Innovations dans les suprastructures amovibles pour mandibule édentée - Implant n° 2 du 01/05/1999
 

Implant n° 2 du 01/05/1999

 

Prothèse

Christian E. Besimo  

PD Dr
Département de Prothèse
École de dentisterie
Université de Bâle
Petersplatz 14
4051 Bâle, Suisse

En plus des systèmes d'attachements boule, des aimants et des barres utilisés avec les prothèses supra-implantaires conventionnelles (overdentures), on peut utiliser les couronnes coniques fraisées et les ancrages cylindriques préfabriqués dans le but d'améliorer les suprastructures amovibles. La solidarisation secondaire de trois ou quatre implants porteurs de couronnes coniques ou d'ancrages cylindriques rend possible la réalisation d'une suprastructure amovible ressemblant à un bridge et combinant le confort tissulaire, la stabilité et l'esthétique des restaurations fixées aux avantages des prothèses supra-implantaires amovibles : manipulation aisée, simplification de l'hygiène et de la maintenance de longue durée.

La fin du XXe siècle se caractérise dans les pays de l'Europe de l'Ouest par une population progressivement vieillissante [1]. Si l'on considère la santé bucco-dentaire de la population, les efforts intensifs déployés en dentisterie préventive et restauratrice conduisent à une baisse du taux d'édentation et à un nombre croissant de dents présentes à un âge avancé [2, 3]. La conséquence directe de cette évolution sera l'augmentation significative des besoins en services dentaires pour les personnes âgées. D'après des études récentes menées en Suisse, les ressources actuelles en dentisterie permettront de gérer cette demande croissante grâce aux succès de la prévention des affections bucco-dentaires chez les adultes et les adolescents [4-6]. Dans l'avenir, le traitement des caries et des problèmes parodontaux concernera principalement les patients de plus de 50 ans. Il faudra donc fournir des prothèses à appui dentaire ou implantaire, fixées ou amovibles, à une période de la vie, le grand âge, où le traitement dentaire est souvent considéré comme problématique [7-10]. Les stratégies de traitement des personnes âgées doivent respecter les spécificités des situations physiques, psychologiques, économiques et sociales. Les dépenses croissantes de Santé publique, la sécurité sociale non garantie à long terme et, par voie de conséquence, la remise en question du pouvoir d'achat des plus âgés, sont aussi des facteurs à prendre en considération. D'un autre côté, on ne saurait sous-estimer les besoins croissants des sujets âgés en soins prothétiques et dentaires d'une qualité fonctionnelle et esthétique optimale [11].

Le traitement prothétique des patients âgés exige une base étendue de connaissances médicales et la compréhension des aspects multiples du vieillissement. Les répercussions pathologiques et patho-dynamiques locales sur chaque composante du système stomatognathique peuvent être aggravées par les modifications dégénératives ou involutives liées au vieillissement ainsi que par les maladies et les effets des diverses médications. La réhabilitation prothétique des patients édentés à l'aide de suprastructures implanto-portées nécessite donc une conception thérapeutique polyvalente qui associe prothèse fixée et prothèse amovible et qui tienne compte des différents besoins et desiderata du patient âgé. Outre les systèmes d'ancrage sphériques, les aimants et les barres pour prothèses supraradiculaires conventionnelles (overdentures), on peut utiliser des couronnes coniques individuellement fraisées et des ancrages cylindriques préfabriqués, ce qui améliore la suprastructure restauratrice de la mandibule édentée [12].

Suprastructures amovibles avec couronnes coniques ou ancrages cylindriques

La solidarisation secondaire de trois ou quatre implants surmontés de couronnes coniques ou d'ancrages cylindriques rend possible la réalisation d'une suprastructure amovible configurée comme un bridge, qui allie le confort des tissus, la stabilité et l'esthétique des restaurations fixées à la facilité de manipulation, d'hygiène et de maintenance des prothèses supradentaires [12] (fig. 1a, 1b et 1c).

Les problèmes des tissus péri-implantaires rencontrés à la mandibule et souvent associés aux prothèses supraradiculaires conventionnelles, sont pour la plupart évitables grâce à des suprastructures de type bridge. Contrairement à la selle prothétique enveloppante et fermée, la structure de type bridge permet le guidage de la brosse à dent et le passage de brossettes interdentaires pour nettoyer et la périphérie de l'implant et les différentes surfaces des piliers (fig. 2). Une atrophie sévère du segment antérieur de la mandibule impose souvent une orientation linguale de l'axe des implants. On corrige aisément cette situation en utilisant des piliers d'ancrage cylindriques préfabriqués. On parvient ainsi à conserver le profil lingual correct de la suprastructure [12, 13] (fig. 3).

On peut concevoir des suprastructures reposant sur quatre supports, couronnes coniques ou piliers cylindriques, comme des bridges strictement implanto-portés si la qualité de l'os permet la pose, de part et d'autre de la mandibule, de deux implants en mésial et en distal du trou mentonnier. Dans les cas de mandibules aux dents résiduelles peu nombreuses et de surcroît mal réparties, on peut recourir à ces systèmes implanto-portés coulissants pour augmenter le nombre des ancrages et ainsi, optimiser la situation prothétique [13] (fig. 4).

Résultats expérimentaux

Les mesures d'amortissement effectuées au Periotest sur des implants posés dans une mandibule artificielle indiquent que l'on obtient avec des couronnes coniques et des attachements à barre sur quatre implants, une transmission de forces aux fixtures individuelles comparables [14]. Cette observation est confirmée par des mesures de déplacement d'implants enregistrées in vitro par holographie optique interférométrique [15] ainsi que par des mesures de forces effectuées in vivo [16].

Ces études ne relèvent aucun inconvénient à utiliser un système d'ancrage ou un mécanisme de rétention particulier pour le soutien de la prothèse supraradiculaire. L'analyse par la méthode des éléments finis de modèles bi-et tridimensionnels de la mandibule avec prothèses amovibles portées par deux implants montre que la solidarisation secondaire à l'aide d'attachements unitaires aboutit à une distribution plus uniforme des efforts que ne le ferait une solidarisation primaire par une barre de liaison [17, 18]. Ces résultats plaident en faveur d'une suprastructure avec couronnes coniques et ancrages cylindriques qui améliore le profil péri-implantaire et l'esthétique de la prothèse. Ce type novateur de suprastructures amovibles placées sur des mandibules édentées et atrophiées de patients âgés est actuellement suivi dans le cadre d'une étude longitudinale prospective initiée en 1992 à l'école de dentisterie de l'université de Bâle.

Dans la plupart des cas, le titane est utilisé en implantologie buccale pour la fabrication des têtes d'ancrage sphériques et des attachements-barres ainsi que des couronnes et des bridges. L'exploitation clinique de couronnes coniques réalisées uniquement en titane fait l'objet d'un débat après l'étude comparative in vitro des caractéristiques de leur force de rétention et de celle des couronnes en alliages classiques à haute teneur en or [19]. Cependant, compte tenu des connaissances actuelles relatives aux méthodes de coulée du titane, on préfère encore, pour les armatures de type bridge avec couronnes coniques, les alliages conventionnels riches en or, de manipulation plus sûre. La fabrication commerciale des ancrages cylindriques en titane pur semble prometteuse. La partie mâle des attachements est soudée au laser au pilier en titane raccordé à l'implant et la partie femelle est collée dans l'armature en titane de la structure amovible (fig. 5a, 5b et 5c).

Piliers pour couronnes coniques et ancrages cylindriques

Les piliers préfabriqués de haute précision du système Frialit 2® sont interchangeables et individuellement modifiables, ce qui simplifie et rationalise le déroulement clinique du traitement et les procédures de laboratoire.

Pilier télescope

Le pilier télescope en titane pour l'ancrage primaire des couronnes coniques est fixé à l'implant par une vis de pilier (fig. 6). Le pilier est bloqué contre la rotation grâce à l'hexagone interne de l'implant. La partie mâle (moignon) du télescope est fraisée au paralléliseur suivant un angle de convergence de 4 à 6 en fonction du trajet d'insertion préétabli de la suprastructure amovible. Dans le même temps, on peut prendre en compte tous les aspects de l'hygiène et de l'esthétique péri-implantaires. Le pilier télescopique existe pour les quatre diamètres d'implants du système Frialit 2®. La taille des implants peut donc être adaptée de façon optimale aux dimensions de la suprastructure.

Pilier pour ancrage cylindrique préfabriqué

Ce pilier se compose de trois parties. La bague intermédiaire est fixée dans l'hexagone interne de l'implant par une vis. Les deux composants sont en titane. La bague intermédiaire existe en plusieurs hauteurs et sert de moyen de raccordement du pilier proprement dit, fabriqué lui en alliage à haute teneur en or (fig. 6). Le facteur déterminant du choix de la hauteur de la bague intermédiaire est l'épaisseur de la muqueuse autour de l'implant. Pour éviter de traumatiser les tissus mous, la clé de serrage à ouverture latérale ne doit pas agresser la muqueuse lors du vissage du pilier sur la bague intermédiaire (fig. 7). La partie lisse du pilier peut être modifiée par meulage jusqu'au niveau de l'hexagone externe. Cela permet de paralléliser les axes des ancrages cylindriques placés sur des implants aux axes différents. Il existe des bagues intermédiaires correspondant à chaque diamètre d'implant tandis que le pilier par lui-même est d'une seule et même taille pour tous les implants.

Ancrages cylindriques préfabriqués

Les ancrages cylindriques consistent en une partie mâle à paroi parallèle qui s'adapte avec précision dans la partie femelle correspondante, en forme de coiffe. Dans leur configuration de base, ces attachements représentent les dispositifs de rétention préfabriqués de type télescope. La rétention proprement dite est obtenue soit par friction activée par ressort, soit par usage d'éléments rétentifs actifs. La partie mâle de l'attachement est soudée au laser au pilier implanto-porté et la partie femelle est adaptée dans l'armature avec de la résine autopolymérisable. La manipulation de ces attachements de précision est facile si l'on utilise l'outillage spécifique de clinique et de laboratoire fourni par le fabricant. Les ancrages cylindriques de Conod® et de Dalla Bona® ainsi que l'attachement Mini-Gerber® sont utilisés avec succès pour la rétention des suprastructures implanto-portées (fig. 8).

On modifie le pilier implanto-porté pour ancrage cylindrique préfabriqué par meulage d'un épaulement circulaire au-dessus de l'hexagone externe. L'armature amovible emboîte d'un seul tenant cet épaulement. Cela protège l'ancrage cylindrique d'une surcharge mécanique ; cela permet aussi de corriger les contours de la suprastructure amovible au bénéfice de la santé de la muqueuse et de l'hygiène buccale. L'utilisation de piliers et d'ancrages implanto-portés, réalisés en titane pur, est actuellement testée en clinique [12] (fig. 9).

Configuration de la suprastructure amovible

L'armature d'une suprastructure amovible avec des couronnes coniques est coulée en plusieurs parties dont chacune comprend une couronne secondaire avec les éléments pontiques ou avec une grille rétentive. Des attachements cylindriques à glissière, préfabriqués à partir de préformes en plastique (calcinable sans résidus), et coulés avec les segments de type bridge, permettent l'assemblage de l'armature en bouche (fig. 10). A cette armature, les surfaces des attachements à glissière sont enduites d'une couche d'oxyde de silicone (Rocatec®) , puis collées avec un composite (Attachment Bond®) . On garantit ainsi une adaptation de l'armature amovible libre de toute tension. Pour les suprastructures amovibles avec ancrages cylindriques préfabriqués, on utilise une armature coulée d'une seule pièce en titane pur. Pour une adaptation passive, les parties femelles des attachements sont montées en bouche avec de la résine autopolymérisable [12].

On améliore l'adaptation des selles en extension distale en procédant à une empreinte secondaire. A cet effet, des selles d'enregistrement en résine sont rattachées à l'armature et regarnies d'un matériau à empreinte en silicone ou à l'oxyde de zinc-eugénol. Au laboratoire, le maître-modèle est retaillé au niveau des zones postérieures correspondantes. On repositionne l'armature bien en place sur le modèle et l'on coule du plâtre dur dans les nouvelles empreintes. On termine la prothèse sur le modèle ainsi corrigé.

La partie bridge de l'armature est complétée de facettes réalisées en résine auto- ou photopolymérisable (Chromosit® et Spectrasit®) . Dans de nombreux cas de résorption sévère de la mandibule, on utilise des dents artificielles individuellement caractérisées (Antaris® et Postaris®) auxquelles on ajoute une fausse gencive (fig. 11).

(1) Friatec, route de Montereau, BP 106, Darvault, 77793 Nemours Cedex. Tél. : 01 64 45 23 23. Fax : 01 64 45 23 50.

(2) Cendres Métaux, 7/9, place de la Gare, 94210 La Varenne-Saint-Hilaire. Tél. : 01 48 89 78 78. Fax : 01 48 89 81 12.

(3) Espé, 155, rue Jean-Lolivé, 93500 Pantin.Tél. : 01 48 20 27 67. Fax : 01 48 20 27 69.

(4) Heraeus Kulzer, 12, avenue du Québec, BP 630, Parc Silic, Bât. 12, Villebon, 91945 Courtaboeuf Cedex. Tél. 01 69 18 48 85. Fax : 01 69 28 78 22.

(5) Ivoclar, La Chapelle-du-Puits, BP 118, 74410 Saint-Jorioz. Tél. : 04 50 88 64 00. Fax : 04 50 68 91 52.

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