Recherche
Laurent Pierrisnard * Michel Barquins **
*Maître de conférences
Faculté de chirurgie dentaire de Paris V
1, rue Maurice-Arnoux
92120 Montrouge
**Directeur de recherche
CNRS ESPCI
10, rue Vauquelin
75005 Paris
L'objectif de cette étude est d'évaluer l'influence de trois solutions implantaires, un implant cylindrique classique (servant de référence), un implant à clavettes bicorticales et un implant à expansion apicale, sur le contrôle des micromouvements, l'intensité et la distribution des contraintes cervicales après une mise en charge occlusale. La méthode des éléments finis est utilisée pour comparer des modèles tridimensionnels. Les paramètres étudiés sont : la géométrie de l'implant, la qualité de l'os spongieux et l'orientation de la charge occlusale. Les résultats montrent que la stabilité initiale de l'implant claveté est significativement supérieure à celle des autres implants étudiés. La stabilité initiale de l'implant à expansion apicale est supérieure à celle de l'implant cylindrique, mais la différence est moins significative. Les configurations étudiées ont une influence très favorable sur la distribution et l'intensité des contraintes cervicales de cisaillement. Pour l'implant cylindrique de référence, les contraintes sont concentrées dans la zone cervicale. Pour l'implant à expansion apicale, la distribution est régulière du collet à l'apex. Pour l'implant à clavettes, les contraintes cervicales sont moins intenses ; les contraintes sont concentrées autour des clavettes.
This study aims at measuring the influence of three implant solutions, a standard cylindrical implant (which will be the reference), an implant with bi-cortical keys and an implant with apical expansion, on the control of micro-movements, the intensity and the distribution of cervical stresses after an occlusal loading. The finite elements method is used to compare three dimensional models. The parameters under study are: the geometry of the implant, the quality of the spongioux bone and the orientation of the occlusal charg. The results show that the initial stability of the keyed implant is significantly superior to that of other studied implants. The initial stability of the implant with apical expansion is superior to that of the cylindrical implant, but the difference is less significant. The configurations under study have a very favourable influence on the distribution and intensity of the cervical stresses of shearing. For the cylindrical implant, the stresses are concentrated in the cervical zone. For the implant with apical expansion, the distribution is steady from the neck to the apex. For the implant with keys, the cervical stresses are less intense ; the stresses are concentrated around the keys.
Le succès en implantologie nécessite une phase d'ostéointégration. Les facteurs contribuant au succès de l'ostéointégration, à la base du protocole de Brånemark sont : la composition de l'implant [1-3], la géométrie de l'implant [1, 4-6], l'absence d'élévation de température [1, 7-9], la qualité de l'os [10-12] et l'absence de mise en charge pendant la cicatrisation [1, 13]. Pour satisfaire à ce dernier impératif, la technique en deux temps a longtemps été considérée comme incontournable. Dans un premier temps, l'enfouissement des implants sous les tissus mous permet la cicatrisation à l'abri de toute contamination microbienne et de toute sollicitation fonctionnelle. Le constat de l'inconfort du patient devant vivre sans dents pendant une période de 3 à 6 mois [14] a généré des réflexions pouvant conduire à terme à la mise en charge immédiate des implants. Un protocole en une seule étape, sans enfouissement, a été proposé par le système ITI (International Team for Oral Implantology) avec un taux de succès comparable à celui du système de Brånemark [10, 15-19]. La mise en charge est certes différée, mais intervient plus précocement qu'avec le système de Brånemark. Le problème de la mise en charge immédiate fonctionnelle après la mise en place des implants se heurte au problème des micro-mouvements à l'origine d'une cicatrisation fibreuse plutôt que la régénération osseuse souhaitée, si leur amplitude est supérieure à 100 µm [20, 21]. Le contrôle de ces micromouvements, possible pour les grandes restaurations par la solidarisation de plusieurs implants [22-27] reste aléatoire pour les restaurations unitaires qui sont devenues les indications principales des traitements implantaires [28, 29]. Dans cet article, deux configurations implantaires susceptibles de limiter les micromouvements générés par les forces occlusales sont étudiées. Il s'agit de l'implant Secure® et de l'implant Diagnose®.
L'implant Secure® a toutes les caractéristiques d'un implant conventionnel cylindrique en termes de géométrie, d'état de surface (microbillé/mordançé) et d'études histomorphométriques comparées. Sa particularité tient dans la mise en place de clavettes qui, par leur ancrage bicortical, sont susceptibles d'immobiliser l'implant de façon immédiate (Fig. 1 et 2). L'implant Diagnose® est un implant semblable à un implant-vis classique, mais dont l'apex présente des pieds pouvant s'écarter sous l'action d'une vis d'expansion qui fait remonter un noyau dans l'implant. L'expansion apicale a pour but d'assurer une fixation biomécanique rigide immédiate avec l'os (Fig. 3). Cet article n'aborde pas le protocole chirurgical. Seul l'aspect strictement mécanique du problème est évoqué ; l'application clinique qui en découle appelle une évaluation à moyen et long terme (Fig. 4, 5 et 6, 7, 8 et 9).
La méthode des éléments finis utilisée est une méthode numérique, informatisée, permettant le calcul et la visualisation des contraintes, déformations et déplacements de structures complexes soumises à des forces simulées. La méthode nécessite la connaissance des propriétés mécaniques des matériaux associés, soit E, le module d'élasticité et ν, le coefficient de Poisson. Le logiciel utilisé, Cadsap®, version française d'Algor® est exploité sur un PC compatible (Pentium 200 MHz, 48 Mo mémoire RAM). La modélisation est tridimensionnelle. Un implant cylindrique classique servant de référence est comparé à l'implant à clavettes bicorticales et à l'implant à expansion apicale. Par souci de simplification, la couronne prothétique n'est pas modélisée. Un pilier, fixé par une vis, identique pour les trois implants, reçoit la charge occlusale de 500 N. (L'intensité choisie correspond à la moyenne des forces maximales que l'appareil stomatognathique peut développer au niveau molaire [30].) Les trois implants modélisés sont enchâssés dans une base osseuse constituée d'une enveloppe d'os cortical et d'un os spongieux (Fig. 10, 11 et 12). La modélisation de la liaison col de l'implant-os cortical tient compte de la réalité clinique en considérant que l'ostéointégration (rigidité interfaciale) n'est effective qu'au début du filetage. Les résultats doivent être modulés devant l'impossibilité de quantifier la différence, du strict point de vue mécanique, entre l'ostéointégration et la stabilité immédiate constatée cliniquement. Les paramètres étudiés sont : la géométrie de l'implant et l'orientation de la charge occlusale (force axiale, force oblique à 45° et force horizontale à 90° par rapport à la force axiale). Les propriétés mécaniques retenues dans cette étude, incontestables pour les matériaux, ici le titane (E = 140 GPa, υ = 0,33) [31], sont discutables pour les tissus osseux. Pour l'os cortical, les valeurs retenues pour cette étude sont celles le plus couramment relevées dans la littérature (E = 13,7 GPa, υ= 0,35) [32, 33, 34]. Pour l'os spongieux, la disparité des valeurs relevées s'explique probablement par la grande variabilité de la qualité de l'os. La valeur retenue correspond à l'extrême minimale, pour un os de faible rigidité, plus adapté aux solutions proposées (E = 0,5 GPa, υ = 0,3) [35].
La mise en charge provoque, pour chaque implant modélisé, un mouvement immédiat dont l'amplitude et la direction dépendent de l'orientation de la charge. Avec la méthode utilisée, l'implant est en contact intime avec l'os, ce qui simule l'ostéointégration ou la stabilité immédiate constatée cliniquement. Le logiciel affiche les déplacements dans les trois directions de l'espace (dy, dx, dz). Les résultantes des déplacements « ds » sont relevées, pour chaque modèle, en un même point précis du col de l'implant choisi arbitrairement. Le Tableau I regroupe les résultats. Le logiciel affiche également les contraintes cervicales de cisaillement (assimilables aux contraintes de von Mises) dont les intensités maximales sont regroupées dans le Tableau II .
Les déplacements implantaires augmentent significativement lorsque l'orientation de la charge s'éloigne du grand axe de l'implant. Comparés aux déplacements implantaires sous charge axiale, utilisée comme référence, les déplacements des implants sous une charge oblique à 45° augmentent respectivement de 350 % pour l'implant cylindrique, de 429 % pour l'implant à expansion apicale et de 458 % pour l'implant à clavettes. Toujours comparés aux déplacements implantaires sous charge axiale, les déplacements des implants sous une charge horizontale augmentent respectivement de 475 % pour l'implant cylindrique, de 576 % pour l'implant à expansion apicale et de 597 % pour l'implant à clavettes.
La stabilité initiale de l'implant claveté est significativement supérieure ; son déplacement sous charge axiale, comparé à celui de l'implant cylindrique est diminué de 47 % (soit 3,7 µm). Comparé à la même référence, l'implant cylindrique, la stabilité initiale de l'implant à expansion apicale est supérieure, mais la différence est moins significative ; son déplacement sous charge axiale est diminué de 16 % (soit 1,2 µm).
La stabilité initiale de l'implant claveté est significativement supérieure ; son déplacement sous charge oblique, comparé à celui de l'implant cylindrique est diminué de 34 % (soit 12 µm). Comparé à la même référence, l'implant cylindrique, la stabilité initiale de l'implant à expansion apicale est identique.
La stabilité initiale de l'implant claveté est significativement supérieure ; son déplacement sous charge horizontale, comparé à celui de l'implant cylindrique est diminué de 35 % (soit 16 µm). Comparé à la même référence, l'implant cylindrique, la stabilité initiale de l'implant à expansion apicale est identique.
Le logiciel permet également la quantification et la visualisation des contraintes cervicales. Pour toutes les configurations implantaires, les contraintes les plus intenses sont relevées lorsque la charge est horizontale. L'orientation de la charge est un paramètre déterminant : en accord avec la plupart des auteurs [36-38], nous montrons que la charge sollicitant l'implant doit être orientée, dans la mesure du possible, selon son grand axe. L'implant à clavette est moins sensible aux changements d'orientation de la charge que les autres implants étudiés. La figure 14 illustre ce constat.
Les configurations étudiées ont une influence sur la diminution de l'intensité des contraintes cervicales de cisaillement (assimilables aux contraintes de von Mises). Quelle que soit l'orientation de la charge, l'implant conventionnel cylindrique transmet, dans la zone cervicale, les contraintes les plus intenses. Sous charge axiale, les intensités de contraintes générées par les deux types d'implants étudiés diminuent de 75 % (soit 24 MPa) pour l'implant à expansion apicale et de 69 % (soit 22 MPa) pour l'implant à clavettes. Sous charge oblique, les intensités de contraintes générées par les deux types d'implants étudiés diminuent de 12 % (soit 40 MPa) pour l'implant à expansion apicale et de 41 % (soit 140 MPa) pour l'implant à clavettes. Sous charge horizontale, les intensités de contraintes générées par les deux types d'implants étudiés diminuent de 2 % (soit 10 MPa) pour l'implant à expansion apicale et de 35 % (soit 160 MPa) pour l'implant à clavettes.
Concernant la localisation des contraintes, les résultats de nombreuses études sont similaires ; toutes, utilisant la méthode des éléments finis, s'accordent à dire que c'est dans la zone du collet de l'implant que le risque de résorption est le plus important [39-46]. L'implant cylindrique est utilisé ici comme référence ; les configurations étudiées ont une influence très significative sur la diminution de l'intensité des contraintes cervicales. Les coupes longitudinales mésiodistales (dans le plan YZ) de la base osseuse isolée du reste du modèle montrent que ces configurations modifient également la distribution des contraintes de cisaillement. Les figures 15, 16 et 17 représentent les modèles sous charge axiale. Les plages d'isocontraintes les plus intenses sont rouges et jaunes. Pour l'implant conventionnel cylindrique (Fig. 15), les résultats sont conformes aux études mentionnées qui mettent l'accent sur l'importance des contraintes cervicales. Pour l'implant à expansion apicale (Fig. 16), la distribution des contraintes, comparée à celle relevée pour l'implant cylindrique, est moins concentrée ; la répartition est régulière du collet à l'apex. Pour l'implant à clavettes (Fig. 17), les contraintes sont concentrées autour des clavettes.
L'objectif de cette étude est d'évaluer, par rapport à l'implant cylindrique classique, l'influence de deux solutions implantaires, un implant à clavettes bicorticales et un implant à expansion apicale, sur le contrôle des micromouvements (assimilables aux déplacements immédiats) et l'intensité et la distribution des contraintes après une mise en charge occlusale.
1. Quelle que soit l'orientation de la charge, la stabilité initiale de l'implant claveté est significativement supérieure à celle des autres implants étudiés. La stabilité initiale de l'implant à expansion apicale est supérieure à celle de l'implant cylindrique, mais la différence est peu significative et uniquement sous charge axiale
2. Quelle que soit la configuration implantaire, les contraintes les plus intenses sont relevées lorsque la charge est horizontale ; la charge sollicitant l'implant doit être orientée, dans la mesure du possible, selon son grand axe.
3. Les configurations étudiées ont une influence très significative sur la distribution et l'intensité des contraintes cervicales de cisaillement (assimilables aux contraintes de von Mises). Pour l'implant cylindrique, les contraintes sont concentrées dans la zone cervicale. Pour l'implant à expansion apicale, la distribution est régulière du collet à l'apex. Pour l'implant à clavettes, les contraintes cervicales sont moins intenses ; les contraintes sont concentrées autour des clavettes.
Dans cet article, seul l'aspect strictement mécanique du problème est évoqué ; une évaluation clinique à moyen et long terme doit être menée pour confirmer ces résultats préliminaires.
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