La dent ou l'implant ? - Implant n° 3 du 01/09/2006
 

Implant n° 3 du 01/09/2006

 

Éditorial

Xavier Assémat-Tessandier  

Rédacteur en chef

Le dernier congrès Europerio5 qui s'est déroulé à Madrid en juin dernier a été riche en remises au point en ce qui concerne l'évolution de l'implantologie. Une séance réservée à la presse scientifique et dirigée par le professeur Mariano Sanz (Université de Madrid, Espagne), président du comité organisateur du congrès, a souligné les points essentiels qui devraient modifier la perception des praticiens lors du remplacement d'une dent par un implant.

Le professeur...


Le dernier congrès Europerio5 qui s'est déroulé à Madrid en juin dernier a été riche en remises au point en ce qui concerne l'évolution de l'implantologie. Une séance réservée à la presse scientifique et dirigée par le professeur Mariano Sanz (Université de Madrid, Espagne), président du comité organisateur du congrès, a souligné les points essentiels qui devraient modifier la perception des praticiens lors du remplacement d'une dent par un implant.

Le professeur Maurizio Tonetti (Université du Connecticut, États-Unis) avait déjà généré un doute dans l'assistance lors d'une présentation à l'EAO de Paris en septembre 2004, en dévoilant une partie du sujet présenté à Madrid. D'après lui, si l'on considère les 25 dernières années, on a assisté à une dérive dans notre profession conduisant les praticiens à accepter un certain nombre de dogmes, qui ne résistent pas à l'analyse des études. Parmi ceux-ci, le sentiment que le traitement parodontal n'est pas aussi efficace que nous le souhaiterions, que les implants sont plus performants que les dents naturelles parodontalement compromises en termes de pronostic à long terme, et que les implants enveloppés de leur aura « high tech » sont dépourvus d'effets secondaires négatifs. Toutes ces allégations sont fausses et contraires à l'analyse objective de la littérature.

Ainsi, le professeur Mariano Sanz a présenté une revue de littérature concernant les résultats à long terme de conservation de dents naturelles ayant nécessité un traitement parodontal. Ces résultats sont pour le moins convaincants : Hirsch et Wass (1978) sur une étude à 15 ans observent 98 % de dents conservées, Ross et al. (1978) sur 5 à 24 ans notent 97 % de dents conservées, Goldman (1986) sur 15 à 34 ans enregistre 93 % de dents conservées, et Wood (1989) sur 10 à 34 ans obtient 86 % de dents conservées. En rapprochant ces résultats des études cliniques concernant les implants : Jemt (1989), Lekholm (1994), Haas (1995) dont les résultats oscillent entre 98 et 93 %, on peut penser qu'il n'y a pas de différence. Hormis, comme le souligne le professeur Sanz, la durée de l'observation, qui ne dépasse pas 6 ans pour les implants alors qu'elle atteint 34 ans pour les dents. On n'est visiblement pas dans le même registre, et personne ne peut aujourd'hui affirmer, ni même imaginer, que les résultats obtenus à 5 ans seront identiques 30 ans plus tard.

D'où vient cette longévité des dents présentant une atteinte parodontale importante ? Une étude d'Axelsson et al. (1986) apporte une réponse ; 90 patients traités pour une parodontite sévère sont séparés en 2 groupes. Le premier est soumis à une maintenance stricte tous les 2 mois les 2 premières années et tous les 3 mois les années suivantes ; le second groupe ne subit qu'un détartrage tous les ans. Le traitement initial est le même ; seul le suivi change, avec pour résultat à 6 ans un saignement au sondage et une apparition de poches de plus de 4 mm 10 fois plus importants pour le groupe sans suivi régulier. Cela souligne l'importance de la maintenance et du suivi pour ces patients atteints de maladie parodontale.

Comme le disait Cocchetto : « les dents n'ont pas de sponsors » et, par conséquent, pas de publicité, pas de visiteurs médicaux, ni de shows mondiaux. Il ne faudrait cependant pas les sacrifier prématurément, à condition bien sûr que l'on donne enfin les moyens aux praticiens français d'en assurer efficacement la maintenance, selon les critères communément admis dans le monde entier. Il semblerait que les dernières contraintes conventionnelles imposées à la profession n'aillent pas dans ce sens, et que la France soit le seul pays au monde à nécessiter 6 ans d'études pour former des auxiliaires de santé habilités à assurer l'hygiène de la population, là où les autres nations mettent 3 ans. À moins qu'il ne faille y voir un nouvel effet pervers des 35 heures...