Évaluation quantitative de la réussite implantaire - Implant n° 4 du 01/11/2001
 

Implant n° 4 du 01/11/2001

 

Revue de littérature

Luigi Tolomeo Boioli *   Jacques Penaud **   Neal Miller ***   Patrick Missika ****  


*Attaché d'enseignement universitaire
Unité de parodontologie et d'implantologie - Nancy I
**Maître de conférences des universités
Unité de parodontologie et d'implantologie - Nancy I
***Maître de conférences des universités
Responsable de l'unité de parodontologie et d'implantologie - Nancy I
****Maître de conférences des universités
Responsable de l'unité d'implantologie - Paris VII, Garancière Hôtel-Dieu

Un système, ou un équipement, est conçu avec certaines caractéristiques techniques et mis en œuvre selon certaines procédures pour remplir une ou plusieurs fonctions spécifiques. L'évaluation de leur réussite, définie comme le degré et la durée pendant lesquels ces fonctions sont remplies en conditions d'utilisation, revêt une importance capitale pour en déterminer le niveau de performance. La qualité de l'évaluation dépend de la méthodologie utilisée et se reflète sur la...


Un système, ou un équipement, est conçu avec certaines caractéristiques techniques et mis en œuvre selon certaines procédures pour remplir une ou plusieurs fonctions spécifiques. L'évaluation de leur réussite, définie comme le degré et la durée pendant lesquels ces fonctions sont remplies en conditions d'utilisation, revêt une importance capitale pour en déterminer le niveau de performance. La qualité de l'évaluation dépend de la méthodologie utilisée et se reflète sur la crédibilité du résultat : seules des méthodes rigoureuses sont aptes à la certification des performances d'un système. Pour les systèmes qui concernent la santé et/ou la sûreté des personnes, il est nécessaire que la qualité soit déterminée suivant une approche scientifique, c'est-à-dire caractérisée par des expériences clairement définies et reproductibles (critère n° 1), produisant des résultats quantitatifs et exempts d'erreurs systématiques (critère n° 2), avec un intervalle de confiance précisant leur degré de signification (critère n° 3). À côté de ces conditions nécessaires, deux autres peuvent être citées, qui concernent la qualité de l'information produite par ces expériences. Aussi, la qualité intrinsèque des connaissances auxquelles on aura accès dépendra de la pertinence des paramètres étudiés et de la spécificité, de la « netteté », de la corrélation de la réussite avec chacun d'entre eux (critère n° 4). En outre, si les résultats d'une étude pouvaient être intégrés avec leurs homologues obtenus par d'autres études, on pourrait tirer profit de l'ensemble de l'expérience acquise pour asseoir les conclusions sur des échantillons élargis. Cette particularité augmenterait considérablement l'efficacité de chaque étude. Elle dépend de la compatibilité ou, mieux, de l'uniformité des approches méthodologiques retenues pour le traitement des données (critère n° 5). L'implantologie orale se doit évidemment de bénéficier d'évaluations de réussite complètes et du plus haut niveau. Dans ce qui suit, on évaluera la situation actuelle dans ces domaines et, en suivant les critères ci-dessus, on dégagera des lignes directrices pour développer la rigueur quantitative et l'efficacité des évaluations de réussite implantaire.

Conclusions des revues de littérature

Plusieurs auteurs ont déjà réalisé des revues d'études implantaires, avec des analyses complètes et de haute qualité [1-9]. Leurs conclusions, lues à la lumière des critères définis plus haut, soulignent que ces derniers sont différemment et seulement partiellement vérifiés. Elles peuvent être très succinctement résumées de la façon suivante :

1. les auteurs font remarquer la difficulté de réalisation de comparaisons objectives entre études différentes, qui se traduit dans l'impossibilité d'intégration de leurs résultats (critère n° 5) ;

2. les raisons de cette situation les plus fréquemment citées portent sur la différence dans la définition des critères d'étude concernant la sélection de l'échantillon, l'inclusion et l'exclusion des données, la réussite implantaire, le traitement des données et la présentation des résultats (critères nos 1, 4 et 5) ;

3. la même hétérogénéité est remarquée pour ce qui concerne le type de paramètres recherchés, les données initiales, la périodicité des contrôles, les données contrôlées périodiquement, etc. ainsi que le type et la qualité des résultats (critères nos 2 et 4) ;

4. les auteurs constatent aussi des carences dans la recherche et la définition des paramètres à l'origine des échecs (critères nos 2 et 4), sur lesquels ils recommandent de concentrer plus d'efforts, car ils peuvent fournir des données quantitatives précises et adéquates, pour en retirer de précieuses recommandations pour le travail clinique ;

5. enfin, des données de réussite complétées par une évaluation de leur signification statistique sont extrêmement rares et représentent plutôt l'exception parmi les études cliniques implantaires longitudinales (critère n° 3).

Il est évident que l'ensemble de ces raisons limite de façon importante les enseignements que l'on peut obtenir des revues de la littérature existante. En particulier, par manque d'une approche normalisée (points 1 à 3), la mise en commun des résultats, pour constituer de plus grands échantillons d'implants, n'est pas réalisable directement. Les revues de littérature ne peuvent donc ajouter plus d'information quantitative que celle contenue dans chaque étude individuelle, ce qui enlève beaucoup à leur grand intérêt potentiel. Des résultats quantitatifs précis pour chaque situation clinique, respectant les critères définis en début d'article et fondés sur la globalité de l'expérience acquise, ne sont donc pas disponibles. Il n'en reste pas moins que, au vu des taux d'échecs relativement faibles généralement rapportés, il est recommandé [10] de générer des échantillons très importants et suivis sur le long terme, qui, seuls, permettent d'établir des corrélations cliniquement et statistiquement significatives avec les causes potentielles d'échec.

Consensus sur une méthode commune

Depuis un certain temps, des efforts ont été faits pour surmonter ces difficultés, en vue de retenir une approche commune de traitement des données pour les études de réussite implantaire [2, 6, 11-14]. Un consensus s'est dégagé [12] sur l'utilisation de la méthode de la table de réussite [15, 16]. En effet, sans entrer dans les détails, cette méthode est susceptible de donner les meilleurs résultats, car elle prend en compte de façon correcte les caractéristiques particulières, et délicates à traiter, des études de suivi implantaire :

- elle permet de considérer dans le même échantillon des implants posés progressivement et donc observés pour des durées différentes ; les implants avec une durée partielle d'observation contribuent même à l'amélioration de la signification statistique des résultats ;

- elle assure une parfaite comparabilité des résultats intermédiaires provenant d'études similaires avec des durées d'observation différentes.

L'utilisation de cette méthode s'est développée graduellement, sans vraiment se généraliser pour autant. Il devient dès lors intéressant de vérifier en détail le potentiel de cette méthode, compte tenu de l'ensemble de l'expérience acquise en implantologie. Dans cette optique, plutôt qu'une revue générique, une méta-analyse de la littérature scientifique existante sur les implants en titane a été réalisée [17], pour sélectionner les études pour lesquelles la méthode de la table de réussite pouvait être appliquée. Au-delà des résultats, obtenus après application de cette méthode, une telle sélection représente une base idéale pour vérifier précisément dans quelle mesure les critères définis en début d'article peuvent être actuellement satisfaits. Certains éléments de cette évaluation, que nous allons rapporter et discuter dans les paragraphes suivants, permettent alors de tirer des enseignements très ciblés pour contribuer à la satisfaction de ces critères et, donc, à la conception des études futures de quantification de la réussite implantaire.

Données quantitatives perfectibles

• Il a été confirmé que les études de suivi clinique d'implants sont caractérisées par une latitude assez importante de critères de définition de la réussite, ce qui, dans le cas de la méta-analyse, a uniquement permis de reconstruire des tables de seule survie implantaire. Aussi, une partie seulement des études publie des données suffisantes pour cette reconstruction. En particulier, seulement 18 564 implants initiaux ont pu être suivis par table de survie. Comparativement, pour plus de 27 000 autres implants, le détail de suivi rapporté n'était pas suffisant pour pouvoir reconstruire des tables de survie et en déduire des données quantitatives.

• À partir des tables de survie, des probabilités cumulées de survie, avec leurs intervalles de confiance, ont pu être calculées en fonction du temps. À titre d'exemple, le type de résultats accessibles est montré dans la Figure 1 [17]. Il apparaît ainsi que le niveau de sophistication des renseignements quantitatifs que l'on peut obtenir en appliquant cette méthode est élevé. Les résultats sont accompagnés de leur signification statistique précise. Compte tenu aussi que l'échantillon est suivi de façon détaillée dans le temps et que les tables de survie d'études différentes sont compatibles entre elles, il a été confirmé que cette méthode constitue bien une solution suffisante pour satisfaire pleinement les critères nos 2, 3 et 5 qui concernent plus particulièrement les nécessités méthodologiques. C'est donc l'irrégularité de son application (elle concerne seulement 40 % des implants suivis, comme on l'a vu plus haut) qui représente la limite qu'il faut actuellement surmonter pour obtenir des évaluations cohérentes entre elles.

• C'est dans le domaine de la conception des études (auquel se rapportent en grande partie les deux autres critères, nos 1 et 4) que des difficultés persistent, pour lesquelles il n'existe malheureusement pas la solution d'une approche ad hoc. Deux aspects principaux peuvent être distingués. Premièrement, les différences ou le manque de précision dans la définition des critères de réussite, rappelés plus haut, restent parmi les causes primaires qui limitent la comparabilité, sinon même la reproductibilité des études. Deuxièmement, une autre limite est représentée par le spectre de paramètres caractérisant un échantillon d'implants. S'il n'est pas bien défini, la déduction d'une corrélation précise entre la réussite implantaire et ces paramètres est effectivement empêchée. Les résultats couvrent trop souvent la réussite d'échantillons assez hétéroclites, ce qui rend plus floue l'interprétation de l'influence du paramètre principal et qui interdit de construire des corrélations propres à chacun des paramètres individuels.

Raisons de cette situation

Dispersion statistique des résultats de réussite

Cette dispersion est citée dans très peu de cas, ce qui est dommage, car les valeurs moyennes apportent une information insuffisante, sans la citation de leur dispersion. Par exemple, un taux de survie de 91 %, avec une erreur standard de 20 %, assurerait avec un niveau de confiance de 95 % qu'un échantillon similaire aurait un taux de survie supérieur seulement à 52 %. Ce résultat est évidemment beaucoup moins attrayant que ce que fait espérer la moyenne de 91 %. Limiter la publication à des valeurs moyennes introduit donc l'erreur systématique due à la conjecture que ces valeurs sont entachées d'erreurs standard réduites. L'erreur standard (ou, ce qui revient au même, un intervalle de confiance) doit donc toujours accompagner les valeurs moyennes calculées. Cela les rend crédibles et permet de reconnaître à leur juste valeur les procédures et systèmes qui donnent les meilleurs résultats.

Variable temps et historique de suivi

L'utilisation d'indicateurs directs de performance peut aussi porter à des résultats inexacts. Par exemple, les pourcentages (taux de survie, taux d'échec, etc.), calculés sur un échantillon d'implants posés au cours d'une certaine période d'observation, ont une signification qui dépend fortement de la durée de la période d'observation. Sans discuter l'évidence de leur non-comparabilité pour des échantillons suivis sur des périodes différentes, la description d'un échantillon d'implants posés tout au long d'une période donnée mélange des implants avec des durées d'observation différentes, ce qui rend inexploitable l'information fournie par le taux calculé. Les taux représentant des durées de vie moyennes d'un ensemble d'implants appartiennent aussi à ce même type de démarche.

Il faut aussi considérer que, même pour un échantillon d'implants posés en même temps, ces méthodes directes sont valables seulement si la totalité des implants est suivie pendant toute la période d'observation. En effet, les implants disparus en cours de suivi diminuent l'échantillon sous observation qui donc, par la suite, fera forcément apparaître un nombre absolu d'échecs inférieur (ou, au mieux, égal, mais sans aucune certitude) à celui que l'on aurait pu s'attendre avec l'échantillon total. Encore, même dans le cas d'un taux de survie correct avec le suivi de la totalité des implants, celui-ci ne fournit qu'une information très pauvre, sans aucun renseignement sur l'époque à laquelle les échecs sont survenus.

Ces indicateurs, et tous ceux qui s'y apparentent, semblent a priori attrayants, car ils sont simples et, en apparence, facilement intelligibles et intuitifs. Ils ont en réalité un champ d'application mathématiquement assez limité, dont la méconnaissance engendre facilement des erreurs systématiques. Les études de réussite à long terme sont parmi les plus difficiles à réaliser (suivi de grands échantillons sur de longues périodes, coûts et investissement en temps-chercheur très importants, complexité des données collectées, etc.) et requièrent un effort d'évaluation adéquat.

Hétérogénéité des critères de suivi

Un autre aspect qui limite l'interprétation des études existantes est celui de la définition des critères de suivi. Il est évident que, lors des études de produits avec des caractéristiques nouvelles, la tendance est de tenter d'extrapoler au long terme les premiers résultats, constatés suivant des critères simplifiés. Il a donc fallu freiner cette tendance et définir des résultats minima à atteindre avant de revendiquer la réussite (critères dits « de succès »). Depuis longtemps, beaucoup d'auteurs ont essayé de standardiser la matière [1, 11, 13, 14, 18, 19]. À cause de cet aspect prévisionnel, les mesures à réaliser (par exemple le contrôle de la radioclarté péri-implantaire, de la résorption osseuse, etc.) deviennent néanmoins plus lourdes et laborieuses, avec le résultat que peu d'équipes les suivent totalement. Cela explique ainsi l'établissement de critères « de substitution » plus simples, dits aussi « de survie », dont l'hétérogénéité représente néanmoins une limite.

Certaines considérations générales sur ces différents critères, de succès ou de survie, peuvent aider à bien comprendre leur utilité et leurs champs d'application, en vue de contribuer à trouver une approche qui résolve cette difficulté.

Étant particulièrement conçus pour prévoir un comportement futur, les critères de succès s'adaptent donc en premier lieu à la détection précoce des phénomènes (par exemple, l'échec implantaire), avant même leur manifestation directe. Il existe néanmoins d'autres situations, où l'on pourrait être intéressé à la durée réelle de la performance implantaire : par exemple, lors d'études quantitatives de longue durée, pour établir des données d'espérance de vie des implants ou de corrélation entre réussite et certains paramètres. Dans ces cas, il faut se focaliser moins sur la « prévision » de l'échec que sur son « constat », car on se donne le temps d'attendre l'échec pour le déclarer, si et quand il arrive. Dans cette situation, l'échec doit être défini plus physiquement, en départageant clairement le moment de son avènement de ses signes avant-coureurs. Des paramètres de simple survie (du type: mobilité, présence de douleurs ou autres symptômes persistants, perte de fonctionnalité, etc.) peuvent suffire pour ce but. En revanche, l'application des critères de succès, avec l'approfondissement de l'évolution dans le temps de différentes caractéristiques cliniques, est nécessaire lors d'études axées sur la compréhension des phénomènes bio-physico-chimiques de base, ce qui justifierait aussi les efforts pour des observations plus complexes.

Paramètres influençant la réussite et spécificité de leurs corrélations

Le choix des paramètres et variables indépendantes à corréler à la réussite est aussi un sujet comportant des incertitudes. Les auteurs intéressés par la démonstration de la réussite implantaire jugent en général suffisant de caractériser leurs échantillons par un seul paramètre principal (par exemple, pose d'implants à la mandibule). Ce choix, au demeurant légitime, ne permet néanmoins pas d'évaluer précisément la réussite en fonction de chacun des paramètres du spectre caractérisant typiquement un échantillon d'implants (qualité et quantité de l'os hôte, pathologies et habitudes du patient, type et dimensions de l'implant, distribution précise des implants sur les arcades, type et caractéristiques de la prothèse, etc.). Ce spectre est différent d'échantillon à échantillon. Dans certaines études, la distribution d'un paramètre (par exemple, l'âge des patients) est décrite trop sommairement (par exemple, par des valeurs moyennes). Dans d'autres cas, la liaison n'est pas suffisante entre données initiales et résultats de réussite. Par exemple, les dimensions des implants sont décrites, mais la réussite est donnée seulement pour l'ensemble des implants.) Typiquement, le fait de calculer la réussite pour le seul échantillon total introduit une incertitude due à l'influence inconnue du mélange des autres paramètres. L'information quantitative que l'on peut tirer de l'étude est alors imprécise et ne favorise pas l'interprétation détaillée des résultats d'échantillons différents. Ainsi, dans le cas de revues de littérature, comme on l'a déjà souligné, seules des conclusions qualitatives peuvent être tirées, qui restent de toute façon à vérifier par des expériences ad hoc qui soient mieux aptes à donner l'influence de chacun des paramètres individuels. Cette situation a été aussi rencontrée lors de la méta-analyse citée. La Figure 1 concerne des échantillons où toutes les situations cliniques sont mélangées et ne permet de tirer des conclusions que sur le comportement général de l'ostéointégration des deux grandes catégories d'implants étudiées [17]. Le manque de données précises rend impraticable la construction d'échantillons pour le calcul des probabilités cumulées de survie dans des cas particuliers (pour départager l'influence respective du type de surface et de la procédure chirurgicale de pose, par exemple).

Soulignons que ces aspects sont assez pénalisants. Souvent, à égalité d'investissement de ressources de la part des chercheurs, juste une conception préalable adaptée de l'organisation de l'étude et du suivi des résultats aurait suffi pour étoffer l'information que l'on aurait pu obtenir.

Rigueur et efficacité de l'évaluation de la réussite implantaire

En suivant les critères définis en début d'article, certaines lignes directrices peuvent être cernées. Elles concernent, bien évidemment, la structure et la conduite de ces études et pas leur contenu.

Dispersion des résultats, variable temps et historique des implants

Comme on a pu le voir, ces aspects méthodologiques peuvent être traités convenablement (avec satisfaction des critères nos 2, 3 et 5) par l'application de la méthode de la table de réussite, dont il devient maintenant impératif de généraliser l'utilisation.

Pour qu'elles contiennent un minimum commun d'information exploitable, les tables de réussite devraient reporter, au moins, les résultats d'observation indiqués dans les Tableaux I et II .

Ces données feraient donc partie de matrices ayant autant de lignes que de périodes temporelles (pti ) et au moins trois colonnes (ni, fi et lwi ; voir le Tableau II pour la signification de ces trois symboles). Des détails ultérieurs sont évidemment très utiles. (Si nécessaire, ils seraient décrits sur des colonnes supplémentaires.) En particulier, la ventilation des échecs suivant leurs causes permettrait de rendre plus spécifiques et beaucoup plus riches en enseignements les conclusions de réussite. (La table de réussite complète comportera aussi d'autres colonnes, qui portent les résultats du traitement des données d'observation contenues dans les trois, ou plus, premières colonnes de la matrice.)

La publication généralisée de telles matrices est la condition suffisante pour assurer la pleine signification quantitative des résultats et leur compatibilité pour constituer des échantillons élargis.

L'application de cette méthode n'est finalement pas intrinsèquement difficile étant donné que, dans l'implantologie, les dates fondamentales du suivi des implants sont connues avec précision. À noter aussi qu'elle n'implique pas de grandes ressources supplémentaires aux chercheurs : il s'agit seulement de noter, cataloguer et publier selon un schéma commun des constatations qui sont de toute façon accomplies au cours du suivi implantaire.

Définition de la réussite

La définition de la réussite (ou de l'échec, ce qui est équivalent) revêt une importance particulière, car elle peut être source de différences d'interprétation entre chercheurs, tout en constituant la base pour l'évaluation d'une des données parmi les plus importantes d'une étude longitudinale : le nombre d'échecs. L'utilisation d'une définition simple (celle de survie, par exemple) n'est pas un obstacle à l'amélioration des connaissances de réussite implantaire à long terme. Ainsi, on peut retenir la catégorie de critères (succès, survie,...) qui convient le plus aux objectifs de l'étude. En revanche, il convient que les études utilisent une définition uniforme de chaque catégorie, pour assurer la compatibilité de leurs résultats. Il est donc fondamental qu'elle soit choisie parmi les définitions proposées par une étude de qualité, exhaustive et reconnue par tous. Ces desiderata sont remplis par une étude récente [19] de l'équipe de Göteborg. Il serait ainsi souhaitable de se conformer à l'une des définitions qui y sont préconisées, de l'appliquer strictement à l'étude réalisée et d'en faire référence claire dans le texte.

Paramètres et spécificité des corrélations

C'est un aspect qui concerne, en particulier, la saisie des données, l'organisation de leur traitement et la présentation des résultats. Nous avons vu que la source d'interrogations réside dans le fait que les résultats sont reportés pour des échantillons caractérisés par un mélange de paramètres hétéroclites, tous ayant une influence (inconnue) sur la réussite implantaire. Il est dès lors impératif tout d'abord de constituer des sous-échantillons cohérents, contenant des implants aux caractéristiques similaires. Pour que les résultats de réussite soient efficaces, il est très important de ne pas réunir dans le même sous-échantillon des implants caractérisés par des valeurs différentes de chaque paramètre. L'évaluation de la réussite doit ensuite être fondée sur une matrice de données d'observation pour chacun de ces sous-échantillons. La réussite sera alors spécifique aux seules valeurs retenues.

Dans ce dessein, l'étude doit être conçue de façon à prévoir la classification claire des implants, et leur attribution à un sous-échantillon spécifique par rapport aux valeurs de chaque caractéristique du cas clinique traité et, ensuite, le suivi individuel de chaque implant. La condition nécessaire et suffisante pour assurer la spécificité des corrélations est que les caractéristiques choisies pour classifier les implants soient univoques. Ainsi, elles doivent s'exclure mutuellement pour chaque paramètre ou, en d'autres termes, chaque paramètre doit être défini par une et une seule caractéristique. Encore une fois, ce n'est qu'un problème de classification et de présentation, qui n'ajoute pas de difficultés intrinsèques particulières à l'étude, une fois que les protocoles sont rigoureusement organisés.

Les caractéristiques de classification évoluent avec le niveau des connaissances. Comme, actuellement, elles demeurent assez pauvres en corrélations spécifiques, le schéma présenté dans le Tableau III est adapté à cette situation et les implants devraient être classifiés au moins selon les indications de ce schéma.

D'autres détails peuvent évidemment être portés, mais, pour assurer la spécificité des résultats, la condition sine qua non est que chaque sous-échantillon pour lequel une matrice de réussite est présentée ne contienne que des implants impliquant une seule caractéristique décrivant le même paramètre. En termes clairs : une seule localisation, une seule surface, etc. par matrice, c'est-à-dire un seul choix pour chacun des paramètres du Tableau III . Uniquement certaines caractéristiques du paramètre 1 pourraient être regroupées en tranches de valeurs (âge, irradiation...) ou en catégories plus larges (pathologies...). Cette approche résulte en une latitude d'études et de conclusions étendue, spécifique et riche en enseignements. Le calcul exact des synergies éventuelles entre paramètres ou caractéristiques devient aussi accessible.

Il est évident qu'un nombre minimal de caractéristiques communes peuvent souvent résulter en la constitution de sous-échantillons contenant un nombre réduit d'implants. Cet aspect ne semble néanmoins pas grave, les chercheurs pouvant aussi publier, à côté de celles de chaque sous-échantillon, la table de réussite de l'échantillon total, comme ils l'auraient fait normalement. Par rapport à la seule table de l'échantillon total, cette publication « élargie » est un désavantage sans commune mesure avec la qualité de l'information quantitative supplémentaire qu'elle peut fournir. En effet, au vu de l'uniformité des critères de réussite et des tables correspondantes, les résultats de sous-échantillons homologues d'études différentes pourront être mis en commun. Donc, même un petit sous-échantillon sera très utile et l'étude dont il est issu plus efficace, dans la mesure où il participera à la génération d'échantillons plus nombreux, significatifs et hautement spécifiques.

Le suivi des lignes directrices décrites dans les deux paragraphes précédents, par le choix de définitions et de paramètres clairs, leur description précise et l'organisation des données pour l'obtention de résultats hautement spécifiques sont des conditions suffisantes pour satisfaire les critères nos 2 et 4.

Conclusion

Les résultats des études actuelles, prises dans leur ensemble, permettent de déduire des idées surtout qualitatives sur l'influence de certains paramètres sur la réussite implantaire. Les résultats quantitatifs ne reposent que sur les échantillons des études individuelles. Le niveau des connaissances quantitatives, défini par des critères rigoureux ad hoc, peut être amélioré par le suivi de certaines lignes directrices pour l'organisation des études cliniques longitudinales. Elles concernent :

• la conception des études longitudinales :

- définition de la réussite implantaire selon le but principal de l'étude, les études longitudinales de long terme s'accommodant aisément d'une définition de réussite comme survie de l'implant ;

- choix normalisé de la définition de réussite ;

- classification des implants selon des groupes de paramètres indépendants et suivi individuel de chaque implant ;

- constitution d'échantillons d'implants cohérents caractérisés par des implants similaires ;

• la méthodologie de traitement des données :

- utilisation régulière de la méthode de la table de réussite ;

- établissement de matrices de réussite pour chacun des échantillons constitués.

Ces lignes directrices contribuent à apporter plus d'exactitude et de spécificité dans les corrélations de la réussite implantaire avec les paramètres qui l'influencent et plus de signification aux résultats par la possibilité de prise en compte d'échantillons plus nombreux. Cela va optimiser et crédibiliser les résultats quantitatifs que l'on peut obtenir pour l'évaluation de la réussite implantaire.

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