Chirurgie-Prothèse
Lucien-Marc Benhamou * Joao Borges **
*DDS
Ex-Assistant, Université Paris-7
Le Palais Astoria
7, boulevard Carnot 06110 Le Cannet
**DDS
Clinique CEO Maló
Edificio Green Park
Avenida dos Combatentes 43, 9 °C 1600-042 Lisboa, Portugal
Suite à des études montrant des taux de succès élevés, la mise en fonction immédiate avec des implants Brånemark System® est devenue une alternative admise pour des reconstructions fixées sur des maxillaires totalement édentés. Les travaux scientifiques en cours tendent vers un développement simplifié du protocole opératoire.
L'objet de cette étude rétrospective est de vérifier la viabilité du protocole chirurgical de la mise en fonction immédiate à l'aide d'implants Brånemark System® supportant des prothèses fixées sur des maxillaires totalement édentés. Le protocole suivi a été celui du « All-on-four » développé par la Maló Clinic et appliqué à la mandibule et au maxillaire :
• 5 patientes ;
• 26 implants soutenant des bridges complets provisoires vissés en acrylique ;
• technique de la mise en fonction immédiate.
Aucun implant mis en place selon le concept de mise en fonction immédiate n'a été perdu pendant le suivi. Le taux cumulatif de succès a atteint 100 %.
Ce résultat tend à montrer que la mise en fonction immédiate avec des implants Brånemark System® utilisés sur des arcades complètement édentées est un concept viable.
This retrospective study aims at checking the viability of the the immediate implant function's surgical protocol using Brånemark System® implants supporting fixed prostheses on totally-edentulous maxilla. The protocol followed was that of « All-on-four » developed by the Maló Clinic and applied to the mandible. Five patients were treated with 26 implants supporting complete acrylic fixed prostheses. None of the implants that were set according to the concept of the immediate function was lost during the follow-up. The cumulative rate of success reached 100 %.
La mise en charge immédiate d'implants supportant des prothèses fixées est documentée par des taux de succès élevés et prévi sibles au maxillaire inférieur totalement édenté [1-7]. Le défi aujourd'hui est de développer des protocoles simples et rentables qui garantissent une mise en fonction en toute sécurité. Le concept « All-on-four » développé par P. Maló et al. [5] correspond à ces objectifs. L'idée originale est de réduire le nombre d'implants à 4 au lieu de 5 ou 6 traditionnellement. Les deux implants distaux sont inclinés pour réduire les porte-à-faux des extensions prothétiques distales. Ce protocole permet de réhabiliter un édentement complet en deux heures, après la phase chirurgicale à un coût moins élevé. L'étude portait sur 176 implants posés sur 44 patients, mis en fonction immédiatement dans la région antérieure de mandibules complètement édentées et supportant des bridges complets provisoires vissés en résine acrylique. Parmi les 44 patients, 24 ont reçu 62 implants de secours non incorporés aux restaurations provisoires, mais utilisés pour les définitives.
Au cours des 6 premiers mois, 5 implants mis en fonction ont été perdus chez 5 patients. Ce résultat se traduit par un taux cumulatif de survie de 96,7 % pour le groupe de développement et 98,2 % pour le groupe de routine. L'étude démontre que le concept « All-on-four » de mise en fonction immédiate avec des implants Brånemark System® sur des mandibules complètement édentées est un concept viable.
Le protocole chirurgical de mise en place des implants a été simplifié par l'utilisation d'un guide chirurgical spécifique qui permet le positionnement et l'inclinaison optimaux des implants. Ainsi, les conditions de mise en charge des implants sont optimales [8-10].
Le but de cet article est de vérifier, dans un cabinet d'omnipratique, la viabilité du concept standardisé « All-on-four » [5] pour la mise en fonction immédiate d'implants restaurant un maxillaire complètement édenté. Les protocoles mis en œuvre ont été identiques pour les deux maxillaires.
Cette étude clinique rétrospective a été réalisée dans un cabinet d'omnipratique privé. Au total, 16 implants symphysaires ont été posés au niveau de la mandibule complètement édentée de 4 patientes entre les foramina mentonniers par la technique de mise en fonction immédiate (« All-on-four procedure »), soit 4 implants par patiente. Sur ces 16 implants, 9 (chez 3 patientes) ont été placés dans des sites d'extractions récentes. Une 5e patiente a été traitée avec 6 implants au maxillaire et 4 implants à la mandibule en mise en fonction immédiate. Chez cette patiente, aucun de ces implants n'a été placé dans les alvéoles d'extractions.
Le critère d'inclusion retenu était des maxillaires édentés ou des mandibules avec des dents ne pouvant être conservées qui nécessitaient des reconstructions fixées selon la demande des patients. En plus des 26 implants posés et mis en fonction immédiatemment, 1 patient a reçu 2 implants et leur pilier prothétique pendant la chirurgie, dans les régions molaires droite et gauche. Ces implants n'ont pas été incorporés aux prothèses temporaires. Le groupe des réalisations mandibulaires incluait 4 femmes âgées en moyenne de 70 ans (52 à 78 ans). Les dents antagonistes étaient des prothèses amovibles complètes pour 3 d'entre elles, des dents naturelles et prothèse amovible postérieure pour la quatrième.
La réalisation au maxillaire a concerné 1 femme de 78 ans. Les dents antagonistes étaient des dents en résine sur un bridge provisoire vissé sur 4 implants mis en fonction immédiatement.
L'anesthésie du nerf dentaire inférieur bilatéral et des blocs mentonniers a été réalisée avec de la scandicaïne 2 % (Noradréaline, Septodont). Toutes les patientes ont reçu une sédation au Valium® 10 mg (Roche) avant la chirurgie. Un antibiotique (Augmentin® 1 g, Beecham) leur a été prescrit 8 h et 1 h avant la chirurgie, puis quotidiennement en postopératoire pendant 10 jours. Un corticoïde (Cortancyl® 5 mg, Hoechst Marion Roussel) a également été administré 8 h et 1 h avant la chirurgie et en postopératoire pendant 4 jours. Un anti-inflammatoire (Advil® 400 mg, Whitehall) a été prescrit en postchirurgical du 5e au 10e jour.
Des analgésiques (Topalgic® 100, Hoechst Marion Roussel) ont été prescrits en postopératoire seulement en cas de douleur. De la chlorhexidine gel 0,2 % (Elugel®, Pierre Fabre) a été badigeonnée sur l'incision et autour des implants à la fin de la chirurgie.
Les implants Mk III TiUnite® du Brånemark System® ont été posés selon la procédure standard (Fig. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19 et 20). Pour obtenir un couple final maximal de 50 Ncm moteur, le protocole de passage des forets a été modifié pour obtenir une sous-préparation des puits d'ancrage. Une fois posés, les implants ont été serrés manuellement avec une clé à torque.
Le foret d'évasement n'a pas été utilisé pour préserver l'os marginal cortical et permettre au col de l'implant de venir prendre appui. Un deuxième ancrage bicortical basal stabilise le corps de l'implant.
À la mandibule, la longueur des implants pour une mise en fonction immédiate était toujours de 15 mm et le diamètre variait de 3,75 à 4 mm. Les 2 implants les plus antérieurs suivaient l'axe anatomique de la symphyse mandibulaire, ce qui, dans des cas de résorption antéro-postérieure importante, signifie une inclinaison très lingualée.
Deux autres implants ont été placés antérieurement aux trous mentonniers avec une inclinaison distale d'environ 30° et dans le bon alignement de l'axe occlusal. Cette position de l'implant distal permet de gagner la longueur d'au moins une dent et limite la longueur du porte-à-faux [9].
Leur émergence se situait précisément en regard de la deuxième prémolaire. La possibilité de poser un implant complémentaire dans les zones postérieures aux foramina mentonniers a été également prévue.
Au maxillaire supérieur, la longueur des implants en mise en fonction immédiate variait de 11,5 à 15 mm et leur diamètre de 3,3 à 4 mm dans les zones antérieures et était toujours de 15 mm pour les zones prémolaires angulées présinusiennes.
Les implants ont été systématiquement posés à l'aide du guide chirurgical spécial (CM Guide), conçu par Paulo Maló (Maló Clinic, Lisbonne, Portugal), une bande de titane préformée pour être en relation occlusale avec la mâchoire antagoniste. Le guide a été stabilisé par une tige centrale logée sur l'axe médian dans un puits réalisé avec un foret de 2 mm. Il a ainsi guidé la mise en place des implants dans une position et une inclinaison optimales en vue d'un meilleur ancrage et appui prothétique.
Dans les cas d'extractions immédiates, les alvéoles ont été curetées des restes de tissus mous pour éviter l'infection. Les implants n'ont pas été placés dans les sites d'extraction, mais entre ces sites après régularisation de la crête osseuse à la pince gouge. Le col de l'implant n'était pas enfoui, mais prenait appui sur la crête et complétait l'ancrage bicortical, créant ainsi une meilleure stabilité primaire.
Le couple final d'insertion de l'implant dans le protocole de mise en fonction immédiate était d'au moins 50 Ncm.
Les piliers prothétiques Brånemark System® antérieurs, droits ou angulés à 17° ou 30°, ont été placés sur les implants et vissés au moteur ou à la clé dynamométrique à respectivement 35 et 15 Ncm. Les piliers postérieurs étaient toujours angulés à 30°. Les piliers ont été positionnés pour que les ouvertures d'accès des vis prothétiques de réglage sortent au milieu de la table triturante des prémolaires et molaires et en lingual pour le secteur antérieur.
Le lambeau a été réadapté et suturé avec du fil 4/0 non résorbable. Les transferts d'empreintes ont été posés sur les piliers MultiUnitTM. Le porte-empreinte individuel a été réglé. La prise d'empreinte a été réalisée en un temps par la technique du double mélange (putty-light). Les empreintes ont ensuite été retirées. Enfin, le lambeau a été suturé hermétiquement autour des piliers.
Les cylindres provisoires titane (Nobel Biocare réf. 29046) ont été reliés par une armature coulée ou par un gros fil de renfort soudé pour limiter les mouvements de torsion de la structure acrylique. Le montage des dents a été réalisé avec :
- une protection canine en latéralité travaillante :
- des contacts incisifs en protrusion ;
- aucun contact en position d'intercuspidie maximale (PIM) sur les 2 PM.
Il a été recommandé au patient d'appliquer de la glace pendant 5 à 6 h en postchirurgical.
Le bridge provisoire en résine acrylique a été essayé, puis posé de manière à ne pas déborder derrière l'implant le plus distal et donc sans porte-à-faux.
L'occlusion a été réglée.
Du gel de chlorhexidine a été appliqué sous les cylindres provisoires en titane et en périphérie des têtes d'implants.
Une nourriture molle et froide pendant 48 h est recommandée au patient.
Après 3 semaines, le bridge a été enlevé pour :
- déposer les sutures ;
- nettoyer la zone péri-implantaire avec un gel et une solution de chlorhexidine ;
- vérifier l'occlusion.
Après 3 mois, le bridge a été de nouveau déposé et les implants ont été examinés.
- fonctionnalité ;
- vérification manuelle de la stabilité de chaque implant ;
- absence de douleur à la percussion ou spontanée ;
- absence d'infection.
À la mandibule, tous les implants mis en fonction immédiatement [11] ont dépassé les 6 mois, 1 et 2 ans de succès. Aucun implant n'a été perdu (Tableau 1A, 1B et 1C). Le taux de succès cumulatif des prothèses provisoires et définitives a atteint 100 %.
Sur les 9 implants placés dans ou à proximité des zones d'extractions immédiates ou récentes (partie antérieure des foramina et tous mis en fonction immédiatement), aucun n'a été perdu. Il n'existe par conséquent aucune différence significative du taux de succès entre les implants posés près des sites d'extractions et les implants placés dans des zones osseuses cicatrisées.
Aucun incident ni échec n'est survenu au cours de l'étude.
Certains hématomes sont apparus sur les zones du sillon mentonnier latéral pouvant glisser sous les téguments de la région mentonnière. Cela est dû au décollement assez bas du lambeau gingival vestibulaire afin de visualiser :
- l'axe de la symphyse mandibulaire ;
- la situation et l'orientation du foramen mentonnier.
Certaines prothèses ont été réparées, car certaines dents se sont désolidarisées de la résine. Les problèmes ont été résolus par des réglages fins en propulsion et latéralités travaillantes et non travaillantes.
Le taux de succès des implants dans le protocole de mise en fonction immédiate décrit est comparable à celui du protocole à deux étapes [12].
Le plus important au vu des patients est le taux de succès des prothèses de 100 %, bien que certaines des prothèses ont dû être réparées pour des petites fêlures de résine.
Au cours de l'étude, on a constaté que les 2 implants supplémentaires derrière les foramina n'étaient pas nécessaires. Ils ont été inclus dans la prothèse finale dans la seule raison de satisfaire la patiente qui exigeait un support postérieur.
Il n'y a pas de statistique significative [13-16] quant aux risques d'échec des implants posés dans des zones d'extractions récentes.
La différence du taux d'échec entre ces deux types d'emplacements est inexistante dans cette étude, ce qui pourrait être une conséquence favorable du protocole anti-inflammatoire utilisé, et du petit nombre d'implants placés dans ces zones.
Dans les cas de réhabilitation implanto-prothétique sur des arcades complètement édentées, il est le plus souvent possible de placer les implants hors des sites d'extraction, particulièrement si 4 implants sont placés. Cette approche est recommandée.
Comme la majorité des pertes d'implants de type Brånemark System® a lieu pendant la période de cicatrisation ou pendant la première année de fonction [17], on peut en déduire que le taux de succès est inhérent à la procédure mise en œuvre. Par conséquent, le pronostic de succès après un an de fonction est équivalent à celui de la technique en deux étapes. Un programme de suivi a été mis en place afin de conforter ces résultats.
Le taux de succès élevé (100 %) démontre la viabilité du concept « All-on-four » proposant la mise en fonction immédiate de 4 implants Brånemark System® supportant une prothèse transitoire acrylique transvissée au maxillaire et à la mandibule.
L'inclinaison des implants distaux, antérieurs aux foramina mentonniers, permet aux prothèses définitives de supporter pas moins de 12 dents avec un porte-à-faux réduit (une molaire) et de respecter une distance interimplantaire favorable.
Le nombre de cas dans cette étude étant peu élevé, la prudence reste cependant de mise quant à l'interprétation de ces résultats. Ils n'en demeurent pas moins encourageants, considérant qu'ils ont été obtenus dans un cabinet d'omnipratique privé.
Remerciements à : Gigi Bourgarel et Isabelle Savary, assistantes dentaires.
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