ADF 2006 - Implant n° 3 du 01/09/2007
 

Implant n° 3 du 01/09/2007

 

24 NOVEMBRE 2006 / PARIS (FRANCE)

Implant a suivi

Compte rendu

Xavier Assémat-Tessandier  

Rédacteur en chef

Le congrès de l'ADF a accueilli le Pr Eric Rompen, chef de service du département de parodontologie et de chirurgie buccodentaire de l'Université de Liège (Belgique) pour un cours sur la simplification des procédures en implantologie afin de faire le point sur les propositions actuelles de traitement.

Dans les années 80 et 90, les facteurs clés pour obtenir le succès en implantologie étaient de 3 ordres, à savoir :

- visualiser les structures anatomiques par des lambeaux larges ;

- utiliser un système enfoui en 2 pièces (la partie intra-osseuse est séparée de la partie transmuqueuse) pour les équipes suédoises (ce qui était contesté par les équipes suisses qui préconisaient un système non enfoui en une pièce) ;

- attendre 3 à 6 mois pour mettre en charge les implants.

Le respect de ces protocoles conduisait à des taux de succès de 90 à 95 % à 5 ans. Le défi aujourd'hui consiste à maintenir ce taux de succès, voire à l'améliorer tout en :

- réduisant la douleur et le traumatisme chirurgical ;

- raccourcissant le temps du traitement ;

- améliorant le confort et la satisfaction du patient ;

- augmentant les indications.

Comment ce défi peut-il être relevé ? Par l'utilisation des nouvelles surfaces implantaires, qui permettent de modifier l'approche du traitement implantaire. Ainsi, la pratique actuelle du Pr Rompen se déroule systématiquement en un seul temps chirurgical, selon une technique « flapless » (sans lambeau) dans 75 % des cas traités, avec un délai de mise en fonction maximal de 4 mois (pour les greffes de sinus maxillaire) et une mise en fonction immédiate dans certains cas sélectionnés, car la mise en charge immédiate peut augmenter le risque d'échec.

Mise en fonction immédiate

La mise en fonction immédiate, avec la planification chirurgicale et prothétique par le NobelGuideTM, est une révolution pour le patient. Elle se fait toujours avec un bridge provisoire. Le défaut vient du positionnement osseux de l'implant et de la récession gingivale observée avec un col lisse transmuqueux. Une autre solution lors de l'extraction/implantation immédiate consiste à utiliser un implant qui stabilise les tissus mous ; l'objectif est donc d'avoir des composants implantaires adaptés.

Les prérequis pour la mise en fonction immédiate sont la stabilité primaire de l'implant pour éviter les micromouvements de l'implant dans l'os, ce qui dépend de l'adresse du chirurgien, de la densité osseuse et de la forme de l'implant. Ainsi, si on place, dans un os de type 4 (peu dense), un implant vis cylindrique avec un forage standard inadapté, on n'obtient pas de blocage à 10 Ncm. En revanche, dans le même os, mais avec un implant conique et une sous-préparation du site, le blocage se fait à 35 Ncm. À l'inverse dans un os dense (type 1), il ne faut pas exagérer le trauma chirurgical, car on risque une résorption osseuse et la perte de l'implant.

Après avoir obtenu cette stabilité primaire lors de la mise en place de l'implant, il faut la maintenir pendant les premières semaines ; c'est là que les surfaces rugueuses apportent leurs avantages en :

- augmentant la surface disponible pour l'ostéointégration ;

- augmentant l'accrochage de l'os sur l'implant ;

- améliorant et accélérant la cicatrisation osseuse.

En effet, les surfaces rugueuses ont un effet ostéoconducteur qui accélère l'ostéointégration, car l'ostéogenèse de contact se développe 30 à 50 fois plus rapidement que l'ostéogenèse à distance, ceci par la rétention du caillot de fibrine sur la surface rugueuse.

Ainsi, dans une pratique courante, les surfaces rugueuses permettent une augmentation significative des taux de succès à court terme (5 ans), un élargissement des indications dans les cas difficiles, la systématisation de la chirurgie en un temps, et le développement de la mise en fonction immédiate. Par contre, le comportement de ces surfaces à 10 ans est inconnu.

Le remodelage et la préservation de l'os marginal dépendent de plusieurs paramètres, parmi lesquels on peut citer une chirurgie atraumatique, la conception de l'implant, la charge à laquelle l'implant est soumis, et la barrière des tissus mous. La barrière des tissus mous dépend elle-même de la biocompatibilité des composants, de la stabilité des tissus, du biotype de la muqueuse et des procédures prothétiques. Le joint biologique est une barrière de tissu mou qui isole et protège l'os de l'environnement extérieur, car les implants transpercent la muqueuse buccale entraînant une communication entre la partie interne du corps et l'environnement extérieur. Une barrière étanche est nécessaire pour empêcher la pénétration bactérienne, c'est le rôle de l'espace biologique. Il est formé par un épithélium de jonction (sur 2 mm) et du tissu conjonctif (sur 1 à 1,5 mm), et ne dépend pas de la chirurgie en 1 ou 2 temps, ni des implants en 1 ou 2 pièces (Listgarten, 1996 ; Abrahamson et al., 1996 ; Weber et al., 1996 ; Ericsson et al., 1996 ; Lindhe et Berglundh, 1998 ; Abrahamsson et al., 1999). L'épithélium de jonction présente une adhésion par l'intermédiaire d'hémidesmosomes et d'une couche basale. La position de l'épithélium dépend du tissu conjonctif, et de par l'absence de cément, il n'y a pas d'insertion des fibres conjonctives sur les composants transmuqueux se traduisant par une résistance mécanique faible. Il n'y a pas réellement de gencive « attachée », et il faut chercher à améliorer l'ancrage du tissu conjonctif en modifiant la microstructure, ou la macrostructure des composants transmuqueux (Berglundh et al., 1991 ; Buser et al., 1992 ; Listgarten et al., 1992 ; Chavrier et al., 1994 ; Herrman et al., 2001). La microstructure, et par conséquent l'état de surface, peut être modifiée en augmentant la rugosité, mais cette direction n'est pas sans risque en raison du problème d'élimination de la plaque. De plus, les composants transmuqueux doivent être réalisés avec des matériaux biocompatibles tels que le titane ou l'alumine. L'or ou la céramique de laboratoire ne sont pas biocompatibles et provoquent la formation de poches, suivie de perte osseuse. La zircone semble biocompatible et présente une ostéointégration similaire au titane dans une expérimentation animale1.

Le schéma et la quantité d'adhésion des tissus mous sur la zircone est similaire au titane. La surface TiUnite® a été testée dans plusieurs études, mais les résultats positifs sont peu nombreux par rapport aux résultats défavorables. La conférence de consensus ne préconise pas l'utilisation de surfaces rugueuses en transgingival. Les données cliniques ne montrent une stabilité de l'interface des tissus mous qu'avec le titane usiné sur une période d'au moins 10 ans (Gune et al., 2004 ; Bengazi et al., 1996 ; Quirynen et al., 1991 ; Huttin et al., 2000 ; Karoussis et al., 2004).

En conclusion, il est souhaitable d'améliorer la barrière des tissus mous, mais très peu de données expérimentales sur l'homme concernant les effets de la microstructure des composants transmuqueux sont disponibles et il n'y a pas aujourd'hui de données dans la littérature pour justifier l'utilisation de surfaces rugueuses au niveau transmuqueux.

L'amélioration de la barrière de tissu mou peut également venir de la macrostructure des composants transmuqueux. Le rôle des procédures est également important. Ainsi, les systèmes implantaires pour le secteur antérieur sont toujours en 2 pièces et chaque dévissage déchire l'espace biologique ; si on se réfère à la publication d'Abrahamsson et al.2 dans laquelle on observe une récession tissulaire lorsque les piliers sont déposés 6 fois et nettoyés à l'alcool, ce qui entraîne la destruction des cellules adhérentes. Si on laisse le pilier dans du liquide physiologique stérile et qu'on ne réalise qu'un seul dévissage, il n'y a pas de modification de l'espace biologique. Il faut donc dévisser le moins possible les composants transmuqueux. Il est possible de perdre de la hauteur gingivale et donc de l'os :

- si on utilise des composants qui ne sont pas biocompatibles ;

- si la gencive est trop fine ;

- si une inflammation due à la plaque se développe ;

- si la technique prothétique est agressive ;

- si les tissus mous ne sont pas stables.

Dans la phase prothétique, il faut donc placer le pilier définitif le plus vite possible et préférer les piliers individualisés sur mesure présentant une limite supragingivale. Il faut également éviter les déposes répétées et se méfier de l'injection sous-gingivale de résine lors de la réalisation des couronnes provisoires ou de ciment lors du scellement. Ces piliers anatomiques présentent cependant un problème au niveau du protocole de décontamination au laboratoire qui n'est pas encore établi aujourd'hui.

Comparaison entre la chirurgie en 1 temps (technique non-enfouie) et la chirurgie en 2 temps (technique enfouie)

Ericsson et al. (1994) ont montré que les taux de survie sont identiques pour des implants en 2 étages placés en 2 temps, pour des implants monoblocs et pour une chirurgie en 1 temps ou en 2 temps pour des implants en 2 étages. La quantité de remodelage osseux est identique dans la technique enfouie par rapport à la technique non enfouie, mais la cinétique du remodelage est différente (Hermann et al., 1997 ; Ericsson et al., 1999). Aussi, il s'agit de savoir s'il y a une justification pour réaliser 2 chirurgies à nos patients. Les contre-indications à la chirurgie en 1 temps sont : les techniques de régénération osseuse guidée, une stabilité primaire de l'implant insuffisante, et l'absence de fibromuqueuse. Plus on laisse l'os découvert pendant la chirurgie, plus on assèche ce dernier et plus on en perd (Greystad et Boe. Eur J Oral Sci 1995 : 156-159). De même, un lambeau muccopériosté fait perdre 0,3 à 1 mm d'os (Botticelli et al., 2004 ; Klapisz-Wolikow et Saffar, 1994). Il faut donc privilégier dans la mesure du possible les lambeaux de semi-épaisseur.

La chirurgie sans lambeau (« flapless surgery ») permet de limiter considérablement le traumatisme direct sur l'os et évite de perturber la stabilité des tissus muqueux. Elle permet également la réduction de l'inflammation postchirurgicale, et donc la destruction cellulaire consécutive à l'inflammation. Les suites opératoires sont donc plus simples avec diminution de l'oedème et de la douleur. Ainsi, selon une étude de Fortin et al.3, 43 % des patients n'ont aucune douleur après une chirurgie sans lambeau ; ils ne sont que 20 % lors d'une chirurgie avec lambeau. En outre, pour les autres patients, la douleur ressentie est inférieure, la consommation d'antalgiques réduite et la durée de la douleur plus courte que pour les patients traités avec une chirurgie avec lambeau.

Mais la chirurgie sans lambeau est une technique difficile, sans visibilité du niveau osseux, qui n'est pas indiquée dans les zones esthétiques et nécessite absolument du tissu fibreux. Par contre, il faut absolument prohiber la chirurgie avec emporte-pièce (« punch surgery ») qui fait perdre du tissu fibreux. Enfin, dans la chirurgie sans lambeau, il faut limiter la longueur des implants en privilégiant des implants courts plus faciles à placer en aveugle que des implants de 15 mm qui nécessitent de visualiser la forme de la crête sur toute sa hauteur.

La chirurgie sans lambeau est-elle un problème pour l'ostéointégration des implants ? L'étude de Becker et al.4 montre qu'il n'y a pas d'inclusion de corps étranger dans la technique sans lambeau, que le contact os/implant est plus élevé qu'avec un lambeau, et qu'il n'y a pas de différence dans le remodelage osseux (en notant toutefois que plus le couple d'insertion est élevé, plus la réduction de la valeur ISQ est importante dans le temps). Une autre étude de Becker et al. (Clin Oral Impl Res, 2005) sur la chirurgie sans lambeau montre que le taux de succès reste élevé (97,8 %), que la perte osseuse est faible (0,7 mm) et que le temps de mise place est réduit (28 min pour 1 implant).

À l'Université de Liège, sur 1 500 implants posés, le taux de succès est de 98,6 % ; 50 % des chirurgies sont sans lambeau.

Aussi, y a-t-il une bonne raison pour soulever un lambeau ? Oui, cela se justifie en présence d'un défaut osseux ou d'une anatomie osseuse complexe ou du manque d'expertise du chirurgien, car la chirurgie avec lambeau permet de visualiser les structures anatomiques (trou mentonnier, contre-dépouille de la crête...) et de régulariser la crête osseuse. En revanche, la chirurgie sans lambeau avec emporte-pièce proposée dans la technique NobelGuideTM est dangereuse, car elle détruit souvent la zone de gencive attachée dans les régions postérieures maxillaires. Le professeur Rompen préfère donc réaliser des incisions semi-lunaires droites en vestibulaire et incurvées en palatin. À la mandibule l'emporte-pièce détruit les structures internes de la fibromuqueuse et on aboutit à une récession vestibulaire. Une étude réalisée à l'Université de Liège, pas encore publiée, montre que le défaut de muqueuse attachée est le facteur de risque le plus important pour le remodelage osseux dans les zones postérieures mandibulaires.

Gestion du secteur esthétique ou lorsque la biologie supporte l'esthétique et la fonction

Les études de Ekfeldt et al. (2003) et de Small et Tarnow (2000) montrent que 80 % des sites présentent une récession vestibulaire, en moyenne de 1 à 1,5 mm. Est-ce inévitable ? Pourquoi cela arrive-t-il ? Le rôle du tissu conjonctif au niveau de la dent naturelle est d'assurer la protection de l'os par l'insertion de fibres dans le cément. Un implant ne permet pas cette insertion de fibres, et le tissu se développe de façon circonférentielle autour du col de l'implant (Berglundh et al., 1991 ; Buser et al., 1992 ; Listgarten et al., 1992 ; Chavrier et al., 1994 ; Hermann et al., 2001).

Comment peut-on donc améliorer cette situation ? On peut travailler sur les tissus cicatrisés (par apport successif de tissu conjonctif) ou bien augmenter les tissus mous lors de la mise en place des implants (greffe conjonctive avant ou pendant la chirurgie implantaire). On peut également améliorer les caractéristiques de surface et la forme des composants transmuqueux. Pour cela, il faut changer le paradigme du volume d'émergence du pilier implantaire, qui d'une forme rectiligne doit présenter une émergence large précédée par une concavité la plus importante possible sur la circonférence apicale du pilier (Fig. 1). Ceci procure une chambre de développement du tissu conjonctif : c'est une greffe sans chirurgie, un épaississement du biotype non chirurgical. Ceci augmente la longueur de l'interface entre le pilier et le tissu conjonctif. Ainsi, les 3 mm d'espace biologique nécessaires pour isoler et protéger l'os de l'environnement extérieur sont obtenus en déployé et non en ligne directe (Fig. 2), permettant d'obtenir un joint biologique plus efficace malgré une distance couronne/os courte. On évite le recours au placement infra-osseux de l'implant. Enfin, après cicatrisation, on obtient un « O-ring » de tissu conjonctif (Fig. 3)qui apporte une stabilisation mécanique des tissus mous et protège le joint biologique d'une déchirure. Tout ceci simplifie les procédures en éliminant le recours aux greffes.

En règle générale, on obtient un gain de tissu par cette modification du pilier. Ainsi, sur 54 implants placés en 1 temps chirurgical, on observe 34 implants (70 %) qui présentent une augmentation verticale de tissu ; 13 implants (25 %) n'ont pas de modification et 4 implants présentent une récession de tissu de moins de 5 mm, aucun implant ne présente une récession de plus de 5 mm. À noter que parfois le gain de tissu est trop important et devient gênant ; il peut alors nécessiter une chirurgie de réduction.

Conclusion

Le nouveau design transmuqueux développé par E. Rompen, B. Touati et E. Van Dooren est une façon non invasive simple d'obtenir une esthétique reproductible au niveau des tissus mous. Les futures évolutions concernent l'adaptation du nouveau concept aux implants existants, mais également le développement d'implants monoblocs en zircone avec le nouveau transmuqueux intégré. L'ostéointégration de ces implants en zircone est satisfaisante, même si le titane rugueux reste plus ostéoconducteur que la zircone.

1. Kohal RJ, Weng D, Bächle M, Strub JR. Loaded custom-made zirconia and titanium implants show similar osseointegration: an animal experiment J Periodontol 2004;75(9):1262-1268

2. Abrahamsson I, Berglundh T, Lindhe J. The mucosal barrier following abutment dis/reconnection: an experimental study in dogs J Clin Periodontol 1997;24(8):568-572.

3. Fortin T, Bosson JL, Isidori M, Blanchet E. Effect of flapless surgery on pain experienced in implant placement using an image-guided system. Int J Oral Maxillofac Implants 2006;21(2).

4. Becker W. et al. Evaluation of implants following flapless and flapped surgery: a study in canines. J Periodontol 2006;77(10):1717-1722.

Articles de la même rubrique d'un même numéro