Dentisterie sur implants - Implant n° 2 du 01/05/1999
 

Implant n° 2 du 01/05/1999

 

Tribune

Cyril I. Evian  

DMD
1000 Valley Forge Towers 112
King of Prussia
Pennsylvania 19406 (États-Unis)

Les implants dentaires font partie intégrante de la pratique quotidienne. Maintenant que le succès des implants en forme de racine est confirmé par la clinique comme par la recherche scientifique, le praticien peut en toute confiance les recommander et les utiliser comme solution de rechange à la prothèse amovible ou fixée ou comme moyens de stabilisation des appareillages amovibles.

Les implants dentaires ont permis à des patients, auparavant incapables de mastiquer...


Les implants dentaires font partie intégrante de la pratique quotidienne. Maintenant que le succès des implants en forme de racine est confirmé par la clinique comme par la recherche scientifique, le praticien peut en toute confiance les recommander et les utiliser comme solution de rechange à la prothèse amovible ou fixée ou comme moyens de stabilisation des appareillages amovibles.

Les implants dentaires ont permis à des patients, auparavant incapables de mastiquer efficacement, de récupérer grâce à la restauration de leur denture une fonction normale, d'améliorer leur statut nutritionnel et de retrouver la joie de vivre.

Les premières restaurations sur des implants-racines étaient tant bien que mal adaptées aux fixtures, elles-mêmes posées de façon quelque peu hasardeuse. Il se trouve pourtant que ces prothèses fonctionnaient bien et avaient le plus souvent un aspect acceptable. Très vite, il apparut que, placés de façon raisonnée, ces implants pouvaient reproduire la forme et la fonction des dents naturelles.

Cela exigeait cependant la présence d'os en quantité suffisante et correctement orienté par rapport à la position finale de la (des) couronne(s). Cette relation revêt une importance particulière dans les zones de la bouche où prime l'esthétique. La suite logique à ce positionnement raisonné des implants fut le développement de la régénération guidée des tissus osseux et muqueux. De pair avec l'ostéointégration, le remplacement de l'os disparu devint un facteur prépondérant de réussite de la dentisterie implantaire moderne.

Pour créer des contours anatomiques corrects à la restauration sur implants, il fallut concevoir des piliers susceptibles de réorienter la couronne par rapport à la racine artificielle. Dès lors, le praticien put réaligner la couronne en dépit d'une angulation défavorable de l'axe de l'implant. Cela fut rendu possible grâce au pilier angulé, vissé ou scellé à la fixture. On a alors placé la couronne dans une relation anatomique correcte. Actuellement, moins de couronnes sont vissées ou scellées directement aux implants. La réalisation de ces éléments angulés nécessite un travail de laboratoire de haute qualité. Les caractéristiques de surface de l'implant et les matériaux utilisés ont subi plusieurs changements depuis le titane, l'alliage de titane à surface rugueuse, la projection de plasma de titane et le revêtement d'hydroxyapatite (HA). Dans la majorité des cas, le titane apparaît comme le matériau idéal. La science nous apprend que dans un os à la trabéculation très lâche, l'hydroxyapatite favorise une ostéointégration précoce. Mais, des études récentes et des résultats cliniques semblent indiquer que lorsque s'amorce une détérioration osseuse autour de l'implant, la couche d'hydroxyapatite peut précipiter la destruction de l'os et la perte de l'implant.

Je continue à utiliser les implants revêtus d'hydroxyapatite dans des cas très précis, lorsque l'os est extrêmement mou, mais avec toutefois un volume important. Je n'utilise jamais ce type d'implants dans un os de bonne qualité ou dans des sites où l'os spongieux vient au contact direct des parois de la fixture (intuition clinique forgée après la pose de bien des implants recouverts ou non d'hydroxyapatite). Les revêtements modernes d'hydroxyapatite et le reprofilage des implants liés à ces revêtements ont besoin d'être testés.

La configuration prothétique utilisée avec les implants joue un rôle décisif dans la réussite du traitement. Une parfaite compréhension de l'occlusion et des forces qui s'exercent sur les dents et les implants est impérative. Le fait d'optimiser la composante verticale de la force et d'en réduire les composantes latérales augmente la pérennité de la fixture dans l'os. Autrement dit, il convient d'aligner les forces suivant le grand axe de l'implant. C'est d'ailleurs ce qui se passe avec les dents naturelles, encore que celles-ci soient mieux armées que les implants face aux forces latérales.

Le nombre d'implants utilisés comme supports de la prothèse a aussi son importance. Dans les secteurs postérieurs de la bouche où les forces exercées sont plus grandes, le praticien devrait poser autant d'implants que possible afin de renforcer l'occlusion, en particulier en présence de parafonctions comme le bruxisme. Les praticiens sont quasiment unanimes à considérer qu'il faut dans les secteurs postérieurs remplacer chaque racine disparue par un implant.

On pensait que le bruxisme constituait une limitation à la dentisterie implantaire. Mais si l'on respecte certains principes, on réduit les risques : on optera pour des tables occlusales plates, des assises ou butées cingulaires sur les dents antérieures, des gouttières occlusales visant à contrôler les habitudes parafonctionnelles et on utilisera des matériaux tendres comme les composites ou la résine acrylique en cas de bruxisme sévère.

La prothèse finale doit être planifiée dans une perspective de réussite durable. Pour une reconstitution comprenant plusieurs dents, le fait d'utiliser davantage d'implants renforce le pronostic prothétique à long terme, en particulier si les dents sont solidarisées. En effet, en cas de défaillance ultérieure d'un implant, celui-ci serait retiré sans préjudice pour l'ensemble de la prothèse. Cela restera toujours un succès clinique pour le patient et pour le praticien. Si les implants sont tous traités de façon unitaire et que l'un d'eux échoue, il y a échec local et il faut alors un traitement additionnel conséquent.

Lorsque la pratique implantaire est importante, les échecs d'implants, les vis cassées, les fixtures fracturées, les fractures de porcelaine doivent être prises en compte. Rien dans la vie n'est jamais définitivement acquis ni garanti et le patient devrait dès le départ être correctement informé des possibilités d'un échec même si la probabilité de son occurrence est très faible. D'un autre côté, nous avons pu résoudre bien des cas par remplacement ou par réfection. Il reste que ces situations sont émotionnellement et financièrement très stressantes.

La maladie parodontale est chez l'adulte la cause principale de la perte des dents. La parodontite présente différentes formes dont certaines, à évolution rapide, sont difficiles à maîtriser. La dentisterie implantaire est devenue un prolongement naturel du traitement parodontal et, lorsqu'une dent disparaît, son mode de remplacement évident, c'est l'implant. Le problème dans cette circonstance est que la parodontite sévère entraîne une déperdition osseuse importante et en finale, il ne reste plus assez d'os pour mettre en place les fixtures. Alors se pose la question : à quel stade de la maladie parodontale le praticien doit-il décider d'extraire les dents atteintes avant qu'il ne reste plus assez d'os pour mettre en place des implants ? Cela ne signifie pas qu'il faille forcément tout extraire, mais seulement certaines dents stratégiques dont l'emplacement servira de support à une reconstruction multiple future. L'expérience clinique et la compréhension du taux de délabrement parodontal d'un patient donné aident à prendre la décision. L'autre question embarrassante et insuffisamment approfondie est celle d'une éventuelle prédisposition à l'échec des implants de patients atteints de parodontite avancée. En d'autres termes, un patient sujet à l'effondrement parodontal serait-il plus vulnérable à l'implantite ou à la lyse osseuse qu'un patient sans parodontopathie ? Les caractéristiques de surface de l'implant ne modifieraient-elles pas cette vulnérabilité ?

Ces dernières années, les considérations esthétiques liées aux implants ont progressé de façon considérable grâce à l'utilisation de méthodes de chirurgie plastique parodontale permettant au praticien de créer des relations harmonieuses entre morphologie coronaire et tissus mous. Il n'est pas toujours possible de recréer l'anatomie de la denture d'origine et certaines limitations existent. Mais, on peut espérer des résultats tout à fait acceptables si l'on a fait un diagnostic et un plan de traitement corrects. Le plan de traitement implique une approche multidisciplinaire qui passe par des consultations entre les chirurgiens, les praticiens prothésistes et les divers spécialistes : de chirurgie, de dentisterie restauratrice, d'orthodontie, de parodontie, de chirurgie maxillo-faciale et, parmi les plus importants, les prothésistes de laboratoire dont la collaboration est fondamentale dans l'équipe implantaire.

La dentisterie sur implants est une affaire coûteuse qui peut dépasser les moyens de bien des patients. La motivation est un facteur déterminant. Souvent, les gens trouvent l'argent pour ce qui leur paraît important. Il faut parfois sacrifier les vacances de la famille et renoncer à d'autres plaisirs pour bénéficier de l'amélioration de la qualité de vie que procurent les implants. Cela doit être souligné au patient pendant la présentation du cas. Il convient de bien exposer et d'expliquer les avantages de la dentisterie implantaire. Pour certains patients, le praticien peut aussi proposer une démarche thérapeutique étalée dans le temps. Cela commencerait par exemple par deux implants servant de supports à une prothèse amovible, puis progressivement, après la pose d'autres implants, on aboutirait à une reconstitution fixée de l'arcade. Plusieurs patients ont été traités de la sorte. Les soins deviennent plus accessibles et gratifiants pour le patient et pour le praticien.

Pour la première fois dans l'histoire, notre profession dispose de moyens fiables et efficaces pour remplacer les dents manquantes ou perdues. La théorie et la pratique implantaires ont progressé rapidement durant ces dix à quinze dernières années. Cette tendance se poursuivra dans les années à venir. C'est l'une des avancées les plus exaltantes qu'ait jamais connu l'art dentaire.