Colchiques dans les prés… - Implant n° 3 du 01/08/1999
 

Implant n° 3 du 01/08/1999

 

Éditorial

Xavier Assémat-Tessandier  

Rédacteur en chef

La fin de l'été est pour la plupart d'entre nous l'occasion de reprendre notre exercice avec de nouvelles résolutions, de nouveaux objectifs en terme de management et de retrouver notre univers de travail avec sa pile de courrier à ouvrir au milieu de laquelle se trouve notre revue implantaire favorite. Cela fait partie des bonnes nouvelles de la rentrée. Bien entendu, un certain nombre d'autres nouvelles peuvent susciter des inquiétudes. Parmi celles-ci, les projets de réseaux de...


La fin de l'été est pour la plupart d'entre nous l'occasion de reprendre notre exercice avec de nouvelles résolutions, de nouveaux objectifs en terme de management et de retrouver notre univers de travail avec sa pile de courrier à ouvrir au milieu de laquelle se trouve notre revue implantaire favorite. Cela fait partie des bonnes nouvelles de la rentrée. Bien entendu, un certain nombre d'autres nouvelles peuvent susciter des inquiétudes. Parmi celles-ci, les projets de réseaux de santé (RSS).

Une poignée de praticiens ont su déjouer les pièges de la télétransmission en informant la CNIL (Commission nationale informatique et liberté), les associations de patients, les journaux et, par voie de conséquence, le public, des dangers de l'absence de protection du RSS (Réseau santé social). Comment, en effet, laisser circuler sans protection efficace des informations aussi confidentielles qu'une pathologie cancéreuse, une affection cardio-vasculaire, une atteinte psychiatrique ou une maladie sexuellement transmissible ? Bien entendu, le RSS est suffisamment protégé selon ces concepteurs, mais le 15 juin dernier, un pirate informatique de 18 ans, Jean-Christophe X, a été mis en examen par le tribunal de Nanterre pour avoir infecté le système de gestion des soins de santé basé sur l'utilisation de la carte Vitale par le virus « Socket de Troie » qu'il avait lui-même créé.

Il n'y a pas si longtemps une banque nationalisée affichait le slogan : « Votre argent m'intéresse », formule pour le moins ambiguë compte tenu de l'effort national que chacun d'entre nous, contribuables privilégiés, avons dû réaliser pour renflouer les carences de gestion de ses responsables. Pour le RSS, l'argument « Votre état de santé m'intéresse » pourrait s'appliquer à un certain nombre de professions parmi lesquelles les assureurs, les banquiers et les employeurs lors d'une embauche. Les renseignements confidentiels piratés sur le réseau par des hackers aussi jeunes que doués pour l'informatique, seraient revendus via des services payants « avec discrétion assurée » (sic).

Tout ceci peut vous paraître très éloigné des problèmes de santé qu'un praticien peut être amené à télétransmettre depuis son cabinet dentaire. Tant que la carie dentaire et la maladie parodontale ne sont pas considérées comme « honteuses », c'est parfaitement exact. Et par conséquent, la télétransmission pourrait être admise pour certaines catégories de professionnels et pas pour les autres. Si ce n'est que laisser faire pour certains, c'est souvent à terme contraindre tout le monde par un grand mouvement d'égalité. Il serait temps que nos professions de santé se sentent solidaires des attaques subies par l'une de ses branches au lieu de se réjouir de ne pas être (encore) concernée.

Un dernier argument devrait vous inciter à considérer l'importance de l'enjeu. En fait, tout praticien en exercice est un patient qui s'ignore, et l'une des seules certitudes que nous pouvons avoir est qu'un jour ou l'autre nous troquerons notre uniforme de professionnel de santé pour revêtir le pyjama du patient. En luttant pour nos patients, nous défendons également la qualité de nos futurs soins.

Le problème le plus important dans toute cette agitation médiatico-politique reste la liberté des patients, liberté de choix du traitement, liberté de choix du praticien et liberté de la divulgation de son état de santé.

Le caractère libéral de notre profession devrait nous inciter à lutter pour maintenir l'espace de liberté nécessaire à l'exercice de notre métier dans le respect de l'être humain, en refusant la gestion comptable d'individus numérotés par les ingénieurs de santé publique que nous risquons de devenir.