Mise en charge immédiate de prothèse de recouvrement - Implant n° 4 du 01/11/2001
 

Implant n° 4 du 01/11/2001

 

Dossier clinique

Marc Di Bernardo  

Docteur en chirurgie dentaire
Diplôme universitaire d'implantologie
ZAC St-Esteve
13360 Roquevaire

La mise en charge immédiate est une composante en devenir de l'arsenal thérapeutique en implantologie. De nombreuses études ont mis en évidence un taux de succès comparable à celui obtenu avec la mise en charge différée. En réduisant le temps de traitement et le nombre d'interventions, l'enjeu de la recherche est d'élargir le champ d'application de la mise en charge immédiate en adéquation avec les principes de l'ostéointégration. Dans certains cas favorables, la possibilité de réhabilitation immédiate du maxillaire par prothèse de recouvrement s'engage dans cette direction. Parallèlement au système Frialoc® mis au point pour l'ancrage de barre de conjonction mandibulaire, l'adaptation du protocole au maxillaire nécessite certaines modifications. La qualité et la configuration de l'os maxillaire influent sur le nombre et la disposition des implants ainsi que sur la réalisation prothétique.

Le but essentiel de la mise en charge différée est de préserver l'implant des micromouvements pendant la cicatrisation osseuse avant la mise en fonction [1]. Des études récentes montrent que la maîtrise de la chirurgie en un temps avec mise en charge immédiate permet des résultats sensiblement identiques à la mise en charge différée [2-7]. Le facteur mécanique, c'est-à-dire le degré de stabilité du site implanté, conditionne la rapidité de l'ostéogenèse au niveau de la résorption de l'hématome local. En effet, une résorption rapide favorisera l'évolution de la néovascularisation : « Si le foyer est stable, mais reste soumis à des forces mécaniques modérées et à peu de micromouvements, l'hématome local sera résorbé rapidement et les différentes phases de la cicatrisation osseuse vont se dérouler de façon optimale. Il semble donc que trop ou pas assez de stabilité retarde la réparation osseuse. » [8].

L'indication d'une prothèse de recouvrement maxillaire dans ce contexte est posée en fonction du terrain bien sûr, mais aussi des possibilités de réduire au maximum les micromouvements au niveau de l'interface os/implant pendant les phases initiales de la régénération osseuse [9-11]. La barre de conjonction joue alors un rôle de contention pour les implants en disposition trapézoïdale. Cela dès le début de la réparation osseuse pendant les 3 premiers mois où s'organisent successivement : réaction inflammatoire et prolifération cellulaire, adhésion cellulaire et ossification primaire; alors que le remodelage osseux se poursuit jusqu'au 18e mois et n'est pas toujours accompli lors d'une mise en charge différée à 6 mois.

Le système Frialoc® : réhabilitation mandibulaire

L'indication principale du système est l'ancrage de prothèse de recouvrement mandibulaire sur barre de conjonction.

La mise au point de l'implant Frialoc® fait suite aux travaux menés en particulier par Ledermann [2-4] et Babbush [12]. Il s'agit d'un implant vissé transgingival à revêtement plasma titane (Frios mordancé) présentant un filetage profond et dont le col transmuqueux est lisse. Le type de revêtement et le profil des spires ont un rôle important au niveau de l'interface os/implant [6].

L'implant existe en 2 diamètres (3,5 et 4 mm) et 3 longueurs (10, 13 et 15 mm).

Le protocole classique décrit 4 implants d'une longueur minimale de 10 mm, disposés en trapèze sur une portion osseuse plane dans la région interforaminale. Une barre de conjonction est fixée sur les implants pour assurer la rétention de la prothèse par l'intermédiaire de cavaliers. La disposition en trapèze empêche les mouvements de rotation de la prothèse. La rigidité du système constitué par la barre connectée aux implants ainsi posés doit éviter les micro-mouvements.

Les figures 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14 et 15 illustrent ce type de réalisation au travers d'un cas clinique : une patiente âgée de 66 ans se plaint d'inconfort dû à un bridge antérieur présentant des problèmes infectieux et parodontaux importants (Fig. 1). Elle souhaite la pose d'implants pour assurer la rétention d'une prothèse complète. Le traitement par 4 implants Frialoc® dans la zone interforaminale répond à ce cas. Sur la coupe horizontale (Fig. 2) lors de l'étude préimplantaire, on prévisualise la disposition trapézoïdale des implants ainsi que le diamètre adapté qui est ici de 3,5 mm. Après les extractions, il faut écrêter à la fraise-boule afin d'obtenir une plage osseuse horizontale de 5,5 mm environ (Fig. 3), les sites en 33 et 43 nécessitant un fraisage important avec élimination du foyer infectieux en 42. Sur ce type d'os corticalisé, la séquence de forage pour le diamètre 3,5 utilise 3 forets de la trousse (Fig. 4), soit : 2, 3 et 3,3 mm. Une cupule silicone évite tout contact lors du positionnement du mandrin de vissage, et l'insertion de l'implant se fait à basse vitesse (15 tours/mn) avec un couple de 30 Ncm (Fig. 5 et 6). Les 4 implants sont mis en place en respectant le parallélisme et le plan horizontal (Fig. 7). On dispose alors les moignons d'empreinte et on suture (Fig. 8) avant la prise d'empreinte (Fig. 9). À la fin de l'intervention, des vis de cicatrisation recouvrent les implants (Fig. 10).La barre est essayée dès sa réalisation, mais la mise en bouche de la prothèse n'intervient qu'après la régression de l'œdème (Fig. 11). L'espacement entre les implants et la disposition en trapèze permettent l'ancrage par l'intermédiaire de 3 cavaliers en métal précieux (Fig. 12 et 13). Les photographies de profil avant (Fig. 14) et après (Fig. 15) mettent en évidence la conservation de la proportion des différents étages avec un léger ajustage de la dimension verticale lors du rétablissement des calages postérieurs.

Présentation d'un cas maxillaire

Il s'agit d'une patiente âgée de 62 ans dont l'état général est satisfaisant. L'inconfort dû à des dents maxillaires au parodonte compromis supportant une prothèse partielle inadaptée lui fait admettre la nécessité des extractions, mais l'idée de l'instabilité éventuelle d'une prothèse complète, même transitoire, entretient un état dépressif. La réponse à sa demande pourrait être extraction/implantation/prothèse immédiate, mais cela présente un risque au niveau du repositionnement des tissus mous et de l'adaptation occlusale de la nouvelle prothèse. Aussi, après discussion, la patiente convient de « supporter » une prothèse transitoire pendant 6 semaines entre les extractions et la pose des implants. Après étude du Dentascan et des rapports intermaxillaires, la solution proposée consiste en une prothèse de recouvrement sur barre de conjonction ancrée par 6 implants Frialoc®.

Étude préimplantaire

La qualité et la quantité osseuse du maxillaire incitent à recourir à 6 implants afin de répartir plus favorablement les contraintes mécaniques. Selon le protocole, les implants doivent être disposés en trapèze et idéalement sur un même plan horizontal, mais l'espace est limité par le volume résiduel et les obstacles anatomiques. Le parallélisme des implants entre eux est essentiel dans ce type de réalisation et contre-indique la région des incisives centrales. Une situation plutôt palatine des implants s'impose sans pour autant engendrer un encombrement inconfortable par la barre. Il faudra également éviter les alvéoles résiduels pour assurer une rétention primaire sans hiatus péri-implantaire (Fig. 16). Pour toutes ces raisons, le site exploitable se trouve singulièrement restreint par rapport à la zone interforaminale de la mandibule qui ne nécessite que 4 implants (Fig. 17). Par ailleurs, l'espace utile à la connexion de la barre entre les chapes d'un diamètre de 4,8 mm n'autorise que la portion médiane antérieure et 2 extensions distales pour situer les éléments rétentifs. Le choix de 3 attachements Céka Revax M3 permet cette réalisation.

Dès la confection de la prothèse provisoire, il est nécessaire de prendre en compte le couloir prothétique, la dimension verticale et le volume disponible pour la barre (Fig. 18). Une maquette en cire qui synthétise tous ces paramètres sera répliquée pour l'élaboration de la prothèse définitive, évitant ainsi des interférences nocives et une modification de la tonicité musculaire au niveau de la sangle labiale et de la langue (Fig. 19).

Réalisation : chirurgie et prothèse

La pose des implants est effectuée 6 semaines après les extractions. Une prothèse provisoire a été utilisé comme guide radiologique, puis après correction, la disposition utile des implants est préfigurée sur celui-ci qui servira également de guide pour le foret initial. L'incision est crestale avec 2 décharges distales. Un écrêtement modéré est réalisé à la fraise-boule 3,3 double irrigation avant le marquage au foret pilote (Fig. 20, 21 et 22). Les 6 implants Frialoc® sélectionnés sont : 4 en diamètre 3,5 ; 2 en diamètre 4 et en longueur 13 sauf l'implant postérieur gauche en longueur 10 en appui cortical sur la paroi antéro-inférieure du sinus. La mise en place se fait implant après implant en vérifiant l'espacement, le parallélisme et la situation supracrestale (Fig. 23, 24 et 25). Des points en O de part et d'autre de chaque implant assurent l'herméticité du site après la mise en place des moignons d'empreinte (Fig. 26). La prise d'empreinte succède à la suture. Puis, les moignons d'empreinte sont remplacés par des vis de cicatrisation. Une barre recevant les 3 attachements Céka (1 médian et 2 en extension distale) est essayée au 4e jour avec un contrôle minutieux de la passivité, puis le châssis métallique à 7 jours et la prothèse terminée est mise en place au 10e jour (Fig. 27, 28, 29, 30, 31 et 32). Cette attente de 10 jours difficilement acceptable par le patient évite toutefois une compression des bords périphériques de la prothèse sur la muqueuse tuméfiée qui se révèle fort douloureuse. La course contre la montre que représente un appareil extemporané le jour de la chirurgie, posé avant les premières manifestations de la réaction inflammatoire est souvent incompatible par exemple avec les corrections d'une barre nécessaires à une passivité absolue. Dans les semaines suivantes, une vérification régulière de l'adaptation occlusale est impérative. L'activation des attachements se fait progressivement pendant les 4 premiers mois. Un an après la mise en fonction, le contrôle radiographique par panoramique puis affiné par des clichés intrabuccaux est satisfaisant : la position de l'implant antérieur gauche accentuée par l'orthopantomogramme est due à un axe plus palatin évitant l'alvéole d'extraction, et la rétroalvéolaire confirme la réparation osseuse (Fig. 33 et 34).

Conclusion

La synthèse des connaissances actuelles et l'évaluation du risque d'échec permettent une adaptation clinique des techniques à notre disposition. Cette approche doit être prudente, guidée par la notion de terrain et les règles biomécaniques prothétiques en évitant tout traitement irréversible. (Un os de type IV ou une restauration complète céramique antagoniste, par exemple, incitera à opter pour une mise en charge différée.) Dans le cas présenté, diminuer la durée du traitement a pour avantage de supprimer une prothèse traditionnelle transitoire qui, même évidée et rebasée régulièrement, exerce des contraintes mécaniques néfastes, engendre souvent des parafonctions et qui représentait pour la patiente un point de fixation psychosomatique important.

Remerciements : Ils s'adressent au laboratoire de prothèse F. MASSAD (Aix-en-Provence) ainsi qu'aux sociétés FRIADENT France et CEKA France.

ADRESSE DES DISTRIBUTEURS

FRIALOC® - FRIADENTFRANCE - route de Montereau - BP106 - Darvault - 77793 Nemours Cedex - Tél. : 01 60 55 55 45 - Fax : 01 60 55 55 49.

CEKA® - CEKA FRANCE - 113-115 cours Albert-Thomas - 69003 Lyon - Tél. : 04 72 36 01 57 - Fax : 04 78 53 13 28.

BIBLIOGRAPHIE

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