Un substitut osseux synthétique : le standard thérapeutique du futur - Implant n° 1 du 01/02/1999
 

Implant n° 1 du 01/02/1999

 

Dossier clinique

Arthur Ashman  

DDS
Clinical Professor Arthur Ashman
Department of Implant Dentistry
N.Y. University,
College of Dentistry
Box 269, greens Farms,
Connecticut 06 436-0269, USA

Le professeur Arthur Ashman nous fait part dans ce dossier des conclusions observées au cours de trente ans d'expérience clinique avec l'utilisation d'un substitut synthétique de greffe osseuse, le Bioplant® HTR®, mis au point avec le professeur Bruins, chimiste spécialiste des copolymères. Le HTR®, sans adjonction de membrane, présente par sa constitution physicochimique (copolymère calcifié microporeux alcalin à charge négative) des propriétés ostéoconductrices dans le traitement de préservation des crêtes et d'implantation immédiate.

J'aimerais remercier la revue Implant de me donner la parole dans ses colonnes pour exprimer mon opinion sur un sujet pour lequel je peux justifier de trente années d'expérience clinique. Avec Paul Bruins, Ph. D., chimiste spécialiste des polymères et professeur émérite du Brooklyn Polytechnical Institute, nous avons mis au point l'os synthétique Bioplant® HTR® qui pourrait faire figure de substitut osseux idéal. En tant que chirurgien et professeur d'odontologie du département A. Ashman de dentisterie implantaire de l'école dentaire de l'université de New York, je suis souvent interrogé sur les résultats obtenus avec les matériaux de greffes osseuses en chirurgie buccale, parodontologie et implantologie.

Pendant de nombreuses années, j'ai utilisé, en clinique, différents types de substituts osseux comme matériaux de greffes pour préserver les crêtes alvéolaires après les extractions et dans des approches combinées à la mise en place d'implants dentaires.

Le Bioplant® HTR®Synthetic BoneTM Alloplast (fig. 1a et 1b) est un matériau de comblement synthétique qui est largement testé depuis des années.

Comme à de nombreux collègues, il m'a paru facile à manipuler et permet d'obtenir des résultats prévisibles. Les recherches ont mis en évidence de nombreuses caractéristiques cliniques et histologiques. En fait, le HTR est très documenté chez l'homme : il a fait l'objet de plus de 160 publications (la plupart, parues dans les années 70-80, sont internationales).

La première question à laquelle je dois souvent répondre concerne la régénération osseuse. Le HTR facilite la néoformation d'un os approximativement deux à trois fois plus dense que l'os alvéolaire [1, 2]. Il joue le rôle de trame dans le processus de néoformation. Ce matériau synthétique a toujours été ostéoconducteur, mais jamais aucune revendication n'a été faite sur le potentiel ostéoinducteur de l'HTR. Pourtant, son effet promoteur de régénération - lorsqu'il est combiné à de la moelle osseuse provenant du site chirurgical et imbibé de sang ou à de l'os autogène -, s'est avéré si remarquable que j'ai quelquefois pensé qu'il était « inducteur » [3].

Nous n'utilisons pas de membranes, résorbables ou non, avec le HTR pour la régénération osseuse guidée (ROG) [4-6].

A ma connaissance, tous les dentistes utilisant le Bioplant® HTR® n'utilisent pratiquement jamais de membrane avec ce matériau, sauf s'ils ne parviennent pas à obtenir la fermeture primaire de la plaie et veulent donc recouvrir le site chirurgical pour éviter :

- soit la perte du matériau en raison des mouvements de la langue du patient ;

- soit la pénétration de particules alimentaires dans le site comblé.

J'ai pour cela utilisé des mousses gélifiées, des pansements de collagène ou des feuilles chirurgicales (Burlew) et, de temps en temps, un intermédiaire plat prothétique recouvrant la crête. L'inconvénient de placer une membrane non résorbable sur le HTR est détaillé dans une étude de mise en place d'implants immédiatement après les extractions [7]. Chez l'animal (le singe), il a été établi que l'utilisation d'une membrane non résorbable combinée à l'HTR entraîne un taux d'infection de 90 % au cours des dix mois postopératoires. Lorsque la membrane non résorbable est placée directement autour des implants, sans HTR, le taux d'infection reste d'environ 80-90 % alors qu'avec le HTR seul, le taux d'infection est inférieur à 1 %. Pour cette raison et sachant, par ailleurs, que les matériaux synthétiques, tels le HTR poreux, l'hydroxyapatite poreux et le sulfate de calcium, semblent se comporter eux-mêmes comme une membrane, nous n'utilisons donc pas de membrane avec le Bioplant® HTR® [1, 7-11].

Il faut savoir, d'autre part, que lorsqu'une membrane (résorbable ou non) est utilisée en vue d'obtenir une régénération osseuse guidée, le pH du site opératoire est abaissé, ce qui, biologiquement, retarde la néoformation osseuse, même en présence de Bone morphogenic protein [12].

Lors de la réalisation d'une augmentation de volume d'une mâchoire atrophiée, nous avons constaté que la membrane n'était pas nécessaire avec le HTR même avec une incision crestale (non tunnélisée) et en utilisant un guide chirurgical [13].

Le matériau alloplastique synthétique se comporte comme sa propre membrane en formant initialement un tissu réactionnel fibreux dense sous le lambeau, qui, avec le temps, semble se transformer en os néoformé [2, 6, 13, 14].

Ces dernières années, le HTR a été utilisé comme support de Bone morphogenic protein et OP-1 (osteoinductive protein 1) qui donne à l'HTR des qualités ostéoinductrices. Le Dr Philip Boyne, qui a utilisé du BMP combiné à d'autres supports, a indiqué que, pour lui, le HTR était le meilleur support [7]. En effet, il est possible d'associer à la surface du HTR un facteur de croissance osseuse à libération lente (sur trois à quatre semaines). On obtient d'ailleurs la même libération lente avec des antibiotiques à la surface du HTR. Le HTR aide également à maintenir la forme et le volume du site, ne migre pas (grâce à sa nature hydrophile) et attire les cellules précurseurs des ostéoblastes vers le site chirurgical [7, 15, 16]. Il est alcalin, ne se résorbe pas et sert de trame à long terme à un os néoformé plus dense.

Les matériaux synthétiques présentent l'immense avantage d'empêcher les 40 % de résorption osseuse parfois observée lorsque l'os autogène est utilisé seul. Ceci est particulièrement vrai lorsque les matériaux synthétiques sont combinés à ce dernier [1, 17].

Les caractéristiques qui rendent le Bioplant® HTR® unique sont les suivantes :

- le HTR est un matériau synthétique de laboratoire (copolymère calcifié microporeux) dont la surface poreuse de calcium/carbonate/apatite réalise la liaison avec l'os sur le site chirurgical. Son avantage, le plus important peut-être par rapport aux os d'origine bovine ou de cadavres (tels Bio-Oss® , Osteogen ) est que la transmission de maladies, que ce soient l'hépatite ou la « maladie de la vache folle », n'est pas possible. Une étude récente de James W. Ironside [18] indique qu'il est impossible de stériliser le « prion » et donc d'éviter la transmission de la « maladie de la vache folle ». Dans un numéro de l'International Herald Tribune, daté du 11 décembre 1997, il est fait état de 200 000 cas de vaches atteintes de la « maladie de la vache folle » en Europe. Cela peut devenir un réel problème dans le futur. Il n'a été rapporté aucun cas de cette maladie aux États-Unis à ce jour. Mais, cette maladie se manifeste chez l'homme 10 à 18 ans après l'infection ;

- le HTR présente une surface chargée négativement (- 10 mV) qui repousse les bactéries chargées elles aussi négativement. Ce fait est important : nous relevons moins de 1 % d'infection et de rejet avec le HTR. Les bactéries ne semblent pas coloniser la surface du matériau en raison de sa charge négative. Une étude à long terme (20 à 25 ans) a montré moins de 1 % d'infection et de rejet avec l'usage du HTR. Comparé au taux d'infection observé lors de l'utilisation de membranes non résorbables (entre 40 et 55 %) et celui observé lors de l'utilisation d'hydroxyapatite, (tels le Bio-Coral® , hydroxyapatite poreuse) qui se situe entre 40 et 45 %, il est indéniable que le HTR présente un intérêt clinique certain. On peut également penser que les charges négatives attirent les ostéoblastes et aident à la liaison à l'os et/ou à un implant métallique, ménageant un espace nécessaire à la formation du caillot sanguin ;

- il faut savoir que le HTR est hydrophile, propriété qui majore ses qualités d'adhésion à l'os et aux implants. Le matériau ne migre pas. C'est certainement le seul matériau qui ne soit pas entraîné par les saignements. Par sa capacité à retenir le caillot sanguin et à éviter son effondrement, il empêche l'hémorragie postopératoire et la survenue d'alvéolites. Ce matériau synthétique est très « convivial » [19, 20] ;

- la membrane est superflue. Selon Boyne [1], Hahn [8], Huys [9], Carl et Ikner [11] et d'autres auteurs [16, 21], le HTR se comporte comme une barrière à la pénétration des cellules épithéliales et conjonctives des tissus mous.

Le HTR se présente sous forme de boules creuses et permet d'observer que la matrice os/HTR est constituée d'environ 90 % d'os et 10 % de HTR (matrice non résorbable) [1, 20].

Dans des études à long terme, chez l'homme, nous avons observé que les deux couches superficielles de HTR se résorbent lentement et sont remplacées par de l'os dans des biopsies de 12 ans [2]. Quelques traces de polyméthylméthacrylate chirurgical pur (PMMA) non résorbables subsistent, non infectées, ostéointégrées et complètement inertes après cette période [2]. Aucune cellule de tissu conjonctif ni inflammatoire n'est visible : il n'y a que de l'os ostéointégré avec du HTR jouant le rôle de matrice bio-inerte [1, 2, 4-6, 13].

Il importe de savoir s'il faut utiliser un matériau résorbable ou non. Ces dernières années, nous avons toujours eu le sentiment que le matériau résorbable était remplacé par l'os à 100 %. Nous savons aujourd'hui que c'est impossible. De façon très prosaïque, lorsque l'os se résorbe, un environnement acide - semblable à celui d'une infection - se crée ; ceci retarde la néoformation osseuse. Or, le HTR constitue une matrice très alcaline, non résorbable, ce qui semble être un avantage [12]. Observé sur des sites de biopsies humaines à long terme, son comportement a été absolument remarquable [2, 6, 8, 10, 14, 19, 20].

Dans tous les cas traités avec le HTR que j'ai observés, le comportement clinique semblait plaider en faveur d'une régénération osseuse. Un an après avoir placé ce matériau pour l'indication nous avons constaté une augmentation de crête, et avons pu mettre en place des implants dans l'os-HTR ainsi formé [2, 13, 16]. Récemment, le Dr S. Froum, chef des recherches en implantologie du département Arthur Ashman de l'école dentaire de l'Université de New York, a complété une étude sur 22 cas de comblement de HTR et publié les résultats de l'analyse de cinq d'entre eux [2]. Les patients sont revus à la clinique de l'université de New York entre 8 mois et 12 ans après les interventions. A cinq ans, les implants, qui ont été placés au sein de crêtes augmentées du matériau synthétique étaient fonctionnels. Lors de la mise en place des implants, des biopsies ont été prélevées pour observer la réponse osseuse : à court (8 mois à 1 an), moyen (1 à 5 ans) et long terme (6 à 12 ans). Chez l'homme, les résultats confirment un pourcentage de l'ordre de 90 % de régénération osseuse avec un os néoformé deux à trois fois plus dense que l'os alvéolaire normal (Boyne a fait part de résultats analogues chez le singe [1]). Après avoir comblé des sites extractionnels postérieurs maxillaires (préservation de crête dans de l'os de type IV) et en intervenant à nouveau sur le site 12 mois ou plus pour placer des implants, nous avons constaté la présence d'os de type I.

Le Bioplant® HTR® est un matériau qui évite l'hémorragie postopératoire, empêche le caillot de se désintégrer et donc supprime les douleurs et la gêne pour les patients. Il évite la migration des matériaux, adhère à l'os et aux implants, ne s'infecte que rarement (moins de 1 %), est d'emploi facile, peu coûteux et très « convivial ».

Comme d'autres praticiens, nous avons des résultats excellents à long terme tant pour la préservation des crêtes, comblement des alvéoles déshabitées sans implant que pour une « implantation immédiate » [5]. En ce qui concerne le HTR utilisé en implantologie immédiate après les extractions, j'aimerais attirer votre attention sur une étude de sept ans chez l'homme [10] et également sur des publications de cas rencontrés chez l'homme [6, 10, 19, 20]. Nous croyons que, dans le futur, la majorité des implants seront placés immédiatement après les extractions. Le traitement de l'alvéole est partie intégrante du traitement implantaire. Du point de vue de la psychologie du patient et de la rapidité du résultat, un tel comportement thérapeutique a des répercussions inestimables.

« Si quelque chose est retiré, il doit être immédiatement remplacé ». Pour le clinicien, voir le futur sous cet angle est particulièrement excitant.

(1) Septodont, 58, rue du Pont-de-Créteil, 94107 Saint-Maur-des-Fossés Cedex. Tél. : 01 49 76 70 00. Fax : 01 48 85 54 01.

(2) Geistlich Söhne AG, distribué par Pred, 1, quai de Grenelle, 75015 Paris. Tél. : 01 44 37 75 80. Fax : 01 45 75 54 46.

(3) Osteogen Corporation, Lakewood CO 80228-1965, USA.

(4) Inoteb, BP 26, 56920 Saint-Gonnery. Tél. : 02 97 38 40 88. Fax : 02 97 38 41 13.

Bibliographie

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