Intérêt du système Robodent dans la conception et la réalisation d'une prothèse totale sur implants - Implant n° 4 du 01/11/2006
 

Implant n° 4 du 01/11/2006

 

Dossier technique

Jacques Millot*   Jean-Louis Roche**  


*Docteur en chirurgie dentaire
Diplôme universitaire d'implantologie chirurgicale et prothétique de l'Université Paris VII
CES de prothèse
1301, chemin de Saint-Julien
06410 Biot
**Docteur en chirurgie dentaire
Diplôme universitaire d'implantologie Nice Sophia-Antipolis
167, promenade des Flots bleus
06700 Saint-Laurent-du-Var

Le système Robodent est un système original de robotique implantaire qui se caractérise par un accès direct, sans interposition de matériel de guidage, pour le positionnement des implants. La planification informatique permet un regard tridimensionnel du volume osseux. Elle aboutit à une mise en place précise des implants, tenant compte du projet prothétique qui a permis la réalisation du scanner. La navigation guide le praticien en lui fournissant, de manière rigoureuse, le point d'émergence, l'axe et la profondeur des implants planifiés. Il a ainsi une liberté totale de mouvement. Il n'est pas gêné par le volume d'un guide chirurgical, dont la manipulation limite l'ouverture buccale et nécessite l'utilisation de forets adaptés. L'absence de lambeau améliore très sensiblement les suites opératoires. En fin de compte, la pose des implants réalisée suivant le schéma planifié autorise, dans le cas de la restauration totale décrite dans cet article, la mise en place immédiate d'une prothèse transitoire, réplique fidèle du projet prothétique.

Depuis l'utilisation des scanners à acquisition volumique, l'imagerie médicale s'est considérablement développée, entraînant les praticiens vers des manipulations informatiques spectaculaires (3D, planification...).

L'étape suivante est tout naturellement l'utilisation de ces données numériques pour piloter un outil robotisé et planifier la mise en place des implants. Les axes de forage sont établis avec précision en fonction du projet prothétique. En conséquence, la concordance entre les axes implantaires et les axes planifiés autorise la réalisation d'une prothèse transitoire et sa mise en place dès la fin de la chirurgie.

Cet article décrit le protocole de planification et de navigation, puis en présente l'application au travers d'un cas clinique.

Il faut distinguer 3 types de robotique :

- la robotique semi-active, avec utilisation de guides chirurgicaux construits à partir de modèles informatiques [1-4]. La manipulation de ces matériels n'est pas toujours confortable (volume du guide, ouverture buccale limitée, nécessité de forets adaptés...) ;

- la robotique active, où un bras mécanisé réalise une ou plusieurs opérations avec une grande précision[5]. Elle est difficilement applicable en implantologie dentaire ;

- la robotique passive, ou navigation[6] ; le geste du chirurgien est guidé avec précision à la fois par l'imagerie et la télémétrie. Robodent rentre dans cette catégorie. Ce type de robotique permet de libérer le geste du praticien pendant l'intervention. Tel est le but de la navigation[7- 8].

Navigation Robodent

Matériel

• une unité centrale PC (lecteur de CD-ROM) et un logiciel de planification ;

• une caméra de télémétrie de grande précision ;

• un écran tactile de bonne taille (17 pouces) ;

• un petit écran relais proche de la zone d'intervention ;

• un ensemble de trackers optiques solidaires :

- du patient ;

- de l'instrument chirurgical.

Le Robodent se présente sous deux formes :

- soit une unité fixe, le Navibase, qui est station de bloc opératoire (Fig. 1a) ;

- soit une unité mobile, le Lapdoc, pouvant être transportée aisément (Fig. 1b).

Protocole d'utilisation (Fig. 2)

Fabrication d'une gouttière radiologique

À partir d'une cire de dignostic, une gouttière thermoformable est réalisée. Le tracker optique est fixé par de la résine sur la zone antérieure de cette gouttière (Fig. 3a et 3b). Elle est ensuite remplie de matériau radio-opaque.

Réalisation d'une acquisition scanner

Le scanner est réalisé avec la gouttière radiologique en bouche (Fig. 4a et 4b)[9].

Enregistrement des données DICOM et transfert vers le PC

La puissance du logiciel Robodent permet d'utiliser directement les données issues du scanner sans autre traitement (Fig. 5a et 5b).

Dès le retour du scanner, le chargement de ces données universelles va permettre au praticien de réaliser son propre dentascan (Fig. 6a et 6b).

Après matérialisation des zones anatomiques à risque, les coupes transversales choisies par le thérapeute donnent beaucoup plus de précision quant au choix de la zone à étudier (Fig. 6c et 6d).

L'étude préliminaire des masses osseuses est immédiatement entreprise afin d'informer le patient des diverses possibilités. Le Robodent est un outil de communication efficace.

L'interface est constituée d'une série de boutons bien définis et accessibles aisément sur l'écran tactile.

L'obtention d'une image en 3D améliore l'évaluation des structures osseuses[10].

Planification informatique de la pose d'implant

Cette planification permet, par un aperçu tridimensionnel du volume osseux :

- le choix de l'implant dans une banque de données (marque, longueur, diamètre) (Fig. 7a) ;

- une étude densitométrique autour de l'implant (Fig. 7b) ;

- la détermination du positionnement de l'implant sur toutes les coupes axiales et coronales (Fig. 7c) ;

- la modélisation tridimensionnelle, avec effet en temps réel, qui permet de déterminer les axes prothétiques idéaux correspondant aux meilleures sollicitations mécaniques des implants (Fig. 8a et 8b) ;

- la mesure des espaces entre les implants, l'estimation des distances de sécurité vis-à-vis des structures à risque, etc.

Navigation chirurgicale[7, 8, 11]

La planification informatique réalisée, il est possible de passer à la navigation proprement dite (Fig. 9).

L'écran reprend toutes les données nécessaires à cette étape : nom du patient, types d'implants planifiés, localisation de l'émergence, axe de forage, jauge de profondeur...

La détermination de la position de la main par rapport à la zone à implanter se fait par détection à l'infrarouge pulsé, à raison de 20 cycles par seconde, et réflexion du faisceau par les billes de verre serties sur les trackers.

Grâce à la caméra de télémétrie à infrarouge ainsi qu'aux trackers optiques (Fig. 10a et 10b), le praticien retrouve l'émergence de l'implant à poser (image virtuelle des bases osseuses). Il va être guidé par des cibles qui permettront de respecter l'axe et la profondeur de forage qui avaient été déterminés lors du plan de traitement (Fig. 11).

Ce guidage donne une grande souplesse au geste chirurgical dans la mesure où le système n'est pas tributaire de fils électriques ni de guides volumineux.

Avant toute utilisation de forets, l'enregistrement du guidage est nécessaire afin de déterminer la position zéro du plan d'acquisition. Le fait de poser l'instrument sur le tracker buccal et de le présenter à la caméra enregistre automatiquement sa position : aucune manipulation informatique supplémentaire n'est nécessaire.

La détection des différents implants planifiés est automatique et se fait à la volée, ce qui permet de pratiquer des forages à la suite, et ce sur toute l'arcade.

Le point bleu sur la cible représente le point d'émergence de l'implant (Fig. 12a), le point vert, plus gros, l'axe de forage fixé par la planification.

Lorsque le point d'émergence et l'axe de forage sont respectés, la cible devient verte (Fig. 12b), ce qui signifie que le forage peut se faire en conformité avec la planification.

Une jauge de profondeur, située sur le côté de la cible, indique le niveau de forage et un signal sonore avertit que l'on a atteint la longueur prévue de l'implant à insérer.

Le praticien n'aura finalement besoin que d'un petit écran positionné le plus près possible de la bouche du patient (Fig. 13).

Cas clinique

Présentation du cas

Mme A. présente au maxillaire et à la mandibule un édentement distal bilatéral (Fig. 14). Le groupe incisivo-canin maxillaire persiste avec un état parodontal qui interdit toute conservation. Les prothèses amovibles instables sont mal supportées.

La radiographie panoramique montre un volume osseux particulièrement déprimé au niveau des sinus droit et gauche (Fig. 15).

La prescription d'un scanner et l'élaboration de 2 set-up permettent d'établir un plan de traitement global.

La patiente opte pour une restauration implantaire bimaxillaire.

Le traitement mandibulaire n'offre pas de difficulté particulière avec mise en place de 2 implants de chaque côté et construction de 2 bridges implanto-portés.

Au maxillaire, la réalisation du projet impose 2 élévations de sinus (allogreffe, Biobank) qui permettront de retrouver un volume osseux suffisant pour la mise en place d'implants (Fig. 16a à 16d.

Un scanner de contrôle est effectué 4 mois plus tard, avec le port de la gouttière en résine radio-opaque (dents radio-opaques, Ivoclar Vivadent-Technical). Ce montage servira pour la réalisation de la prothèse transitoire immédiate. Au total, 10 implants seront posés.

Les 6 implants concernant les zones édentées bénéficieront du système Robodent. Une implantation postextractionnelle sera réalisée simultanément en 13, 11, 21, 23.

Planification

L'affichage des images dans le logiciel Robodent va permettre, comme exposé plus haut, un positionnement précis des axes implantaires tenant compte de la position des dents du projet prothétique. Le type, la longueur, le diamètre et l'orientation les plus favorables des implants sur les plans mécanique et prothétique, en fonction du volume osseux, sont déterminés (Fig. 17a et 17b). En fonction de ces critères, les implants Camlog sont retenus.

Dans le cas présent, la gouttière thermoformable munie du tracker est fixée sur les dents antérieures résiduelles (Fig. 18).

Navigation

La navigation chirurgicale peut alors commencer[11].

La correspondance entre les pastilles bleue et verte sur l'écran, qui détermine avec précision les points d'impact implantaires (Fig. 19), permet un accès sans lambeaux. L'accès au site osseux se fait donc par élimination d'une pastille muqueuse et périostée à l'aide du bistouri circulaire, ou punch.

La mise en place des implants s'effectue sur écran. Le contrôle s'opère dans les trois plans de l'espace (Fig. 20a à 20c. Les 6 implants distaux sont mis en place dans ces conditions (Fig. 21a et 21b). Il est suivi par le positionnement postextractionnel des 4 implants 13, 11, 21, 23 (Fig. 22a et 22b).

Les porte-implants sont dévissés et remplacés par des piliers provisoires PEEK (poly-acryléther-éther-keton) (Camlog) (Fig. 23a et 23b) .

À ce stade, il est possible de juger la précision de la mise en place et la parfaite concordance de la planification avec la navigation.

Le bridge provisoire, élaboré à partir de la gouttière radiologique[12, 13], est mis en place, rebasé, conditionné pour dégager les embrasures puis scellé pour une durée de 4 à 5 mois (Fig. 24).

Il convient de noter l'absence de suites postopératoires[14] liée à la technique peu invasive (absence de lambeau), d'une part, et à l'intervention sous neuroanalgésie, d'autre part.

La position des implants correspond parfaitement à la planification[15] (Fig. 25).

Au bout de 4 mois, on constate l'excellente adaptation gingivale au bridge transitoire.

Réalisation de la prothèse définitive

La mise en place du bridge définitif intervient 5 mois plus tard.

L'éviction de la prothèse transitoire fait apparaître un contour muqueux de bonne qualité (Fig. 26a et 26b). L'enregistrement des positions implantaires est effectué par la méthode classique à l'aide de piliers d'empreinte, faisant toutefois appel à des capuchons de repositionnement dans l'empreinte (Camlog) (Fig. 27a à 27d.

L'armature du bridge transvissé dans les implants, élaborée à partir du modèle prothétique positif, montre l'importance du choix des positions et des axes implantaires dans cette technique (Fig. 28a et 28b). Un bridge céramo-métallique transvissé est élaboré (Fig. 29a à 29c. Les puits qui permettent le passage des vis seront ensuite obturés avec un composite.

Conclusion

La chirurgie assistée par ordinateur permet de planifier l'acte chirurgical, d'avoir un geste plus précis et de réaliser une chirurgie moins invasive, donc d'améliorer considérablement les suites opératoires.

La précision du report de la planification vers la cavité buccale permet de maîtriser et de sécuriser la mise en place des implants.

La visualisation tridimensionnelle autorise un choix optimal de la longueur, du diamètre et du profil des implants.

Dans le cas clinique exposé, le volume osseux, conforté par les deux élévations de sinus, permet un positionnement idéal par le parallélisme et une disposition des implants favorable à la réalisation d'une prothèse respectant les impératifs mécaniques, fonctionnels, prophylactiques et esthétiques.

Plus encore qu'avec d'autres systèmes, avec le Robodent, la prothèse précède la chirurgie puisque la mise en place de la prothèse transitoire découle directement du projet prothétique qui a permis le positionnement des implants.

Ce protocole s'affranchit enfin de l'utilisation de guides chirurgicaux souvent difficiles à mettre en oeuvre et qui peuvent, même réalisés à partir d'éléments informatiques, générer des erreurs.

Remerciements

La prothèse a été réalisée par le Laboratoire RVB (89, boulevard du Point-du-Jour - 06700 Saint-Laurent-du-Var - Tél. : 04 93 14 13 25).

Nota Bene

Les professeurs Tim Lueth et Jeurgen Bier, Hôpital de la charité à Berlin, ont créé et développé le système Robodent.

ADRESSE DES DISTRIBUTEURS

ROBODENT - CAP TECHNOLOGIE INTERNATIONAL - 167, PROMENADE DES FLOTS-BLEUS - 06700 SAINT-LAURENT-DU-VAR - TÉL. : 04 93 56 11 11 - @hotmail.com

DENTS RADIO-OPAQUES - IVOCLAR VIVADENT-TECHNICAL - BP 118 - 74410 SAINT-JORIOZ CEDEX - TÉL : 04 50 88 64 00 - FAX : 04 50 68 91 52 -

BIOBANK - ZA LAVOISIER - 4, RUE LEBON - 77220 PRESLE-EN-BRIE - TÉL. : 01 64 42 00 75 - biobank.fr

CAMLOG - ALTA MEDICA - 2, RUE JEAN-BAPTISTE-HUET - 78350 JOUY-EN-JOSAS - TÉL. : 01 39 45 94 35 - FAX : 01 39 45 93 35 -

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