EUROPERIO5 - Implant n° 1 du 01/02/2007
 

Implant n° 1 du 01/02/2007

 

29 JUIN-1ER JUILLET 2006 / MADRID (ESPAGNE)

Implant a suivi

Xavier Assémat-Tessandier  

Rédacteur en chef

Dans le précédent numéro d'Implant, nous avons résumé la séance réservée à la presse pendant le congrès Europerio5, organisé par l'European federation of periodontology et la SEPA (Sociedad Española de Periodoncia y Osteointegracion). Parmi les séances scientifiques, nous avons sélectionné les communications concernant l'implantologie les plus innovantes du programme.

Infections bactériennes autour des implants

Péri-implantite et parodontite : 2 entités séparées (Pr Tord Berglundh - Sahlgrenska Academy Göteborg University, Suède)

Les symptômes de la maladie parodontale sont connus depuis longtemps : présence d'une poche diagnostiquée par le sondage, avec saignement au sondage. L'article de Berglundh et Donati1 a déterminé les caractéristiques phénotypiques des cellules présentes dans les lésions parodontales. La péri-implantite présente également des caractéristiques cliniques et histopathologiques, dont l'augmentation de la profondeur de sondage accompagnée d'un saignement, avec une perte osseuse visible radiologiquement. Dans l'exemple clinique présenté d'une réhabilitation implanto-portée mandibulaire postérieure sur 3 implants vis à surface usinée, la stabilité osseuse à 3, 5 et 8 ans est parfaite. À 10 ans, on observe une perte osseuse de 5 spires, soit les 2/3 de la longueur de l'implant distal de 7 mm. Cliniquement, on observe une inflammation de la muqueuse péri-implantaire autour du dernier implant, avec saignement au sondage. Dans un article publié en 2004, Berglundh et al. ont suivi 12 sites présentant une péri-implantite chez 6 patients2. Les résultats montrent que les tissus mous présentent des zones de tissu conjonctif infiltré de grande taille, dans lesquels les cellules plasmatiques, lymphocytes et macrophages, se trouvent en grand nombre. De nombreuses cellules PMN sont observées non seulement dans les poches épithéliales et les régions proches des lésions, mais également dans les compartiments périvasculaires à distance de la surface implantaire.

La lésion s'étend toujours apicalement à la poche épithéliale, et la portion apicale des tissus mous est composée de tissu conjonctif sévèrement infiltré.

Quelle est la fréquence de la péri-implantite ? La revue de littérature de Berglundh et al. 3 (cf. Implant 2006;12(4):293) a été à nouveau développée pour souligner qu'il existe peu d'informations sur la fréquence des péri-implantites, et que le terme de péri-implantite n'est inclus que dans peu d'études.

De même, l'étude de Fransson et al. publiée en 20054 (cf. Implant 2006;12(4):294), a été reprise. Deux conclusions en ont été tirées : sur le long terme, environ 28 % des patients avec une prothèse fixée implanto-portée ont au moins un implant qui présente un problème de perte progressive d'os ; la probabilité qu'un patient présente une perte progressive d'os au niveau d'un ou plusieurs implants augmente avec le nombre d'implants mis en place.

Différentes études animales étudient la progression de la péri-implantite, et peuvent servir de base de réflexion pour la compréhension du développement de la maladie chez l'homme. La première étude de Zitzman et al. en 20045 propose un modèle animal sur le chien pour étudier la progression d'une péri-implantite déclenchée expérimentalement. Sur 5 chiens Labrador, une péri-implantite est déclenchée par des ligatures posées autour d'implants vis en titane usiné, laissées en place jusqu'à ce que l'on observe une perte de 30-40 % du support osseux autour des implants. Les ligatures sont alors déposées, et on laisse la situation évoluer spontanément pendant 12 mois. Les résultats montrent que 5 implants ne perdent pas davantage d'os, 10 implants perdent 1 mm, 2 implants perdent 2 mm, et 4 implants perdent plus de 2 mm d'os. On peut donc conclure que la péri-implantite déclenchée par des ligatures peut encore progresser après la dépose des ligatures. En outre, dans certains sites, après la dépose des ligatures, on observe une encapsulation de la lésion destructive inflammatoire. Cependant, la majorité des sites montrent une augmentation de la perte osseuse pendant les 12 mois d'évolution spontanée. Ce modèle animal va être repris pour étudier d'autres facteurs, par exemple : la progression spontanée d'une péri-implantite est-elle différente sur des implants présentant des surfaces rugueuses ou usinées ?

Une étude à paraître en 2007 de Berglundh et al. 6 compare la progression d'une péri-implantite expérimentale sur des implants présentant des surfaces polies et SLA chez 5 chiens Beagle. Les ligatures sont retirées lorsque la perte osseuse atteint 30-40 % autour des implants. On laisse une période de 5 mois au développement spontané des lésions. Puis on pratique un examen et des biopsies. Si on observe le changement de niveau osseux pendant la phase de destruction active, il est de 2,67 mm pour les surfaces lisses et de 2,51 mm pour les surfaces SLA, la différence n'est pas significative. En revanche, si on regarde la progression spontanée après la dépose des ligatures, elle est de 0,07 mm pour les surfaces lisses et de 1,06 mm pour les surfaces SLA ; ce qui est statistiquement significatif. D'autre part, les biopsies montrent que la surface de tissu conjonctif inflammatoire est 2 fois supérieure pour les surfaces SLA, et que la surface de biofilm est 4 fois supérieure pour les surfaces SLA.

L'étude conclut que la progression spontanée d'une péri-implantite induite par des ligatures est plus importante sur les implants présentant une surface rugueuse que sur les implants avec une surface lisse.

Une autre étude, également à paraître en 2007, réalisée par Albouy et al., analyse la progression et la réponse au traitement de 4 implants différents mis en place sur 6 chiens Labrador7. Les implants sélectionnés présentent des surfaces différentes : SLA (ITI Dental Implant System), TiOblastTM (Astra Tech Dental), TiUnite® (Nobel Biocare) et usiné (Implant Innovation Inc., 3i). La péri-implantite est déclenchée par ligature, et interrompue lorsque la perte osseuse autour des implants atteint 30-40 %. Un côté est laissé sans traitement ni contrôle de la formation de la plaque. De l'autre côté, un traitement chirurgical avec nettoyage mécanique (sans antibiotique ni antiseptique) et contrôle de plaque est réalisé pendant les 5 mois suivant la dépose des ligatures. L'examen au bout de ce délai montre que, du côté sans traitement, la perte osseuse est continue ; en revanche, du côté avec traitement chirurgical suivi de contrôle de plaque, la perte osseuse est stoppée. On constate même une légère amélioration de la perte osseuse. Si on observe le comportement des implants du côté sans traitement, il n'y a pas de différence entre les implants. Par contre, du côté avec traitement, les implants avec surface usinée, SLA et TiOblastTM récupèrent une partie de la perte osseuse, mais les implants avec surface TiUnite® présentent une perte osseuse continue identique à celle des implants TiUnite® du côté sans traitement. En conclusion, la progression de la péri-implantite se produit pour toutes les surfaces implantaires du côté sans traitement. Le traitement chirurgical avec nettoyage mécanique a arrêté la perte osseuse et entraîné la résolution des lésions péri-implantaires sur les implants usinés SLA et TiOblastTM. Par contre, pour les implants TiUnite®, la progression de la péri-implantite avec perte osseuse continue malgré le traitement.

En résumé, la péri-implantite et la parodontite ont beaucoup de caractéristiques cliniques en commun. Les lésions péri-implantaires sont moins régulées et montrent davantage d'agressivité que les lésions parodontales. La péri-implantite progresse plus rapidement que la parodontite. La progression et le résultat du traitement de la péri-implantite dépendent des caractéristiques de la surface de l'implant.

Prise de décision dans le traitement des maladies parodontales sévères

Traitement parodontal versus mise en place d'implant (Pr. Maurizio Tonetti - University of Connecticut Health Center, Farmington, États-Unis)

Selon certaines suppositions et principes communément admis :

- il est difficile de modifier le pronostic de dents parodontalement compromises ;

- les implants présentent de meilleurs résultats que des dents compromises chez les patients présentant une parodontopathie ;

- la prédisposition à la perte d'implant est indépendante de la prédisposition à la parodontite.

En fait, le traitement implantaire présente des résultats à moyen terme identiques à ceux obtenus à long terme sur des dents parodontalement compromises.

Dans une étude publiée en 2000, Tonetti et al. observent 0,11 dent perdue par an et par patient au cours de la maintenance.

Pour les traitements des défauts intra-osseux, la régénération tissulaire guidée donne les meilleurs résultats par rapport aux autres techniques (curetage, lambeau d'accès, DFDBA ou Emdogain®). Dans une étude de Cortellini et Tonetti8 sur le suivi de patients traités par RTG, la perte d'attache à 12 ans à 2 mm est présente chez 30 % des patients. Mais si on sépare les patients fumeurs des patients non fumeurs, on note une différence importante dans la perte d'attache ( 2 mm). Elle concerne 10 % des patients non fumeurs, et environ 70 % des patients fumeurs.

Au bout de 12 ans, les non fumeurs ont conservé toutes leurs dents ; plus de 20 % des dents ont été perdues chez les fumeurs au bout de 7 ans.

Fiorellini et al. ont publié, en 2003, une méta-analyse sur la régénération osseuse guidée pour l'augmentation de crête et la mise en place d'implant. Au total, 13 études concernant 1 741 patients ont été retenues ; 3 seulement étaient contrôlées. Le taux de survie des implants est de 96 % à 5-7 ans, sans différence apparente entre les implants mis en place dans l'os natif ou régénéré.

Pour le traitement des furcations, les études à long terme montrent une perte accrue des dents présentant une furcation par rapport aux autres dents du patient (31 et 7 % sur 22 ans pour Hirshfeld et Wasserman en 1978, 57 et 10 % pour Mc Fall sur 19 ans en 1982, enfin 43 et 13 % sur 22 ans pour Goldman et al. en 1986). Si l'on examine la classification des furcations, on sait qu'une furcation de classe III est réfractaire aux traitements régénératifs, alors que les furcations de classe II présentent des résultats imprévisibles (de 0 à 90 % de succès selon les cas). Il existe donc un décalage important entre la classe II et la classe I.

Sören Jepsen a publié une méta-analyse des traitements des furcations par régénération tissulaire guidée. Une alternative de traitement est la séparation radiculaire, qui, d'après la méta-analyse de Buhler en 1994, montre de faibles taux d'échecs à moyen terme : 17 % pour Hamp sur 24 dents, 5 % pour Carnevale sur 185 dents, 11 % pour Buhler sur 28 dents, 20 % pour Langer sur 100 dents, soit une moyenne de 11 % d'échecs à 7 ans et plus.

Ces résultats sont comparables avec les taux d'échecs des implants mis en place dans les secteurs postérieurs : 8 % sur 0 à 4 ans pour van Steenberghe (1989), 21 % sur 2 ans pour Pylant (1992), 7 % sur 2 ans pour Bahat (1992), 8 % sur 8 ans pour Lekholm (1994), 14 % sur 0-5 ans pour Balshi en 1995, 8 % sur 8 ans pour Buser (1997). Ils ne révèlent pas, en tout cas, une supériorité en faveur des implants. Dans la plupart des cas, le remplacement des molaires maxillaires présentant des furcations par des implants nécessite une augmentation osseuse par soulèvement du plancher sinusien.

Wallace et Froum ont publié en 2003 une méta-analyse portant sur 43 études, incluant 3 354 greffes et 6 443 implants. Les résultats montrent un taux de survie des implants allant de 62 à 100 %, avec un taux moyen de 92 % proche de celui observé pour des implants placés dans de l'os natif.

Fugazzotto a, en 2001, comparé la résection de racine pour conserver une dent et la mise en place d'un implant. Dans cette étude rétrospective portant sur l'observation de 701 dents sur une durée de 15 ans et de 1 472 implants sur une durée de 13 ans, le taux de survie des dents est de 96,8 % et celui des implants est de 97 %.

La littérature ne corrobore pas les hypothèses couramment admises, à savoir : les implants ont des performances supérieures à celles des dents chez les patients présentant des problèmes parodontaux ; et la perte d'implant est indépendante de la prédisposition à la maladie parodontale.

Weyant et Burt ont en 1993 montré que la perte d'implant était rare (p = 0,11) lorsque l'on regroupe tous les patients ; en revanche, lorsqu'un patient perd un implant, la probabilité de perdre un deuxième implant augmente considérablement (p = 1,3).

Il existe donc des groupes de patients à risque d'échecs élevé. Parmi ces risques, on peut citer en premier le tabac, une hygiène buccale insuffisante.

Viennent ensuite la prise de certains médicaments, l'ostéoporose et, pour certains, le diabète.

Ellegaard et al. ont réalisé, en 1997, une étude rétrospective concernant la pose d'implants chez 75 patients traités pour un problème parodontal. Au total, 124 implants (Bonefit et Astra) ont été posés et suivis pendant 5 ans. La survie des implants, l'évaluation de la perte osseuse et de la formation de poches a été analysée selon la méthode de Kaplan-Meier. Les résultats montrent un accroissement de la perte osseuse observée radiographiquement au cours du temps. Ainsi, une perte osseuse à 1,5 mm est relevée sur 4,4 % des implants à 1 an, 14 % des implants à 3 ans et 44,7 % des implants à 5 ans. Les résultats pour les pertes osseuses 3,5 mm suivent la même augmentation, passant de 2,8 % des implants à 1 an à 7 % des implants à 3 ans et 20,8 % des implants à 5 ans. Pour la profondeur de poche au sondage 4 mm, elle concerne 10 % des implants à 1 an, 36,9 % à 3 ans et 82,2 % à 5 ans. Si on observe la profondeur de poche 6 mm, elle intéresse 3,7 % des implants à 1 an, 7,6 % à 3 ans et 30,5 % à 5 ans.

Cette étude montre donc une dégradation importante dans le temps de l'ostéointégration des implants posés chez des patients présentant des antécédents de maladie parodontale.

Depuis, d'autres études sur les conséquences de la péri-implantite ont montré des résultats équivalents. Ainsi, Brocard et al. (2000), sur une étude à 7 ans concernant 1 022 implants dont 375 placés chez des patients « parodontaux », observent un taux de survie de 89 % chez les patients sans antécédents parodontaux et de 75 % pour les autres, soit 2 fois plus d'échecs pour les patients ayant eu une parodontopathie.

Hardt et al. (2002) dans une étude à 5 ans sur 346 implants dont 87 chez des patients ayant présenté une parodontite remarquent 3 % d'échecs implantaires chez les patients « normaux » et 8 % chez les patients « parodontaux ».

Pour Karoussis et al. (2003), sur 112 implants dont 21 posés chez des patients avec un passé de maladie parodontale, le taux d'échec des implants à 10 ans est de 3 % pour les patients « normaux » et de 9 % pour les patients « parodontaux ».

Enfin, l'étude d'Evian et al. (2004) sur 149 implants dont 77 posés chez des patients « parodontaux » montre à 10 ans 8 % d'échecs pour les patients normaux et 21 % pour les patients « parodontaux ».

En revanche, il existe peu d'informations sur la fréquence de la péri-implantite.

Pour Berglundh et al. (2002 et 2005), 28 % des patients avec une réhabilitation implantaire vont développer une péri-implantite malgré une maintenance efficace.

Dans l'étude de Karoussis et al., la fréquence de péri-implantite au bout de 10 ans est de 28,6 % chez les patients qui ont eu une maladie parodontale auparavant ; elle n'est que de 5,8 % chez les patients sans passé de maladie parodontale. La différence entre les deux groupes est significative dès la première année, et s'accentue au cours du temps.

L'apparition clinique d'une parodontite s'accompagne d'une infection nécessaire, mais pas suffisante, car il faut en plus une susceptibilité individuelle du patient à la maladie qui dépend de facteurs génétiques et environnementaux. Ainsi, Feloutzis et al. montrent en 2003 que la perte osseuse autour des implants est augmentée chez les patients présentant un passé de maladie parodontale, associé à un génotype IL-1 positif et un tabagisme élevé. Cette étude est à rapprocher de celle de Mac Guire et Nunn en 1999 sur l'incidence du génotype IL-1 et du tabagisme sur la perte des dents au cours du temps pendant la maintenance parodontale. En prenant pour base les patients non fumeurs avec un PST négatif, la perte des dents est doublée chez les patients non fumeurs présentant un PST positif, et multipliée par 8 chez les patients fumeurs présentant un PST positif.

En conclusion, on ne peut pas affirmer que les implants ont des performances supérieures à celles des dents compromises chez les patients présentant une maladie parodontale. Ils peuvent tout au plus présenter des performances équivalentes aux dents compromises chez les patients présentant une maladie parodontale. De même, il est erroné de dire que la prédisposition à la perte d'implant est indépendante de la prédisposition à la parodontite. Elle est plutôt associée à la prédisposition à la parodontite. Aussi, le traitement parodontal ne doit pas être opposé au traitement implantaire, mais doit y être associé en fonction de l'évolution de l'édentement.

1. Berglundh T, Donati M. Aspects of adaptive host response in periodontitis. J Clin Periodontol 2005;32(suppl.6):87-107.

2. Berglundh T, Gislason Ö, Lekholm U, Sennerby L, Lindhe J. Some histopathological characteristics of human periimplantitis lesions, J Clin Periodontol 2004;31(5):341-347.

3. Berglundh T, Persson L, Klinge B. A systematic review of the incidence of biological and technical complications in implant dentistry reported in prospective longitudinal studies of at least 5 years. J Clin Periodont 2002;29(3):197-212.

4. Fransson C, Lekhlom U, Jemt T, Berglundh T. Progressive bone loss to a level corresponding to ≥ 3 threads at ≥1 implant. Clin Oral Implant Res 2005;6(4):440.

5. Zitzman NU, Berglundh T, Ericsson I, Lindhe J. Spontaneous progression of experimentally-induced periimplantitis, J Clin Periodontol 2004;31(10):845-849.

6. Berglundh T, Gotfredsen K, Zitzmann NU, Lindhe J. Spontaneous progression of periimplantitis at implants with smooth and rough surfaces. Soumis pour publication en 2007.

7. Albouy P, Abrahamsson I, Persson L, Berglundh T. Progression and treatment of periimplantitis at implants with different surfaces. Soumis pour publication en 2007.

8. Cortellini P, Tonetti MS. Long-term tooth survival following regenerative treatment of intabony defects. J Periodontol 2004;75(5):672-678.