Corinne Taddéi-Gross est une femme d'exception ! - Implant n° 2 du 01/05/2020
 

Implant n° 2 du 01/05/2020

 

Implant a rencontré

Corinne Taddéi-Gross  

D'une vitalité hors du commun, elle fait partie de ces personnes qui dorment peu, travaillent d'arrache-pied et qui font preuve d'un enthousiasme, d'une énergie et d'une force de persuasion qui permettent l'accomplissement des grands projets.

Elle est toutefois humble et sensible et toujours à l'écoute des autres : aussi bien les étudiants qu'elle chérit, que ses collègues de la Faculté de Strasbourg dont elle est le doyen depuis huit ans ou que nos législateurs,...


D'une vitalité hors du commun, elle fait partie de ces personnes qui dorment peu, travaillent d'arrache-pied et qui font preuve d'un enthousiasme, d'une énergie et d'une force de persuasion qui permettent l'accomplissement des grands projets.

Elle est toutefois humble et sensible et toujours à l'écoute des autres : aussi bien les étudiants qu'elle chérit, que ses collègues de la Faculté de Strasbourg dont elle est le doyen depuis huit ans ou que nos législateurs, puisqu'elle exerce en même temps la lourde responsabilité de présidente de la conférence des doyens des facultés d'odontologie de France.

Au cours de sa carrière, elle a considérablement œuvré dans la relation entre les facultés de Strasbourg et de Saigon et a publié à de nombreuses reprises dans diverses publications et revues professionnelles nationales et internationales.

Nous vous invitons à la découvrir ainsi que sa vision de l'implantologie dans le monde universitaire au travers de cette interview.

Propos recueillis par Michel Metz

Quel est votre parcours et depuis combien de temps exercez-vous vos fonctions ?

Mon parcours hospitalo-universitaire s'échelonne sur près de 40 ans, marqué par un engagement profond pour l'enseignement, les soins et la recherche, à temps plein dès le début des années 80.

Élève et disciple du professeur André Schlienger, à qui j'ai succédé, j'ai eu l'opportunité de restructurer totalement l'enseignement de la prothèse amovible. Professeur des universités-praticien hospitalier, vice-doyen durant 12 ans, sous les décanats des professeurs Leize puis Haikel, j'ai participé aux remaniements pédagogiques liés aux réformes des études, ainsi qu'aux réaménagements de la faculté et du Pôle dans leurs nouveaux locaux.

Mon activité de doyen de la faculté de chirurgie dentaire de Strasbourg depuis 2012 s'inscrit d'une part dans la continuité des engagements de mes prédécesseurs dans le domaine de l'enseignement, de la recherche et des soins, d'autre part dans l'innovation et le développement au sein de l'université et des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg.

En 2017, ma prise de fonction nationale de présidente de la conférence des doyens des facultés d'odontologie est particulièrement chargée dans un contexte de diverses réformes, notamment avec le nouveau "plan santé" annoncé par le président de la République. Les charges liées à cette fonction sont lourdes en déplacements afin d'imposer l'odontologie dans toutes les instances et surtout de la faire entendre et reconnaître. La conférence a œuvré sur de nombreux dossiers qui concernent entre autres les UFR santé, le 3e cycle des études odontologiques, le service sanitaire, l'aménagement territorial de l'offre de formation, le CHU de demain ou encore la réforme de l'entrée en étude de santé, et ce en lien avec ses tutelles ministérielles de l'enseignement supérieur et de la santé, ses collègues des conférences de médecine et de pharmacie, mais aussi avec les associations étudiantes, les instances hospitalières, ordinales et professionnelles. Le mandat de présidence nationale a pris fin en mars 2020.

L'équipe de direction de la faculté de Strasbourg, consolidée par une organisation efficace, m'a encouragée pour cette fonction nationale et m'épaule en permanence localement. L'activité décanale à Strasbourg, se poursuivant, a été marquée par des projets d'établissement aboutis pour certains ou en cours : création d'une unité de simulation sur mannequin réaliste et de radiologie préclinique unique en France (bourse IdEx et dons de partenaires industriels), création d'une unité de conservation du patrimoine, rénovation/restructuration d'envergure d'une salle de travaux pratiques, essentielle à la formation des étudiants, en lien avec un projet pédagogique innovant (engagements des collectivités et de l'université), et encore acquisition de matériel pédagogique (microscopes d'intervention pour l'endodontie...). L'objectif est de finaliser ces projets à la fin de mon mandat décanal strasbourgeois en 2022.

Parlez-nous de la faculté de chirurgie dentaire de Strasbourg !

L'aura de la faculté est liée entre autres à son histoire particulière qui trouve son origine dans le cadre de l'université allemande en 1887, avec la création de l'Institut dentaire de la faculté de médecine sur le site actuel. La première clinique dentaire scolaire au monde y est ensuite créée en 1892 et la recherche en odontologie est initiée dix ans plus tard. Le dernier directeur structura l'enseignement, modernisa plateaux techniques et bâtiments puis favorisa le passage vers le statut hospitalo-universitaire jusqu'en 1970, année de la création de la faculté. Jusqu'en 1992, le premier doyen contribua largement au rayonnement international de la faculté tout particulièrement dans le domaine de la recherche. L'investissement des doyens qui prirent la suite dans le projet d'un nouveau centre de soins et d'une nouvelle faculté, dans la réforme des études, dans les relations internationales et la recherche odontologique a donné à cette structure universitaire et hospitalière tout son caractère.

L'envergure de ses projets associée au dynamisme de la composante tant sur les plans pédagogique, clinique, de la recherche qu'en terme d'équipements et d'innovations, contribue au rayonnement national et international de la faculté.

Quel regard portez-vous sur l'implantologie avec votre recul ?

Avec 30 ans de recul et une progression continue, l'implantologie est incontestablement la discipline la plus emblématique de l'évolution des traitements dentaires, que ce soit du point de vue fonctionnel ou esthétique.

En effet, il convient de se souvenir que l'une des premières vertus, accordée aux implants ostéointégrés, a été de permettre d'abolir le recours à des thérapeutiques prothétiques amovibles, dans un très grand nombre de situations d'édentements partiels. Au fur et à mesure des progrès de « l'implantologie », l'empiètement du champ d'indication de la prothèse fixée implantaire sur celui de la prothèse amovible ne cesse de s'amplifier.

Quelle évolution ! Passée d'une activité confidentielle, réservée, et limitée en possibilités, cette discipline s'est imposée comme un moyen incontournable, dans l'activité quotidienne. Elle prend une place croissante dans le panier des offres thérapeutiques proposées par les praticiens, mais également dans les programmes d'enseignements et de recherches.

Dans les Facultés, l'enseignement de l'implantologie s'est mis en place graduellement, en corrélation avec l'acquisition de nouveaux équipements – clinique et universitaires – imposant une refonte dans l'organisation des protocoles et plans de traitements, pour les disciplines porteuses.

La faculté de chirurgie dentaire de Strasbourg a été un précurseur, que ce soit dans le domaine de l'enseignement initial de l'implantologie, avec la création d'un training center d'implantologie, accessible aux enseignements de la 2e à la 6e année, mais aussi avec une activité continue dans les formations post universitaires. Par ailleurs, le Pôle odontologique du CHU, en harmonie avec la composante universitaire, a su évoluer dans la même direction. Ainsi, il doit constamment s'adapter en matière de parcours thérapeutique du patient. Enfin, plus récemment, faculté et centre de soins évoluent dans la mise en place du flux numérique, avec l'objectif de parvenir à mettre en œuvre les instruments de robotique passive qui notamment permettent une navigation dynamique per opératoire.

Évidemment, cette révolution des thérapeutiques est incontestable : moins d'effets délétères sur les structures environnantes, fixité des restaurations, esthétique...

Il apparaît comme une évidence qu'étant arrivée aujourd'hui à une certaine maturité, l'implantologie nous amène à aborder les situations cliniques différemment. Cette discipline aura marqué un frein à toute la complexité des thérapeutiques d'avant de type prothèses combinées, avec leurs cortèges d'inconvénients.

Comment voyez-vous l'évolution de l'implantologie ?

A côté de ces avancées indéniables sont apparues aussi des troubles concomitants, telles les pathologies péri implantaires qui n'existaient pas auparavant, et qui nécessitent des suivis complexes à long terme... « on utilise le support implantaire comme une dent mais cela ne fonctionne pas comme une dent ! »

C'est pourquoi les activités de recherche dans le domaine de l'implantologie doivent se poursuivre, pour mieux comprendre comment domestiquer les mécanismes de l'ostéointégration et de la mucointégration.

Et de plus en plus, les développements en ingénierie tissulaires nous permettent d'aborder les problématiques à l'échelon moléculaire, ce qui est très prometteur.

Comment la Faculté vit-elle la pandémie liée au Corona virus ?

La crise sanitaire, que nous subissons, particulièrement rude en Alsace, révèle un état d'être qui s'est installé tant sur le plan social, économique que politique : solidarité, patience, prudence... Bientôt deux mois de confinement ! Une réflexion qui s'installe sur la gestion du « déconfinement ». Alors forcément, des questions diverses émergent auxquelles répondent les directions de la faculté et du pôle par leurs messages hebdomadaires. Enseignants, étudiants, personnels sont impliqués dans un double front : continuité pédagogique et continuité des soins.

Les cours magistraux et les examens sont dématérialisés selon les directives universitaires et de l'État. Une grande part de la formation étant consacrée à la pratique préclinique sur simulateurs et à la pratique clinique avec prise en charge de patients, une stratégie de compensation du manque d'enseignements est engagée avec souplesse et bienveillance mais sans indulgence, tout en garantissant un niveau de formation essentiel. Les équipes cliniques assurent les urgences en veillant à ce que tous puissent intervenir dans des conditions de sécurité optimale.

Nos étudiants viennent assister les titulaires seniors et les internes au service d'urgence qui est assuré quotidiennement ; ils sont mobilisés également en soutien des services médicaux.

Tous ces efforts permettent le maintien de l'activité universitaire et hospitalière mais génèrent aussi la « déritualisation » de notre quotidien, d'autres fatigues, stress et même des souffrances pour un certain nombre d'entre nous.

Pouvez-vous nous décrire une journée type de votre activité professionnelle ?

Difficile de répondre à la question « une journée type de travail », tant il y a de diversités qui s'articulent autour de ma fonction décanale et de ma fonction de présidente de la conférence nationales des doyens des facultés d'odontologie qui occupe la majeure partie du temps, de ma fonction d'enseignement et de ma pratique clinique, mon activité de recherche étant devenue moins marquée par manque de temps.

L'activité décanale est avant tout basée sur un travail d'équipe que je tiens à saluer tant au niveau des personnels administratifs que des vice-doyens qui m'épaulent. L'aboutissement des travaux et l'équipement des salles d'enseignement, le développement de nouveaux projets de recherche, de pédagogie pour la formation initiale et continue, d'échanges internationaux, de valorisation de notre patrimoine par la création du musée de la faculté sont nos principaux objectifs. Par ailleurs, la faculté et le Pôle sont indissociables, jouant un rôle essentiel à la fois dans la formation mais aussi dans le domaine de la recherche biomédicale. Ceci implique « un tandem » entre le Chef de Pôle et moi-même de concertations et d'échanges hebdomadaires.

L'activité d'enseignement demeure ma motivation première. C'est avec enthousiasme que j'enseigne la prothèse amovible durant tout le cursus des étudiants, les diverses heures de cours se répartissant tout au long de l'année. Quant à l'activité clinique, elle se répartit sur 4 demi-journées dans la semaine.

Comment profitez-vous de votre temps libre ?

Toute ma vie a été consacrée à ma famille et ma faculté tout en préservant du temps pour la musique et la gastronomie... activités que je pratique avec passion.

Une phrase de conclusion ?

L'enthousiasme ne nous quitte pas ! Car l'excellence strasbourgeoise, la vitalité de la faculté, l'attractivité de sa recherche et la qualité des formations dispensées, c'est avant tout l'image de ses enseignants-chercheurs, des actions des étudiants et du dévouement des personnels.

Et il faut beaucoup d'enthousiasme, de persévérance et de persuasion pour franchir l'océan de réformes imposé par la politique actuelle et la crise sanitaire que nous surmonterons !