Trucs et astuces pour vous faciliter la pratique de l'implantologie au cabinet - Implant n° 1 du 01/03/2002
 

Implant n° 1 du 01/03/2002

 

JOURNÉE ITI DE STRAUMANN

Implant a suivi

Gilbert Amzalag *   Éric Guez **  


*Ancien assistant de prothèse, Paris V
**DU de parodonthologie et d'implantologie orale
Attaché à l'hôpital Cochin-Port-Royal

Straumann, n° 2 mondial dans le secteur de l'implantologie dentaire avec le système ITI, a cette année convié le professeur Urs Belser et le docteur Jean-Pierre Bernard de la Faculté de Genève à divulguer quelques-uns de leurs trucs et astuces. Au préalable, quelques principes fondamentaux ont été rappelés : indication des implants dans le plan de traitement général, évaluation des risques du point de vue prothétique, démarche chirurgicale, différents choix prothétiques. La journée s'est ensuite achevée par une présentation de quatre cas cliniques et un dialogue interactif avec les 280 participants.

La simplification des procédures, techniques et systèmes implantaires a concouru à l'essor de l'implantologie en la rendant plus accessible à des praticiens implanto-conscients et en élargissant son champ d'application à de nombreuses situations cliniques. Il n'en reste pas moins que le potentiel de développement de cette pratique dans l'exercice dentaire est encore très important. Les deux sessions de la conférence par le professeur Urs Belser et le docteur Jean-Pierre Bernard relatées dans ce compte rendu donnent un aperçu de solutions thérapeutiques à la fois sûres et faciles à mettre en œuvre.

Première session

Indications du plan de traitement et évaluation du risque prothétique

Cinq critères président à la décision thérapeutique :

- la demande du patient ;

- le profil du patient ;

- les possibilités thérapeutiques et leur caractère invasif ;

- les chances de succès à long terme ;

- le rapport coût/bénéfice (en terme de qualité de vie).

La décision d'un traitement implantaire global bien mené dépend de sa fiabilité à long terme. Il est donc essentiel de prendre en compte ce que l'on désigne comme l'évidence scientifique. Cette dernière se fonde, par ordre d'importance décroissant, sur :

- des études expérimentales randomisées avec groupe contrôle ou en double aveugle;

- des études multicentriques prospectives ;

- des conférences de consensus par des experts en implantologie ;

- enfin et, dans une moindre mesure, des essais cliniques décrits dans la littérature.

Selon Urs Belser, 80 % des restaurations prothétiques fixes sont traitées par des solutions simples : par exemple, une prothèse scellée sur un pilier plein usiné quand l'implant est posé dans une position idéale. Pour cela, une empreinte est réalisée directement sur le pilier préalablement vissé en bouche. En cas de problème lors de la mise en place de l'implant ou de considérations biomécaniques ou occlusales, un pilier synOcta est retouché au laboratoire d'après une empreinte directe de l'implant. Le pilier préparé est ensuite vissé en bouche. La solidarisation de plusieurs implants par une armature vissée entraîne une difficulté supplémentaire en raison de la nécessité d'un ajustage passif de l'armature.

Évolutions récentes en implantologie

Le protocole opératoire préconisé par l'École suédoise (Brånemark, Adell et Lekholm) à la fin des années 70 a fait ses preuves sur le plan scientifique (80 % de succès à 5 ans). Ses avantages sont multiples :

- matériel biocompatible : utilisation du titane pur ;

- pas de contamination du titane ;

- environnement stérile ;

- technique chirurgicale atraumatique ;

- mise en nourrice par une technique enfouie;

- pas de mise en charge pendant la phase de cicatrisation.

Jean-Pierre Bernard émet toutefois quelques réserves sur cette technique : trop compliquée, utilisée de façon restreinte principalement pour les patients totalement édentés, coût élevé, réservée à des praticiens expérimentés et à des patients motivés.

L'implantologie a depuis évolué vers une simplification de ce protocole opératoire en vue de le rendre accessible à tout type de patients. Dès 1987, un système plus simple a été développé à la faculté de médecine dentaire de Genève dans le service du professeur Belser. Ce système, baptisé ITI (International Team of Implantology), présente les spécificités suivantes :

- technique non enfouie en un seul temps chirurgical qui permet une meilleure adaptation des tissus mous ;

- implant monobloc sans joint periphérique;

- connection prothétique supra ou juxta-gingivale.

- implants courts (6 à 12 mm) présentant une surface rugueuse (TPS : spray de plasma de titane) qui permet d'augmenter les contacts directs au niveau de l'interface os/implant pour une meilleure stabilité primaire. Leur emploi évite également le recours à des techniques associées (régénération osseuse guidée ou comblement osseux sous-sinusien).

Autre avantage de ce système : le délai d'attente pour la mise en charge est raccourci (le temps de cicatrisation primaire n'est que de six semaines). Enfin, la simplicité du système incite les praticiens implanto-conscients à se former.

La chirurgie est simplifiée par la réalisation d'incisions crestales qui facilitent les sutures et accélèrent ainsi une cicatrisation de première intention. L'absence du deuxième temps opératoire favorise la maturation du sulcus péri-implantaire. Le Dr Bernard illustre son propos en s'appuyant sur une étude animale qui évalue le changement de configuration osseuse en fonction du joint implant/pilier : le joint sous-gingival des implants enfouis favorise, lors du deuxième temps opératoire, une invagination épithéliale jusqu'au joint et entraîne une ostéolyse et une adaptation osseuse au niveau de la première spire. Le sulcus péri-implantaire est plus profond si le joint est plus profond. La surface rugueuse augmente les contacts directs os/implant ; ils sont augmentés par trois pour les surfaces poreuses par soustraction. Les couples de desserrage réalisés chez l'animal montrent, selon le professeur Belser, des couples augmentés par trois. Ces couples sont d'autant augmentés que la surface poreuse est de type SLA (porosité par soustraction obtenue par sablage et traitée à l'acide). Les surfaces HA (hydroxyapatite) montrent des couples de desserrage élevés, mais ces surfaces montrent aussi des plages de résorption au niveau de leur interface. Le Dr Bernard rajoute que les surfaces rugueuses augmentent les possibilités d'implantation dans les situations difficiles avec un taux de succès satisfaisant (os de faible densité : zones distales maxillaires).

Le taux des péri-implantites rencontré avec des implants ITI rugueux est, selon l'expérience du Dr Bernard, quasiment identique à celui observé avec des implants à surface lisse comme le titane usiné. Sur les 3 000 implants qui ont été posés sur 1 280 patients à la Faculté de Genève entre avril 1989 et mai 2001, seulement 74 cas de péri-implantite ont été relevés sur 56 patients (2,4 %).

Cette même étude a révélé un taux de succès de:

- 97 % en implantation distale mandibulaire avec des implants courts de 10 mm posés à distance du canal mandibulaire ;

- 96 % en implantation distale maxillaire, observé sur 541 implants posés sur 277 patients;

- 95 % dans des cas difficiles (os de type IV soit au maxillaire, soit à la mandibule) constaté sur 445 implants posés sur 237 patients.

En conclusion, la simplification des procédures de mise en place implantaire a eu deux effets pour les praticiens : des choix thérapeutiques plus diversifiés qui peuvent être mis en œuvre en toute sécurité et un changement d'attitude dans l'élaboration des plans de traitement.

Indication des implants dans le plan de traitement général : évaluation des risques du point de vue prothétique

Comment doit-on définir un pilier prothétique fiable ? Comment peut-on le justifier en termes de risques ou de résultats ? sont les deux interrogations principales en termes de risques prothétiques auxquelles le professeur Belser tente ici de répondre.

Ainsi, chaque pilier prothétique a une valeur stratégique à long terme qu'il est nécessaire d'analyser : quel est le devenir d'une dent atteinte de maladie parodontale avec un support osseux amoindri ? Quel est le devenir d'une racine présentant une fausse route canalaire sans pathologie clinique ? En prothèse, si un des piliers fait défaut, c'est l'ensemble de la restauration qui doit être reconsidéré. Or, il existe peu d'études sur le devenir de la prothèse conventionnelle. Selon Leernpoel (1995), 96 % des bridges réalisés sur des dents naturelles sont présents à 12 ans. L'indication pour une couronne est la dent traitée endodontiquement avec une perte importante d'intégrité. Pour un bridge, il est nécessaire que les piliers potentiels présentent une perte modérée de structure. Il faut éviter les bridges à haut risque et la prothèse fixe « héroïque », en se méfiant particulièrement des patients présentant un bruxisme.

Une des astuces est de segmenter les réalisations prothétiques par adjonction d'implants, surtout dans les grands édentements, et d'être plus radical sur la non-conservation de dents suspectes (dents en malposition, caries radiculaires sous le niveau osseux...). Les patients demandent que les plans de traitement leur soient expliqués. Il incombe donc au praticien d'analyser à quel moment il devient trop invasif ou trop interventionniste. L'élaboration des plans de traitement par des praticiens expérimentés augmente la survie des reconstructions prothétiques.

Sur le plan de l'occlusion, la prothèse implanto-portée ne présente pas de spécificité par rapport à la prothèse sur dents naturelles :

- légère infraclusion en occlusion centrée ;

- charge occlusale axiale ;

- pas de contacts en latéralité ;

- pas de guidage canin, mais une fonction de groupe antérieure.

Le professeur Belser préfère le scellement des prothèses implantaires. C'est une solution plus simple dans les zones postérieures accessibles en présence d'un joint sous-gingival inférieur ou égal à 2 mm, avec un espace intermaxillaire supérieur ou égal à 5 mm, dans des sites ne nécessitant pas de réintervention.

Des prothèses implanto-portées vissées sont préconisées, particulièrement dans le secteur antérieur, quand les implants sont, pour des raisons esthétiques, enfouis plus profondément et, par conséquent, présentent un joint difficilement accessible. Elles le sont également dans les suprastructures étendues, où une réintervention peut être nécessaire.

Une étude (Szmuckler Moncler et al., 2000) sur le rapport couronne clinique/longueur de l'implant n'a pas montré de différences significatives à 5 ans sur le niveau osseux marginal. Une question se pose aujourd'hui: les implants sont-ils de meilleurs piliers prothétiques que les dents naturelles ?

Deuxième session

Consultation préimplantaire

Avant d'entreprendre un traitement implantaire, il est indispensable d'informer le patient que c'est une des possibilités thérapeutiques. Il faut lui expliquer que le plan de traitement global comprend un bilan préopératoire, une intervention chirurgicale, une phase de réhabilitation prothétique et peut présenter des complications, voire des échecs.

Bilan préopératoire : identique à la prise en charge habituelle d'un patient, avec entretien, évaluation du profil psychologique et des motivations, anamnèse médicale, examen clinique et examen radiologique, il permet de confirmer l'indication du traitement et d'évaluer les facteurs de risques. Il faut présenter au patient les autres solutions thérapeutiques possibles pour obtenir son consentement éclairé et enfin évaluer le rapport bénéfice/risque. La planification prothétique préchirurgicale peut alors commencer. Elle comprend le choix de la réhabilitation prothétique, le nombre et le type d'implants envisagés, la position et l'axe des implants et la nécessité éventuelle d'un guide chirurgical. Les contre-indications majeures sont celles de toute intervention chirurgicale : porteurs de valves, patients présentant des déficits immunitaires, troubles de l'hémostase, affections malignes, handicap psychomoteur, etc. L'entretien avec le patient doit permettre d'identifier ses problèmes de santé (diabète, ostéoporose, etc.) et d'adapter le traitement à son contexte pathologique. Les informations pourront être transmises au médecin traitant et accompagnées d'examens clinique et radiologiques afin d'évaluer quel est le risque chirurgical par rapport au confort du patient. Le tabac n'est pas une contre-indication absolue, mais il est recommandé de prévenir le patient que cela peut avoir une incidence sur le résultat final. Au niveau local, les candidoses et le déficit osseux peuvent entraver l'acte chirurgical.

L'examen clinique du site implantaire est essentiel. Il s'effectue en palpant la crête édentée afin de déterminer son épaisseur. L'examen d'un scanner n'est pas, selon le Dr Bernard, systématiquement nécessaire et devra être réservé aux situations limites. D'autres moyens peuvent être utiles afin de déterminer une épaisseur crestale comme la prise de moulage et la réalisation d'une coupe en section de la crête édentée après soustraction de l'épaisseur de la fibro-muqueuse.

Complications postopératoires

Les déficits sensitifs par traumatisme du nerf alvéolo-dentaire : grâce à une approche sécuritaire par l'utilisation d'implants courts et le respect d'une marge de 2 mm, le Dr Bernard n'a relevé que deux cas d'hypoesthésie transitoire sans aucun trouble persistant sur 1 316 implants posés entre 1989 à 2001.

La perforation du plancher sinusien n'est pas grave. Elle peut être traitée par une antibiothérapie avec adjonction d'un spray nasal. Dans son étude sur 1 043 implants maxillaires, le Dr Bernard présente 257 perforations sinusiennes et 35 perforations du plancher nasal.

À la suite d'une étude en double aveugle, le Dr Bernard recommande une intervention chirurgicale propre sans utilisation de casaque stérile.

La mise en charge immédiate peut être envisagée si les conditions suivantes sont remplies :

- un plan de traitement précis ;

- une absence de décalage des bases maxillaires ;

- un volume osseux suffisant ;

- une demande justifiée du patient ;

- un décollement modéré des tissus muqueux.

Évaluation de l'implantologie dans le plan de traitement : trucs et astuces

Combien d'implants ? De quelle longueur ? Quelle distribution ? sont les questions qui se posent au praticien quand il entreprend un traitement implantaire.

Nombre d'implants à poser

Il n'est pas nécessaire de remplacer toutes les dents par des implants. Pour davantage de sécurité, il faut compter :

- 2 implants pour reconstituer 3 unités ou 4 unités manquantes ;

- 3 implants pour reconstituer 5 unités ou 6 unités manquantes ;

- 3 implants bien placés pour reconstituer plus de 4 unités manquantes ;

- 6 à 8 implants jusqu'au niveau des premières molaires reste suffisant pour un édentement complet.

Choix du point d'impact implantaire au niveau crestal

Un espace de 4 mm minimum doit être laissé entre le bord distal ou mésial de l'implant et la dent naturelle bordant l'édentement.

Il faut prévoir un espace minimum de 7 mm entre 2 implants de diamètre 4,1 mm ou de 8 mm entre 2 implants de diamètre 4,8 mm.

Solidarisation des piliers implantaires

Il n'existe pas de preuve scientifique de la nécessité de solidariser des implants par une infrastructure. Cependant :

- en cas de bruxisme, les forces de mastication sont décuplées et les piliers implantaires sont plus en sécurité si les éléments sont solidarisés ;

- en cas de greffe osseuse (par augmentations latérales ou comblement du sinus), cela semble être une précaution nécessaire. Les paramètres à prendre en compte sont : l'accès à l'hygiène orale, la difficulté d'obtenir un ajustage passif par rapport à une adaptation marginale, la simplicité technique par rapport à la facilité de réintervention, la surcharge à l'interface os/implant, la force de rotation sur les composants indépendants entraînant le dévissage des vis et la fracture par phénomène de fatigue.

La restauration prothétique sur pilier synOcta

Elle permet de simplifier la sélection des moignons prothétiques, et de réaliser des suprastructures amovo-inamovibles pour des restaurations sur barre d'ancrage et pour des couronnes télescopiques coniques.

Cas d'implantation idéale juxta ou supragingivale

Une prise d'empreinte est réalisée avec des transferts en plastique sur les piliers pleins préalablement posés et vissés à 35 Ncm sur les implants. (Trois hauteurs sont disponibles.) Cette prise d'empreinte sera privilégiée, car elle est plus simple.

Les enseignements de cette journée ont été multiples. Le professeur Belser et le docteur Bernard ont toutefois, en guise de conclusion, tenu à rappeler les principes sur lesquels s'appuie toute démarche implantaire:

- une aptitude à prévoir des résultats à long terme ;

- un traitement simple à réaliser ;

- une évaluation des dents résiduelles ;

- un coût restreint ;

- une qualité de vie améliorée.