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Ann Wennerberg* Tomas Albrektsson**
*Dept of Biomaterials University of Göteborg Box 412 SE-405 30 Göteborg, Suède
**Dept of Biomaterials University of Göteborg Box 412 SE-405 30 Göteborg, Suède
***Dept of Biomaterials
University of Göteborg
Box 412
SE-405 30 Göteborg, Suède
L'état de surface a longtemps été considéré comme un aspect important dans l'ostéointégration des implants. L'étude plus détaillée de l'état de surface ainsi que son influence sur la réponse osseuse peuvent guider le développement et la chirurgie implantaires.
Surface texture has long been considered important in osseointegration and the finer detial of surface texture an dits effect on bone response can guide implant development and surgery.
Implant surfaces beyond micron roughness. Experimental and clinical knowledge of surface topography and surface chemitry. A. Wennerberg, T. Albrektsson. Implant 2006;12(3):195-201.
Durant ces 10 dernières années, l'état de surface implantaire à l'échelle du micromètre de résolution (« microtopographie ») a été considéré comme le facteur le plus important dans le succès du traitement implantaire. Il semblerait que des périodes de cicatrisation plus courtes et un taux de succès implantaire accru résulteraient de l'utilisation de surfaces moyennement rugueuses. Cependant, il y a un manque de preuves cliniques documentées pour étayer de telles observations. De plus, il est difficile de contrôler l'état de surface implantaire à l'échelle micrométrique sans modifier la surface à l'échelle nanométrique (« nanotopographies »). Les données cliniques actuellement disponibles se rapportent essentiellement aux modifications topographiques à l'échelle micrométrique de résolution.
Par ailleurs, même avec les meilleures techniques, la modification de l'état de surface conduit le plus souvent à une modification de la chimie de surface également, indiquant ainsi la nécessité de prendre en considération différents aspects de la surface et pas sa seule topographie. De ce fait, les tentatives pour augmenter la surface à l'échelle micrométrique peuvent en modifier la nanotopographie, ainsi que la chimie de surface ; il est à noter que ces dernières modifications de surface sont, dans de nombreux cas, souvent plus accidentelles que planifiées. Même en ayant une grande connaissance sur le déroulement complexe des événements qui peuvent suivre la micro-augmentation de la surface, comme pour la surface OsseoSpeedTM par exemple[1, 2], la forte réponse osseuse observée peut s'avérer difficile à expliquer. Certes, il y a des preuves que la microtopographie ne peut expliquer à elle seule l'intégration supérieure des implants OsseoSpeedTM[2]. Est-ce que l'intégration de l'OsseoSpeedTM est due à la modification de sa nanotopographie ou au fait que sa surface est bioactive (FIG.1) ? Une surface bioactive est capable d'établir des liaisons chimiques à travers l'interface, conduisant à un ancrage osseux rapide.
Le but de cet article est de résumer les preuves expérimentales in vivo et cliniques dont on dispose sur les modifications de surface, en prenant l'implant OsseoSpeedTM comme référence.
En s'appuyant sur les connaissances actuelles, la rugosité de surface d'un implant peut se définir comme suit : les implants lisses sont ceux dont la valeur de ruguosité Sa est inférieure à 0,5 mm ; en implantologie orale, c'est une rugosité que l'on ne trouve que sur les piliers implantaires et qui varie entre 0,1 et 0,3 mm.
Les implants peu rugueux ont une rugosité (Sa) comprise entre 0,5 et 1,0 mm. Ils sont représentés par les implants usinés Brånemark et Astra Tech, ainsi que les implants 3i à surface mordancée à l'acide.
Les surfaces moyennement rugueuses varient entre 1,0 et 2,0 mm et incluent presque tous les implants modernes, telles les surfaces TiOblastTM et OsseoSpeedTM d'Astra Tech, Ti-Unite de Nobel Biocare, SLA de Straumann et Cellplus de Dentsply-Friadent.
Enfin, les implants rugueux sont ceux dont la rugosité Sa est supérieure à 2,0 mm. Ils sont représentés par les éléments en titane projeté : citons parmi les implants actuels l'implant Frialit-2 de Dentsply-Friadent[3- 4].
Certaines études in vitro ont montré une prolifération accrue des ostéoblastes sur les surfaces moyennement rugueuses[5- 8].
Par ailleurs, il a été démontré que la rugosité de surface influence la différenciation cellulaire[9] et que l'orientation de la surface influence l'alignement cellulaire[10- 12]. Cependant, il est généralement impossible de faire des comparaisons directes entre les résultats obtenus par cultures cellulaires et les résultats cliniques, ou même les observations in vivo. Les conditions cliniques et in vivo sont complexes et dépendent des interactions entre différents types de cellules, de la présence de facteurs de croissance et autres hormones, ainsi que des stimuli de mise en charge, pour ne noter finalement que peu de différences avec les situations in vitro bidimensionnelles. Aussi, dans cet article, nous avons préféré nous abstenir de faire plus de commentaires sur les données in vitro.
Dans une série d'études réalisées sur l'os du lapin, les auteurs ont démontré qu'une surface implantaire projetée avec une déviation moyenne de hauteur d'environ 1,5 mm, une longueur d'onde d'environ 11 mm et un rapport surface développée de 1,5 semble optimale pour une bonne intégration osseuse[13]. Les surfaces peu ou très rugueuses montrent une moins bonne réponse osseuse que les surfaces moyennement rugueuses. D'autres facteurs tels que l'orientation de surface semblent avoir peu d'importance pratique[14, 15]. On ne sait pas encore très bien pourquoi les surfaces rugueuses entraînent une réponse osseuse moins bonne que les surfaces moyennement rugueuses. Les explications qui ont été suggérées, telles que la moindre stabilité ou le relarguage ionique augmenté, ne semblent pas convaincantes[13, 16]. L'un des problèmes potentiels associé aux surfaces rugueuses est une incidence accrue de mucosite et de péri-implantite[17, 18]. Pourtant, ce problème ne semble pas exister avec les surfaces moyennement rugueuses[19- 30].
Même s'il semble évident que la réponse osseuse la plus forte s'observe avec des surfaces moyennement rugueuses, les preuves cliniques de la supériorité de tels implants sont moins convaincantes. Ignorant les nombreuses comparaisons faites entre les implants moyennement rugueux bien définis et les implants peu définis (tels que les implants « usinés »), nous avons trouvé un certain nombre d'études cliniques bien contrôlées et randomisées qui comparent le succès clinique des implants usinés et des implants moyennement rugueux[21, 23, 26, 31- 34].
En général, ces études n'ont trouvé aucune différence significative entre les implants peu rugueux et les implants moyennement rugueux, même s'il y avait un léger avantage pour les implants moyennement rugueux. Ce résultat est étonnant, si l'on prend en compte l'amélioration très nette et significative observée dans la réponse osseuse avec les implants moyennement rugueux. Parmi les explications possibles, on trouve les éléments suivants :
- de nombreuses comparaisons ont été menées dans de l'os de bonne qualité - les différences auraient été plus importantes dans de l'os de moins bonne qualité ;
- des chirurgiens expérimentés - c'est-à-dire ceux qui rédigent des articles - observent de bons résultats avec n'importe quel implant ; par conséquent, les différences auraient certainement été plus importantes avec des chirurgiens inexpérimentés ;
- la quantité de réponse osseuse n'est pas probante, il importe davantage d'observer un certain pourcentage minimal d'ancrage osseux (60 % de contacts os/implant[35]).
L'importance des irrégularités de surface à l'échelle du nanomètre a récemment fait l'objet de nombreuses discussions dans le domaine de la science des biomatériaux. Cependant, à notre connaissance, il n'existe aucune donnée clinique documentée sur l'importance des nanosurfaces. D'un point de vue historique, il est à noter que les « micro-puits », initialement mis en évidence par P.I. Brånemark, étaient considérés comme essentiels pour une bonne ostéointégration. Les micro-puits de Brånemark mesuraient moins de 1 mm en taille, c'est-à-dire à l'échelle du nanomètre de résolution. Dans nos laboratoires, nous avons actuellement des projets de recherche in vivo ciblés sur l'étude respective de la réponse tissulaire aux indentations nanométriques. Ils comportent des essais pour exfiltrer les larges micro-irrégularités afin de décrire séparément les indentations nanométriques (FIG. 2A à2C). Cependant, nos résultats - de même que ceux provenant d'études in vivo réalisées dans d'autres centres - sont encore au stade expérimental. Notre conclusion concernant les nanosurfaces est qu'elles peuvent influencer la réponse tissulaire, mais que cela n'a pas encore été prouvé.
Les surfaces hydrophiles ont une énergie de surface plus élevée que les surfaces hydrophobes. Les propriétés hydrophiles ont été considérées en science des biomatériaux comme une condition nécessaire à l'intégration tissulaire, mais plusieurs implants oraux modernes, tels que les implants TiUnite et SLA[36], sont en fait hydrophobes.
Dans notre centre, nous avons mené des recherches expérimentales et cliniques sur des implants présentant une énergie de surface élevée[37] ou des propriétés hydrophiles[38] : nous n'avons pas trouvé d'avantages particuliers à de telles surfaces. Notre manque de succès avec les surfaces à énergie de surface élevée aurait pu s'expliquer par un facteur : une inévitable neutralisation biologique de l'état énergétique in vivo lors de l'insertion des implants serait due par exemple au recouvrement de la surface par le sang, ce qui réduirait l'énergie de surface initialement élevée.
Cependant, nous n'avons pas étudié l'implant SLA hydrophile actuellement commercialisé, mais nous avons observé que ces implants montrent une réponse osseuse plus forte que ne peut expliquer leur seule microtopographie[36]. Cela dit, au jour de la rédaction de cet article, l'influence exacte dans le succès clinique des implants hydrophiles demeure inconnue.
On fait souvent référence à la bioactivité, définie comme étant « la caractéristique d'un matériau implantaire qui lui permet de former une liaison avec les tissus vivants »[39]. L'avantage théorique de ces implants bioactifs est que l'ancrage biochimique qui en résulte est rapide, c'est-à-dire qu'il se produit à un moment où la liaison biomécanique réelle via l'invasion tissulaire des micro-irrégularités n'est pas encore établie. Tout comme il est difficile d'établir la différence de topographie de surface à l'échelle de résolution du micromètre ou du nanomètre, la séparation entre la « bioactivité » et une « énergie de surface » élevée peut également s'avérer difficile. Bien que les implants en titane ordinaire soient considérés comme non bioactifs, le titane peut être rendu bioactif par traitement chimique[40, 41], ou en ajoutant un revêtement de phosphates de calcium[42].
Le travail expérimental réalisé par plusieurs groupes[1, 2, 41, 43, 44] a clairement démontré que la modification des propriétés physiques, avec un contrôle de la microtopographie de surface, entraîne une réponse osseuse plus forte sur les implants modifiés. Cependant, on ne dispose pas encore de données suffisantes pour savoir si cette réponse osseuse accrue dépend réellement des propriétés hydrophiles, de l'énergie de surface élevée, de la bioactivité ou d'autre(s) facteur(s) encore inconnus comme des caractéristiques physiques de surface.
Si l'on considère les implants oraux couramment utilisés, il n'existe à ce jour aucune preuve que les surfaces anodisées TiUnite et les implants SLA ont un effet au-delà de leur surface moyennement rugueuse, comparés aux implants SL-Active[36] et OsseoSpeedTM d'Astra Tech[2], pour lesquels des facteurs autres que la microrugosité doivent jouer un rôle significatif dans la performance de l'implant. D'un point de vue clinique, il y a certaines preuves que le fait de changer la chimie de surface apporte des avantages réels, qui ne peuvent pas s'expliquer par la seule topographie de surface[30, 45, 46]. Jeffcoat et al.[30] observent de meilleurs résultats cliniques avec les implants bioactifs recouverts d'HA, comparés aux implants en titane non revêtus ; Carlsson et al.[45, 46] trouvent des résultats significativement meilleurs sur les arthroplasties de la hanche avec les surfaces OsseoSpeedTM comparées aux surfaces moyennement rugueuses conventionnelles.
Nous pensons que le centre d'intérêt orienté sur les nouveaux types d'implants oraux va changer pour passer des surfaces moyennement rugueuses vers les nanosurfaces ou vers des implants aux propriétés physiques modifiées. L'ancrage de l'implant OsseoSpeedTM peut s'expliquer par la combinaison d'une microsurface modérée avec une nanotopographie et une bioactivité de surface particulières, sans avoir pu encore évaluer séparément l'importance respective de ces deux dernières.