Recherche - Implant n° 2 du 01/05/2007
 

Implant n° 2 du 01/05/2007

 

Éditorial

Xavier Assémat-Tessandier  

Rédacteur en chef

Peut-on faire systématiquement confiance aux études publiées ? C'est une question importante puisque aujourd'hui la profession se dirige vers un exercice fondé sur la preuve, laquelle preuve est apportée par les études scientifiques publiées et validées par des experts selon des critères définis. L'intention est louable, mais dans la réalité le résultat est-il aussi fiable que nous le souhaiterions ? Un certain nombre d'effets pervers viennent en effet perturber la réalisation...


Peut-on faire systématiquement confiance aux études publiées ? C'est une question importante puisque aujourd'hui la profession se dirige vers un exercice fondé sur la preuve, laquelle preuve est apportée par les études scientifiques publiées et validées par des experts selon des critères définis. L'intention est louable, mais dans la réalité le résultat est-il aussi fiable que nous le souhaiterions ? Un certain nombre d'effets pervers viennent en effet perturber la réalisation et la publication des études en implantologie.

Idéalement, le processus de mise sur le marché d'un système implantaire devrait suivre un cycle de mise au point et d'études mécaniques, suivi par des études animales et enfin des études cliniques, si possible multicentriques, avant leur commercialisation. C'est un cycle normal dans le domaine médical, mais qui n'est pratiquement jamais suivi dans le domaine de l'implantologie dentaire. On devrait le regretter même si la majorité de la profession pense qu'il ne faut pas rêver. Dans la réalité de notre domaine, le cycle se transforme en mise au point d'un système, avec parfois quelques études animales préliminaires, suivi de sa commercialisation. Dans certains cas, des études cliniques accompagnent le développement commercial du système.

De nombreux systèmes commercialisés aujourd'hui ne font même pas d'études animales ou cliniques, laissant aux praticiens le frisson de l'exploration des possibilités et des limites des implants proposés. Les quelques systèmes implantaires qui font l'objet d'études se heurtent au problème de la recherche, animale ou clinique : son coût. Très peu de laboratoires indépendants ont des budgets suffisants pour leur permettre de développer ces études. Le financement est alors fourni en grande partie par l'industrie qui commandite une étude, et c'est à partir de là que les risques de manipulation interviennent.

Le premier se trouve au niveau du droit de publication que le commanditaire se réserve au vu des résultats obtenus. C'est une pratique déjà ancienne, qui fait que lorsque l'on compare un système A à un système B, le fabricant de A se réserve le droit de la publication de l'étude qu'il finance dans la mesure où elle apporte la preuve scientifique de la supériorité de A sur B. Dans le cas contraire, le financeur n'autorise pas la publication de l'étude, et le public ignore complètement le résultat négatif du système qu'on lui propose. Il serait aussi intéressant aujourd'hui de connaître la liste des travaux non publiés, quelles qu'en soient les raisons, que de se plonger dans l'étude des publications « validées » par leur commanditaire en raison de leur résultat favorable.

Le second risque se situe dans la pression exercée par l'industrie sur la presse professionnelle chargée de publier les études. C'est un phénomène beaucoup plus récent, et la dépendance des revues au niveau des budgets publicitaires de l'industrie augmente le danger de cette pratique. Ainsi, à la fin de l'année dernière, une revue anglo-saxonne majeure en implantologie a publié une étude monocentrique, réalisée dans un cabinet dentaire privé, assez critique sur un type d'implant produit par un des leader du marché implantaire. Ce qui jusque-là est plutôt rassurant, l'indépendance de la presse étant préservée. Mais ce qui est pour le moins étonnant, c'est que cet article a fait l'objet d'un droit de réponse par le concepteur de l'implant pour démolir l'étude et ses résultats, et rétablir le bien-fondé de son implant au vu de ses résultats personnels. Je ne critique pas la possibilité du droit de réponse, qui est indispensable. Je m'étonne toutefois, compte tenu des impératifs d'une revue, que ce droit de réponse figure dans le même numéro que l'article osant s'attaquer au politiquement correct, selon lequel tous les implants commercialisés présentent tous les avantages souhaités. Normalement, un article est soumis à la lecture de 2 ou 3 membres du comité de lecture de la revue à laquelle il est soumis. Le comité doit être indépendant et impartial, ne jugeant que le caractère scientifique, la validité de la méthode utilisée et l'interprétation des résultats de l'article. Que le concepteur d'un implant - ne faisant pas partie du comité de lecture d'une revue - soit averti de la publication d'un article défavorable à son implant dans ses résultats à moyen terme pour démolir ledit article est une pratique préjudiciable à la diffusion d'une connaissance rigoureuse fondée sur la preuve scientifique, et montre les limites de la sponsorisation des études par les firmes implantaires.