Implant n° 1 du 01/02/2019

 

Éditorial

Marc Baranes  

Rédacteur en chef

À quand la mise en place d'un registre national de tous les implants posés ?

À l'origine de ces investigations, la journaliste néerlandaise Jet Schouten s'intéresse à l'homologation des dispositifs médicaux en Europe. Elle décide de proposer une mèche vaginale implantable indiquée dans la descente d'organe ou l'incontinence urinaire chez les femmes. Pour illustrer son dossier, elle utilise la photographie d'un filet de mandarines. Son dossier passe toutes les phases d'homologation et obtient sans difficulté le certificat de Conformité européenne (CE), sésame pour l'ouverture sur le marché européen !

Consternée, elle sollicite l'ICIJ pour mener une vaste enquête afin de comprendre l'organisation de cette filière et relever les négligences pouvant causer des séquelles irréparables. Les résultats sont accablants : rien qu'aux États-Unis, 82 000 morts et 1,7 million de blessés recensés à cause des dispositifs médicaux implantables. Toutes les spécialités de la médecine sont impactées : orthopédie, cardiologie, gynécologie... Il en ressort une réalité accablante : les implants médicaux ne sont soumis à aucun contrôle rigoureux ; pour la plupart, ils sont implantés sans la validation d'essais cliniques et les lobbys industriels sont plus qu'omniprésents. L'enquête met également en évidence un manque flagrant de traçabilité.

Les implants dentaires n'ont pas fait l'objet d'investigation particulière alors qu'ils répondent au même circuit. C'est ainsi que des implants sont posés tous les jours à des patients sans avoir été testés et validés cliniquement : le patient est en quelque sorte un cobaye sans le savoir. Il semble indispensable que la commercialisation des dispositifs médicaux puisse répondre aux mêmes critères que l'autorisation de mise sur le marché des médicaments.

Hélas, l'ANSM déplore l'impossibilité de contrôler les milliers de dispositifs médicaux mis sur le marché chaque année. Une meilleure traçabilité est tout aussi importante et il semble urgent de mettre en place un registre des implants posés comme cela a été proposé à l'issue de la 5e conférence de Consensus de l'EAO en février 2018. Il enregistrerait tous les implants posés ainsi que tous les échecs implantaires constatés. Cela permettrait de mettre en évidence plus rapidement et de façon moins biaisée les défaillances d'un implant pour le sortir rapidement du marché.

Dans ce contexte, il faut plus que jamais se souvenir de notre engagement vis-à-vis des patients : « J'informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences » (Serment d'Hippocrate) ; ainsi que le « Primum non nocere » qui doit orienter nos décisions.

1. Implant Files. Enquête sur les dispositifs médicaux implantables du Consortium International des Journalistes d'Investigation (ICIJ) regroupant 250 journalistes de 59 médias internationaux dont Le Monde, parue en novembre 2018.