Conte de Noël - Implant n° 4 du 01/11/2005
 

Implant n° 4 du 01/11/2005

 

Éditorial

Xavier Assémat-Tessandier  

Rédacteur en chef

Il était une fois un pays bien loin d'ici, nommé Utopia Occidentale, dans lequel vivait un peuple travailleur et belliqueux, redouté de ses voisins. Sa langue était universellement connue, et le pays était prospère. Au cours du temps, devant tant de richesses accumulées par un travail incessant, les Utopiens décidèrent de moins travailler, et inventèrent le repos payé. Le principe était simple : si tu as beaucoup travaillé, tu peux te reposer une semaine en étant payé. C'était...


Il était une fois un pays bien loin d'ici, nommé Utopia Occidentale, dans lequel vivait un peuple travailleur et belliqueux, redouté de ses voisins. Sa langue était universellement connue, et le pays était prospère. Au cours du temps, devant tant de richesses accumulées par un travail incessant, les Utopiens décidèrent de moins travailler, et inventèrent le repos payé. Le principe était simple : si tu as beaucoup travaillé, tu peux te reposer une semaine en étant payé. C'était un système formidable, mais une semaine, c'est court. Aussi, au fil du temps, on rajouta une deuxième semaine, puis une troisième, et ainsi de suite. Certains Utopiens décidèrent même de ne plus travailler du tout, et comme il leur fallait un peu d'argent pour vivre, on leur donna une rente. Tout cela coûtait fort cher, mais qu'importe, le pays était prospère, et de nombreux Utopiens étaient fort riches. Il fut donc décidé de répartir leur richesse entre tous les habitants. Un peu dépités au début, les riches décidèrent avant de devenir pauvres de quitter Utopia Occidentale. Ils vendirent leurs industries, source de leur richesse passée et de leurs ennuis actuels. Parmi les pays voisins d'Utopia Occidentale, la Batavia Septentrionale était un petit pays dont les habitants fort industrieux et cupides avaient amassé de très grandes richesses à travers le monde. Bien entendu, ils s'empressèrent d'acquérir les entreprises en vente en Utopia Occidentale. Au début, rien ne changea pour les Utopiens. Puis, au fil des ans, ils découvrirent la motivation profonde des Bataviens : le profit… Le profit à tout prix et à n'importe quel prix. Les Bataviens se montrèrent des dirigeants exigeants, augmentant les prix des produits tout en réduisant la qualité. Bien entendu, ceci se passa tout doucement afin de ne pas brusquer les habitudes des Utopiens.

Or, justement les Utopiens aimaient la qualité. Ils gardaient ce goût de l'époque révolue où le pays était riche, puissant, craint et admiré. La plupart des Utopiens n'avaient pas encore compris qu'ils étaient devenus pauvres. Il faut dire que la dette d'Utopia atteignait des gouffres abyssaux, car les dirigeants du pays dépensaient à tort et à travers l'argent qui n'existait plus pour offrir toujours plus de loisirs aux Utopiens. L'Utopia Occidentale était devenue un grand centre de loisirs, une sorte de gigantesque parc d'attraction, dans lequel le culte du ludique avait remplacé le goût du travail. Les Bataviens aimaient d'ailleurs venir se reposer en Utopia, où ils achetaient des masures pour en faire des résidences secondaires, avec toujours le souci de l'économie qui faisait que certains emportaient avec eux leurs provisions et le matériel nécessaire à la rénovation de leurs maisons. L'intégration des Bataviens en Utopia fut difficile, et la méfiance des Utopiens à leur égard atteignit des sommets.

Plus grave… À force de se voir proposer des produits de moindre qualité plus chers que ceux de la concurrence, les Utopiens délaissèrent cette marchandise, et les Bataviens fermèrent les entreprises utopiennes. De là, naquit sans doute la chanson traditionnelle utopienne : « Travailler c'é trop dur, ne rien faire c'é pas bon, mendier la charité c'est quekchose qu'j'peux pas faire ! »