Réhabilitation implanto-portée sur une mandibule reconstituée - Implant n° 2 du 01/05/2005
 

Implant n° 2 du 01/05/2005

 

Dossier clinique

Vlado Smatt *   Yvan Smatt **   Rani Moussa ***   Michel Robin ****  


*Chef de l'Unité de stomatologie et de chirurgie maxillo-faciale
Centre René-Huguenin
Responsable de la consultation d'implantologie
Service de stomatologie (Dr N. P. Brethaux-Bardinon)
CHU Bichat-Claude Bernard - Paris 18e
**Chef de clinique des hôpitaux de Lille
76, avenue Raymond Poincaré
75116 Paris
***Orthodontiste attachée
83, rue Blanche
75017 Paris
****Chiurgien-dentiste, Attaché au Centre René-Huguenin
Centre René-Huguenin
35, rue Dailly
92210 Saint-Cloud

Le transfert osseux microchirurgical et l'implantologie orale sont deux techniques récentes qui, jumelées, contribuent à améliorer la qualité de vie des patients cancéreux ayant subi une résection mandibulaire terminale. Pour la reconstruction mandibulaire, le péroné représente le greffon vascularisé le plus approprié aussi bien pour la restitution morphologique d'une arcade que pour la mise en place d'implants axiaux. Cet article présente les étapes successives d'une réhabilitation orale totale implanto-portée en terrain irradié sur une arcade maxillaire résorbée et en décalage avec une néo-arcade mandibulaire reconstituée par une greffe vascularisée de péroné.

En cancérologie stomatologique, la restauration prothétique dentaire est l'ultime phase d'un protocole thérapeutique global et multidisciplinaire établi pour éradiquer la tumeur, puis réhabiliter la cavité buccale. Le feu vert pour cette dernière intervention est donné par décision collégiale de l'Unité de décision thérapeutique (UDT) au moment le plus opportun de la surveillance post-thérapeutique carcinologique, en général après une longue période de rémission locorégionale préludant à la guérison.

Cette proposition restauratrice se heurte parfois à des difficultés et handicaps prothétiques inhérents aux modifications locorégionales, engendrées par les séquelles post-thérapeutiques ou les pathologies iatrogéniques radiochirurgicales. De nouvelles techniques ont pris le pas sur la chirurgie préprothétique composite conventionnelle : le transfert osseux micro-chirurgical et l'implantologie orale ont en effet contribué à simplifier la mise en condition préprothétique, assurer la pérennité du résultat morphologique buccal obtenu et garantir la stabilité de la réhabilitation orale par ancrage implantaire. La motivation du patient, a priori réticent parce que multi-opéré, est un atout indispensable pour entretenir une coopération efficace tout au long du traitement et stimuler l'équipe médico-chirurgicale en charge.

Cet article présente un cas de réhabilitation orale totale implanto-portée sur un patient, guéri d'un cancer buccal au prix d'une mandibulectomie subtotale interruptrice, qui a bénéficié d'une reconstitution par greffe vascularisée de péroné.

Présentation du cas

M. D., 49 ans, a présenté, en mars 1996, un carcinome épidermoïde pelvimandibulaire antéro-latéral infiltrant avec envahissement de la corticale linguale symphysaire. Le traitement initial a consisté en une radiothérapie exclusive de 75 Gy à dose tumoricide. Trois ans plus tard, en période de rémission apparente, ce même patient a été atteint d'une ostéoradionécrose mandibulaire post-radique qui s'est révélée rebelle aux thérapeutiques médicales entreprises et à l'oxygénothérapie hyperbare. En novembre 1999, une symphysectomie interruptrice a dû être effectuée : la continuité osseuse a ainsi été rétablie par une attelle en titane recouverte d'un lambeau pédiculé musculo-cutané de grand pectoral, transposé en bouche. En décembre 2000, l'extension aux moignons mandibulaires du processus d'ostéoradionécrose a nécessité la résection de la totalité de l'arcade mandibulaire restante et sa reconstruction immédiate par une greffe vascularisée de péroné. En mars 2002, les plaques d'ostéosynthèse utilisées lors de la chirurgie reconstructrice ont été déposées. Le patient, se sentant en pleine forme, a légitimement souhaité bénéficier d'une réhabilitation orale dont la réalisation nous a été confiée.

État initial

L'étude préparatoire a comporté :

• l'examen de l'état général et du psychisme du patient, la constatation de son sevrage alcoolo-tabagique et l'appréciation de la motivation qui l'anime ;

• l'examen clinique endobuccal a en particulier mis en évidence :

- le bouleversement architectural buccal, engendré par la masse musculo-adipo-cutanée endobuccale et la perturbation fonctionnelle linguale qu'elle occasionne ;

- une étanchéité labiale relative faute de soutien adéquat ;

- une denture incisivo-canine supérieure restante atteinte d'odonto-nécrose ;

- un état satisfaisant de l'hygiène buccale (Fig. 1A, 1B et 1C).

Les bilans radiographiques et tomodensitométriques usuels ont été effectués. Ils ont fourni des renseignements sur le squelette facial et objectivé l'existence d'une perturbation des rapports intermaxillaires sous forme d'un décalage entre les arcades, probablement d'étiologie iatrogénique : la projection de l'arcade supérieure atrophiée se trouve circonscrite à l'intérieur de la néo-arcade inférieure élargie ; cette dysharmonie transversale s'accompagne d'un déficit de hauteur de la néo-arcade qui occasionne un décalage vertical important (Fig. 1D et 1E ).

Étape prothétique préliminaire

Sur le plan prothétique, un set-up dentaire a été réalisé à partir des maîtres-modèles montés sur articulateur semi-adaptable pour corriger la dysharmonie maxillo-mandibulaire. Il a permis de repérer les sites implantaires sur les arcades en position corrigée. Parallèlement à ce travail de laboratoire, une simulation opératoire informatisée a été pratiquée à l'aide du nouveau logiciel Simplant 8-CMF pour obtenir des renseignements d'ordre implantaire précis et la réalisation d'un guide chirurgical robotisé à partir d'un modèle acrylique stéréolithographique du maxillaire.

Plan de traitement

Cette phase préparatoire accomplie, une stratégie réhabilitatrice globale a été conçue et un plan de traitement établi : le protocole se déroulerait en deux temps chirurgicaux majeurs préprothétiques, suivis de la réalisation prothétique dentaire définitive ; la durée de cette prise en charge serait de 18 mois environ. Informé de l'organigramme élaboré, des aléas qui planent sur son déroulement et de l'incertitude actuelle quant à la conception de la future construction prothétique dentaire permanente, le patient, très motivé et plein de bonne volonté malgré une irascibilité non camouflée, a donné son entier consentement par écrit et en présence de son épouse, témoin et partie morale prenante. Seule condition posée : tout acte chirurgical hors de la cavité buccale devrait être formellement exclu.

1er temps chirurgical

Le 1er temps chirurgical mandibulaire a essentiellement consisté à la mise en place des implants sur la néomandibule. Au total, 9 implants-vis, du type Structure® monobloc, longs de 16 mm de longueur pour 4 mm de large, préalablement enduits de plasma riche en protéines (PRP) ont été insérés symétriquement à 6 mm d'intervalle sur presque toute l'étendue de la néo-arcade. Leur partie filetée a été vissée avec appui bicortical ; les 4 mm supérieurs restants qui correspondent à la hauteur du pilier incorporé, poli miroir en périphérie, ont été enrobés par un mélange ostéoinducteur extemporané, constitué de facteurs de croissance sous forme de PRP, de copeaux osseux prélevés lors du forage et de granules d'hydroxyapatite (Interpore), le tout maintenu par un treillis en vicryl (Fig. 2A, 2B, 2C, 2D, 2E, 2F, 2G, 2H et 2I ). L'intervention a été complétée par une liposuccion de la masse graisseuse contenue dans le lambeau du grand pectoral transposé en bouche.

Les suites opératoires ont été simples. Le patient a été alimenté par sonde nasogastrique pendant 15 jours jusqu'à la cicatrisation complète de la plaie opératoire. Un contrôle clinique et radiographique régulier a assuré la surveillance postopératoire à moyen terme. Six mois plus tard, la préparation clinique et prothétique du 2e temps chirurgical a été déclenchée.

Étape prothétique

Au cabinet

• À la mandibule, les têtes implantaires situées dans le secteur antérieur ont été dénudées, ce qui a permis de constater l'ostéointégration clinique des implants; puis, des transferts ont été posés et les empreintes des transferts en place sont prises et la relation intermaxillaire est enregistrée (Fig. 3A, 3B et 3C ).

• Au maxillaire, les 4 incisives mobiles ont été extraites et les logements radiculaires ont été préparés au niveau des canines, en prévision du scellement des tenons incorporés à l'intrados de la prothèse dentaire immédiate.

Au laboratoire

L'étape de laboratoire qui a suivi a consisté en la confection :

- d'une gouttière acrylique transparente qui sera utilisée en peropératoire lors de la vestibuloplastie inférieure comme porte-greffon cutané et préparée pour être stabilisée par transvissage aux implants à travers les transferts qui y ont été incorporés (Fig. 4A, 4B, 4C et 4D ) ;

- de 2 guides, l'un au scanner et l'autre chirugical implanto-occlusal ; ce dernier, muni de dents dans le secteur antérieur, fera fonction de prothèse dentaire immédiate (Fig. 4E).

D'autre part, un guide implanto-occlusal robotisé avait été mis à disponibilité, à toutes fins utiles (Fig. 4F).

2e temps chirurgical

Le 2e temps chirurgical, effectué le 28 octobre 2002, a consisté en :

• une vestibuloplastie inférieure par :

- reconstruction des vestibules lingual et buccal suite à une dissection sus-périostée de part et d'autre de la néogrecque ;

- drapage par une greffe de peau totale, maintenue au contact des têtes implantaires par transvissage de vis de cicatrisation et stabilisée en place par la gouttière préformée, rebasée et cerclée aux fils d'acier à la néo-arcade (Fig. 5A, 5B et 5C) ;

• une chirurgie implanto-orthognatique maxillaire avec :

- la mise en place de 4 Diskimplant® (2 antérieurs paramédians et 2 latéraux) et 3 implants axiaux monoblocs du type Structure®, tous enduits prélablement de PRP ;

- une ostéotomie de Lefort I d'avancement et de bascule antérieure ; le déplacement correcteur du plateau palatin a été stabilisé par 2 miniplaques vissées (Fig. 5D) ;

- une interposition dans le foyer d'ostéotomie et apposition vestibulaire pour galbage latéral des secteurs prémolo-molaires d'un conglomérat ostéoinducteur, composé d'un mélange extemporané de PRP, de copeaux osseux, de granules d'hydroxyapatite, le tout gélifié avec du tissucol (Fig. 5E et 5F) ;

- la fermeture de l'incision muqueuse, puis le scellement de la prothèse dentaire provisoire. Aucun blocage postopératoire n'a été institué (Fig. 5G, 5H et 5I).

Étape clinique intermédiaire

Au bout de 1 mois, le patient, ne supportant plus l'encombrement endobuccal causé par les dispositifs prothétiques fixés sur ses arcades, a exigé qu'on les lui retire. On décide alors de rendre amovible la gouttière porte-greffon en déposant des fils de contention et de l'aménager en vue d'une stabilisation par attachements-boules transimplantaires. Cette manœuvre a rendu sa liberté d'action au patient, mais entravé la surveillance du port nécessaire, bien que discontinu, de la gouttière (Fig. 6A et 6B ).

Réhabilitation orale définitive

Au bout d'un second semestre de surveillance, les plaques d'ostéosynthèse ont été déposées, la cicatrisation osseuse et l'ostéointégration des implants supérieurs ayant été validées. La réhabilitation orale définitive a alors été entreprise. Après la pose des transferts, la prise d'empreintes et l'enregistrement de la relation intermaxillaire, des prothèses dentaires provisoires ont été confectionnées: la prothèse maxillaire a été fixée aux piliers naturels par scellement des tenons inclus dans l'intrados et tranvissée aux implants ostéointégrés ; la prothèse mandibulaire de type amovible supra-implantaire a été stabilisée par attachements-boules O'Ring sur une barre fraisée transvissée (Fig. 7A, 7B, 7C, 7D, 7E, 7F, 7G, 7H et 7I).

Changement de la prothèse maxillaire

Cette réhabilitation orale a été bien supportée. D'un point de vue fonctionnel, elle est assez satisfaisante. Le patient a en effet repris une alimentation subnormale, eu égard à la pathologie iatrogénique buccopharyngée. À sa demande, la prothèse maxillaire fixée est remplacée, 3 mois plus tard, par une nouvelle prothèse supra-implantaire, amovible, stabilisée par boutons-pressions sur une barre fraisée transvissée, cela dans un souci d'homogénéité avec la prothèse mandibulaire (Fig. 8A, 8B et 8C).

Discussion

Ce cas de réhabilitation totale implanto-portée concerne un patient guéri de sa lésion cancéreuse buccale, mais atteint secondairement, à la mandibule, d'une ostéoradionécrose, rebelle aux traitements médicaux et à l'oxygénothérapie hyperbare. Aussi, la résection de toute l'arcade mandibulaire et sa reconstruction immédiate par un transfert microchirurgical de péroné ont été nécessaires. Parmi les sites usuels de prélèvement osseux vascularisé, c'est le péroné qui, de par sa morphostructure, s'est révélé être le spécimen le plus approprié [1-3]. Sa longueur corporelle suffisante (26 mm) et la richesse de sa vascularisation périostée autorisent la reconstruction d'une arcade, de morphologie approximative, grâce à des ostéoctomies fragmentant le corps de l'os sans porter atteinte à la vascularisation des segments. En outre, muni de corticales épaisses, le péroné est l'os greffé le mieux adapté à la mise en place d'implants axiaux et leur insertion en bicortical, ce qui leur procure un ancrage primaire suffisamment solide, favorable à leurs mise en charge et ostéointégration rapides. La largeur originelle du péroné devenue hauteur de l'arcade déficiente met en évidence un déficit vertical interarcades important, préjudiciable à la réhabilitation orale. Ce handicap est susceptible d'être surmonté par compensation prothétique soit isolée, soit associée à une harmonisation verticale chirurgicale comme cela a été le cas dans cette observation.

La discussion peut porter sur :

- l'étape chirurgicale, à savoir les chirurgies préprothétique structurelle à la mandibule et implanto-orthognatiques maxillaires, menées en deux temps opératoires majeurs. Cette concentration des actes opératoires avait pour but d'atténuer le stress du patient, de diminuer les risques infectieux et de raccourcir la durée de la prise en charge ;

- la conception des réhabilitations orales successive immédiate après la chirurgie, en cours de convalescence et en fin de traitement.

Étape chirurgicale

Chirurgie préprothétique

L'aménagement de la morphologie buccale par chirurgie préprothétique conventionnelle a comporté 2 procédés réalisés successivement au cours de 2 interventions majeures :

- le dégraissage du lambeau par liposuccion a contribué à diminuer le volume de la masse intra-buccale antérieure, soulageant ainsi la pression sur la langue mobile refoulée vers le pharynx, et à reconstituer un néoplancher buccal ;

- la vestibuloplastie a reconstitué la néocrête et les néovestibules buccaux. Une greffe cutanée sur le lit opératoire a été apposée pour pérenniser le résultat architectural obtenu et assurer, à défaut de gencive attachée, une meilleure protection bactérienne péri-implantaire. Cependant, à la demande pressante du patient, la gouttière a été aménagée pour être amovible. Aussi, le port discontinu de cette dernière a en partie engendré les conditions propices à la nécrose, par endroits, du recouvrement cutané, dénudations recouvertes secondairement par épithélialisation dirigée.

Chirurgie implantaire mandibulaire

• Une première interrogation - hors de propos ici - aurait pu être : pourquoi les implants n'ont-ils pas été insérés dans le premier temps, simultanément au transfert microchirurgical [4] ? Après avoir jaugé les avantages et inconvénients de ce parti pris, l'équipe chirurgicale a considéré que la chirurgie implantaire serait effectuée dans de meilleures conditions techniques, par conséquent plus sécurisantes, si elle était reportée à un deuxième temps.

• Le deuxième point concerne le nombre d'implants. Les 9 implants axiaux ont été posés en vue d'une répartition harmonieuse des futures pressions fonctionnelles et parafonctionnelles sur la majeure partie de la néo-arcade. Leur nombre élevé pallie d'éventuelles déposes ultérieures. Enfin, un bridge fixe implanto-porté aurait pu être réalisé en cas de demande expresse. Cette conception prothétique n'est toutefois pas la plus appropriée pour assurer le soutien labial nécessaire dans ce cas.

• Pour diminuer l'importance de l'acte opératoire, la technique d'augmentation de hauteur de la néo-arcade a fait l'objet d'un geste conservateur, sans greffe remplacée par l'interposition du conglomérat ostéoinducteur interposé entre les piliers implantaires. Ce procédé a déjà été utilisé en chirurgie parodontale [5]. D'autres techniques plus sophistiquées et fiables de gain osseux vertical ont été décrites. Parmi celles-ci, le dédoublement du péroné aurait dû être réalisé simultanément à la reconstruction ou la distraction verticale ostéogénique.

Chirurgie combinée implanto-orthognatique maxillaire

Le décalage tridimensionnel existant entre les 2 arcades a été résolu comme suit :

- dans le sens vertical, le set-up dentaire préopératoire avait laissé entrevoir une ostéotomie maxillaire de type Lefort I avec bascule antéro-inférieure. Le décalage résiduel, étant réduit par le gain de hauteur de 4 mm environ obtenu précédemment au niveau de la néo-aracade, serait compensé par les prothèses dentaires ;

- dans le sens sagittal, par une avancée du plateau palatin ;

- dans le sens transversal, 2 composantes conjuguent leurs effets : d'une part, l'endo-alvéolie prémolo-molaire inhérente à la résorption centripète de l'arcade supérieure édentée et, d'autre part, une néo-arcade mandibulaire trop large. N'étant pas indispensable, l'expansion chirurgicale latérale correctrice n'a pas été retenue. Elle a été remplacée par l'apposition vestibulaire remodelante du conglomérat ostéoinducteur.

L'opération réalisée au maxillaire relève d'une technique implanto-chirurgico-prothétique combinée, récemment mise au point pour le traitement conservateur de l'atrophie maxillaire [6]. Elle permet en un temps de corriger la dysharmonie existant entre les bases osseuses, de procéder à la pose d'implants sur l'arcade et de stabiliser une prothèse dentaire immédiate, scellée aux éventuelles racines naturelles ou suspendue à la mésostructure maxillaire pendant la phase de cicatrisation osseuse. L'association d'implants basaux (Diskimplant®) et d'implants axiaux, microfiletés, de type Structure® crée une « unité d'ancrage multicorticale » qui renforce la stabilité primaire de l'ensemble et favorise les conditions propres à une mise en charge rapide des implants [7].

L'apport d'un conglomérat ostéoinducteur sur le site de l'intervention chirurgicale fait partie intégrante du protocole opératoire. Outre son intérêt biologique sur la qualité de la cicatrisation, l'adjonction de tissucol a l'avantage de donner corps aux éléments constitutifs du conglomérat, rendant la manipulation plus aisée, et ce jusqu'à la prise complète du gel. Ce biomatériau ostéoinducteur remplace la greffe osseuse autologue, parfois indiquée dans d'autres techniques. Il a incontestablement été un facteur déterminant dans le succès de ce procédé, en stimulant la cicatrisation osseuse, d'ailleurs survenue plus précocement que d'habitude, et l'ostéointégration implantaire [8]. Comme le laissaient entrevoir les travaux scientifiques déjà publiés, les facteurs de croissance ont favorablement influencé les suites opératoires chirurgicales et implantaires : les délais de cicatrisation osseuse ont été raccourcis ; aucune complication opératoire inhérente au terrain irradié ni aucune perte implantaire n'ont, à ce jour, été déplorées.

Dispositifs prothétiques

Sur le plan prothétique, le traitement a consisté en la pose d'un dispositif acrylique à usage pré- et peropératoire d'une part et de prothèses dentaires immédiates, provisoires et définitives d'autre part. L'avènement de l'implantologie a rendu la chirurgie prothétique composite conventionnelle obsolète. Les prothèses implanto-portées montrent en effet une stabilité satisfaisante [9-11]. Les prothèses guides, grâce aux techniques d'imagerie et de chirurgie implantaire et orthognatique, sont devenues des dispositifs d'usage dans tout acte implantaire et orthognatique. Le guide robotisé, issu de la simulation opératoire informatisée et réalisé sur modèle stéréolithographique du maxillaire, en position corrigée, constitue un dispositif peropératoire indispensable. Les différentes modalités de réhabilitations orales, réalisées tout au long du traitement, ont deux objectifs principaux : rétablir les fonctions masticatoires du patient dans les meilleurs délais conformément à ses souhaits [12] et améliorer sa morphologie faciale en soutenant les parties molles labiojugales. Dès la fin de la deuxième intervention, au cours de laquelle une assise prothétique mandibulaire avait déjà été préparée, le patient était ainsi porteur d'une réhabilitation orale provisoire stabilisée. Cette dernière était composée d'une prothèse amovible scellée aux racines de 13 et 23 et en occlusion avec la gouttière porte-greffon cerclée à la néo-arcade inférieure. Fonctionnelle, elle permettait une alimentation molle et liquide. Mais, à la demande du patient quelque peu irascible, la rétention de la gouttière porte-greffon a été modifiée. La prothèse a été aménagée extemporanément au cabinet en adaptant un système d'attache par boutons-pressions type O'Ring sur la gouttière prédisposée à cet éventuel usage.

La deuxième réhabilitation orale, supposée être définitive, comportait une prothèse mandibulaire supra-implantaire stabilisée par attachements-boules sur une barre fraisée transvissée aux implants et une prothèse maxillaire de type adjointe fixe, scellée aux racines naturelles et transvissée aux implants. Craignant d'éventuels problèmes, le patient a insisté pour que la prothèse maxillaire prévue pour être fixée soit rendue amovible comme la prothèse mandibulaire.

Initialement, l'équipe chirurgicale avait privilégié une réhabilitation orale totale fixée, notamment pour éviter, chez ce patient irradié, tout traumatisme des muqueuses buccales d'origine prothétique. Le dispositif implantaire des deux arcades a donc été prévu en conséquence, bien que cette réhabilitation n'aurait pas assuré le rôle de soutien labial nécessaire.

Conclusion

Le bilan du traitement est globalement positif. Le patient qui a obtenu gain de cause s'est déclaré satisfait avec la réhabilitation permanente réalisée. Le plan de traitement, initialement établi, s'est déroulé sans complication chirurgicale majeure ou problèmes relatifs au terrain irradié. Tous les implants ont été ostéointégrés et les foyers d'ostéotomie ont été consolidés dans des délais raccourcis. Le délai de 18 mois a été respecté. Une surveillance régulière tant sur le plan carcinologique et de la réhabilitation orale a été instaurée.

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BIBLIOGRAPHIE

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