Responsable ou coupable ? - Implant n° 3 du 01/08/2001
 

Implant n° 3 du 01/08/2001

 

Éditorial

Xavier Assémat-Tessandier  

Rédacteur en chef

En ces temps de rentrée dans notre douce France, il me paraît important de revenir sur le fond du communiqué qui paraît à la page 221 de ce numéro. Il s'agit d'une décision du ministère de l'Emploi et de la Solidarité en date du 14 mai dernier, parue le 24 mai au Journal Officiel, et dont nous n'avons pu faire état dans le numéro de juin d'Implant pour des « raisons techniques indépendantes de notre volonté », en fait les délais de fabrication de votre revue...


En ces temps de rentrée dans notre douce France, il me paraît important de revenir sur le fond du communiqué qui paraît à la page 221 de ce numéro. Il s'agit d'une décision du ministère de l'Emploi et de la Solidarité en date du 14 mai dernier, parue le 24 mai au Journal Officiel, et dont nous n'avons pu faire état dans le numéro de juin d'Implant pour des « raisons techniques indépendantes de notre volonté », en fait les délais de fabrication de votre revue préférée.

En matière de santé publique, l'expérience passée nous a appris que nos hommes (et femmes, par la vertu de la parité) politiques pouvaient être responsables, mais non coupables, même si quelques morts résultaient de leur décision. La faculté d'oubli des Français est suffisamment développée, pour que quelques années plus tard nous retrouvions les mêmes personnes à des postes clés de la nation. Il ne reste qu'à espérer que leurs erreurs passées fassent partie de leur courbe d'apprentissage, et que sans avoir franchi le terrible seuil d'incompétence de la loi de Peter, ils soient actuellement au zénith de leur compétence professionnelle. Est-il vraisemblable qu'un professionnel de santé puisse bénéficier d'une telle clémence dans l'erreur ? Dans l'affaire précitée, les condamnations des médecins concernés ont montré que non.

Si nous revenons à la décision du mois de mai qui agite le microcosme de l'implantologie française, on peut s'étonner qu'une telle décision concerne uniquement les implants Stéri-Oss HA (recouverts d'hydroxyapatite), reconnus coupables en 2001 de non-ostéointégration et responsables de « pertes osseuses très importantes avec perte de l'implant ». Or, en 1988, en France, la guerre des anciens et des modernes faisait rage dans le domaine des implants. D'un côté, les « anciens » préconisaient l'utilisation d'implants en forme de vis en titane pur usiné (dit lisse), les seuls ayant apporté la preuve scientifique de leur fiabilité par les études cliniques multicentriques à moyen et long terme (5 à 15 ans) disponibles à l'époque. Les « modernes » regardaient avec condescendance les Néandertaliens, gardiens de la flamme scandinave, comme des extraterrestres admirant de leur soucoupe notre chère Lucy se débattre avec énergie pour accéder au statut d'être humain. L'avenir à l'époque pour eux était dans l'hydroxyapatite, malheur à ceux qui n'adhéraient pas au postulat moderne. Pourtant, aucune étude clinique n'était alors disponible, seule la foi dans le progrès pour le bien de l'humanité permettait la confiance des « modernes » dans la nouveauté. En octobre 1992, à Lyon, A. Kirsch a montré les résultats de son suivi clinique à 7 ans des implants IMZ recouverts d'hydroxyapatite, corroborant pour la première fois les affreux doutes des anciens sur les vertus de la modernité. On connaît la suite...

Plusieurs points sont à retenir : d'une part, les implants ne nécessitent pas d'autorisation de mise sur le marché et les professionnels sont donc responsables (au moins sur le plan de l'éthique) de leur utilisation. D'autre part, n'oublions pas qu'autour de nos implants, nous avons des patients et que notre rôle est de leur faire bénéficier des derniers progrès scientifiques, documentés et validés par des études au minimum à moyen terme. Enfin, qu'en implantologie, si la nouveauté est nécessaire à l'amélioration technique, l'innovation ne se transforme en progrès scientifique que par la preuve de son succès clinique à long terme.