Le verre à moitié plein...
 

Implant n° 1 du 01/03/2002

 

Éditorial

Xavier Assémat-Tessandier  

Rédacteur en chef

Il est bien connu que la marque de l'optimiste devant un verre rempli à moitié est de se réjouir de le trouver à moitié plein, le pessimiste se désolant de le trouver à moitié vide.

Dans nos professions médicales, l'interprétation des statistiques d'une technique apportant un résultat prévisible à 70 % pourrait donc nous faire basculer dans un optimisme farouche, et pour une autre technique dépassant les 90 %, comme l'implantologie orale, nous propulser dans une...


Il est bien connu que la marque de l'optimiste devant un verre rempli à moitié est de se réjouir de le trouver à moitié plein, le pessimiste se désolant de le trouver à moitié vide.

Dans nos professions médicales, l'interprétation des statistiques d'une technique apportant un résultat prévisible à 70 % pourrait donc nous faire basculer dans un optimisme farouche, et pour une autre technique dépassant les 90 %, comme l'implantologie orale, nous propulser dans une confiance aveugle.

Une telle attitude est-elle bien raisonnable?

Vu les récents débats juridiques concernant la responsabilité médicale (affaire Perruche, ...), il semble que non. Car dans l'esprit du public, conforté la plupart du temps par les effets d'annonce des médias en mal de sensationnel, une technique sûre doit apporter 100 % de succès. Par conséquent, si le résultat n'est pas conforme aux espérances, il y a eu faute médicale et il doit donc y avoir réparation. Dans l'affaire du contrôle prénatal, il est apparu que, malgré les progrès scientifiques, l'échographie n'était fiable qu'à 70 %, ce qui est considérable par rapport à l'ignorance dans laquelle nous étions avant, mais laisse malgré tout 30 % d'impossibilité diagnostique. Faut-il pour autant condamner cette technique et retomber dans l'ignorance absolue ? Personne n'y songe raisonnablement.

Pourtant, c'est bien ce qui a failli se produire en raison des conséquences sur les cotisations des assurances en responsabilité civile des échographes, induites par l'indemnisation des victimes légalement admise.

En effet, le recours pour faute a une incidence directe sur la valeur du risque pour les assureurs et entraîne donc une augmentation proportionnelle du montant de la cotisation du professionnel. La conséquence logique est le report de cette augmentation sur le prix de l'acte dans les systèmes à honoraires libres, la limite se situant dans la possibilité de financement du patient et dans l'abandon de la technique devenue non rentable par les professionnels dans un système à honoraires contrôlés. Dans les deux cas, le résultat est le même : l'abandon d'une technique, malgré le bénéfice apporté.

Or, nous savons tous qu'il n'existe pas dans le domaine médical une procédure prévisible à 100 %, mais est-ce que nous savons le dire ? Car, dans la réalité, nous sommes partagés entre notre confiance dans une technique pour en faire bénéficier le patient séduit par notre enthousiasme fondé sur des taux de succès élevés et notre prudence envers cette même technique qui décourage le patient d'y avoir recours après l'exposé de son taux d'échec faible, mais existant.

La difficulté est donc de faire comprendre à nos patients qu'un verre plein à 90 % reste vide à 10 %, mais peut l'empêcher de mourir de soif.