EUROPERIO5 - Implant n° 4 du 01/11/2006
 

Implant n° 4 du 01/11/2006

 

29JUIN-1ERJUILLET 2006 / MADRID (ESPAGNE)

Implant a suivi

Xavier Assémat-Tessandier  

Rédacteur en chef

Le congrès Europerio5, organisé par l'European Federation of Periodontology et la S.E.P.A. (Sociedad Española de Periodoncia y Osteointegracion) s'est déroulé à Madrid au début de l'été et a réuni plus de 5 000 participants venus découvrir les dernières avancées scientifiques et technologiques de la parodontologie et de l'implantologie orale. Nous avons sélectionné les communications concernant l'implantologie les plus innovantes du programme.

Conférence pour la presse scientifique dirigée par le président du comité organisateur du congrès, le Pr Mariano Sanz (Université de Madrid, Espagne)

Cette séance réservée à la presse scientifique a souligné les points essentiels qui devraient modifier la conception du plan de traitement des praticiens lors du remplacement d'une dent par un implant, en tenant compte des complications biologiques.

Implants ou traitement parodontal : bénéfices-risques (Pr Mariano Sanz -Universitad Complutense, Madrid, Espagne)

Le dilemme pour un praticien confronté à des dents présentant une atteinte parodontale sévère est soit de conserver les dents avec une maintenance soutenue, soit de les extraire et de mettre en place des restaurations implanto-portées. Le problème est lié au pronostic à long terme de chaque traitement.

D'autre part, le praticien doit tenir compte des attentes de son patient, qui souhaite une mastication efficace, une esthétique satisfaisante, la conservation de ses dents, une absence de douleur et un coût raisonnable.

Le traitement parodontal apporte un succès à long terme avec la participation du patient, comme le montre la revue de littérature concernant les résultats à long terme de conservation de dents naturelles ayant nécessité un traitement parodontal. Ces résultats sont pour le moins convaincants :

• Hirsch et Wass (1978) dans une étude à 15 ans concernant 1 464 dents ont observé 98 % de dents conservées ;

• Ross et al. (1978) sur une période de 5 à 24 ans ont relevé 97 % de dents conservées ;

• Goldman (1986) sur une période de 15 à 34 ans a enregistré, pour 636 dents, 93 % de dents conservées ;

• Wood (1989) sur 10 à 34 ans pour 164 dents a obtenu 86 % de dents conservées.

Axelsson et al. (1986) ont réalisé une étude sur 90 patients atteints de parodontite sévère qui ont bénéficié du même traitement au départ, comprenant : motivation à l'hygiène, détartrage et surfaçage, extraction des dents non conservables, chirurgie et contrôle toutes les 2 semaines les 2 premiers mois. Les patients ont ensuite été répartis en 2 groupes :

- le premier a suivi un programme de maintenance comprenant un contrôle de l'hygiène et une séance prophylactique tous les 2 mois les 2 premières années, puis tous les 3 mois les 6 années suivantes ;

- le second groupe a suivi une séance prophylactique tous les ans.

À la fin du traitement initial, les 2 groupes ont présenté des indices de saignement au sondage et une réduction des poches identiques, de 4 mm et plus. En revanche, à 3 ans, le saignement au sondage était 20 fois supérieur dans le groupe 2, et à 6 ans, 30 fois plus important dans le groupe 2. Le nombre de sites présentant des poches de 4 mm et plus était 7 fois plus élevé à 3 ans et 10 fois plus à 6 ans pour le groupe sans suivi régulier.

Cette étude montre l'importance d'un programme de maintenance régulier au cours du temps pour le maintien à long terme des résultats obtenus lors d'un traitement initial de la maladie parodontale.

Bien entendu, le traitement parodontal présente un certain nombre d'effets collatéraux, parmi ceux-ci : la sensibilité des racines exposées, l'ouverture des espaces interdentaires, une esthétique compromise par la présence de dents longues, la mobilité des dents entraînant une diminution de l'efficacité masticatoire et un inconfort au cours de la mastication du bol alimentaire. Le résultat obtenu sur le très long terme n'est donc pas dépourvu d'inconvénients pour le patient.

Mais lorsque l'on rapproche les résultats ci-dessus avec les résultats des études cliniques concernant les implants : Jemt (1989), Lekholm (1994), Haas (1995) dont les résultats oscillent entre 98 et 93 %, on peut penser qu'il n'y a pas de différence. Hormis, comme le souligne le Pr Sanz, la durée de l'observation, qui ne dépasse pas 6 ans pour les implants, alors qu'elle atteint 34 ans pour les dents. On n'est visiblement pas dans le même registre, et personne ne peut aujourd'hui affirmer, ni même imaginer, que les résultats obtenus à 5 ans seront identiques dans 30 ans. De plus, la réhabilitation implantaire n'est pas dépourvue d'effets secondaires telles les dents longues en raison de la résorption osseuse, des complications biologiques ou mécaniques et une mastication puissante et parfois difficile à contrôler pour le patient.

Pathologie et infections bactériennes autour des dents et des implants dentaires : complications pour la santé locale et générale (Pr Maurizio Tonetti - University of Connecticut Health Center, Farmington, États-Unis)

Au cours des 25 dernières années, on a assisté à une dérive dans notre profession conduisant les praticiens à accepter un certain nombre de dogmes, qui ne résistent pas à l'analyse des études. Parmi ceux-ci, le sentiment :

• que le traitement parodontal n'est pas aussi efficace que nous le souhaiterions. C'est faux ;

• que les implants sont plus performants que les dents naturelles parodontalement compromises en termes de pronostic à long terme. C'est faux ;

• que les implants enveloppés de leur aura « high-tech » sont dépourvus d'effets secondaires négatifs. C'est faux.

Toutes ces allégations sont fausses et contraires à l'analyse objective de la littérature. Les données publiées sont claires :

la maladie parodontale ne disparaît pas avec la dent ; elle reste attachée au patient.

Comme toujours, l'engouement pour un type de traitement connaît une évolution pendulaire. Il semble que la vogue et la domination des implants sur les dents aient atteint leur zénith au congrès de l'EAO en 2005, et qu'aujourd'hui, on assiste à un retour vers des traitements plus conservateurs pour les dents. Le traitement implantaire ne résout pas en effet tous les problèmes du patient comme par un coup de baguette magique, et lorsque l'issue du traitement n'est pas favorable, la gestion des complications est souvent délicate. Le Pr Tonetti résume ainsi la situation : « Les dents sont parties, les implants sont en train de partir, le portefeuille est plus léger. Je ne pense pas avoir un patient très content ».

Il est important d'assurer une maintenance rigoureuse des dents, car si nous laissons l'inflammation se développer, elle évolue en infection, et elle sort de l'environnement buccal pour devenir systémique, avec les conséquences et les risques que l'on connaît (maladies cardiovasculaires, diabète, maladies pulmonaires, et risques d'accouchements prématurés). Ceci est maintenant clairement établi par des études épidémiologiques extensives. Bien qu'il reste encore des interrogations, on peut actuellement dire sans risque d'erreur qu'en dehors de la possibilité de maintenir les dents tout au long de la vie, le traitement parodontal contribue à la santé générale des patients. Il s'avère en outre que, sans traitement approprié, les implants connaîtront la même évolution que les dents, de l'inflammation vers l'infection et la perte des implants.

Le résultat du traitement implantaire chez les patients atteints et non atteints de parodontite est différent. Des études récentes comparant les patients avec un passé parodontal distinct rapportent un nombre d'implants perdus et une perte d'os marginal supérieurs chez les sujets prédisposés à la parodontite.

Les implants dentaires peuvent-ils durer toute la vie ? (Pr Tord Berglundh -Sahlgrenska Academy, Göteborg University, Suède)

Deux questions complètent le titre de la communication : quelle est l'incidence des complications biologiques ? Si elles surviennent, peut-on les traiter ?

La péri-implantite est un terme vague, et en clinique, il faut utiliser la sonde parodontale pour tester la santé des tissus péri-implantaires. Il faut sonder et vérifier la profondeur du sondage et le saignement au sondage.

Le conférencier présente une méta-analyse publiée en 20021 qui a concerné 1 310 publications, dont 159 ont été analysées. Au final, 51 ont été retenues. Au total, 10 systèmes implantaires ont été étudiés dans ces 51 études, avec une prédominance du Brånemark System (28) suivi par le système ITI (8) et les implants Astra Tech (6). Cette analyse montre que les situations présentant le plus d'échecs sont les procédures d'augmentation, puis les implantations immédiates avec mise en charge rapide, suivies par les prothèses amovibles supra-implantaires. La présence de péri-implantite est 10 fois plus importante dans les restaurations partielles fixées que dans toutes les autres situations ; la perte osseuse est 5 fois plus importante dans les réhabilitations amovibles supra-implantaires et 4 fois plus importante pour les restaurations complètes fixées que dans les cas de prothèses partielles ou unitaires. On peut donc conclure que la restauration d'un édentement unitaire présente le moins de complications et que les prothèses amovibles supra-implantaires, en particulier au maxillaire supérieur, sont les restaurations qui présentent le plus de complications. Les prothèses fixées présentent moins de complications que les prothèses amovibles supra-implantaires. Enfin, toutes ces études rapportent peu d'information sur les conséquences de la péri-implantite, dont la présence n'est relevée que dans peu d'études.

Mais la littérature n'est pas facile à analyser. Lang, Karring et Meredith (2002) ont proposé que les études à long terme sur les patients bénéficiant d'un traitement implantaire soient prospectives et présentent des données sur des périodes de temps bien définies pour l'ensemble de la cohorte. De plus, en raison des différentes définitions du succès et de l'échec d'un implant, les auteurs d'études devraient rapporter les données de la survie des implants en combinaison avec l'incidence des complications. Enfin, les données sur les complications devraient être analysées sur la base du patient.

Ainsi, en 2005, Fransson, Lekhlom, Jemt et Berglundh ont publié une étude2 concernant la perte progressive d'os sur un ou plusieurs implants. Les critères de l'étude étaient : prothèse fixée unitaire, partielle ou complète, en place depuis 5 à 20 ans avec un contrôle radiographique au moins tous les 5 ans. Ont été exclues les prothèses amovibles supra-implantaires, les techniques d'augmentation osseuse et de régénération osseuse guidées. Au total, 662 patients ont été suivis dans cette étude. Parmi ceux-ci, une patiente, traitée pour un édentement complet mandibulaire par un bridge sur 6 implants à l'âge de 37 ans, a présenté 13 ans plus tard une perte osseuse de plus de 5 mm sur 4 des 6 implants. Le contrôle radiographique montrait que la situation était restée stable les 11 premières années, et que la perte osseuse s'est produite entre 11 et 13 ans. Comment expliquer un tel phénomène et se produit-il de façon fréquente ? Sur l'ensemble des 662 patients, 184 (27,8 %) ont présenté une perte osseuse progressive. Ils représentaient le groupe A. Comment distinguer les patients qui perdent de l'os de ceux qui n'en perdent pas ? L'âge, le sexe, la localisation ou le temps ne sont pas significatifs ; seul le nombre d'implants posés est statistiquement significatif. Ainsi, sur l'ensemble des patients, 3 413 implants ont été posés, et près d'un tiers (1 098 implants) dans le groupe A. Dans ce groupe, 6 implants en moyenne ont été posés par patient ; dans le groupe B 4,8 implants ont été placés en moyenne. On observe donc sur le long terme qu'environ 28 % des patients avec une prothèse fixée implanto-portée ont au moins 1 implant qui présente un problème de perte progressive d'os. La fréquence de perte progressive d'os est plus importante lorsque l'on examine les données par rapport aux patients plutôt qu'en considérant les résultats sur les implants. Le pourcentage d'implants atteints est plus faible que le pourcentage de patients.

La probabilité qu'un patient présente une perte progressive d'os au niveau d'un ou plusieurs implants augmente avec le nombre d'implants mis en place.

Les patients présentent-ils tous un risque de péri-implantite ? Pas forcément, mais un patient avec une parodontite sévère et qui reçoit des implants nécessitera un contrôle régulier. Dix ans plus tard, dans le cas clinique présenté, un traitement chirurgical pour éliminer les poches autour des implants est nécessaire et identique à un traitement chirurgical parodontal autour des dents.

En conclusion, on peut considérer que l'information sur l'incidence des complications biologiques dans les traitements implantaires est insuffisante, et que les méthodes de diagnostic approprié sont nécessaires. Les complications biologiques devraient être rapportées dans l'évaluation d'une procédure de traitement, patient par rapport à implant. La péri-implantite représente la complication la plus fréquente et la plus grave dans les traitements implantaires.

1. Berglundh T, Persson L, Klinge B. A systematic review of the incidence of biological and technical complications in implant dentistry reported in prospective longitudinal studies of at least 5 years. J Clin Periodont 2002;29(3):197.

2. Fransson C, Lekholm U, Jemt T, Berglundh T. Progressive bone loss to a level corresponding to 3 threads at 1 implant. Clin Oral Implant Res 2005;6(4):440.