La santé et la mort - Implant n° 2 du 01/06/2001
 

Implant n° 2 du 01/06/2001

 

Éditorial

Xavier Assémat-Tessandier  

Rédacteur en chef

Depuis l'aube de l'humanité jusqu'au XIXe siècle, les hommes ont vécu dans l'idée que la vie était une étape plus ou moins longue vers la mort. En raison de la mortalité infantile très élevée, des maladies et des épidémies, la durée de la vie était généralement courte et la mort faisait partie de la vie.

Le XXe siècle aura connu, grâce au progrès médical, un changement profond des mentalités. Le corps médical tout entier a développé des...


Depuis l'aube de l'humanité jusqu'au XIXe siècle, les hommes ont vécu dans l'idée que la vie était une étape plus ou moins longue vers la mort. En raison de la mortalité infantile très élevée, des maladies et des épidémies, la durée de la vie était généralement courte et la mort faisait partie de la vie.

Le XXe siècle aura connu, grâce au progrès médical, un changement profond des mentalités. Le corps médical tout entier a développé des techniques qui ont permis à des gens du troisième âge (celui de la fin de la vie il y a moins de 50 ans) d'envisager la possibilité de profiter pleinement de l'existence avant de connaître un quatrième âge qui les conduira au terme de leur vie. En même temps, afin de permettre l'accès aux soins à la plus grande partie de sa population, notre pays a créé une institution de solidarité obligeant les citoyens à participer au financement de la santé de tous. Comme tout système, les aspects positifs de la Sécurité sociale ont longtemps caché ses effets pervers. Ces derniers étant amplifiés par le pouvoir politique prompt à occulter le rôle de chaque citoyen dans sa responsabilité d'utilisateur et de financeur pour augmenter son emprise sur l'ensemble de la population partenaire de santé et patient. Ainsi, le spectre du « trou de la Sécu » a longtemps permis à nos politiques de culpabiliser le corps médical, « responsable » du déficit, en dégageant le corps électoral (le patient) de ses responsabilités financières. C'est comme si on reprochait à un commerçant le montant des dépenses que ses clients faisaient dans son magasin. Le plus étonnant dans la manœuvre, c'est que le patient était à la fois amputé de la réalité de son effort financier (des « organismes financeurs » se chargeant du problème de l'argent) que de sa responsabilité dans la dépense, la facture de sa consommation ne lui étant jamais délivrée.

Ceci a entraîné un changement radical dans la notion de santé qui est devenue un droit, alors qu'elle n'avait été qu'un souhait pendant les siècles précédents. De plus, nous avons profondément modifié notre rapport avec la mort qui est passé, en moins d'un siècle, du statut de fatalité à celui d'injustice.

D'autre part, le progrès technologique et le coût de plus en plus élevé des nouvelles pratiques médicales ont conduit le système de solidarité à se gripper. Et, nos technocrates toujours prompts à trouver des solutions ont proposé la maîtrise des coûts de la santé, qui oblige les professionnels de santé à accepter l'idée que seules les considérations économiques dictent leurs choix thérapeutiques.

En médecine, le XXe siècle aura été le siècle du développement technologique au service de l'homme. Si nous n'y prenons pas garde, le XXIe siècle risque de devenir celui du développement technocratique au service de l'économie. Notre responsabilité dans cette éventuelle dérive est certaine, et il est temps de nous y opposer. Les seuls combats perdus d'avance sont ceux que l'on n'a pas entrepris...