Chirurgie
Ingvar Ericsson * Hans Nilson **
*LDS, Odont. Dr, Professor
Département de prothèse dentaire
Faculté d'odontologie
Université de Malmö
Carl Gustafs väg 34
214 21 Malmö, Suède
**LDS, Associate Professor
Département de prothèse dentaire
Faculté d'odontologie
Université d'Umeå
Umeå, Suède
Cette revue de la littérature a pour but de discuter du protocole chirurgical implantaire en deux temps ou en un seul temps, et du seuil limite de micromouvement toléré à l'interface os-implant pour obtenir une bonne ostéointégration. La littérature qui soutient l'hypothèse selon laquelle « le fait de relier des implants individuels le plus tôt possible après leur pose pour avoir une structure fixe et rigide diminue très certainement les micromouvements à l'interface os-implant, facilitant ainsi une bonne cicatrisation osseuse (ostéointégration) » est analysée. Cette approche permet en conséquence de réduire la durée du traitement de façon significative.
The present review paper is discussing the 2- and 1-stage surgical protocol for dental implant placement as well as the critical amount of micro-motion at the bone-implant interface to obtain proper osseointegration. The relevant literature supporting the hypothesis that “splinting of individual implants as soon as possible following installation via a rigid fixed device will most likely decrease the micro-motion at the bone-implant interface thus facilitating proper bone healing (osseointegration)” is reported. As a consequence of this approach the treatment period can be significantly reduced.
Les implants dentaires en titane (système BrånemarkTM) sont utilisés avec succès comme piliers de prothèses partielles fixées (PPF) depuis plus de 35 ans. Durant toutes ces années, les résultats thérapeutiques ont fait l'objet d'un nombre impressionnant de publications. Ce concept thérapeutique a été appliqué aussi bien chez l'édenté total [1-8] que chez l'édenté partiel [9-14]. Ces études sont basées sur l'utilisation du protocole chirurgical traditionnel en deux temps, impliquant la connexion du pilier lors d'une deuxième intervention chirurgicale après une période de cicatrisation initiale des fixtures enfouies. Initialement, les raisons principales de cette approche étaient :
- de minimiser le risque d'infection ;
- d'empêcher la migration apicale de l'épithélium muqueux ;
- de minimiser le risque d'une mise en charge précoce excessive, durant la période initiale de cicatrisation.
De plus, afin de garantir le succès du résultat thérapeutique, on préconisait une période de cicatrisation des fixtures enfouies sans contrainte de 3 à 6 mois avant de perforer la muqueuse, pour placer les piliers transmuqueux et les connecter à une suprastructure [1, 15-17]. Selon Adell et al. [17] et Albrektsson et al. [1-18], une telle période sans mise en charge était même considérée comme étant une condition préalable indispensable pour l'obtention d'une bonne ostéointégration. En d'autres termes, on pensait, à cette époque, qu'une mise en charge précoce des implants était considérée comme un facteur susceptible de compromettre le processus d'ostéointégration [19-23].
Le système BrånemarkTM est considéré comme la technique de référence, parce qu'il est commercialisé depuis plus de 35 ans et que c'est le système implantaire le mieux documenté à ce jour. Le taux de succès élevé de cette approche thérapeutique a conduit à une réévaluation du protocole Brånemark d'origine en deux étapes pour la pose des implants. Schroeder et al. [24-26] ont été les premiers à montrer la possibilité d'obtenir une bonne ostéointégration sans enfouir les fixtures. Plusieurs équipes de recherche [27-30] ont rapporté des données expérimentales, en utilisant des piliers implantaires en une seule partie, confirmant les observations présentées par Schroeder et ses collaborateurs. Des observations similaires ont été faites chez le chien avec des implants en deux parties placés en un seul temps chirurgical [30, 31].
Durant ces dix dernières années, des rapports ont également été publiés montrant le succès clinique d'un protocole chirurgical en un seul temps avec le système BrånemarkTM [20, 32-37]. Des succès cliniques identiques chez l'édenté total [38] et chez l'édenté partiel [39] ont été rapportés avec l'utilisation des implants en une seule partie (ITI®) placés selon leur protocole d'origine en un seul temps.
Dans trois études cliniques [32, 33, 38] concernant le protocole en un seul temps, les prothèses amovibles sont ajustées et rebasées à l'aide d'un matériau de conditionnement tissulaire, 10 à 12 jours après la pose des implants ; à l'origine, le but était de satisfaire la demande esthétique des patients et leur confort de mastication. Cependant, on peut s'attendre à ce que les implants placés selon un protocole chirurgical en un seul temps soient, dans une certaine mesure, exposés à des charges fonctionnelles durant la période de cicatrisation par le biais de la prothèse amovible ajustée et rebasée.
Par ailleurs, les fixtures de Brånemark placées selon le protocole en un seul temps présentent des taux de succès identiques à celles placées selon le protocole traditionnel en deux temps [32-37, 40]. En d'autres termes, « une mise en charge initiale et directe des implants transmuqueux par le biais de la prothèse amovible ajustée et rebasée ne compromet visiblement pas une bonne ostéointégration des fixtures » [33]. Une telle déclaration est soutenue par les observations cliniques de Henry et Rosenberg [20] qui en concluent que « la mise en charge immédiate contrôlée d'implants non enfouis correctement placés, par la réinsertion d'une prothèse amovible modifiée, ne semble pas compromettre le processus d'ostéointégration dans la partie antérieure de la mandibule ». Cooper et al. [41] ont récemment présenté des observations similaires. De plus, Becker et al. [35] concluent que « les implants en une seule étape peuvent être considérés comme une alternative viable aux implants en deux étapes ».
Il y a quelques années, il a été déclaré que « la mise en charge trop précoce d'un implant conduisait à la formation d'un tissu fibreux à l'interface au lieu d'un tissu osseux » [1]. D'un autre côté, Henry et Rosenberg [20] revendiquent, dans une déclaration apparemment contradictoire, que « la mise en charge immédiate contrôlée... ne semble pas compromettre le processus d'ostéointégration... ».
Un autre facteur de discussion porte sur le degré de micromouvement à l'interface os-implant. Selon Pilliar et al. [42], Brunski [43, 44] et Szmukler-Moncler et al. [45], la quantité de micromouvements durant la phase initiale de cicatrisation à l'interface os-implant est d'une grande importance pour obtenir une ostéointégration, alors que la mise en charge précoce en elle-même le serait beaucoup moins. Cameron et al. [46] ont trouvé qu'un micromouvement s'élevant à environ 200 mm à l'interface os-implant conduit à la formation de tissu fibreux, empêchant ainsi l'ostéointégration. Les caractéristiques de surface de l'implant ont également leur importance. Selon Søballe et al. [47], le micromouvement toléré pour les surfaces implantaires bio-inertes rendues rugueuses s'élève à 50 µm-150 µm ; de plus, Brunski et al. [43] suggèrent qu'un micromouvement s'élevant à 100 µm représente la limite du seuil de tolérance pour les surfaces usinées.
Selon Glantz et al. [48, 49], on obtient des conditions de mise en charge favorables avec une prothèse partielle fixée rigide. Par conséquent, on pourrait suggérer que de bons résultats thérapeutiques puissent également être atteints lorsqu'une prothèse partielle fixée rigide est connectée aux implants le plus tôt possible après la pose des implants. En d'autres termes, les implants seront connectés les uns aux autres de façon rigide par le biais de la prothèse partielle fixée, diminuant ainsi les micro-mouvements à l'interface os-implant et favorisant les chances d'une bonne cicatrisation osseuse (ostéointégration).
Dans une étude clinique prospective, Randow et al. [50] ont suivi le résultat d'une réhabilitation orale de mandibules édentées, en appliquant une technique en un seul temps associée à une mise en charge précoce par le biais d'une prothèse partielle fixée connectée aux implants. Chez 16 patients, 88 implants au total ont été placés selon le protocole chirurgical en un seul temps (Fig. 1) et mis en charge précocement. Les patients témoins ont été traités selon le protocole chirurgical traditionnel en deux temps, et les implants mis en charge environ 4 mois après la pose des fixtures. Les deux groupes de patients ont été suivis cliniquement et radiologiquement. Après 18 mois, la perte moyenne d'os support s'élevait à moins de 1 mm autour des implants pour les deux groupes, quelle que soit la technique chirurgicale utilisée. Tous les implants étaient stables à chaque étape de contrôle clinique. Les auteurs en concluent : « Il est possible de mettre en charge des implants dentaires en titane avec succès immédiatement après leur pose par le biais d'une suprastructure fixée permanente rigide sur toute l'arcade. Cependant, à ce jour, une telle approche thérapeutique doit être strictement limitée à la zone mandibulaire édentée comprise entre les trous mentonniers. » Les résultats à 5 ans provenant des mêmes patients [51] ont été récemment publiés : l'analyse radiographique montre que les modifications osseuses moyennes durant les 42 mois sont similaires (< 0,2mm) autour des implants placés en un seul temps chirurgical avec mise en charge précoce (Fig. 2a, 2b et 2c) et autour des implants placés et mis en charge selon le protocole traditionnel. Les auteurs rapportent qu'aucun des implants n'a échoué durant la période d'observation et que leur stabilité a augmenté avec le temps.
Schnitman et al. [19, 52] ont placé 63 implants du système BrånemarkTM chez 10 patients : 28 ont été placés et « mis en charge immédiatement pour supporter un bridge fixé temporaire », et les 35 autres ont été placés selon le protocole d'origine en deux temps. Quatre implants ont échoué sur les 28 mis en charge immédiatement. Le taux de survie pour les implants mis en charge immédiatement était d'environ 85 % dans les deux études. Cependant, il faut noter que les résultats de Schnitman et al. [52] portent sur 10 ans. Le taux de survie des implants enfouis était de 100 % dans les deux études. Dans une autre étude, Balshi et Wolfinger [53] ont appliqué une technique similaire à celle de Schnitman et al. [52]. Ils rapportent que 80 % (32 sur 40) des implants du système BrånemarkTM mis en charge immédiatement ont survécu à la période d'observation ; ils concluent que leurs « résultats préliminaires sont favorables, pour tous les patients fonctionnant avec une prothèse implantaire fixée le jour même du premier temps chirurgical ». Une autre étude porte sur le protocole en un seul temps et la mise en charge immédiate de couronnes unitaires [54]. Elle a été conçue comme une étude pilote et menée dans les facultés dentaires des universités de Malmö et d'Umeå en Suède. Quatorze patients ont reçu leurs implants, et un pilier CeraOneTM a été connecté à l'un d'entre eux durant le même temps chirurgical. Immédiatement après, une empreinte a été prise (Fig. 3) et une couronne temporaire en occlusion centrée légère, sans contacts occlusaux latéraux, a été fabriquée et connectée à l'implant dans les 24 heures (Fig.4). Trois à six mois plus tard, la couronne provisoire a été remplacée par une couronne définitive. Un groupe témoin, comprenant 8 patients avec des pertes dentaires unitaires, a été traité selon le protocole standard. Des radiographies ont été prises à 6 et 18 mois (Fig. 5a et 5b). Dans le groupe d'implants soumis à une mise en charge immédiate, deux implants ont été perdus durant la période d'observation, respectivement 3 et 5 mois après la pose (taux de survie = 85 %). Aucun implant n'a été perdu dans le groupe témoin. La perte moyenne d'os support (environ 0,1 mm) était la même dans les deux groupes. Après une période de 36 mois, aucun autre échec implantaire n'a été observé (données non publiées) (Fig. 6). Les modifications du niveau d'os marginal observées dans cette étude pilote sont analogues à celles rapportées par Randow et al. [50] et Ericsson et al. [51] (voir ci-dessus).
Maló et al. [55] ont effectué une étude rétrospective portant sur 49 patients traités consécutivement dans une clinique privée avec 94 implants Brånemark. Les implants ont été mis en charge le jour de la chirurgie par le biais d'une couronne ou d'une prothèse partielle fixée (PPF) provisoire, soit au total 54 PPF : 36 ont été placées au maxillaire et les 18 autres à la mandibule. Après 5 mois, les restaurations temporaires ont été remplacées par les définitives. La période d'observation a varié entre 6 et 48 mois. Quatre implants ont été perdus, tous durant la première année d'observation. Ces 4 implants avaient été placés dans des sites d'extraction immédiats. Les 90 autres implants se sont montrés stables à tous les autres contrôles cliniques. Les auteurs en concluent que « le taux de survie cumulatif de 96 % à 1 et 2 ans indique que la mise en fonction immédiate des implants Brånemark utilisés dans la zone esthétique des deux arcades peut représenter un concept viable ».
Des études expérimentales [30, 31] et cliniques [20, 32, 36, 40] ont clairement montré que la technique en un seul temps chirurgical est également applicable pour le système BrånemarkTM, initialement conçu pour un protocole en deux temps. De plus, Schnitman et al. [52], Balshi et Wolfinger [53] et Randow et al. [50] ont montré que les implants Brånemark peuvent être mis en charge immédiatement ou précocement lorsqu'ils sont placés dans la zone édentée mandibulaire située entre les trous mentonniers. Ericsson et al. [51] concluent, en se fondant sur une étude à 5 ans, que « le changement du niveau d'os marginal est similaire autour des implants placés selon la technique en un seul temps et mis en charge précocement qu'autour des implants placés et installés selon le protocole d'origine en deux temps ». De plus, ce concept, avec ses résultats globalement favorables, pourrait initier un changement radical dans l'approche thérapeutique de la mandibule édentée.
Pour les remplacements unitaires, lorsqu'un support occlusal complet de l'arcade est disponible [54], il est également possible de mettre l'implant en charge immédiatement. Cependant, il est capital d'avoir une bonne stabilité initiale des implants après leur pose, afin de diminuer la quantité de micromouvements à l'interface os-implant. Une telle approche semble être confirmée par des données récentes rapportées par Maló et al. [55].
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