Info ou intox... - Implant n° 3 du 01/09/2008
 

Implant n° 3 du 01/09/2008

 

Éditorial

Xavier Assémat-Tessandier  

Rédacteur en chef

L'implantologie est la discipline de notre exercice qui suscite le plus de travaux et de publications actuellement. J'en veux pour preuve le nombre de revues exclusivement consacrées à cet aspect de notre pratique à travers le monde, et le nombre d'articles publiés dans des revues réservées à la parodontologie ou à la prothèse. On peut estimer que près d'un millier d'articles consacrés à l'implantologie sont publiés chaque année, ce qui est vraisemblablement un record dans le...


L'implantologie est la discipline de notre exercice qui suscite le plus de travaux et de publications actuellement. J'en veux pour preuve le nombre de revues exclusivement consacrées à cet aspect de notre pratique à travers le monde, et le nombre d'articles publiés dans des revues réservées à la parodontologie ou à la prothèse. On peut estimer que près d'un millier d'articles consacrés à l'implantologie sont publiés chaque année, ce qui est vraisemblablement un record dans le domaine de l'odontologie. Assez paradoxalement, un grand nombre de ces écrits n'ont pas une grande valeur sur le plan scientifique. Et lorsqu'une recherche bibliographique est réalisée pour étayer un point particulier, les moteurs de recherche à notre disposition isolent à partir des mots clés adéquats environ une centaine, voire un millier de publications, ce qui est énorme. L'analyse de cette masse de données aboutit à une sélection d'une dizaine, au mieux d'une vingtaine d'études correspondant aux critères exigés pour les considérer comme scientifiquement valables. On imagine donc la difficulté d'établir des conclusions définitives sur un sujet donné, sachant que la majorité des études publiées présentent des défauts dans la collecte et dans l'analyse des résultats. Toutes les méta-analyses publiées se heurtent à ce problème d'inadéquation des méthodes utilisées pour tirer des conclusions scientifiquement rigoureuses.

Bien entendu, le nombre d'études, d'articles, de rapports de cas publiés est inférieur au nombre d'écrits soumis à publication, dont certains sont réfutés par le comité de rédaction de la revue, lorsqu'il existe. La plupart des revues à orientation scientifique ont un comité de lecture qui a la charge d'analyser la valeur du manuscrit, de la méthode utilisée pour accepter, ou refuser, sa publication. Un certain nombre d'articles font ainsi le tour des rédactions pour trouver une revue un peu plus indulgente que les précédentes, qui en assurera la publication. Il arrive également qu'un auteur, dans l'enthousiasme de la nouveauté de ses derniers travaux, fasse état d'une publication à venir au cours d'une conférence. Le manuscrit peut être alors « soumis pour publication », ou « en cours de publication », ou « in press », et que penser si 2 ans après la révélation orale des résultats, l'article n'est toujours pas publié ? Soit les résultats présentent des biais, et l'analyse de l'étude ne franchit pas la barrière des comités de rédaction, soit les résultats dérangent le monde politiquement correct des annonceurs et l'étude ne franchit pas l'obstacle financier de la perte d'un budget publicitaire. Car depuis que la « pub » (« publicité », ndrc*) est devenue la « com » (« communication », ndrc*), les publications d'études sont un enjeu primordial pour les annonceurs-financeurs. Et à coup de révélations et de démentis, d'études et de contre-études, les lecteurs que nous sommes finissent par s'interroger sur le bien-fondé de leurs lectures « scientifiques », pendant que les industriels règlent leurs conflits à grand renfort d'avocats.

Il devient délicat de se retrouver dans l'analyse des publications que l'on reçoit, car la « com » a plus d'un tour dans son sac. Ainsi, devant la multiplication des manuscrits, il a été nécessaire pour certaines revues anglo-saxonnes de réaliser des numéros supplémentaires. La « com » a alors imaginé de payer un numéro spécial (et non plus supplémentaire) pour accélérer, voire forcer la diffusion d'études concernant ses produits. Comment reconnaître un numéro spécial d'un numéro supplémentaire : dans un numéro spécial, la liste des annonceurs est limitée à un seul fabricant. La valeur scientifique du contenu doit alors être analysée avec la plus grande circonspection : est-ce de l'information ou de l'intoxication ?

* ndrc : note du rédacteur en chef.