L'implantologie à l'ère de la réingénierie

Spécialistes et généralistes s'entendent pour affirmer que, durant la dernière décennie, l'implantologie a bénéficié d'une évolution considérable. L'avancement des sciences au niveau de la biomécanique, le perfectionnement des instruments opératoires et la maîtrise des techniques chirurgicales permettent aujourd'hui aux professionnels de la santé dentaire d'offrir des traitements de haute qualité et de plus en plus diversifiés pour répondre aux besoins du patient. Pour s'en prévaloir, notons le nombre important de recherches scientifiques portant sur des sujets très spécifiques.

Du point de vue de la formation continue, les offres de stages se multiplient. Avec l'essor de l'informatique, il est même possible d'avoir recours à des logiciels spécialisés pour effectuer certains diagnostics. En bref, avec la venue de nouveaux produits, il devient de plus en plus problématique pour le praticien de jeter un regard éclairé et critique devant cette manne d'informations, mais également de ne pas perdre de vue l'essentiel de sa pratique, c'est-à-dire le patient et son bien-être. A mon avis, une réflexion s'impose. Ce propos prend tout son sens lorsque l'on observe d'autres champs d'activités dans lesquels les situations sont similaires.

Depuis quelques années, nous pouvons observer que plusieurs entreprises américaines prennent un temps d'arrêt afin de réfléchir sur leur raison d'être, leur culture, leur mission et leur performance. Cette remise en question fait appel au concept de « reengineering ». Mon propos n'a pas la prétention de défendre ou non la notion de concept souvent popularisé comme apportant des solutions magiques. Malgré tout, le concept que j'aborde, celui de « reengineering », nous ramène quand même à des constatations fondamentales. Il nous permet de nous interroger : Quelle est la mission de l'entreprise ? Quels sont les objectifs ? Pourquoi faire usage de tel produit ? Pourquoi utiliser telle méthode ? Pourquoi composer une telle équipe de travail ?

Toutes ces questions nous ramènent inopinément à un autre concept, celui de l'efficience, de l'anglais « efficiency », où la notion de temps et de performance font l'objet du débat. En conjuguant ces concepts dans ma réflexion, j'arrive à une question fondamentale : comment faire le mieux possible dans le délai le plus court possible ?

En tant que praticiens, nous sommes conviés à réfléchir sur la notion de temps lors de la planification du travail et de la détermination des honoraires professionnels. Le temps s'inscrit donc en termes de rapidité et d'efficacité dans l'acte professionnel. Dans le contexte de l'implantologie, une réflexion toute simple sur l'ensemble des actions accomplies chaque jour permet de constater qu'il existe plusieurs façons d'améliorer notre efficience. Par exemple, le plan de traitement devrait toujours être planifié de façon à ce que, à chaque rencontre avec le patient, chacun des membres de l'équipe connaisse exactement ses responsabilités, le type d'intervention et le pourquoi de ses actions. Je ne connais qu'une seule façon d'arriver à cette fin, elle se nomme la planification du traitement et celle-ci commence d'abord par une visualisation du résultat final. Celui-ci est d'une part orienté par les besoins et les désirs du patient et, d'autre part, par un diagnostic juste et approprié de la santé buccale du patient. S'il est vrai que la qualité de la réalisation d'une activité ne peut dépasser la qualité de sa préparation, il va de soi qu'avec des objectifs clairs et définis, l'intervenant et son équipe réaliseront le plan de traitement tel que planifié dans une période de temps réduite.

En implantologie, bon nombre d'outils diagnostiques mis à notre disposition, comme la radiologie, la tomographie, l'imagerie en 3D, les modèles d'étude et les cires, permettent de mieux planifier les traitements, de diminuer les erreurs de diagnostic, de visualiser plus facilement le résultat final et, par conséquent, de diminuer le temps ainsi que le nombre d'interventions. Il en est de même pour l'ergonomie de travail. Dans mon cabinet privé, l'utilisation d'une table chirurgicale adaptée aux besoins spécifiques de l'implantologie est rendue indispensable. Elle offre de par ses dimensions, deux mètres de long, la possibilité de disposer les instruments nécessaires à l'intervention dans l'ordre d'utilisation. Elle permet au praticien de prendre lui-même les instruments au fur et à mesure qu'il en a besoin. Ceci a comme résultante d'optimiser temps et gestes pendant la procédure chirurgicale. Une réflexion sur les actions que nous posons machinalement peut parfois mener à des innovations. Même après dix ans consacrés à l'implantologie, je me sens et suis toujours concerné par l'efficacité et la précision de mon travail. C'est ainsi que je suis arrivé, il y a deux ans, à la conception d'un guide chirurgical, le Poitras Surgical Template (PST), qui permet de diminuer considérablement le temps d'intervention. Conçu spécifiquement pour la pose d'implants au maxillaire supérieur, ce guide chirurgical sert à déterminer le nombre, l'emplacement et l'orientation exacts des implants avant l'opération. Installé en permanence durant l'intervention, le PST augmente la précision du placement des implants pour satisfaire les plus hautes exigences du traitement tant du point de vue fonctionnel qu'esthétique.

Il ne faut pas voir, bien sûr, dans cette réflexion le désir de faire plus vite par plaisir ou par souci de performance, mais bien de conjuguer le temps comme nous le faisons avec les opportunités technologiques présentes dans le milieu de la dentisterie. Notons enfin les nombreux avantages réels de cette diminution du temps d'intervention pour le patient en regard des effets secondaires. Il y a donc une diminution possible de la médication, des risques infectieux, d'hématome, d'inflammation, de décoloration et d'inconfort. Nous obtenons comme résultante directe la satisfaction du patient, du praticien et du personnel traitant, et des référents.

Or, il faut voir dans le concept de réingénierie non seulement une ère de changement, mais une mise en place d'un processus continu de réflexion. Il appartient à l'ensemble des intervenants qui œuvrent en implantologie d'offrir et surtout de rendre au patient son bien-être.