Enfin... - Implant n° 4 du 01/11/2007
 

Implant n° 4 du 01/11/2007

 

Éditorial

Xavier Assémat-Tessandier  

Rédacteur en chef

Enfin, une position lucide d'un homme politique sur la santé en France. Notre ancien ministre de l'Éducation nationale, qui en son temps a tenté de dégraisser le mammouth, vient de publier son point de vue sur le sujet, intitulé : « Pour un Grenelle de la santé »*. Claude Allègre dissèque le mal qui ronge la médecine, depuis la sélection des étudiants sur des critères inadaptés, en passant par le problème des médecins étrangers, et la répartition géographique qui...


Enfin, une position lucide d'un homme politique sur la santé en France. Notre ancien ministre de l'Éducation nationale, qui en son temps a tenté de dégraisser le mammouth, vient de publier son point de vue sur le sujet, intitulé : « Pour un Grenelle de la santé »*. Claude Allègre dissèque le mal qui ronge la médecine, depuis la sélection des étudiants sur des critères inadaptés, en passant par le problème des médecins étrangers, et la répartition géographique qui désertifie certaines régions.

Nous avons abordé, à de nombreuses reprises, ces différents thèmes depuis plusieurs années, avec souvent la sensation d'être atteints de paranoïa extensive, sans pour autant souffrir de maladie de la persécution, mais « le premier qui dit la vérité doit être exécuté... ». Et dire au lieu de subir, dénoncer au lieu de minimiser, est souvent mal compris par les bien-pensants prêts à devenir des non-pensants, pour gagner une tranquilité coupable et imméritée.

Si le problème de la médecine est préoccupant, c'est l'ensemble des professions médicales et paramédicales qui sont impliquées. Ainsi, l'odontologie, qui nous concerne particulièrement, présente les mêmes symptômes : inadaptation du numérus clausus, sélection aberrante des candidats, courbe démographique inquiétante due à l'éviction des papy-boomers, féminisation de la profession (souhaitant majoritairement exercer à mi-temps), désaffection de l'exercice libéral au profit de l'exercice salarié (à plein temps, soit 35 heures... !), difficulté pour trouver, et payer, le personnel (assistantes et secrétaires), absence d'auxiliaires sanitaires, assurant la maintenance des patients, attachés au cabinet comme il en existe partout ailleurs, augmentation des contraintes administratives sans leur financement... La liste est longue et incomplète. Nous le savons tous, et le reconnaissons entre nous, mais pourquoi en parler en dehors, notre image de privilégiés colle à nos surchaussures et, dans notre société, le malheur des uns fait l'indifférence des autres.

C'est donc avec un certain soulagement que l'on découvre l'analyse de Claude Allègre. Selon ses propos, « la médecine doit être une vocation pour une élite, pas un métier tranquille et bien rémunéré », et de fustiger la disparition des « médecins de famille dévoués et compétents assurant à la ville et à la campagne les visites à domicile ». Il me paraît tout à fait exact que les professions médicales devraient être une vocation, réservées à des professionnels dévoués, compétents et surtout reconnus. En revanche, que l'exercice médical soit un métier « tranquille et bien rémunéré » me paraît être très loin de la réalité quotidienne de nos professions, car l'effet pervers du paiement à l'acte entraîne souvent une multiplication des actes pour compenser la faiblesse de la rémunération. Ainsi, il est de notoriété publique qu'il est bien moins coûteux de déplacer son médecin à domicile pour sauver son enfant que de faire venir un plombier pour déboucher l'évier. En effet, de par leur baisse, les honoraires conventionnels sont sans commune mesure avec ce qu'ils étaient au début de la convention. On peut estimer pour notre profession, en suivant l'évolution des indices du coût de la vie depuis 40 ans, que la lettre clé SC devrait être à 10,00 ? au lieu des 2,41 ? actuels. Il semble qu'à ce niveau-là, un Grenelle de la santé doit prendre en compte la réalité du terrain pour espérer faire bouger l'Elephas primigenius.

Le Point

n° 1830, 11 octobre 2007, p. 80.