Morbidité du prélèvement osseux symphysaire - Implant n° 4 du 01/11/2007
 

Implant n° 4 du 01/11/2007

 

Chirurgie

Hadi Antoun*   Pierre Cherfane**   Pascal Billereau***  


*Exercice privé exclusif en implantologie et parodontologie
11bis, avenue Mac-Mahon
75017 Paris
**Attaché en consultation
Service d'implantologie orale du Dr Patrick Missika UFR d'odontologie, Université Paris 7 Denis Diderot
5, rue Garancière
75006 Paris
***Ancien assistant des universités (Paris 5), diplôme universitaire d'implantologie chirurgicale et prothétique (Paris 7)
79, avenue de la Libération
86000 Poitiers

Résumé

Cette étude rétrospective évalue, sur une série de cas, les suites opératoires après prélèvement osseux symphysaire. Elle a été menée sur 44 sujets ayant bénéficié d'un prélèvement osseux symphysaire en vue d'une augmentation préimplantaire. Tous les sujets ont répondu à un questionnaire évaluant les suites opératoires (oedème, hématome, douleur et troubles sensitifs). Les données ont été analysées à court, moyen et long terme.

Les résultats montrent, qu'à court terme, 50 % des sujets présentent un hématome léger à modéré alors que 23 % n'en présentent aucun. La moitié des sujets a rapporté un oedème (54,5 %) et une douleur (59 %) légers à modérés. Pour 57 % des sujets, la douleur n'a pas duré plus de 6 jours. À moyen terme, 27,5 % des sujets présentaient des troubles sensitifs au niveau de la région mentonnière sans perte totale de la sensibilité. À 12 mois, on peut noter que 2 sujets (4,5 %) n'ont pas retrouvé une sensibilité normale de la région mentonnière. Aucun sujet n'a signalé de modifications esthétiques.

Les suites opératoires après prélèvement symphysaire sont généralement bien tolérées par les patients et les éventuelles complications sensitives sont dans la majorité des cas réversibles. Une bonne information du patient, préalablement à ce type d'intervention, permettrait une meilleure acceptation des suites opératoires.

Summary

The aim of this study was to evaluate morbidity of the donor site following mandibular symphysis graft harvesting.

Forty four subjects were included in a retrospective study in order to evaluate subjective morbidity of the mandibular symphysis bone graft: haematoma, swelling, pain, and sensory disturbance. All the subjects answered a questionnaire, and then data were analyzed at short, medium, and long term.

Short-term results showed that 23% of the subjects did not realize any haematoma while 50% reported light to moderate one. Half of the group (54.5%) noticed a mild or moderate postoperative swelling and (59%) of the subjects judged pain light to moderate. Pain lasted for a period inferior to 6 days for 57%. The data analysis at mid term showed that only 27.5% of the subjects still present a sensory disturbance in the chin area without total loss of sensibility. Two patients (4.5%) did not recover normal sensibility at twelve months. No esthetic complaints were reported.

Postoperative complications of symphysis bone harvesting are generally well tolerated by subjects and the eventual sequels are most of the time reversible. Postoperative complications are accepted by patients when these are well informed.

Morbidity further symphysis graft harvesting. Implant 2007;13(4):249-260.

Key words

intra-oral graft, bone graft, symphysis, morbidity, post-operative complications.

Il est actuellement admis que le succès de la thérapeutique implantaire, en particulier le résultat esthétique, est en rapport avec un positionnement optimal des implants[1]. En cas de volume osseux insuffisant, la greffe osseuse permet de reconstruire le déficit osseux causé par un traumatisme, une infection ou encore la résorption postextractionnelle. Il est généralement admis que l'os autogène est le matériau de choix pour les augmentations crestales du volume osseux et ceci pour ses propriétés ostéoconductrices, ostéoinductrices et ostéogéniques[2]. Cette technique présente néanmoins l'inconvénient d'un deuxième site opératoire : le site donneur. Cela implique la considération de la faisabilité de la chirurgie de prélèvement du greffon et des éventuelles suites opératoires inhérentes à cette chirurgie. Un site donneur extra-oral (crête iliaque, os pariétal) implique une hospitalisation du patient et le recours à une anesthésie générale, en revanche, le prélèvement osseux intra-oral est généralement réalisé sous anesthésie locale ou loco-régionale[3]. Le choix entre ces différents sites donneurs devrait se faire en fonction du volume osseux nécessaire à la reconstruction. Les sites intra-oraux offrent souvent suffisamment d'os pour une augmentation localisée des crêtes édentées maxillaire ou mandibulaire. Les sites donneurs intra-oraux les plus fréquemment cités sont : la tubérosité maxillaire, le ramus mandibulaire (la partie antéro-latérale de la branche montante et la partie postéro-latérale du corps mandibulaire) et la symphyse mentonnière[4, 5]. La tubérosité maxillaire offre souvent une quantité limitée de tissu osseux spongieux. Ce type de greffe peut servir pour recouvrir quelques spires exposées après la mise en place d'implants ou encore comme matériau de comblement sinusien par la technique des ostéotomes. Les prélèvements osseux symphysaire et ramique permettent des greffes de blocs osseux pour des augmentations osseuses de petite (cas n° 1 : Fig. 1 à 7) à moyenne étendue (cas n° 2 : Fig. 8 à 12). La symphyse permet souvent de greffer du tissu cortico-spongieux. L'accès chirurgical à ce site est généralement plus aisé que le ramus et peut permettre, dans certain cas, un prélèvement osseux plus conséquent[4, 5]. L'objectif de cette étude clinique rétrospective est de quantifier les suites opératoires et les troubles sensitifs après prélèvement osseux symphysaire afin d'améliorer les critères d'indications des différents sites donneurs et de pouvoir donner une information plus éclairée au patient.

Matériel et méthodes

L'étude inclut 44 sujets, 25 femmes (57 %) et 19 hommes (43 %), ayant bénéficié d'un prélèvement symphysaire en vue d'une augmentation préimplantaire entre janvier 1997 et février 2003. L'âge moyen des sujets est de 43,6 ans (écart : 20-69 ans). La prescription préopératoire consistait en une prise, 1 heure avant l'intervention, de 2 g de Clamoxyl® (amoxicilline trihydrate 1 g, GlaxoSmithKline), 60 mg de Cortancyl® (prednisone 20 mg, Aventis) et, si nécessaire, 20 mg de Valium® (diazepam 10 mg, Roche).

L'intervention est réalisée selon la technique chirurgicale décrite classiquement[5, 6]. Après anesthésie locale de la région mentonnière, en vestibulaire et en lingual (Septanest® avec adrénaline 1/100 000, articaïne chlorhydrate, Septodont), une incision dans la muqueuse vestibulaire est réalisée entre les 2 premières prémolaires mandibulaires, 5 mm apicalement à la jonction muco-gingivale. Un lambeau de pleine épaisseur est récliné et l'émergence des foramens mentonniers est localisée. L'ostéotomie est réalisée à la scie oscillante ou à l'aide d'une fraise chirurgicale (Fig. 13 15), montée sur pièce à main avec une irrigation abondante. Le trait d'ostéotomie supérieur respecte une distance de 5 mm en dessous des apex des dents antérieures mandibulaires. Une distance de sécurité de 5 mm est également respectée en avant des foramens mentonniers et par rapport au bord basilaire de la mandibule. La libération du greffon et le prélèvement d'une quantité de tissu osseux spongieux au niveau du site sont réalisés à l'aide d'un ciseau à os (Fig. 13 à 15), d'un maillet et occasionnellement d'une pince gouge (Fig. 16). La profondeur de l'ostéotomie dépend de l'épaisseur de la symphyse dans le sens vestibulo-lingual. La corticale linguale doit être impérativement respectée (Fig. 17). Les tracés d'ostéotomie varient selon la taille du greffon nécessaire à l'augmentation (Fig. 18 à 20). Aucun matériau n'est utilisé sur ces sujets pour combler le site donneur après prélèvement du greffon. Les berges du lambeau sont suturées de façon hermétique par une suture continue (Vicryl 3.0 Ethicon®) (Fig. 20). Immédiatement après la chirurgie, le patient reçoit du Diantalvic® (paracétamol 400 mg, Dextropropoxyphène 30 mg, Aventis). Une bande élastique adhésive compressive (Elastoplaste® 2,5 m x 3 cm, BSN medical S.A.S.) est appliquée sur la région mentonnière afin de plaquer les tissus mous contre la surface osseuse. Une poche de glace est appliquée sur la région mentonnière et le patient reçoit des instructions pour l'utiliser toutes les 2 min, pendant 5 min et de renouveler l'opération jusqu'au coucher. La prescription postopératoire est la suivante :

- 2 gélules de Diantalvic® en cas de douleur, sans dépasser les 6 gélules par jour ;

- bain de bouche au digluconate de chlorhexidine (Eludril®, Pierre Fabre Médicament) 3 fois par jour jusqu'à la dépose des fils de sutures ;

- traitement antibiotique à base de 2 g de Clamoxyl® par jour pendant 6 jours ;

- traitement anti-inflammatoire à base de Cortancyl® pendant 2 jours en diminuant progressivement la dose (40, puis 20 mg).

L'ablation des points de sutures se fait après 14 jours.

Les critères de choix des sujets participant à l'étude a été défini par la possibilité et l'acceptation de ces derniers de se soumettre au questionnaire. Les patients ont été interrogés sur leur sensations et souvenirs marquants durant l'intervention, les suites opératoires immédiates (oedème, hématome et douleur) et différées (troubles sensitifs, modification esthétique) et leur accord éventuel pour une nouvelle intervention de ce type si nécessaire. Ils avaient la possibilité de répondre par « oui » ou par « non » ou, si la donnée pouvait être quantifiée, par « rien, léger, modérée ou important ». Ont été considérées comme court terme la période correspondant aux 3 premières semaines, comme moyen terme la période s'étalant entre 3 semaines et 12 mois et long terme la période au-delà de 12 mois. Une rubrique « commentaires complémentaires » a permis de recueillir les remarques des patients.

Résultats

Suites opératoires à court terme (3 premières semaines)

Les suites étudiées sont l'hématome, l'oedème, l'intensité et la durée de la douleur, puis les troubles sensitifs. Concernant l'hématome, 10 sujets (23 %) n'en ont présenté aucun, 22 sujets (50 %) rapportent un hématome léger à modéré et 6 sujets (14 %) un hématome important. Six autres personnes (14 %) ne se souviennent plus (Fig. 21). Un oedème postopératoire a été rapporté par 68,5 % des sujets : léger à modéré et sévère dans 54,5 % (24 sujets) et 14 % (6 sujets) respectivement. Cinq (11 %) sujets n'ont eu aucun oedème tandis que neuf sujets (20,5 %) étaient incapables de donner une réponse (Fig. 22). En ce qui concerne la douleur postopératoire (Fig. 23) : 24 sujets (54 %) rapportent des suites opératoires indolores ou légèrement douleureuses, 10 sujets (23 %) ont considéré la douleur comme modérée et 10 autres (23 %) comme importante. La douleur s'est étendue sur une durée de 1 à 6 jours pour 25 sujets (57 %), sur 7 jours pour 2 sujets et sur 10, 20, 25 et 30 jours pour 4 sujets (Fig. 24). Cinq patients (11 %) n'ont pas donné de réponse et 9 (21 %) sujets n'ont pas jugé nécessaire la prise d'antalgique à la suite de l'intervention. Au total, 28 sujets (57 %) ont rapporté des troubles sensitifs dont 11 sujets (25 %) n'arrivent pas à préciser la durée.

Suites postopératoires à moyen terme (3 semaines à 12 mois)

Les troubles sensitifs et les modifications esthétiques sont les suites opératoires analysées à moyen terme. Les questions concernant les troubles sensitifs portent sur : les modifications de la sensibilité (diminution ou perte), les sensations anormales (démangeaisons, picotements, piqûres), les sensations douloureuses (provoquées par le toucher, la mastication, la phonation) et l'évolution de ces phénomènes. Des données concernant l'impact des troubles sensitifs sur la qualité de vie des sujets et sur la durée de ces manifestations ont également été recueillies : 17 sujets (39 %) n'ont signalé aucun trouble sensitif alors que 8 autres (18 %) en ont eu pour une période inférieure à 3 semaines. La durée des troubles sensitifs s'étend de 2 à 4 mois, de 6 à 12 mois et au-delà de 12 mois pour respectivement 10 (23 %), 2 (4,5 %) et 2 (4,5 %) sujets. Cinq sujets (11 %) n'ont pas pu préciser la durée des troubles (Fig. 25). Trois sujets (7 %) ont ressenti des sensations de démangeaisons, de picotements ou de piqûres et seulement 1 sujet a ressenti des douleurs provoquées par la mastication. Six sujets (13 %) ont rapporté une sensibilité locale et 2 sujets ont qualifié les sensations de picotement comme désagréables. Néanmoins, tous les sujets avec des troubles sensitifs décrivent une amélioration de ces troubles au cours du temps.

Suites opératoires à long terme (au-delà de 12 mois)

Elles se manifestent par des troubles sensitifs et des modifications esthétiques.

Troubles sensitifs

Deux sujets de l'étude rapportent des troubles sensitifs à long terme. Ces derniers ont été opérés respectivement 1 et 3 ans avant le début de l'étude. Le premier sujet rapporte un oedème modéré et une douleur modérée pendant une durée de 4 jours en postopératoire. Il signale également une diminution de la sensibilité persistante sur une zone localisée du menton avec des sensations de démangeaison, picotement et piqûre. Le second sujet mentionne un oedème et des douleurs légers pendant quatre jours et le même type de troubles sensitifs que le premier sujet. Il décrit ces troubles sensitifs comme « désagréables et handicapants ».

Modifications esthétiques

Les modifications esthétiques recherchées dans l'étude peuvent être intra-orales (cicatrices) ou extra-orales (modification de la forme du menton, de face ou de profil). Dix-huit (39 %) sujets signalent la présence d'une cicatrice. La cicatrice suit le trajet d'incision, sous la ligne muco-gingivale (Fig. 26 à 29). Les sujets concernés par cette modification esthétique intra-orale ne ressentent pas cette situation comme gênante. Les modifications esthétiques extra-orales concernent deux patients (4,5 %), 1 femme et 1 homme. La femme juge cette modification très minime, sans préjudice esthétique. L'homme a la sensation que son menton est plus affirmé et cette modification ne le gêne pas.

Doléances globales des sujets 

Sur l'échantillon de 44 sujets, 18 (41 %) ont la sensation de subir une intervention chirurgicale lourde. À la question concernant leur accord éventuel pour une nouvelle intervention de ce type si nécessaire : 28 sujets (64 %) accepteraient sans poser de conditions, 4 sujets (9 %) le seraient également avec l'option d'une anesthésie générale, 5 sujets (11 %) refuseraient et 7 sujets n'ont pas donné de réponse.

Il semble que les sujets qui ont émis des réticences pour une nouvelle intervention craignent plus l'intervention chirurgicale que ses suites opératoires. Pour mieux appréhender ces réticences, les sujets ont été questionnés sur leurs sensations et souvenirs marquants durant l'opération (Fig. 30) : 19 sujets (43 %) n'ont pas de souvenirs particuliers. Les souvenirs les plus marquants semblent en rapport avec l'utilisation du maillet chez 9 sujets (20 %) ou de la scie oscillante chez 9 autres sujets (20 %). D'autres souvenirs marquants comme la vue du prélèvement osseux (1 sujet), la sensation d'être étourdi après l'intervention ou encore la sensation d'une mobilité des dents mandibulaires pendant quelques jours ont été rapportés.

Ainsi, il semble que les doléances globales des patients soient plutôt en rapport avec l'intervention chirurgicale elle-même qu'avec les suites postopératoires. Il est à noter que les 2 sujets avec des troubles sensitifs à long terme ont donné leur accord pour une nouvelle intervention si celle-ci s'avérait nécessaire.

Discussion

Les résultats de cette étude ne peuvent pas donner une évaluation quantitative des suites opératoires du prélèvement osseux symphysaire. Plusieurs raisons peuvent être évoquées. La première est que les informations recueillies sont de nature subjective et, par conséquent, difficilement quantifiables. Dans le but de distinguer la perte totale de sensibilité d'une paresthésie, un test de perception à l'aide d'une pointe mousse a été réalisé uniquement chez les sujets ayant rapporté des troubles sensitifs. Le test de perception évalue généralement 2 paramètres : la qualité de la perception (au toucher statique et dynamique, la discrimination entre 2 points différents, réponse à une stimulation thermique) et son intensité[7]. La seconde raison est en rapport avec le fait que l'étude est rétrospective et que l'évaluation des paramètres analysés est réalisée parfois plusieurs années après l'intervention, d'une part, et repose uniquement sur un vécu personnel d'autre part. Ainsi, on peut mentionner que 20,5 %, 23 % et 13 % des sujets n'ont pas pu rapporter respectivement l'importance de l'oedème, de la douleur et l'apparition d'hématome. De plus, des paramètres supplémentaires, comme la satisfaction globale du patient par rapport à son traitement implantaire, peuvent modifier son appréciation de la chirurgie de prélèvement.

Néanmoins, cette étude permet d'avoir une idée significative sur la perception des patients de ce type d'intervention chirurgicale et des éventuelles suites postopératoires. Ceci peut contribuer, d'une part, à orienter l'indication du site de prélèvement lorsque plusieurs choix sont possibles et, d'autre part, à donner aux patients une information préalable éclairée et précise. À ce titre, plusieurs éléments se dégagent assez nettement de cette étude. Les suites opératoires probables chez un patient type sont à court terme : un oedème modéré avec des douleurs légères pendant 2 à 4 jours. À moyen terme, ce patient pourrait présenter des troubles sensitifs localisés dans la région mentonnière sans perte totale de la sensibilité. Cette paresthésie sera dans la grande majorité des cas réversible, mais le retour à la normale durerait plusieurs mois. Le patient ne relèverait aucune modification significative de son esthétique. Il accepterait une nouvelle intervention de ce type si elle s'avèrait nécessaire, mais si possible avec une amélioration du confort opératoire (moins de sensations de choc et de vibration lors du prélèvement).

Ces données sont intéressantes à considérer d'un point de vue opératoire, car elles permettent de mettre en avant le fait, que même si l'intervention est plutôt bien acceptée par le patient, elle n'est pas exempte de conséquences, avec un léger doute sur la totale réversibilité de certains troubles sensitifs (2 cas dans cette étude). Elles permettent aussi d'ajuster la prémédication pour atténuer les suites opératoires avec, éventuellement, l'utilisation de corticostéroïdes. De plus, les doléances du patient pour la chirurgie en elle-même sont à considérer, dans la mesure où plusieurs patients ont évoqué le recours à l'anesthésie générale si une intervention similaire leur était proposée.

D'autres travaux font état des suites opératoires après prélèvement osseux symphysaire. Une étude prospective [ 8] sur 23 sujets met en évidence des résultats non négligeables de paresthésie de la région mentonnière et de perte de la sensibilité dentaire. En effet, tous les sujets de l'étude présentent une diminution significative de la sensibilité de la région mentonnière avec, pour deux sujets, une hypoesthésie persistante à 12 mois. D'autre part, 11,4 % des dents testées à 12 mois n'avaient pas encore retrouvé leur sensibilité. Une autre étude rétrospective [5] sur 21 sujets cite des résultats comparables à ceux obtenus par notre étude. Les auteurs notent, en effet, des variations subjectives de la sensibilité de la région mentonnière sur presque la moitié des sujets, mais sans doléances majeures. Néanmoins, à 12 mois, 16 % des sujets présentaient encore des troubles sensitifs.

Par ailleurs, il est aussi nécessaire de prendre en compte la qualité et le devenir de l'os greffé pour que le choix du site donneur soit le plus éclairé possible. Même s'il est établi que l'os régénéré réagit à l'implantation de manière similaire que l'os natif[9], il peut subir une résorption plus ou moins conséquente selon le site donneur. Pour les prélèvements osseux d'origine iliaque, par exemple, la littérature décrit certains bons résultats[10 - 12]. Malgré la difficulté de réaliser des études statistiques probantes, il semble préférable de choisir des sites donneurs de même origine embryonnaire que le site receveur, ces derniers présenteraient moins de résorption[3, 8]. À ce titre, l'os symphysaire semble être un bon candidat pour la greffe osseuse. Il en est de même pour la greffe osseuse d'origine pariétale qui permet des reconstructions osseuses de grande étendue avec des suites opératoires minimes et un bon pronostic[13]. Néanmoins, certains paramètres influencent négativement ce dernier choix. Outre le fait que la corticale crânienne ne se reconstitue pas, il faut considérer les complications neurologiques qui semblent peu fréquentes, mais restent théoriquement possibles[14, 15] ainsi que les risques liés à l'anesthésie générale. Le prélèvement osseux symphysaire est décrit dans la littérature[8, 16, 17, 18] comme une technique simple et sûre, pouvant être une alternative aux techniques de prélèvement osseux extra-orales[19], quand l'indication de l'augmentation osseuse est posée. L'élargissement des indications du traitement implantaire et les exigences esthétiques croissantes dans ce domaine, impliquent fréquemment le recours aux greffes osseuses préimplantaires. Il est important de peser le risque encouru par rapport au bénéfice apporté au patient. La région ramique mandibulaire est décrite dans la littérature comme un autre site intra-orale possible pour le prélèvement oseux[17, 20]. Cette technique permet de prélever des blocs osseux corticaux qui mesurent en moyenne 35 × 10 mm et permettent la reconstruction d'une crête édentée correspondant en moyenne à 3 ou 4 dents. Les prélèvements ramiques sont également utilisés, avec un bon pronostic, pour le comblement des sinus maxillaires quand l'augmentation de la hauteur sous-sinusienne est nécessaire[21]. Ce site de prélèvement offre l'avantage de générer moins de suites opératoires que le prélèvement symphysaire[3, 4, 17, 12]. Une étude rétrospective comparant les 2 techniques montrent des troubles sensitifs gingivaux permanents dans 4,2 % des cas après prélèvement ramique et dans 51,7 % des cas après prélèvement symphysaire[22]. La technique de prélèvement ramique nécessite néanmoins une maîtrise de la part de l'opérateur du fait de l'accès délicat du site opératoire et des risques de lésions nerveuses.

Conclusion

Cette étude a été réalisée sur un échantillon limité de sujets (44 patients) et les résultats obtenus méritent d'être confirmés à travers une étude prospective, sur un nombre plus important de sujets et sur une période de suivi plus longue. Les résultats montrent que le prélèvement osseux symphysaire n'est pas exempt de suites opératoires, voire de séquelles à long terme. Ces suites sont généralement bien tolérées par le patient et les éventuelles séquelles le plus souvent réversibles. Ainsi, si une greffe est un préalable nécessaire à la réalisation du traitement implantaire et sous réserve que le volume osseux à reconstruire soit compatible avec les possibilités de prélèvement osseux sur un site intra-oral, il convient de choisir l'intervention présentant le moins de suites opératoires et d'apporter au patient une information éclairée et loyale sur les éventuelles séquelles possibles.

Remerciement au Dr Nadir Bchir.

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