Intérêt d'un nouveau guide chirurgical modélisé à partir de l'analyse 3D du scanner - Implant n° 1 du 01/03/2001
 

Implant n° 1 du 01/03/2001

 

Dossier clinique

Ruth Guedj *   Patrick Missika **  


*Ancienne assistante des Universités
Odontologiste
Assistante des Hôpitaux de Paris
Diplômée d'implantologie chirurgicale et prothétique, Paris VII
31, rue Vernet
75008 Paris
**Maître de conférences des Universités
Praticien hospitalier des Hôpitaux de Paris
Directeur du diplôme universitaire d'implantologie chirurgicale et prothétique
Faculté de chirurgie dentaire Université Paris-VII-Denis-Diderot
Service d'odontologie Garancière Hôtel-Dieu
Unité d'implantologie chirurgicale et prothétique
5, rue Garancière
75006 Paris

Cet article analyse l'intérêt et décrit les étapes de réalisation et l'utilisation d'un nouveau guide de forage qui permet de déterminer le nombre, la position et les axes des implants sur les sites d'implantation au cours de l'intervention chirurgicale.

La réalisation du guide tient compte de tous les paramètres chirurgicaux et prothétiques de l'étude préimplantaire grâce à l'analyse informatique tridimensionnelle du scanner.

Depuis les travaux suédois dirigés par Brånemark dans les années 1960, les principes fondamentaux qui régissent les différentes étapes conduisant à l'ostéointégration sont établis et appliqués : préparation atraumatique du site implantaire, utilisation d'un matériau biocompatible - le titane - et mise en charge différée des implants.

Les études pour améliorer les conditions de mise en place des implants ont permis de repousser les limites des indications implantaires et d'élargir le champ d'application de la restauration des édentements complets à toutes les formes d'édentements partiels. La préoccupation essentielle a d'abord été de réussir l'ostéointégration. Le geste du chirurgien plaçant les implants dans le volume osseux a primé sur la réalisation de l'élément prothétique. Cela a conduit à des situations où le praticien prothésiste devait s'accommoder de sites d'implantation peu compatibles avec l'objectif thérapeutique : la restauration prothétique. Les années 1970 et 1980 voient arriver les progrès des méthodes de diagnostic et d'imagerie ainsi que le bénéfice des avancées de la recherche fondamentale sur la stabilité de l'élément ostéointégré. Les années 1990 apportent la possibilité de définir la relation entre la position finale de la dent et la base implanto-osseuse. Il est possible désormais de transmettre les données de l'analyse du projet prothétique grâce à la réalisation de guides de repérage sur des images numérisées issues d'un examen scanner [1].

L'an 2000 voit se multiplier les techniques d'investigation préopératoires qui mettent à la disposition des intervenants au cours du traitement des outils de plus en plus perfectionnés [2] : le radiologue, le prothésiste de laboratoire, le praticien chargé de la reconstruction prothétique et le praticien qui réalise l'intervention chirurgicale réunissent et confrontent des paramètres préopératoires plus nombreux qu'auparavant. Le praticien prothésiste doit désormais formuler un avis susceptible d'infléchir les décisions chirurgicales. Un compromis est négocié entre les impératifs chirurgicaux et prothétiques. De très nombreux auteurs [3-7] ont cherché le moyen de retransmettre les résultats de ce compromis sous forme d'un guide chirurgical : guide de forage placé en bouche sur les sites d'intervention et qui permet de ne plus être dans le dilemme de la seule évaluation peropératoire. Le principe d'un guide de forage idéal consiste à indiquer avec exactitude les sites et l'angulation des axes des implants, tout en prenant en compte l'ensemble des paramètres cliniques et prothétiques du bilan préopératoire. Il devient alors un moyen de maîtriser et de sécuriser la mise en place des implants.

Guide de forage Surgi One Case®

Conçu et construit en Belgique par la firme Matérialise, le guide Surgi One Case® est commercialisé en France par la société OBL. Nous décrivons ici à l'aide d'un cas clinique, traité dans l'Unité de chirurgie implantaire du Service d'odontologie de l'Hôtel-Dieu Garancière dans le cadre du diplôme universitaire d'implantologie de Paris-VII, l'élaboration et l'utilisation de ce nouveau guide chirurgical de forage. Sa réalisation prend en compte toutes les informations réunies au cours du bilan préimplantaire grâce à un outil informatique - le logiciel Surgi One Case® - qui permet de manipuler des images scanner numérisées en tridimensionnel et de simuler la mise en place d'un ou de plusieurs implants dans le système implantaire choisi par le praticien.

Chaque étape du bilan préimplantaire est nécessaire au protocole de réalisation du guide par modélisation.

Intérêt de ce nouveau concept

Jusqu'à présent, le guide chirurgical était réalisé sur modèle en plâtre à partir d'une cire ajoutée de diagnostic. Il était fondé sur l'étude radiologique mais le point fondamental de l'adéquation entre le projet prothétique et la base osseuse n'était pas résolu. C'est cette adéquation qui trouve une solution avec la réalisation du guide chirurgical Surgi One Case®. En effet, un projet prothétique est conçu et matérialisé par un montage céramique ou une cire ajoutée de diagnostic pour obtenir un guide radiologique. Le scanner est réalisé avec ce montage, ce qui permet de visualiser le rapport entre le projet prothétique et les bases osseuses. Ce sont les étapes de la réalisation du guide que nous décrirons ici.

Cas clinique

Présentation

Madame P. est âgée de 55 ans. Elle présente un édentement partiel bilatéral mandibulaire face à une arcade maxillaire complètement dentée. Les consultations et examens préliminaires nous engagent favorablement vers une étude préimplantaire. L'état de santé général de la patiente ne révèle aucune contre-indication à une intervention chirurgicale, les examens exobuccal et endobuccal ainsi que la radiographie panoramique permettent d'envisager des investigations plus approfondies. Les dents absentes à remplacer sont les 35, 36, 45, 46, 47.

Bilan préimplantaire

Toutes les étapes de ce bilan permettent d'établir [8, 9] :

- la faisabilité ;

- le projet prothétique et implantaire.

L'ensemble de ces étapes rejoint le protocole de réalisation de la plaque chirurgicale de forage (Fig. 1).

Étude préprothétique

L'étude de l'occlusion, des rapports interarcades et de l'espace prothétique disponible est impérative. Elle permet le dépistage d'interférences occlusales, de pathologies articulaires éventuelles, de décalage des bases osseuses ou de manque d'espace pouvant contre-indiquer la restauration implantaire.

Mise en articulateur

Des modèles d'étude des deux arcades sont réalisés et mis en articulateur semi-adaptable. Le modèle maxillaire est monté en utilisant l'arc facial. Le modèle mandibulaire est monté en relation centrée (Fig.2A, 2B et 2C). Cette étude permet de vérifier les courbes d'occlusion dans les sens sagittal et frontal : les courbes de Spee et de Wilson.

Dans le cas de madame P., une égression est constatée dans le cadran supérieur droit. Une coronoplastie soustractive est préFigurée sur le modèle au niveau de son ancien bridge (15, 16, 17). Une nouvelle prothèse conjointe respectant la courbe corrigée sur articulateur est donc prévue.

Cires de diagnostic (wax-up)

Un montage en cire préFigurant la prothèse définitive idéale est réalisé sur le modèle mandibulaire au niveau des édentements (Fig. 3). Idéalement réalisées, les cires déterminent la forme, l'axe, la position et le nombre des futures dents prothétiques. Elles permettent d'objectiver l'application des impératifs de la prothèse implanto-portée [3, 9] :

- respect de la dimension verticale physiologique de l'occlusion;

- hauteur minimale de 5 à 6 mm entre la crête et l'arcade antagoniste ;

- situation des embrasures évitant les centres des implants distants entre eux d'au moins 7 mm;

- évitement de l'application de forces transversales sur l'implant au profit de forces axiales lors de la mastication ;

- rapports dento-dentaires équilibrés en position d'intercuspidation maximale et dans les mouvements de propulsion et de latéralité.

Guide radiologique opacifié au sulfate de baryum

Ici, le guide radiologique (ou, plutôt, scanographique) va permettre de reporter l'intégralité des informations volumétriques des cires de diagnostic sur le scanner et de retrouver le volume osseux disponible sous chaque repère. Un duplicata en résine des wax-up est réalisé en laboratoire sur une base stabilisatrice supportée ici par les dents résiduelles (Fig. 4). Dans le cas d'édentement complet, la plaque est stabilisée par les crêtes édentées.

Une substance radio-opaque - le sulfate de baryum - est mélangé à la résine avant polymérisation. De précédents travaux [10] préconisent la quantité 4/1 de résine polymère et sulfate de baryum par rapport au monomère pour obtenir le meilleur contraste radiologique. On doit noter que ces substances n'entraînent pas d'artefacts sur le scanner. Enfin, on vérifie la stabilité du guide en bouche et la facilité de son repositionnement par la patiente.

Étude radiologique

Pour suivre le cas de madame P., nous formulons auprès du radiologue une demande afin qu'il réalise un scanner sur disque optique non compressé de l'arcade mandibulaire avec guide radiologique en place.

Réalisation du scanner numérisé

Depuis 1973, on dispose de « tomographies computérisées » ou techniques tomographiques assistées par ordinateur [11]. Les images obtenues rendent compte des coupes frontales, axiales et sagittales en dimension exacte des structures osseuses situées dans les zones d'implantation. Cela permet de mesurer le volume osseux disponible, l'importance des corticales et de situer la proximité des obstacles anatomiques (nerf alvéolaire inférieur, mentonnier, sinus maxillaires, fosses nasales). À présent, des logiciels spéciaux de formatage permettent de simuler une image tridimensionnelle de ces structures osseuses à partir de l'acquisition des données scanner. Celles-ci occupent environ 20 mégabits sur le disque optique qui en contient jusqu'à 650. On peut donc archiver plusieurs scanners sur un seul disque optique. Les données qu'il contient sont ensuite transférées sur CD-Rom et remises au praticien, ce qui offre l'avantage de pouvoir conserver le scanner à long terme dans le dossier médical du patient. Le praticien, pour sa part, peut utiliser l'ensemble des données structurelles du cas, dans la limite de leur acquisition par l'examen scanner bien évidemment [12]. Il sélectionne et voit à l'écran les plans de coupe et peut lui-même manipuler à loisir la maquette 3D sur son ordinateur jusqu'à obtention du projet optimal.

Utilisation du logiciel Surgi One Case® dans l'analyse préimplantaire tridimensionnelle

Le logiciel Surgi One Case® crée des vues panoramiques et des images en coupe sur n'importe quel emplacement, il exploite largement l'image 3D grâce à l'orientation multiaxiale de l'objet (Fig. 5). La mesure est possible en 2 points de façon très précise en 3D :

- sur les coupes axiales, il est possible de dessiner une ou plusieurs courbes panoramiques permettant ensuite de visualiser ces dernières. Ce plan panoramique est modifiable à volonté ;

- les coupes orthogonales sont obtenues à partir de la coupe panoramique.

Le praticien va établir une planification préopératoire optimale :

• il analyse le rapport entre le projet prothétique (axe des dents) et le volume osseux sous-jacent (axe des crêtes essentiellement). Trois cas de Figure sont possibles:

- parfaite adéquation, c'est le cas le plus favorable,

- compromis possible, la détermination de l'axe implantaire le plus favorable est nécessaire,

- totale inadéquation, il y a contre-indication implantaire ;

• il repère et souligne les obstacles anatomiques ;

• il manipule les plans de coupe sur les sites de son choix ;

• il obtient des grossissements de l'image (zoom des plans choisis);

• il évalue la qualité d'os alvéolaire (échelle de gris Housfield) ;

• il sélectionne, à partir de la bibliothèque proposée, un système d'implants ou ajoute le sien propre ;

• il choisit les longueurs et diamètres souhaitables des implants en fonction des épaisseurs des crêtes dans le sens mésio-distal, vestibulo-lingual ou vestibulo-palatin ;

• il simule la pose d'implants après évaluation du volume osseux en regard du projet prothétique (Fig. 6).

Toutes les manipulations de l'image sont interactives, toutes les opérations sont pilotées simplement par la souris ou par le système de fenêtre propre au logiciel. Il faut noter que chaque implant est numéroté, enregistré et modifiable : la couleur jaune représente l'implant, le rouge le pilier et la partie verte l'axe de l'implant [13] (Fig. 7).

Réalisation du guide chirurgical

Le projet est transmis pour construction du guide. À réception du fichier contenant la programmation implantaire, la société Matérialise conçoit par stéréolithographie [14] le guide de forage, puis le fabrique en résine sous huitaine. La résine est biocompatible (classe USP VI. FDA). Le guide est composé d'une plaque stabilisatrice qui s'applique directement sur l'os. Des cylindres de 5 mm de hauteur guident le foret avec une bonne stabilité (Fig. 8).

Utilisation du guide de forage au cours de l'intervention chirurgicale

Stérilisation

La stérilisation est possible selon les normes européennes actuelles en autoclave sous double emballage stérile en respectant un palier de 134 ° C pendant 18 min.

Application

Après le décollement du lambeau de pleine épaisseur, le guide est stabilisé directement sur la crête osseuse. Il indique le nombre et la position des sites implantaires. Dans le cas clinique de madame P., chaque dent absente doit être remplacée et le volume osseux permet de poser 5 implants dans les sites 47, 46, 45, 35 et 36. Le projet comporte 2 implants de 3,75 mm de diamètre (35 et 45), 1 implant de 4 mm de diamètre (36) et, enfin, 2 implants de 5 mm de diamètre (46 et 47). Plusieurs plaques successives sont utilisées pour passer des forets de diamètre croissant. Les cylindres du premier guide présentent un diamètre interne de 2,2 mm (Fig. 9). Ils permettent le passage de la fraise boule et du premier foret guide dans la position et l'axe souhaités. Le second guide présente des cylindres de 3,5 mm de diamètre pour permettre le passage des forets adaptés à la pose des implants de 3,75 et 4 mm de diamètre (Fig. 10).Une troisième plaque de forage est fournie pour les 2 implants larges (cylindre de diamètre interne de 4,5 mm). Elle est positionnée uniquement au niveau des sites 46 et 47.

Discussion

Toutes les informations sont traitées à partir des données du scanner. Le radiologue doit utiliser les coupes les plus fines possibles pour l'acquisition de ces données. Une perte d'informations est possible lorsque l'immobilisation du patient est difficile pendant l'examen ; le temps d'acquisition doit donc être écourté.

La manipulation de multiples plaques de forage pourrait provoquer des erreurs de stabilisation. C'est pour cette raison qu'un guide de forage unique est à l'étude actuellement.

On peut déjà penser que la direction du premier guide est suffisante.

L'accessibilité visuelle du forage est réduite par les cylindres fermés. La mesure de profondeur de forage est rendue délicate par la hauteur des cylindres.

La surface et l'épaisseur des plaques de stabilisation doivent être ajustées à un décollement de lambeau réduit.

Le praticien s'adapte aisément à cette nouvelle technique.

La facilité d'intervention dans les cas complexes d'édentement complet lors d'interventions où les références dentaires ont totalement disparu est évidente.

Conclusion

Les maquettes modélisées représentent l'expression en volume du scanner, elles en ont les défauts. L'utilisation du guide de forage ne doit pas supplanter le sens clinique du chirurgien. Il est facile d'apprécier en peropératoire l'adéquation du modèle personnalisé à la structure osseuse. Ces nouveaux outils que sont les logiciels d'analyse et de planification opératoires et leur aboutissement concret, la plaque de forage, offrent de nouvelles perspectives en chirurgie implantaire.

Cette technique peut constituer une étape avant la navigation chirurgicale sous contrôle informatique, c'est-à-dire la pose des implants corrélée directement à l'imagerie qui constituera vraisemblablement le défi des 5 prochaines années.

Remerciements :

Ils s'adressent à la société OBL pour sa disponibilité dans la mise en application et le suivi de cet essai (et, particulièrement, à P. Longepied).

ADRESSE DES DISTRIBUTEURS

SURGI CASE ONE® - OBL - 127, avenue de la République, 92120 Montrouge. Tél. : 01 46 56 31 52 - Fax : 01 46 54 14 04

BIBLIOGRAPHIE

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  • 12. Lacan A. Nouvelle imagerie dentaire. Paris : Éditions CdP, 1993.
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