Propriétés d'une nouvelle surface d'oxyde poreux sur les implants en titane - Implant n° 2 du 01/06/2001
 

Implant n° 2 du 01/06/2001

 

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Jan Hall *   Jukka Lausmaa **  


*M.Sc.
Nobel Biocare AB
PO Box 5190 SE-402 26 Gothenburg, Suède
**Ph.D.
Department of Chemistry and Materials Technology
SP Swedish National Testing and Research Institute Borås, Suède

Résumé

Cet article présente les méthodes qui peuvent être utilisées pour préparer des surfaces d'oxyde poreux et comment celles-ci peuvent être évaluées avec différents types de méthodes physiques. La surface d'oxyde poreux est créée par un accroissement contrôlé de la couche d'oxyde de titane (TiO2), ce qui lui confère des propriétés de surface de conception particulière quant à l'épaisseur de la couche d'oxyde, la rugosité et la texture.

Summary

This paper presents methods that can be used for preparing porous oxide surfaces and how these surfaces can be evaluated with different types of physical methods. The porous oxide surface is created through controlled increase of the TiO2 layer including designed surface properties of oxide thickness, roughness and texture.

Key words

implant surface properties, poroustitanium oxide, implant surface porosity.

La réussite du traitement des patients édentés par le système Brånemark® est prévisible, à condition d'en suivre le protocole établi en fonction des propriétés tissulaires au niveau du site implantaire. Cependant, il semble possible d'améliorer les propriétés spécifiques, à la fois mécaniques et de surface, de l'implant afin d'augmenter sa stabilité et sa capacité à supporter des charges lorsqu'il est placé dans un os de qualité moyenne. Dans ces cas-là, le problème majeur qui se pose est le manque de répartition efficace des charges à l'interface entre l'implant et l'os. Il est évident que la géométrie de l'implant est d'une importance fondamentale dans cette répartition, mais les propriétés de surface, telles que l'aire et la topographie, peuvent également jouer un rôle important.

Différents fabricants d'implants se sont intéressés au problème en modifiant la topographie de surface de l'implant. Plusieurs techniques incluant la projection de particules, les revêtements de plasma projeté et le mordançage chimique en milieu humide ont été utilisées. En général, la plupart des méthodes aboutissent à des modifications de surface de l'ordre du micron et plus. Cependant, il y a un manque évident de données claires provenant d'études cliniques à long terme pour étayer la pertinence clinique des différentes modifications de surface.

Il existe une approche différente qui consiste à modifier le tissu entourant l'implant. Il est probable que l'organisation et le taux de formation osseux puissent être optimisés en apportant des molécules, telles que des facteurs de la matrice extracellulaire, de croissance et de différenciation, à l'intérieur du site implantaire. Cependant, les protocoles cliniques permettant d'administrer efficacement ces facteurs lors de la chirurgie implantaire restent à mettre au point.

Il est possible de combiner les deux approches en utilisant des implants avec un oxyde de titane bien défini et un degré de porosité élevé. Un tel oxyde poreux, qui présente un procédé chimique bien connu et comporte une aire et une topographie de surface adéquates, peut faciliter l'obtention d'une stabilité à court et long termes dans un os de faible densité. La porosité, quand elle est élevée (densité, répartition de la taille et volume des pores), peut servir à transporter les facteurs qui augmentent le taux de formation osseuse et la capacité à supporter des charges au niveau du site implantaire, et ce de façon bien contrôlée.

Dans cet article, nous décrivons les propriétés caractéristiques d'une nouvelle surface implantaire préparée avec un oxyde poreux de ce type.

Matériel et méthode

La méthode utilisée pour préparer la surface d'oxyde poreux est l'oxydation anodique, c'est-à-dire une méthode électrochimique. En bref, l'échantillon à traiter est immergé dans un bain électrolytique approprié et devient une anode dans une cellule électrochimique. Lorsqu'un potentiel est appliqué à l'échantillon, le transport ionique et les réactions de transfert de charge à la surface de l'électrode produisent un débit continu de courant à travers la cellule. Dans des conditions appropriées, une oxydation due à un champ électrique va se produire au niveau de l'anode, ce qui aboutit au développement d'un film d'oxyde. Les propriétés (épaisseur, microstructure, composition) de l'oxyde vont dépendre de différents paramètres de fabrication tels que la composition de l'électrolyte, le potentiel anodique, le courant, la température et la géométrie de l'électrode. L'influence importante des paramètres de fabrication a été signalée dans des rapports précédents portant sur l'oxydation anodique et qui montrent des différences considérables quant aux propriétés de surface des surfaces implantaires oxydées [1-4].

Les implants présentés ici ont été oxydés avec une méthode brevetée qui produit un gradient de surface le long de l'axe implantaire en ce qui concerne l'épaisseur et la topographie de l'oxyde. Ils ont été caractérisés par rapport à la topographie et à la porosité de surface, à l'épaisseur et à la composition de l'oxyde, à la force d'adhésion et à la résistance à l'usure, comme nous le décrivons ci-dessous.

La rugosité et l'aire de surface sont mesurées par interférométrie au laser (PST MicroXAM-100HR). La rugosité est également mesurée à l'aide d'images stéréo en microscopie électronique à balayage (MEB).

La topographie et la porosité de surface de l'implant sont également analysées en MEB (JEOL JSM-5800). Les images à grossissement × 2 000 sont prises sur différentes parties de l'implant, puis elles sont transférées vers un ordinateur. Une analyse quantitative de la taille des pores est effectuée pour 20 implants provenant de 5 lots de production différents, en utilisant un procédé d'imagerie digitale et une analyse par logiciel (Image Tool). Le procédé se déroule en plusieurs étapes :

- traitement de la brillance et du contraste de l'image afin de produire une image en noir et blanc, sur laquelle les pores apparaissent en noir ;

- identification et quantification des pores sur l'image (habituellement, de 250 à 300 par image) ;

- calcul du diamètre équivalent des pores identifiés (à partir de la zone des pores mesurée, en supposant que ceux-ci aient une forme circulaire) ;

- transfert des données concernant les pores vers un logiciel de traitement des données (Kaleida-graph) afin d'effectuer une analyse statistique et une présentation graphique en barres.

Il faut noter que la taille précise des pores n'est pas déterminée à l'aide de cette technique étant donné que les résultats dépendent du niveau initial de contraste des images. Le traitement de l'image utilisé sous-estime la taille des pores d'environ 20 %. Les images stéréo sont prises de façon à obtenir des images composites tridimensionnelles et des données topographiques quantitatives. En résumé, la méthode est fondée sur la prise de 2 images à partir d'un échantillon normalement incliné de ± 7,5° correspondant au faisceau d'électrons. L'image est ensuite traitée pour être transformée en une image composite dont l'analyse par le logiciel donne des données quantitatives concernant la topographie (rugosité).

Des coupes transversales sont préparées à partir de 5 implants inclus dans une résine autopolymérisante (Epofix). Les blocs d'inclusion sont usés jusqu'à élimination d'environ la moitié de l'implant. Les spécimens sont ensuite polis à l'aide d'une pâte diamantée selon une direction transversale à l'axe des implants. Les coupes transversales polies sont revêtues de couches de carbone conducteur d'environ 10 nm avant d'être observées en MEB. Les images alors obtenues sont transférées vers un ordinateur et analysées à l'aide du logiciel Image Tool. L'épaisseur de l'oxyde est mesurée en 8 points choisis au hasard.

Vingt implants provenant de 5 lots de production différents sont analysés en respectant la composition élémentaire de surface et la composition de l'oxyde, à l'aide d'une microsonde (Scanning Auger Microprobe PHI 660). Un spectre de relevé (0-1 650 eV) est enregistré à partir de 2 zones d'environ 150μm de diamètre sur chaque implant. Tous les spectres de relevé sont obtenus à l'aide d'un faisceau électronique de 5 keV avec un courant de 300 nA. Le temps d'acquisition des données est de 5,4 min. Les spectres de relevé sont différenciés, lissés et évalués à l'aide du logiciel de l'instrument. La structure cristalline est analysée sur un disque oxydé plat par diffraction de rayons X en incidence rasante (0,5°) (Powder diffractometer). Le disque est oxydé selon la technique établie.

La force d'adhésion de la structure de l'oxyde est mesurée avec un instrument à tester la force de tension (Instron 5566). La surface inférieure de 6 échantillons cylindriques anodisés est collée à la surface inférieure de cylindres non traités avec un adhésif à 2 composants (Araldit Rapid Epoxy), que l'on a laissé durcir pendant 48 h à 20 °C. La force et la contrainte requises pour fracturer le joint sont mesurées avec une force croissante au taux de 0,25 kN/min. Les surfaces fracturées sont examinées en microscopie stéréo afin de déterminer la zone de fracture.

La résistance à l'usure des structures anodisées est évaluée en insérant des implants autotaraudants anodisés à l'intérieur de trous forés (3 mm de diamètre), soit dans du plastique en cellulose-acétate-butyrate (CAB), soit dans un os dense de tibia bovin. Les implants sont dévissés, et les surfaces internes des trous sont examinées en microscopie optique (grossissement × 40) pour observer d'éventuelles particules d'usure.

La capacité de la structure d'oxyde à contenir des liquides à l'intérieur des pores est mesurée en trempant tout d'abord les échantillons cylindriques dans de l'eau pendant 24 h. Les échantillons mouillés sont doucement roulés sur un tissu absorbant afin d'éliminer le film d'eau en excès, puis transférés dans un thermogravimètre (Mettler TA 8000), où la perte de poids due à l'évaporation est enregistrée par rapport au temps. Les mesures sont achevées à la température de 150 °C afin de s'assurer que toute l'eau a été éliminée. La quantité d'eau initialement contenue dans les pores est calculée à partir des courbes de perte de poids.

Résultats et discussion

Les surfaces préparées selon la technique établie montrent une couleur gris mat (Fig. 1). Différentes teintes de gris sont observées en progressant du collet du cylindre vers la partie apicale de l'implant. Le collet présente une surface usinée brillante.

Sur l'image en MEB à grossissement × 2 000 (Fig. 2), la topographie de surface est plane et présente des caractéristiques topographiques rondes de l'ordre du micron. Aucune aspérité aiguë n'a été détectée. De nombreux pores ouverts sont répartis de façon homogène sur la surface. Les orifices des pores les plus larges sont saillants sur la surface.

Les profils linéaires obtenus à partir des images tridimensionnelles en MEB montrent que les orifices des pores les plus larges présentent une hauteur typique de 2 à 5 μ dans l'extrémité apicale de l'implant. La rugosité de surface (Ra) mesurée dans la partie apicale de l'implant à partir d'images stéréo prises en MEB est de l'ordre de 1,4 μm. Les mesures d'interférométrie laser enregistrées pour la rugosité montrent une augmentation continuelle de la partie supérieure conique vers l'extrémité apicale, là où la valeur moyenne de la rugosité de surface est de 1,2 μm.

L'aire de surface augmente continuellement de la partie supérieure usinée vers l'extrémité apicale des implants. Son augmentation est de 95 % par rapport à une surface idéale plate.

La répartition de la taille des pores dans la partie apicale est mesurée à partir d'une zone de 64 × 44 μm sur une image de MEB. Les pores présentant un diamètre inférieur à 0,5 μm ont été exclus de l'analyse de l'image, bien que leur existence soit confirmée par les images en MEB à haute résolution. La répartition moyenne des pores (Fig. 3) montre que ceux dont l'orifice a un diamètre de 1 à 2 μm sont les plus nombreux et que, entre 4 et 5 μm de diamètre, leur nombre diminue régulièrement ; on observe quelques pores avec des diamètres de 10 μm. Les mesures donnent une épaisseur d'oxyde variant de 7 à 10 μm à l'extrémité apicale de la fixture et de 1 à 2 μm sur la partie supérieure conique et au niveau des premières spires.

Les analyses AES (Auger Electron Spectroscopy) montrent une composition identique sur tous les implants avec les pourcentages habituels suivants: Ti = 15 %, O = 55 %, C = 20 %, P = 5 %, S = 1 % et Si = 1 %. La position du pic de P indique qu'elle correspond à la présence de phosphates. Les niveaux de carbone sont typiques des surfaces d'oxyde de titane exposées à l'air.

Un diffractogramme aux rayons X réalisé à partir du disque montre la présence d'anatase et de rutile, qui sont les deux formes les plus communes de TiO2 cristallin.

Les tests de forces de tension montrent que tous les échecs se produisent à l'intérieur de l'adhésif, c'est-à-dire qu'en aucun cas n'a été observé d'échec d'adhésion entre l'oxyde et le métal. La force et la contrainte maximale moyennes enregistrées lors de la fracture sont respectivement de 418 N et de 33 MPa. Les valeurs de dispersion sont inférieures à 15 %. Ainsi, les résultats indiquent qu'il y a une forte adhésion entre l'oxyde et le métal sous-jacent. Ils sont en accord avec les images des coupes qui montrent une transition continue du métal vers l'oxyde.

Aucune particule d'usure n'a été détectée par l'examen en microscopie optique des surfaces en plastique ou d'os bovin après insertion puis retrait des implants. Les résultats indiquent que la probabilité des surfaces à générer des particules d'usure est faible. Les résultats obtenus par les mesures effectuées en thermogravimétrie montrent une perte de poids de 0,5 mg/cm2, indiquant un volume total des pores d'environ 1 μl par implant. Pour les mesures correspondantes, dans lesquelles l'eau retenue en surface est conservée durant la pesée, la différence de masse totale est d'environ 20 mg (20 μl). Ainsi, la majorité de la rétention de liquide se produit lors du mouillage et, dans ce cas, le liquide est retenu à l'intérieur des irrégularités de surface.

Conclusion

Les propriétés caractéristiques de la surface en titane oxydée peuvent être résumées comme suit :

- la surface est un pur oxyde de TiO2 qui présente une structure partiellement cristalline. L'épaisseur de l'oxyde augmente continuellement de 1 à 2 μm dans la partie supérieure pour atteindre 7 à 10 μm dans l'extrémité apicale des implants ;

- la rugosité et l'aire de surface augmentent continuellement du col vers la partie apicale des implants, là où la rugosité est de 1,2 μm et l'augmentation de l'aire de 95 %. Le col de l'implant présente une surface usinée ;

- étant donné le processus de formation d'oxyde, la surface présente une seule et même topographie de surface rugueuse, dépourvue d'aspérités. La topographie de surface en soi est susceptible d'offrir une bonne rétention dans le tissu osseux. La surface a une bonne capacité à retenir les liquides du fait de sa topographie ;

- la surface (partie apicale) contient de nombreux pores ouverts avec une prédominance des orifices dans une marge de 1 à 2 μm. Les pores ont la capacité de retenir des substances qui peuvent être relarguées dans les tissus environnants ;

- la couche d'oxyde adhère fortement au métal sous-jacent et montre une bonne résistance à l'usure, ce qui indique un risque minime d'observer un relargage de particules lorsque les implants sont insérés dans l'os.

Remerciements :

Nous remercions Ulrika Carlander et Lennart Carlsson, du SP Swedish National Testing and Research Institute (Borås, Suède) pour les tests d'oxydation et les analyses en MEB.

Titre original : Properties of a new porous oxide surface on titanium implants. Applied Osseointegration Research 2000;1(1):5-8. Traduit et reproduit avec l'aimable autorisation des auteurs et du professeur Tomas Albrektsson, Department of Biomaterials/Handicap Research, University of Gothenburg (Suède). Merci de ne pas reproduire, quel qu'en soit le motif, sans l'autorisation de l'éditeur.

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BIBLIOGRAPHIE

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