Les empreintes en prothèse implantaire - Implant n° 3 du 01/08/1998
 

Implant n° 3 du 01/08/1998

 

Revue de littérature

Gérard Guez *   François Hary **  


*Attaché de consultation, service de prothèse sur implants (Paris-VII)
**Attaché de consultation, service de prothèse sur implants (Paris-VII)

Le succès des thérapeutiques implantaires dans les restaurations des édentements complets, partiels ou unitaires est, aujourd'hui, un fait acquis ; les très nombreuses études longitudinales publiées sur le sujet en témoignent. Néanmoins, de nombreuses complications prothétiques (dévissages, fractures de composants), voire des échecs (fractures d'implants, pertes d'ostéointégration), peuvent survenir [1-

Le succès des thérapeutiques implantaires dans les restaurations des édentements complets, partiels ou unitaires est, aujourd'hui, un fait acquis ; les très nombreuses études longitudinales publiées sur le sujet en témoignent. Néanmoins, de nombreuses complications prothétiques (dévissages, fractures de composants), voire des échecs (fractures d'implants, pertes d'ostéointégration), peuvent survenir [1-3].

Les forces et contraintes s'exerçant sur les prothèses (armatures rigides) vont se distribuer aux composants prothétiques, à l'implant et finalement à l'os [4].

L'absence quasi totale de degré de liberté de l'implant à l'intérieur de son site osseux (« ankylose ») n'autorisera aucun mouvement d'adaptation possible (contrairement au desmodonte d'une dent naturelle) et va imposer une précision d'adaptation sans faille et une passivité totale de l'armature prothétique [1].

Ceci requiert une réplique parfaite du positionnement spatial du col implantaire ou du pilier prothétique transgingival (connecteur) s'y agrégeant.

On conçoit ainsi aisément l'importance de la précision des empreintes en amont de la chaîne prothétique. Elles seront globalement réalisées selon deux types de techniques :

- technique directe utilisant des transferts d'empreinte carrés transvissés et un porte-empreinte ajouré (technique « pick-up ») ;

- technique indirecte utilisant des transferts d'empreinte coniques vissés ou transvissés, repositionnés dans un second temps dans l'empreinte obtenue.

Nous essaierons, par l'analyse des différentes études publiées (d'ailleurs peu abondantes sur le sujet), de comparer ces différentes techniques.

Prothèse plurale vissée - techniques directe et indirecte

Ce chapitre concerne également la prothèse adjointe complète supra-implantaire stabilisée sur barre de conjonction.

L'empreinte doit ici fournir, dans la majorité des cas, une réplique précise de la situation spatiale des piliers prothétiques transgingivaux (connecteurs) installés sur les implants.

Cette empreinte pourra être réalisée soit par technique directe (ou « pick-up »), soit par technique indirecte (le transfert d'empreinte étant repositionné manuellement dans l'empreinte obtenue).

De multiples études ont été menées afin de juger la précision respective de chaque technique. Schématiquement, les observations sont réalisées selon deux principes :

- mesures de la position relative des analogues par rapport au modèle de référence ;

- comparaison de l'adaptation d'une armature passive test sur les différents modèles obtenus.

La plupart de ces études concerne la comparaison entre technique directe et indirecte.

Spector et al. (1990) [5], avec un modèle de référence préfigurant une mandibule comportant six implants Brånemark ont mesuré la position relative des analogues de piliers dans les trois plans de l'espace.

Les transferts d'empreinte étaient solidarisés à la résine dans le cadre de la technique indirecte.

Aucune différence significative n'a pu être observée entre les différentes techniques qui présentaient néanmoins toutes des distorsions que les auteurs expliquent par trois sources d'erreur potentielles :

- dévissage du transfert et vissage de l'analogue ;

- repositionnement manuel incorrect du transfert d'empreinte ;

- contraction (retrait de polymérisation) de la résine dans le cas de la solidarisation des transferts carrés.

Ces observations sont confirmées par Carr [6] qui ne constate pas non plus de différences entre ces deux techniques. Son étude, néanmoins, ne préfigure pas la même situation clinique.

Il s'agit, en effet, dans cette étude d'un modèle de référence en plâtre représentant une mandibule comportant un édentement partiel postérieur avec deux analogues de piliers (Nobelpharma) simulant deux implants présentant une divergence de 15 degrés (dans le sens vestibulo-lingual). Les mesures sont effectuées par comparaison de repères situés sur une armature adaptée au modèle de référence et insérée sur les différents modèles obtenus par les deux techniques d'empreinte. Il convient de noter que l'auteur a essayé de restituer au mieux les conditions de prise d'empreinte en milieu buccal (température de 37 °C et taux d'humidité de 100 %).

L'étude de Humphries et al. [7] va même plus loin dans ses conclusions puisque, en comparant trois type d'empreintes (indirecte, directe et directe avec transferts d'empreinte solidarisés) à partir d'un modèle de référence comportant quatre piliers classiques (Nobelpharma), les auteurs constatent que le plus faible taux de distorsion est obtenu avec la technique indirecte (transferts coniques).

Mais toutes les études, loin s'en faut, ne convergent pas dans la même direction. Ainsi, Carr [8] parvient à des conclusions différentes. En utilisant un modèle mandibulaire comportant cinq piliers antérieurs (Nobelpharma) présentant une certaine divergence entre eux (moins de 15°) et en comparant les deux techniques d'empreinte (directe et indirecte), l'auteur obtient la meilleure précision avec la technique « pick-up » . L'imprécision de la méthode indirecte résulterait de la déformation du matériau d'empreinte due à la divergence des piliers.

Assif et al. [9] présentent des conclusions identiques dans une étude intéressante qui compare quatre techniques d'empreinte (technique indirecte et trois variantes de la technique directe) à partir d'un modèle de base mandibulaire avec cinq analogues d'implants. Une armature passive adaptée au modèle de référence est utilisée pour comparer la précision des moulages obtenus. Des matériaux d'empreinte différents sont utilisés.

La meilleure précision d'adaptation de l'armature est obtenue avec la technique directe utilisant des transferts d'empreinte solidarisés à la résine (hyatus moyen de 4,17 microns à la jonction pilier/ armature).

La technique directe utilisant des transferts indépendants est un peu moins précise (hyatus moyen de 11 microns).

La technique la moins précise s'avère être la méthode indirecte avec un hyatus moyen de 21,6 microns.

La supériorité de la technique indirecte est reprise dans les résultats de l'étude de Phillips et al. [4] qui comparent la situation tridimensionnelle de cinq transferts d'empreinte sur le modèle de référence (mandibule en résine comportant cinq implants antérieurs Brånemark présentant une angulation vestibulaire de 10 degrés) et sur les empreintes obtenues.

Les auteurs s'affranchissent ainsi du risque d'erreur inhérent à la coulée des modèles.

La meilleure précision est obtenue avec la technique indirecte utilisant des transferts non solidarisés. Au-delà de la comparaison entre les méthodes directe et indirecte, des auteurs se sont penchés sur l'intérêt des nombreuses modifications proposées pour la technique « pick-up » .

Hsu et al. [10] ont comparé quatre variantes de la technique indirecte à partir d'un modèle comportant quatre implants Brånemark (deux antérieurs et deux postérieurs). Ils ne relèvent pas de différences notables entre les quatre méthodes, les conditions d'expérimentation étant très rigoureuses.

Néanmoins, Assif et al. [11], dans une étude très bien menée utilisant des jauges de contraintes reliées à une armature test (modèle de base avec cinq implants mandibulaires antérieurs), concluent à la supériorité de la méthode utilisant des transferts carrés solidarisés à la résine.

Précision d'enregistrement du col implantaire

Il s'agit de réaliser l'empreinte du col implantaire et d'obtenir la meilleure précision possible dans la réplique de la situation spatiale du système antirotationnel.

Peu d'études ont été développées sur ce thème. Celle de Liou et al. [12] compare la précision de repositionnement de trois transferts d'empreinte coniques transvissés (deux matériaux d'empreinte sont utilisés).

Le modèle de base comporte cinq implants Brånemark.

Le paramètre de mesure est la déviation angulaire d'un point de référence sur le transfert d'empreinte après repositionnement dans l'empreinte.

Cinq praticiens sont mis à l'épreuve pour l'expérimentation. Les conclusions de cette étude sont intéressantes :

- aucun transfert ne permet de retrouver avec exactitude la position d'origine ;

- les surfaces de guidage interviennent dans les erreurs de repositionnement (le système le plus performant ne comportait qu'une seule surface de guidage, limitant ainsi les erreurs) ;

- le nombre de repositionnements n'affecte pas la précision ;

- le type de matériau d'empreinte n'intervient pas.

Influence du matériau d'empreinte

Les différentes études montrent de manière catégorique que ce facteur n'influence en rien la précision des empreintes obtenues [5, 9, 12].

Empreinte au premier temps chirurgical

Cette technique, décrite par de nombreux auteurs [13, 14], consiste à réaliser une empreinte de situation du col implantaire lors du stade I chirurgical à l'aide d'un guide en résine élaboré sur le modèle d'étude. Le transfert d'empreinte est solidarisé au guide. Il est possible de cette manière de préparer une prothèse provisoire posée lors du deuxième temps chirurgical.

Henry et al. [15] dans une étude réalisée sur le chien ont montré que des empreintes réalisées lors du premier temps chirurgical sur trois implants mandibulaires ont permis d'élaborer des armatures de bridges dont l'adaptation était tout à fait satisfaisante.

Conclusion (Tableau I)

Les nombreuses études évoquées plus haut ne permettent pas de dégager des conclusions définitives quant à la supériorité d'une technique d'empreinte en implantologie.

Bien au contraire, les résultats sont souvent même contradictoires.

Toutefois, quelques grandes idées peuvent être avancées :

- le matériau à empreinte n'a aucune influence sur le résultat final ;

- lorsque les conditions cliniques sont simples (nombre d'implants limité, angulation faible), il ne semble pas nécessaire de compliquer la technique d'empreinte : la méthode indirecte est satisfaisante [6] ;

- quand le nombre d'implants devient plus important et (ou) l'angulation plus marquée, il parait plus opportun d'opter pour la technique « pick-up » [4, 8, 9, 11, 16] ;

- lorsque la technique directe doit être utilisé, il ne paraît pas impératif de solidariser les transferts d'empreinte [4, 10] ;

- ce sont les conditions cliniques qui peuvent imposer une technique d'empreinte (la technique « pick-up » sera difficile, voire impossible à réaliser dans des secteurs postérieurs, avec un faible espace interarcades) [12, 16].

Bibliographie

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