ylann Rouah ***  


*Docteur en chirurgie dentaire
Attaché des hôpitaux
Unité de stomatologie
Hôpital Saint-Antoine 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine 75012 Paris
**Professeur des Universités
INSERM U349 Hôpital Lariboisière
2, rue Ambroise-Paré 75010 Paris
***TCEO 1
Paris VII (travaux réalisés dans le cadre de l'option projet personnel)
UFR d'odontologie
5, rue Garancière 75006 Paris

Résumé

La compréhension des mécanismes d'action des facteurs de croissance, en particulier plaquettaires, a permis de récentes applications cliniques en chirurgie préimplantaire et en implantologie orale. De nombreuses méthodes de préparation de concentrés plaquettaires autologues et leurs utilisations cliniques ont été proposées au cours des dernières années. Cet article se compose de deux parties :

- une étude comparative des différents procédés de préparation des concentrés plaquettaires autologues à travers une série de publications référencées sur une période de huit ans (1994-2002) ;

- un rappel des indications et conditions de leur utilisation dans le cadre de la législation française. Quelques cas cliniques sont présentés pour illustrer l'utilisation des concentrés plaquettaires riches en fibrine (PRF), seuls autorisés en France en milieu spécialisé.

Summary

The understanding of the working mechanisms of the growth factors, in particular platelets, has permitted recent clinical applications in pre-implantory surgery and in oral implantology. Many preparatory methods of concentred autologous platelets and their uses in surgery have been proposed over recent years.

This article splits into two parts :

- a cross study of the different preparatory procedures of the concentred autologous platelets, through the literature compiled over a 8-years period (1994-2004) ;

- a reminder of the indications and conditions of use within the context of the French law. A few clinical cases are shown to illustrate the use of platelet-rich fibrins, the only ones authorized in France.

Key words

platelet concentrates, growth factors, platelet-rich plasma (PRP), platelet-rich fibrin (PRF)

Depuis la découverte des facteurs de croissance plaquettaires et la compréhension de leurs mécanismes d'action dans la réparation osseuse, de nombreuses publications ont proposé différentes méthodes de préparation des concentrés plaquettaires. La diversité des protocoles nous a amené à comparer, à travers une série de publications référencées sur une période de huit ans (1994-2002), les différents procédés de préparation des concentrés plaquettaires autologues.

Étude comparative des procédés de récupération des concentrés plaquettaires autologues

Matériels et méthodes

Trois protocoles utilisent un appareillage de plasmaphérèse [1-3] et nécessitent un milieu spécialisé. Les cinq autres méthodes [4-8] sont appliquées à l'aide d'une centrifugeuse de table.

Un tableau comparatif des différentes méthodes de préparation des concentrés plaquettaires autologues a été dressé. Onze critères communs aux procédés présentés dans les documents ont été retenus (Tableau I).

Résultats

Volume de sang prélevé (Sg)

Le sang prélevé est toujours veineux. Le volume de sang nécessaire pour obtenir un concentré plaquettaire dépend de l'application clinique envisagée. Un large déficit osseux nécessitera un prélèvement de sang plus important que pour des défauts de volume réduits.

Anticoagulants (AC)

Les anticoagulants, quand ils sont utilisés, complexent les ions calcium, nécessaires à la coagulation et évitent que le fibrinogène ne précipite en fibrine, ce qui permet de séparer les différents éléments constitutifs du sang lors de la centrifugation. Le plasma est la partie liquide du sang (550 g/l) qui surnage au-dessus des cellules sédimentées après centrifugation du sang prélevé sur un anticoagulant, et diffère du sérum sanguin (400 g/l), obtenu sans anticoagulant. Le sérum ne contient pas de fibrinogène, lequel s'est transformé en fibrine lors de la coagulation, contrairement au plasma.

Vitesse de centrifugation initiale (V1C)

La qualité de la séparation entre les différentes couches de cellules du sang, et plus particulièrement des plaquettes, dépend d'une part des spécificités du rotor utilisé (à angle fixe ou à godets oscillants) et, d'autre part, de l'accélération centrifuge (γ) appliquée. Le rotor est la partie de la centrifugeuse supportant les tubes de prélèvement. Les rotors à angle fixe permettent des séparations simples entre le culot et le surnageant, contrairement aux rotors à godets oscillants qui admettent une séparation plus fine, car la force de centrifugation s'exerce dans le sens de la longueur du tube de prélèvement. Cette force dépend de la distance à l'axe de rotation (en mm), de la vitesse angulaire (rad/s) et du nombre de tours par minutes. Le tableau comparatif met en évidence, dans les publications analysées, une confusion existant entre l'accélération centrifuge (exprimé en g) et la vitesse de centrifugation Cela est certainement dû (V1C). au fait que les auteurs se rapportent aux spécificités des fabricants. Pour que les expériences soient reproductibles, seules l'accélération centrifuge est utilisable. En effet, le nombre de tours par minutes ne donne pas assez d'indications pour permettre une évaluation qualitative de cette centrifugation.

Temps de centrifugation (T1C)

Le temps de centrifugation T1C varie en fonction des spécificités techniques de la centrifugeuse. Mais le plus important est le temps minimal nécessaire pour séparer les différents éléments.

Résultat de la première centrifugation (R1)

Cette première centrifugation (hard spin) correspond à un hématocrite qui est le pourcentage du volume occupé par les globules rouges dans un volume sanguin normal. Le volume des globules rouges est normalement de 40 à 45 ml pour 100 ml de sang chez l'homme et de 38 à 42 ml pour 100 ml chez la femme. La quantité de plasma surnageant, qui contient les plaquettes, les globules blancs et les facteurs de coagulation, varie selon le sexe du donneur entre 55 et 62 %. La récupération du plasma R1 ne permet pas d'obtenir un concentré plaquettaire homogène pour induire une action suffisante sur la cicatrisation et nécessite donc une seconde centrifugation pour séparer les plaquettes des autres éléments du plasma.

Choukroun et al. [6] appliquent une technique de centrifugation unique. Ils n'utilisent pas d'anticoagulant dans les tubes de prélèvement, en accord avec la législation française actuelle. Ils obtiennent un coagulum contenant du sérum, des plaquettes et des leucocytes, emmêlés dans un réseau dense de fibrine (le fibrinogène s'est transformé en fibrine lors de la coagulation) dans la partie supérieure du tube de prélèvement qu'ils nomment PRF (platelet-rich fibrin) et des globules rouges dans la partie inférieure. Ce PRF semblerait contenir des facteurs de croissance et des cytokines ayant une activité ostéogène et anti-inflammatoire.

Deuxième vitesse de centrifugation (V2C)

La technique de la double centrifugation permet, à partir du plasma récolté, d'obtenir un concentré plaquettaire enrichi en facteurs de croissance. On sait qu'une vitesse de centrifugation trop importante peut altérer les plaquettes par échauffement et nécessite une centrifugeuse ayant un système de refroidissement, mais aucune étude n'a calculé la vitesse maximale limite pour éviter cette détérioration des plaquettes. De plus, la multiplication des centrifugations peut entraîner une dégranulation prématurée des plaquettes et modifier l'activité des facteurs de croissance. Les vitesses de centrifugation semblent dépendre des spécifications des centrifugeuses données par les fabricants.

Deuxième temps de centrifugation (T2C)

Dans le tableau comparatif, ce paramètre n'apparaît pas identique pour toutes les techniques et dépend aussi des spécifications des fabricants.

Temps total (TT)

Le temps total (TT) pour obtenir un concentré plaquettaire semble toujours inférieur à 35 min, ce qui permet de réduire le temps d'intervention. Une manipulation rapide permet de conserver l'activité des facteurs de croissance dont l'action diminue avec le temps.

Résultat final qualitatif (R2)

L'AFA (autologous fibrin adhesiv) est utilisé par Tayapongsak et al. [1] dans les pertes osseuses inférieures à 3 cm. Pour des défauts plus importants (> 3 cm), ils prélèvent, en préopératoire, du sang veineux par plasmaphérèse dans des packs stériles contenant un anticoagulant (citrate phosphate dextrose) et, après centrifugation, conservent le plasma obtenu par un procédé de congélation. Le jour de l'intervention, le plasma est décongelé, de la thrombine bovine et du CaCl2 sont ajoutés au plasma et l'ensemble est centrifugé. Le concentré de fibrine qu'ils récupèrent doit être utilisé dans les 4 heures après réchauffement dans un bain à 37 ° C pendant 10 min. Cette méthode de cryoprécipitation nécessite beaucoup de temps, plusieurs manipulations sanguines, et son coût est élevé. Elle présente en outre le risque d'une perte d'activité des thrombocytes qui diminuent rapidement après le prélèvement.

Dans les autres techniques, le résultat final qualitatif (R2) obtenu par une seconde centrifugation (soft spin) produit un concentré plaquettaire autologue enrichi en facteurs de croissance. Ce concentré, appelé PRP (platelet-rich plasma) par Marx et al. en 1998 [2], est maintenant la dénomination adoptée par la communauté scientifique internationale. Les autres appellations, bien que présentant toutes les mêmes caractéristiques (PC pour platelet concentrated, PRGF pour plasma rich in growth factors), ne semblent pas encore être reconnues. Seul le PRF (platelet-rich fibrin) se différencie, car c'est un coagulum qui contient de la fibrine, des facteurs de croissance plaquettaires, des cytokines d'origine leucocytaire et une quantité variable de sérum. Il ne semble toutefois pas encore documenté dans la littérature internationale.

Concentration plaquettaire ([P])

Ce paramètre est le plus important, car il permet de valider la méthode utilisée pour récupérer un concentré plaquettaire. Une augmentation des plaquettes induit une augmentation des granules α et donc des facteurs de croissance plaquettaires. Seulement 4 méthodes de récupération semblent avoir fait l'objet d'une étude pour calculer le pourcentage d'augmentation du nombre de plaquettes dans du PRP.

Méthodes de coagulation du concentré plaquettaire (Cog)

Le concentré plaquettaire, recueilli à partir de tubes de prélèvement contenant un anticoagulant, doit être coagulé avant toute application clinique. La fibrinoformation s'effectue à partir de thrombine, qui transforme le fibrinogène en fibrine. Le facteur XIII stabilise la fibrine pour aboutir à la formation d'un caillot (gel) de fibrine, riche en plaquettes.

Dans la technique PRP, le concentré plaquettaire est mélangé avec de la thrombine exogène (thrombine bovine) ou autogène (sang du patient) pour initier la formation du caillot et du CaCl2 pour neutraliser l'anticoagulant. Deux méthodes se distinguent néanmoins : la première utilise un agent gélifiant, l'ITA, et du CaCl2 ; la seconde du β-phosphate tricalcique et du sang autologue. Dans la technique PRF, le gel de fibrine est obtenu directement lors de la première centrifugation après élimination des globules rouges.

Discussion

Les procédés de préparation plaquettaire, effectués en peropératoire, évitent le transport du produit, un prélèvement sanguin important par rapport au volume total de sang de l'organisme (5 l), et des manipulations sanguines supplémentaires. Ils diminuent le temps et le coût de l'acte chirurgical. En revanche, les méthodes de préparation préopératoire par plasmaphérèse nécessitent de prélever un volume élevé de sang, beaucoup de temps, et plusieurs manipulations sanguines. Leur coût est élevé. Enfin, elles présentent le risque d'une perte d'activité des thrombocytes qui diminuent rapidement après le prélèvement.

L'utilisation de l'anticoagulant citrate phosphate dextrose adénine (CPD-A) serait 10 % plus efficace que le citrate phosphate dextrose (CPD). Il permettrait de suppléer les besoins métaboliques et de conserver l'intégrité de la membrane des plaquettes tout en évitant une perte d'activité et d'efficacité des facteurs de croissance [9]. D'autres protocoles utilisent l'acide éthylènediamine-tétra-acétique (EDTA) [4] ou du sodium citraté [7]. La technique PRF [6] n'emploie pas d'anticoagulant, respectant en cela la législation française actuelle sur les manipulations sanguines.

Une concentration plaquettaire de 106 plaquettes/µl pour un volume de 5 ml de plasma [9] serait suffisante pour obtenir un PRP actif. Cela correspond environ à une concentration de la fraction plaquettaire 4 fois supérieure à celle qui existe dans la circulation sanguine périphérique. Une concentration inférieure n'aurait pas d'incidence sur la cicatrisation et une concentration supérieure n'améliorerait pas cette cicatrisation [9]. Pour Landesberg et al. [4], une concentration plaquettaire multipliée par 2 serait suffisante pour obtenir un concentré plaquettaire enrichi en facteurs de croissance. Les chiffres avancés par Anitua [7] rejoignent ceux de Marx et al. [2], mais ne semblent pas avoir été vérifiés par comptage. Sonnleitner et al. [5] obtiendraient une concentration supérieure à 106 plaquettes pour 250 µl. Si les résultats présentés sont différents d'une technique à l'autre, tous ont montré une augmentation sensible du nombre de plaquettes.

Le concentré plaquettaire doit être coagulé pour être utilisable. La technique du PRP nécessite de la thrombine bovine et du CaCl2. Landesberg et al. [4], s'appuyant sur 3 références datant de la période 1993-1994 et rapportant des complications par coagulopathies à la suite d'utilisation de thrombine bovine, proposent de mélanger le concentré plaquettaire avec du CaCl2 et un agent gélifiant, l'ITA, qui présenterait une plus grande sécurité, mais dont la composition reste secrète et qui n'a fait l'objet d'aucune étude sur l'homme. Mais une étude effectuée entre 1996 et 2000 par l'école de médecine de Miami sur 312 cas, utilisant un mélange de gel de PRP à de la thrombine bovine, n'a révélé aucun cas de complication postopératoire depuis la purification du facteur V d'origine bovine qui est l'antigène responsable de ces coagulopathies.

L'utilisation de thrombine bovine est formellement interdite en Europe depuis que des anticorps antithrombiniques ont été révélés lors de l'emploi de ces produits. Sonnleitner et al. [5] proposent de mélanger le concentré plaquettaire à du tisseel fibrin adhesiv (TFA), qui est produit à partir du sérum humain et contient principalement un concentré de fibrinogène enrichi avec du facteur XIIIa et de la thrombine, auquel on ajoute du CaCl2 pour neutraliser les effets du citrate. Ce produit possède la caractéristique de se présenter soit sous forme congelée soit sous forme lyophilisée. La technique présentée par Palti et Hoch [8] mélange du sang autologue à du ß-TCP (phosphate tricalcique), dont la dissociation libère les ions calcium nécessaires à l'activation des thrombocytes. Enfin, Anitua [7] mélange le concentré plaquettaire (PRGF) au greffon autogène (ou à un matériau de substitution osseux) et ajoute 50 µl de CaCl2 à 10 % pour 1 ml. La quantité de facteurs de croissance déversée dans les tissus serait proportionnelle à la quantité de plaquettes obtenues dans le PRP (platelet-rich plasma) (70 % de ces protéines seraient sécrétées dans les 10 premières minutes de la coagulation et près de 100 % dans la première heure [9]). Elle dépendrait également du facteur de coagulation utilisé.

Si les observations cliniques ont montré l'intérêt de ces techniques, seuls Marx et al. [2] ont présenté des résultats sur l'activité biologique des facteurs de croissance qui dépend, selon eux, de la qualité de la centrifugation des plaquettes.

Applications cliniques des concentrés plaquettaires en implantologie orale

Les applications cliniques des concentrés plaquettaires autologues, riches en facteurs de croissance, ont été documentées depuis déjà longtemps en chirurgie orthopédique, thoracique, cardiaque et en dermatologie [10-12]. Leurs utilisations en implantologie orale sont plus récentes. Elles sont intéressantes pour la chirurgie préimplantaire ainsi que pour la gestion des tissus durs et des tissus mous lors de la mise en place d'implants. La littérature est encore limitée et les conclusions sont parfois contradictoires en fonction des indications cliniques, mais ces techniques suscitent de grands espoirs [13-16].

Indications cliniques

En chirurgie implantaire, plusieurs utilisations des concentrés plaquettaires qui dépendent des indications cliniques ont été proposées [17].

Ils sont mélangés avec une greffe autogène (intra- ou extra-orale) ou un matériau de substitution osseux dans les cas suivants :

- comblement de sinus avec pose immédiate ou différée d'implants ;

- soulevé du plancher sinusien avec pose immédiate ou différée d'implants ;

- greffes d'apposition avant pose d'implants ;

- greffes après fenestration des corticales pendant la pose d'implants ;

- comblement des ostéotomies après expansion osseuse ;

- comblement de déficits osseux en implantologie postextractionnelle ;

- comblement d'alvéoles après extraction pour conserver le volume osseux avant la pose d'implants ;

- greffes particulaires ;

- distraction osseuse alvéolaire.

Ils sont utilisés sans matériau de greffe sous forme de membrane pour :

- obstruer les perforations lors du décollement de la membrane sinusienne ;

- fermer la fenêtre d'accès au sinus lors d'appositions endosinusiennes sous-muqueuses ;

- compenser la perte des tissus mous après la chirurgie implantaire ;

- augmenter le volume des tissus mous péri-implantaires lors de la pose d'implants ;

- accélérer la cicatrisation des tissus mous après la pose d'implants ;

- servir de membrane résorbable dans les ROG (régénération osseuse guidée).

Cette liste n'est pas exhaustive, et de nouvelles applications cliniques seront certainement offertes aux chirurgiens ces prochaines années.

Aspects médico-légaux de l'utilisation du PRP et du PRF en France

L'emploi de thrombine bovine interdit l'utilisation du PRP en France. L'application clinique du PRF n'est pas autorisée au cabinet dentaire pour l'instant en France, car il est assimilé à des produits cellulaires (réponse de l'AFSSPS du 31/03/2003 à la demande de l'AFI). En revanche, le PRF peut être préparé et utilisé en milieu spécialisé par du personnel formé et habilité. L'aspect médico-légal a souvent été passé sous silence, et nous nous proposons d'en présenter les différents aspects.

Bilan biologique préopératoire

Les préparations PRP et PRF autologues nécessitent un prélèvement sanguin veineux. Le bilan biologique, notamment l'hémogramme, fournit une numération plaquettaire qui indique l'existence de thrombocytopénies acquises ou congénitales qui s'accompagnent en général d'un allongement du temps de saignement. De même, une élévation du nombre de plaquettes ou thrombocytémie doit alerter le chirurgien sur les risques d'intervention.

Consentement éclairé (loi Huriet 1988)

Comme pour tout acte chirurgical, un consentement éclairé doit précéder l'intervention et informer le patient des risques encourus par rapport au bénéfice retiré pour ce genre d'acte.

Prélèvement sanguin

Il doit être réalisé par un personnel autorisé ou habilité. Les chirurgiens-dentistes ne sont pas habilités à effectuer ce type d'acte.

Manipulation du sang

Une fois le prélèvement réalisé, le sang doit être manipulé dans des conditions d'asepsie rigoureuse. Cela nécessite un personnel formé et dédié à la préparation du concentré plaquettaire qui intervient dans le même temps que l'équipe chirurgicale. De plus, cette préparation doit être réalisée dans la salle d'intervention.

RCP

À notre connaissance, notre responsabilité civile professionnelle ne couvre pas ce genre d'actes au cabinet dentaire.

Centrifugeuse

Le matériel de centrifugation doit être agréé CE et être utilisé exclusivement en salle d'intervention.

Traçabilité des matériels et produits utilisés

Tous les produits et matériels utilisés doivent être référencés.

Il découle de ces obligations que les préparations PRF autologues paraissent être les seules à pouvoir être utilisées en France par des praticiens avertis et dans un milieu spécialisé. Signalons que l'application de ces méthodes nouvelles n'a pas fait l'objet d'essais cliniques contrôlés.

Protocole clinique d'utilisation des concentrés plaquettaires riches en fibrine (PRF)

Cela fait maintenant plus de 18 mois que l'unité de stomatologie de l'Hôpital Saint-Antoine à Paris applique, en chirurgie préimplantaire et lors de la pose d'implants, la méthode du PRF. Tous les malades suivent le même protocole clinique :

- interrogatoire médical contresigné ;

- bilan biologique systématique ;

- examen clinique endo-buccal ;

- consultation d'ORL pour les comblements de sinus ;

- consultation d'anesthésie en cas d'anesthésie générale ;

- le malade est adressé, si nécessaire, à son praticien habituel pour une remise en état complète de la bouche avant l'intervention ;

- tous les cas sont discutés entre les équipes de spécialistes à l'aide des éléments biologiques, radiologiques (orthopantomogramme numérisé et scanner) et techniques (guides radiologiques et chirurgicaux, montage sur articulateur, etc.) nécessaires ;

- un plan de traitement est proposé au patient ;

- un consentement éclairé (pour le prélèvement sanguin, pour la chirurgie préimplantaire et pour la pose d'implants s'il y a lieu) est signé ;

- un rendez-vous est pris pour l'intervention ;

- le patient est prémédiqué.

Toutes les interventions ont été réalisées par les mêmes équipes. Dans le cas de la pose d'implants, ces derniers sont toujours des implants vissés endo-osseux en titane commercialement pur (MIS).

Technique de prélèvement sanguin et de préparation du concentré plaquettaire

Prélèvement sanguin

En chirurgie ambulatoire

Le sang veineux est prélevé sur le patient dans la salle d'intervention en peropératoire au niveau de la veine basilique (Fig. 1). La prise de sang doit toujours être effectuée à vue en cas de malaise du patient. Le champ opératoire doit donc être retiré pendant cet acte. Le champ de tête est repositionné après badigeonnage d'un antiseptique.

Sous anesthésie générale

Le sang est prélevé au niveau d'une veine d'un membre inférieur (Fig. 2).

Récupération du sang veineux

Aucun anticoagulant n'est utilisé. Un volume de sang est récupéré dans des tubes secs en verre à raison de 10 ml par tube. Au total, 4 tubes paraissent suffisants pour le comblement des petits défauts osseux ou la préparation d'une membrane. Dans les chirurgies nécessitant l'utilisation d'un concentré plaquettaire plus important, 8 tubes de 10 ml de sang chacun sont centrifugés. Cette quantité, négligeable par rapport au volume total de sang de l'organisme (5 l), permet une préparation suffisante quels que soient les cas cliniques. Les tubes sont positionnés face à face dans la centrifugeuse, évitant un déséquilibre du rotor qui pourrait nuire à la séparation des éléments figurés du sang (Fig. 3).

Centrifugation

La centrifugeuse est réglée à 3 000 tours/min pendant 10 min. Une vitesse de centrifugation inférieure ne paraît pas entraîner une séparation suffisante entre les globules rouges et le coagulum contenant les plaquettes, la fibrine et les leucocytes. Les globules rouges apparaissent dans la partie inférieure du tube ; la partie supérieure, jaunâtre, est le concentré plaquettaire (Fig. 4).

Préparation du concentré plaquettaire

La manipulation commence immédiatement après la fin de la centrifugation. L'absence de temps de latence entre la fin de la centrifugation et le début de la manipulation évite au coagulum de se déposer sur le fond du tube et de se mélanger aux globules rouges. D'ailleurs, après 10 minutes d'attente, on voit apparaître à la partie supérieure du tube un exsudat de sérum liquide et translucide. Cet exsudat ne peut être récupéré lors de la manipulation. Un aide saisit un par un les tubes de la centrifugeuse et les présente ouverts au chirurgien qui, d'une main, extrait le concentré plaquettaire à l'aide de précelles stériles droites et fines (Fig. 5) et, de l'autre, sépare le caillot de globules rouges du coagulum à l'aide d'une paire de ciseaux stériles. Les globules rouges sont éliminés dans un récupérateur de déchets et le PRF est placé dans une réceptacle stérile (Fig. 6). Selon l'indication clinique, la préparation peut être transformée, en tout ou partie, en membrane. Le chirurgien saisit les différents coagulums et les dépose sur une compresse stérile (Fig. 7). Une seconde compresse stérile est positionnée délicatement sur la première, puis une légère pression est appliquée sur l'ensemble jusqu'à l'obtention d'une membrane de 1 mm d'épaisseur (Fig. 8). Cette membrane se manipule facilement, car elle se plaque sur le site chirurgical en présence de sang. En cas de greffes osseuses, une partie de la totalité du coagulum récupéré est transformée en membrane, l'autre partie est découpée en morceaux et mélangée à la greffe osseuse qui sera utilisée pour combler les défauts osseux. On obtient une masse semi-solide qui se manipule facilement (Fig. 9).

Utilisations cliniques des PRF

Cas clinique n°1

Ce cas illustre un comblement de sinus par autogreffe iliaque mélangée à un concentré plaquettaire riche en fibrine.

Cette intervention a été réalisée sous anesthésie générale. Cette opération nécessite la coordination d'une équipe d'anesthésistes, d'une équipe chirurgicale pour le prélèvement du greffon iliaque, d'une équipe pour réaliser le comblement du sinus et d'un aide opératoire pour préparer le concentré plaquettaire. Au total, 80 ml de sang veineux sont prélevés dans une veine d'un membre inférieur et répartis dans 8 tubes secs qui sont placés dans la centrifugeuse de table. Le prélèvement d'os spongieux au niveau de la crête iliaque est mélangé avec la moitié du concentré plaquettaire préparé ; l'autre moitié est transformée en membrane selon la technique précédemment décrite pour fermer la fenêtre d'accès au sinus. Le scanner postopératoire à 8 jours montre, au niveau antral gauche, une masse hétérogène entourant le greffon iliaque (Fig. 10, 11, 12 et 13). À 4 mois, un nouveau scanner ne montre pas de densification du greffon dans la cavité sinusale. Néammoins, deux implants ont été posés avec succès, au niveau du site chirurgical (Fig. 14).

Cas clinique n° 2

Ce cas illustre un comblement du sinus par autogreffe d'origine iliaque mélangée à un concentré plaquettaire riche en fibrine, la pose immédiate d'implants endo-osseux et la fermeture de la fenêtre d'accès au sinus par une membrane de PRF.

Deux implants cylindriques (implants MIS) ont été posés dans le sinus droit en position 16 et 17, après comblement de la cavité antrale par un mélange d'os autogène spongieux d'origine iliaque et de la moitié du concentré plaquettaire préparé. Un implant endo-osseux cylindrique a été posé classiquement en position 15. Les implants sont découverts 10 semaines après l'intervention. Les vis de cicatrisation sont mises en place. La prothèse implanto-portée est réalisée à 12 semaines. Dans ce cas clinique, une accélération de la vitesse de cicatrisation et une amélioration de la densité osseuse de la greffe ont été constatées (Fig. 15, 16, 17, 18, 19 et 20).

Cas clinique n° 3

Ce cas illustre un comblement de sinus bilatéral par autogreffe d'origine pariétale mélangée à un concentré plaquettaire riche en fibrine, la fermeture de la perforation de la membrane sinusienne par une membrane PRF et la fermeture de la fenêtre d'accès au sinus.

La membrane sinusienne droite est perforée. Un prélèvement sanguin permet de préparer un concentré plaquettaire : 25 % de ce concentré sont transformés en une grande membrane PRF, qui est introduite dans le sinus et plaquée au niveau de la perforation ; 25 % sont mélangés aux particules du greffon pariétal préalablement passé dans un moulin à os, et seront utilisés pour combler l'espace intrasinusal entre le néo-plafond réalisé et le bord inférieur du sinus. Les 50 % restants serviront à créer une membrane qui fermera la fenêtre d'accès. Les lambeaux muco-périostés d'accès sont suturés. Le sinus gauche est comblé classiquement sans apport de concentrés plaquettaires (Fig. 21, 22, 23, 24, 25, 26 et 27).

Cas clinique n° 4

Ce cas illustre la cicatrisation des tissus mous après chirurgie implantaire.

Après la pose de 4 implants MIS, une membrane de concentrés plaquettaires est positionnée sur l'ensemble du site chirurgical pour permettre une meilleure cicatrisation des tissus mous. Les concentrés plaquettaires riches en fibrine (PRF) semblent accélérer la cicatrisation des tissus mous en implantologie orale. Les sutures doivent être retirées entre 48 et 72 heures (Fig. 28, 29 et 30).

Conclusion

Grâce à des indices de maturation osseuse relevés sur des radiographies panoramiques et des études histomorphométriques réalisées avec des anticorps monoclonaux, Marx et al. [2] ont mis en évidence le rôle du PRP. Ils en ont conclu que les concentrés plaquettaires riches en facteurs de croissance (PRP), mélangés à une autogreffe d'origine iliaque, accélèrent la vitesse de cicatrisation de l'os et améliorent la densité osseuse de l'os régénéré dans les 6 premiers mois.

Le PRF n'a pas fait l'objet de ce type d'étude. On suppose qu'il contient des plaquettes agissant sur la régénération osseuse par l'action des facteurs de croissance, des cytokines provenant des leucocytes qui interviendraient sur l'inflammation et enfin de la fibrine qui jouerait un rôle sur la cicatrisation. Cette technique présenterait donc un intérêt en chirurgie implantaire. Mais de nombreuses questions telle la capacité des PRF à libérer des facteurs de croissance capables de stimuler les cellules souches mésenchymateuses et d'avoir une action sur les cellules ostéoprogénitrices restent en suspens. Les résultats cliniques restent inégaux, voire aléatoires. Ils paraissent plus intéressants sur la cicatrisation des tissus mous que sur les tissus osseux. Notre expérience récente et les échecs que nous avons subis nous incitent à la plus grande prudence quant à l'utilisation des concentrés plaquettaires (PRF) en implantologie orale. Cet intérêt doit être confirmé par des techniques d'investigation et des études cliniques. De plus, le protocole que nous utilisons doit être encore affiné. Le volume nécessaire de concentrés plaquettaires mélangés au greffon (ou matériau de substitution osseux) permettant de libérer les facteurs de croissance en quantité suffisante doit être notamment précisé.

La thérapie cellulaire suscite un réel espoir qui devra être confirmé. Les premiers résultats cliniques que nous avons exposés montrent l'infinie diversité que représente l'application des concentrés plaquettaires autologues en implantologie. Nos connaissances sont encore incomplètes et les recherches en cours, si elles sont validées, permettront d'établir un protocole cohérent, fiable, prévisible et reproductible qui améliorerait le taux de succès de nos interventions. Et les mythes deviendront réalités.

Nota Bene :

Les Drs V. Bibas, M.-M. Bayle, L.Yasid (Hôpital Saint-Antoine, service ORL, Pr B. Meyer) formaient l'équipe de médecins-anesthésistes sur les cas 1, 2 et 3.

Le Dr L. Fremont, CCA (Hôpital Saint-Antoine, service ORL, Pr B. Meyer), est intervenu sur les cas cliniques 1 et 2.

Le Dr B. Pételle, chirurgien cervico-facial, est intervenu sur les cas 2 et 3 et le Dr J.Forcioli, CCA (Hôpital Saint-Antoine, service ORL, Pr B. Meyer), sur le cas 3.

Le Dr J. Koskievic, praticien attaché des hôpitaux (Hôpital Saint-Antoine, unité de stomatologie, Dr H.Woimant), a participé aux cas 1 à 4.

Le Dr F. Lasry, praticien attaché des hôpitaux (Hôpital Saint-Antoine, unité de stomatologie, Dr H.Woimant), a participé aux cas cliniques 1, 2 et 4.

Y. Rouah, TCEO 1 (Hôpital Saint-Antoine), a participé en tant qu'aide opératoire aux cas 1 à 4.

ADRESSE DES DISTRIBUTEURS

IMPLANTMIS - MEDICAL IMPLANT SYSTEM - 5, rue Carpeaux - 95600 Eaubonne - Tél. : 01 30 10 51 57 - Fax : 01 34 16 07 37 - E-mail : medi6@medi6.fr -

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Tayapongsak P, O'Brien DA, Monteiro CB, Arceo-Diaz LY. Autologous fibrin adhesive in mandibular construction with particulate cancellous bone marrow. J Oral Maxillofac Surg 1994;52:161-166.
  • 2. Marx RE et al. Growth factor enhancement for bone grafts. Oral Surg Oral Med Oral Pathol 1998;85:638-646.
  • 3. Lozada JL, Caplanis N, Proussaefs P, Willardsen J, Kammeyer G. Platelet-rich plasma application in sinus graft surgery: Part I. Background and processing techniques. J Oral Implantol 2001;27(1):38-42.
  • 4. Landesberg R, Roy M, Glickman RS. Quantification of growth factor levels using a simplified method of platelet-rich plasma gel preparation. J Oral Maxillofac Surg 2000;58(3):297-300; discussion : 300-301.
  • 5. Sonnleitner D, Huemer P, Sullivan DY. A simplified technique for producing platelet-rich plasma and platelet concentrate for intraoral bone grafting techniques: a technical note. Int J oral Maxillofac Implants 2000;15(6):879-882.
  • 6. Choukroun J, Adda F, Schoeffler C, Vervelle A. Une opportunité en paro-implantologie. Le PRF ( platelet-rich fibrin ). Implantodont 2001;41:55-62.
  • 7. Anitua E. The use of plasma-rich growth factors (PRGF) in oral surgery. Pract Proced Aesthet Dent 2001;13(6):487-493; quiz : 487-493.
  • 8. Palti A, Hoch T. A concept for the treatment of various dental bone defects. Implant Dent 2002;11(1):73-78.
  • 9. Marx RE. Platelet-rich plasma (PRP): what is PRP and what is not PRP? Implant Dent 2001;10(4):225-228.
  • 10. de Moraes AM, Annichino-Bizzacchi JM, Rossi AB. Use of autologous fibrin glue in dermatologic surgery: application of skin graft and second intention healing. Rev Paul Med 1998;116(4):1747-1752.
  • 11. Schlag G, Redl H. Fibrin sealant in orthopedic surgery. Clin Orthop 1988;227:269-285.
  • 12. Tsukui H, Koh E, Yokoyama S, Ogawa M. Surgical repair of left ventricular free wall rupture using layered fibrin glue sheet and fibrin glue: report of a case. Kyobu Geka 2002;55(10):887-890.
  • 13. Boyne PJ et al. A feasibility study evaluating Rh BMP-2/absorbable collagen sponge for maxillary sinus floor augmentation. Int J Periodont Rest Dent 1997;17(1):11-25.
  • 14. Camargo PM, Lekovic V, Weinlaender M, Vasilic N, Madzarevic M, Kenney EB. Platelet-rich plasma and bovine porous bone mineral combined with guided tissue regeneration in the treatment of intra-bony defects in humans. J Periodont Res 2002;37(4):300-306.
  • 15. Robiony M, Polini F, Costa F, Politi M. Osteogenesis distraction and platelet-rich plasma for bone restoration of the severely atrophic mandible: preliminary results. J Oral Maxillofac Surg 2002;60(6):630-635.
  • 16. Su-Gwan K, Hak-Kyun K, Sung-Chul L. Combined implantation of particulate dentine, plaster of Paris, and a bone xenograft (Bio-Oss) for bone regeneration in rats. J Craniomaxillofac Surg 2001;29(5):282-288.
  • 17. Carlson NE, Roach RB Jr. Platelet-rich plasma: clinical applications in dentistry. J Am Dent Assoc 2002;133(10):1383-1386.