Comblement sous-sinusien par la technique de cloisonnement à l'aide de greffon d'os cortical allogénique - Implant n° 2 du 01/06/2002
 

Implant n° 2 du 01/06/2002

 

Chirurgie

Michel PERRIAT *   Christian Chavrier **  


*Docteur en chirurgie dentaire
Attaché de l'unité fonctionnelle d'implantologie
SCTD Lyon 164, avenue des Frères-Lumière 69008 Lyon
**Maître de conférences des universités
Praticien hospitalier
DCD, DSO, DEO
Responsable de l'unité fonctionnelle d'implantologie
Responsable du diplôme universitaire de chirurgie et prothèse implantaires
Université Lyon I 96, rue Montgolfier 69006 Lyon

Résumé

Une hauteur implantable insuffisante dans la zone postérieure du maxillaire conduit de plus en plus souvent certains patients à envisager des reconstructions osseuses à ce niveau. Cela en vue d'obtenir des piliers prothétiques fiables. Cet article décrit le traitement de cette zone par greffe osseuse des sinus maxillaires selon la technique de cloisonnement à l'aide de greffon transinusien d'os cortical allogénique sans apport d'os crânien avec des particules d'os autogène d'origine intrabuccale et/ou un matériau de comblement allogénique. Le cloisonnement est effectué au moyen d'un greffon cortical allogénique, conçu spécialement pour cet usage.

Deux cas sont présentés : un cas de greffe osseuse bilatérale des sinus avec de l'os essentiellement autogène d'origine mentonnière et un cas de greffe unilatérale avec de l'os allogénique seulement.

Dans les deux cas, l'emploi de greffons transinusiens d'os cortical allogénique comme cloisonnement nous a donné satisfaction. Les contrôles radiographiques itératifs ont montré une bonne densité osseuse, une hauteur disponible implantable importante et une résorption du matériau de comblement pratiquement nulle.

Cette méthode apparaît simple et pratique et évite d'avoir recours à des techniques chirurgicales beaucoup plus lourdes pour nos patients.

Summary

An insufficient bone height in the hind zone of the maxilla increasingly often leads some patients to think of bone reconstructions at that level, in order to obtain reliable prosthetic abutments. This article describes the treatment of the zone by bone graft of the maxillary sinus according to the technique of partition with a trans-sinus graft from allogenic cortical bone without bringing cranium bone with particles of autogenous bone of intra-buccal origin and / or a material of allogenic filling-in. The partition is carried out with an allogenic cortical graft which is made specifically for this occasion.

Two cases are set out : one case of bilateral bone graft of the sinus with essentially autogenic bone of mental origin and one case of unilateral graft with allogenic bone only.

In both cases the use of trans-sinus grafts of allogenic cortical bone for the partition was satisfactory. The repeated X-ray tests showed a good bone density, a more important height available for implant and practically no reabsorption of the material of the filling-in.

This method seems to be simple and practical and it prevents from resorting to much heavier surgical techniques for our patients.

Key words

Implantology, sub-sinus filling-in, grafts of allogenic bone

Les succès remportés en implantologie nous incitent à repousser sans cesse les limites de ses indications. L'absence de capital osseux dans la zone postérieure du maxillaire conduit de plus en plus souvent certains patients à envisager des reconstructions osseuses à ce niveau. Cela en vue d'obtenir une hauteur implantable suffisante.

Le sinus maxillaire peut être en partie comblé avec de l'os greffé en position subantrale pour permettre l'accroissement de la hauteur des implants et obtenir ainsi des piliers de prothèse implantaires fiables.

Rappel anatomique

Le sinus maxillaire est le plus volumineux des sinus de la face. Il se présente chez l'adulte sous la forme d'une pyramide à quatre parois osseuses fines dont la base fait face à la paroi latérale des fosses nasales et dont le sommet se situe vers l'arcade zygomatique. La cavité sinusienne est renforcée par des septa osseux. Il est rare qu'ils divisent la cavité sinusienne en compartiments individuels et aient tendance à disparaître dans les cas d'édentations anciennes [1].

Le sinus maxillaire permet la croissance et le développement complet de la face. La cavité sinusienne chez l'adulte mesure environ 34 sur 35 mm à sa base, et le sommet de la pyramide atteint 23 mm près de l'arcade zygomatique. Le volume moyen est de 15 ml [2, 3].

Des variations individuelles en volume et en dimension sont fréquentes et se produisent également entre le côté droit et le côté gauche chez un même individu. Le sinus communique avec les fosses nasales par l'ostium. La membrane sinusienne, appelée membrane de Schneider, est très adhérente à l'os sous-jacent. Cette membrane très fine et fragile est tapissée par un épithélium pavimenteux ciliaire pseudo-stratifié. La vascularisation artérielle est assurée par des branches de l'artère alvéolaire supérieure postérieure et l'artère infra-orbitale, toutes deux branches de l'artère maxillaire, qui forment une anastomose dans la paroi de l'antre latéral osseux qui irrigue également la membrane de Schneider. La partie médiane de la membrane de Schneider est vascularisée par l'artère sphéno-palatine qui est la branche terminale de l'artère maxillaire et de l'artère infraorbitale [4].

Dans la région postérieure du maxillaire, on se trouve très souvent en présence d'un sinus pneumatisé qui ramène à quelques millimètres la hauteur d'os comprise entre le plancher du sinus et la crête alvéolaire osseuse.

Historique

Différentes approches et techniques chirurgicales de greffes osseuses du plancher des sinus maxillaires ont été décrites par certains auteurs. C'est Hilt Tatum qui est aujourd'hui considéré comme le précurseur de la technique chirurgicale sous-sinusienne.

• En 1980, Boyne et James [5] évoquent l'utilisation d'os autogène pour les greffes sous-sinusiennes.

• En 1986, Tatum [6] décrit sa technique d'abord vestibulaire du maxillaire pour pratiquer l'augmentation sous-antrale.

• En 1987, Misch [7] tenta une nouvelle approche du traitement du maxillaire postérieur, qui s'appuie sur la quantité d'os existant sous le sinus. Il a établi un plan de traitement ayant pour but de placer des piliers prothétiques dans la région maxillaire postérieure selon quatre possibilités. Celles-ci dépendent de la hauteur d'os résiduel entre le plancher sinusien et la crête :

- l'option « sous-antrale » n° 1 SA-1 se pratique lorsqu'il existe une hauteur d'os suffisante pour permettre la mise en place d'implant suivant le protocole habituel, minimum 10 à 14 mm de hauteur ;

- l'option « sous-antrale » n° 2 SA-2 est indiquée lorsque l'on est en présence d'une hauteur d'os résiduel de 8 à 12 mm. Dans ce cas, l'élévation de la membrane sinusienne peut être pratiquée à l'aide d'un ostéotome [8], ce qui permettra d'obtenir les 2 mm nécessaires à une durée de vie optimale des implants ;

- l'option « sous-antrale » n° 3 SA-3, lorsque l'on est en présence de 5 à 10 mm de hauteur d'os résiduel ;

- l'option « sous-antrale » n° 4 SA-4, moins de 5 mm d'os sont présents entre la crête et le plancher du sinus. Dans ces deux cas, SA-3 et SA-4, l'approche par la paroi vestibulaire selon Tatum [6] est utilisée pour avoir accès au sinus maxillaire, élever la membrane sinusienne et permettre la mise en place de greffe autogène et allogreffe et/ou alloplastique.

Dans l'option SA-3, il sera souvent possible d'insérer un implant en même temps que le matériau de greffe, la hauteur restante étant suffisante pour la stabilité primaire de celui-ci.

Dans l'option SA-4, une période d'attente de 6 mois sera nécessaire avant la mise en place des implants endo-osseux. Cette approche a été reprise plus récemment par de nombreux auteurs sans réelle modification [9-11].

Dans le même esprit, Jensen [12] présente une classification des sites implantaires :

- classe A : 10 mm ou plus d'os résiduel présent (100 % d'un implant de 10 mm dans l'os crestal) ;

- classe B : 7 à 9 mm d'os résiduel présent (70 à 90 % d'un implant de 10 mm dans l'os crestal) ;

- classe C : 4 à 6 mm d'os résiduel présent (40 à 60 % d'un implant de 10 mm dans l'os crestal) ;

- classe D : 1 à 3 mm d'os résiduel présent (10 à 30 % d'un implant de 10 mm dans l'os crestal).

Seule la technique de cloisonnement par greffon transinusien, décrite par Tulasne et al. [13], apporte une réelle amélioration et nous semble être la solution idéale.

En effet, le comblement sinusien après fracture de la paroi vestibulaire selon Tatum [6] nécessite un mouvement de rotation et d'élévation de la membrane de Schneider par un décollement sur toutes les parois.

Lors de cette opération, la membrane peut se déchirer (Fig. 1). Il est quelquefois possible de la suturer [14, 15]. Dans d'autres cas, la déchirure étant trop importante [16], les risques de fuite du broyat peuvent provoquer l'obstruction de l'ostium et le défaut de drainage va entraîner une sinusite qui nous oblige à reporter l'intervention ou à envisager d'interposer un plafond étanche pour la mise en place du matériau de comblement.

Certains auteurs utilisent des membranes de collagène [16] ou des colles à base de fibrine [17] interdites de nos jours. Des grilles titane [18] faisant office de barrière nous sont aussi proposées (Grille M TAM®). Difficile à fixer, elle entraîne un risque traumatique important et ne pourra pas être retirée. Un greffon sous forme de bloc [19] peut être transvissé, mais il doit être très volumineux pour combler le sinus [2, 3], donc le plus souvent impossible à prélever en intra-buccal.

Description de la technique de cloisonnement sous-sinusien à l'aide de greffons d'os pariétal

En 1993, Tulasne et al. [13] ont imaginé, avec l'apport d'os pariétal, la construction d'un nouveau plancher sinusien en dessus du précédent de façon à former un plafond rigide sur un bas fond rempli de copeaux d'os. Une saignée horizontale est faite dans la paroi latérale du maxillaire, à 10 mm environ du plancher, jusqu'à la tubérosité. Elle est destinée à recevoir un greffon taillé aux dimensions exactes du sinus.

Les greffons osseux sont prélevés sur la voûte crânienne. Un grand greffon cortico-spongieux servira à construire le nouveau plancher du sinus. La berge externe, convexe de ce greffon, vient s'encastrer dans la tranchée de la paroi maxillaire latérale, faite à la base du pilier, et une ostéosynthèse au fil d'acier verrouille le montage.

Le reste des greffons est placé à quantités égales d'os cortical et d'os spongieux dans un broyeur à os qui réduit les fragments en fines particules pouvant être agglomérées et tassées fortement dans la néocavité de façon à éviter tout espace mort.

Les avantages de cette technique sont importants :

- la perforation de la membrane de Schneider n'est plus un problème ;

- le plafond cortical de par sa consistance va empêcher la résorption de l'os greffé, souvent due à la pneumatisation de la membrane ;

- l'origine autologue du greffon favorise la rapidité et la qualité de la consolidation du plafond ;

- on obtient une construction régulière et stable, le grand greffon retenant les particules dans la cavité. L'inconvénient réside dans l'obligation de procéder à un prélèvement pariétal [20] pour obtenir la quantité d'os nécessaire. Il serait donc intéressant de disposer d'une autre source plus accessible : en intrabuccal (tubérosité, branche montante, symphyse, site édenté) [21], l'os disponible ne nous permet pas de combler en même temps les deux sinus et de façonner un ou deux blocs homogènes corticaux de plus de 30 mm de long et 20 mm de large pour le cloisonnement transinusien.

Seul l'apport de greffons allogéniques [22] donne la quantité d'os suffisante pour réaliser cette technique sans utiliser l'os d'origine pariétale.

Matériel et méthode

Le cloisonnement transinusien sera fait avec un greffon cortical allogénique, fabriqué spécialement pour cet usage. Les greffons allogéniques utilisés sont des lamelles d'os cortical non déminéralisé, proposées par le laboratoire TBF, banque française autorisée de tissus osseux. Les lamelles osseuses sont prélevées sur le col de têtes de fémur humain préparées selon un protocole validé de sécurisation.

Les têtes de fémur proviennent de patients opérés pour une prothèse totale de la hanche. L'examen clinique et le dépistage biologique des maladies transmissibles constituent la première phase de la sélection des donneurs. La seconde phase est réalisée dans la banque de tissus, en salles blanches, et consiste au nettoyage, à la dévitalisation et au découpage de l'os. Une lyophilisation et une radios-térilisation sont ensuite appliquées pour assurer la conservation du tissu osseux à l'état stérile et à température ambiante.

Le col du fémur présente une structure cortico-spongieuse parfaitement adaptée à la préparation d'une lamelle courbe, de 30 × 15 × 5 mm avec sur la face interne une couche d'os trabéculaire spécialement taillé pour assurer l'ancrage du matériau de comblement. Le greffon est percé de minitrous sur toute sa surface pour ne pas couper la vascularisation venant de la membrane de Schneider [4] (Fig. 2A, 2B et 2C).

D'avril 1999 à octobre 2001, 12 sinus maxillaires ont été traités : 7 ont été comblés partiellement avec des greffons prélevés sur la symphyse mentonnière et de la poudre d'os allogénique Phoenix® de granulométrie 0,5 à 1 mm et 5 sinus avec seulement de l'os allogénique.

Les implants (système Serf) ont été placés au plus tôt au bout de 7 à 8 mois après un contrôle par scanner de l'état des greffons. Dans certains cas, nous avons pu poser les implants en même temps que la greffe (voir le deuxième cas clinique).

Des évaluations de la qualité osseuse ont été pratiquées lors des forages implantaires ainsi que l'analyse histologique d'une carotte osseuse prélevée dans un sinus greffé avec de l'os allogénique seul. L'ostéointégration a été évaluée cliniquement et radiologiquement (rétro-alvéolaires, panoramique et scanner).

Technique chirurgicale

Les procédés de comblement de sinus maxillaire utilisés seront décrits en même temps que la présentation de deux cas cliniques, représentatifs de cette technique.

Premier cas clinique

Il s'agit d'une femme de 66 ans avec une édentation postérieure bimaxillaire. L'étude du scanner préopératoire (Fig. 3) révèle l'absence de capital osseux, de catégorie SA-4 dans ces zones. Nous décidons de procéder à une greffe osseuse du plancher des sinus maxillaires selon la technique de cloisonnement par greffons allogéniques transinusiens et comblement avec des particules d'os autogène prélevé dans la région mentonnière.

Le sinus gauche est opéré en premier. Six mois plus tard, la pose des implants, côté gauche, étant réalisée, le sinus droit est greffé dans un deuxième temps.

Traitement chirurgical du sinus gauche

L'ouverture du sinus se fait par voie vestibulaire de Tatum [6]. Une fenêtre de forme ovale est préparée à l'aide de l'instrumentation spécifique (trousse FRIOS® SinusSet). La membrane est soulevée délicatement avec différentes curettes sur toute sa surface.

Le greffon de cloisonnement est ajusté et fixé.

Mode de fixation du greffon transinusien allogénique : le greffon doit être bloqué par deux saignées latérales. Il est préférable d'utiliser des greffons avec une légère courbure, ce qui facilite leur blocage par frottement. Mais, dans ce cas clinique, la fragilité de la paroi osseuse ne nous ayant pas donné un serrage suffisant, nous avons employé une vis de transfixation Eis®, de 16 mm de long (utilisée habituellement en orthopédie du pied) pour maintenir le plafond (Fig. 4A et 4B) et verrouiller le montage.

Ces vis sont en titane allié ELI-TA6V, à pointe auto-perceuse à filetage profond et progressif et à goujures d'autotaraudage, montées sur un mandrin pour contre-angle, autosécables de 10 à 18 mm de long. Le prélèvement du bloc osseux symphysaire se fait, à l'aide du système Micro-Saw® [23], dans la région antérieure mandibulaire sur la partie gauche seulement. La partie droite sera réservée pour le sinus droit. Le greffon est placé dans un broyeur d'os à frapper Praxis® qui le réduit en fines particules (Fig. 5A, 5B et 5C).

Le comblement sous-sinusien commence par les parties latérales. De la poudre d'os Phoenix® spongieux non déminéralisé de granulométrie 0,5 à 1mm [22] est utilisée pour combler ces zones neutres. Le broyat d'os autogène est réservé pour la zone d'implantation. Le sinus gauche est ainsi entièrement greffé sur une hauteur de 16 mm (Fig. 6).

Les implants sont posés 7 mois plus tard, après extraction de 25.

Le forage doit s'arrêter avant le greffon de cloisonnement pour ne pas le transpercer et éviter ainsi toute communication avec la nouvelle cavité sinusienne.

Trois implants Serf Ciny®, de 4,5 mm de diamètre et de 14 mm de longueur, sont insérés en place de 25, 26 et 27. Ce sont des implants dont le pas de vis asymétrique assure une bonne stabilité primaire. Ils sont utilisés en deux temps chirurgicaux, ce qui est préférable après ce type d'intervention. L'implant 27 est posé à l'emplacement de la vis d'ostéosynthèse (Fig. 7A et 7B).

Traitement chirurgical du sinus droit

Le plancher du sinus droit est greffé selon la même technique : le volet osseux transinusien allogénique est mis en place comme précédemment, et le comblement est réalisé avec de l'os broyé issu du prélèvement symphysaire droit. Lors de la réalisation de cet acte, nous constatons que le premier prélèvement mentonnier, côté gauche, est en cours de cicatrisation (Fig. 8A et 8B, 9).

Second cas clinique

La patiente est une femme de 75 ans présentant une édentation postérieure maxillaire gauche. L'étude scannographique relève la présence d'un apex résiduel. Le capital osseux restant est de type SA-2 en place de 25, SA-3 en place de 26, SA-4 en place de 27 (Fig. 10). Le plan de traitement après extraction de l'apex consiste à procéder, lors de la même intervention, à une greffe osseuse du plancher du sinus et à la pose des implants en place de 25 et 26. L'état de santé de la patiente ainsi que son âge ne permettant pas une intervention longue et difficile, il a été décidé de procéder à une greffe d'os allostérique seule, sans prélèvement autogène.

Traitement chirurgical du sinus gauche

L'approche par la paroi vestibulaire selon Tatum [6] est utilisée pour avoir accès au sinus maxillaire et élever la membrane sinusienne.

Le plafond de cloisonnement en os allogénique cortico-spongieux (30 × 15 × 5 mm) Phoenix® est ajusté et mis en place.

Le comblement s'effectue avec de la poudre d'os Phoenix® de granulométrie 0,5 à 1 mm, d'un volume de 4 cc mélangé avec du sang prélevé sur le site d'intervention (Fig. 11 A, 11B et 11C).

Des implants Serf Ciny® de 4 mm de diamètre et 14 mm de longueur sont posés extemporanément en place de 25 et 26. L'implant 26 a bloqué le plafond de cloisonnement (Fig. 12 A et 12B), ce qui nous a permis de ne pas utiliser de vis Eis® pour le fixer.

Sept mois plus tard, le volume d'os sous-antral disponible permet l'insertion d'un implant Serf Ciny® de 5 mm de diamètre et de 12 mm de longueur en place de 27.

Lors de cette intervention, le puits de forage ayant été réalisé avec un taraud de diamètre 3,5 mm interne et 4,5 mm externe, nous avons obtenu une carotte osseuse de 3,5 mm de diamètre et de 12mm de longueur. Une analyse histologique est pratiquée pour déterminer la qualité de la réponse osseuse dans le greffon. La prothèse définitive a été mise en place après 7 mois d'attente (Fig. 13 A et 13B), soit 14 mois postopératoires.

Analyse histologique

La carotte osseuse est fixée dans l'éthanol à 70°, puis incluse dans une résine de méthacrylate sans décalcification. Dix-huit coupes de 8 µm d'épaisseur sont réalisées à l'aide d'un microtome. Trois colorations sont utilisées (Solochrome cyanine R, Trichrome de Goldner, May Grunwald Giemsa) pour mettre en évidence le tissu ostéoïde, le tissu minéralisé et apprécier le nombre et la qualité des cellules osseuses.

Analyse des résultats

Un échec est survenu sur un cas de double comblement sinusien par greffe osseuse d'origine symphysaire. Il a entraîné la dépose de la greffe osseuse et le drainage du sinus droit (Tableau I). Cette ostéite est sûrement due à la présence de deux vis d'ostéosynthèse trop proches l'une de l'autre (Fig. 14 A), ce qui a créé un espace mort entre elles et conduit à l'abcédation.

Il est à noter que les deux seuls implants non ostéointégrés (Tableau II) l'ont été chez ce même patient sur le sinus gauche greffé, quelques mois plus tard (Fig. 14 A). Cependant, ce patient étant fumeur, le terrain était peu favorable aux greffes et à l'ostéointégration.

Une complication infectieuse (Tableau I) est survenue sur un cas de comblement sinusien par greffe osseux d'origine symphysaire. Nous avons pu la juguler grâce à un traitement antibiotique. Cette complication est vraisemblablement en rapport avec le fait que le greffon transinusien était mobile. En effet, c'est le seul cas qui avait été seulement bloqué, mais pas assuré par une vis d'ostéosynthèse. Il s'en est suivi une lacune dans le greffon, observée sur le panoscan (Fig. 14 B). Le plafond cortical allogénique a remarquablement résisté à l'infection du site et continue à jouer son rôle de barrière. Après curetage et comblement par de l'os allogénique, les implants ont pu être posés sans incident. Une complication, dans un cas de comblement sous-sinusien par greffe osseuse d'origine allogénique, s'est présentée dans un des sites d'implantation (Tableau I). La qualité d'os était très médiocre, et l'implant n'a pu être bloqué. Nous avons extemporanément réobturé le puits de forage avec de l'os allogénique et différé sa mise en place de 6 mois. Pour tous les autres cas, lors de la mise en place des implants, la qualité osseuse du site implantaire était de type II [24], augurant d'une bonne consolidation de la greffe osseuse.

• Les contrôles scanner préimplantaires (6 à 8 mois après les greffes) montrent des images de cavités sous-antrales avec une bonne densité osseuse et une hauteur d'élévation importante (14 mm à 16 mm en moyenne). Les plafonds corticaux allogéniques sont bien ostéointégrés et encore très visibles. Aucun n'est fracturé ni résorbé (Fig. 15 A et 15B, 16 A et 16B).

• Les contrôles radiographiques itératifs [25] ne montrent pas de résorption au niveau du matériau de comblement. La greffe osseuse est protégée par le plafond cortical allogénique de la pression exercée par la membrane de Schneider jusqu'à sa complète maturation. Le phénomène dynamique de résorption du tissu greffé et son remplacement par du tissu vivant pourront donc se dérouler sans risques de pneumatisation des sinus.

• En ce qui concerne les cas greffés avec de la poudre d'os allogénique, seule l'étude histologique de la carotte osseuse (prélevée à 7 mois postopératoires) révèle : une densité osseuse très importante (Fig. 17 A et 17B).

Les résidus de greffons Phoenix®, en voie de résorption, apparaissent complètement intégrés au tissu osseux néoformé. Celui-ci est reconnaissable aux nombreux ostéocytes enchâssés dans la matrice osseuse et témoignant de sa vitalité. La tolérance et l'ostéointégration du greffon sont illustrées par une moelle osseuse richement vascularisée et non inflammatoire.

• Deux bridges de 3 éléments sont en fonction depuis plus de 1 an. Après mise en fonction, aucun implant n'a été perdu secondairement.

• Les contrôles radiographiques par films rétro-alvéolaires, effectués à plus de 12 mois après la mise en charge, n'ont montré aucune perte osseuse marginale particulière autour de la zone d'émergence des implants (Fig. 18 A et 18B).

Discussion

Malgré un échec et quelques complications au début de cette technique, l'emploi de greffons transinusiens d'os cortical allogénique comme cloisonnement lors des greffes osseuses du plancher des sinus n'a donné, par la suite, que des résultats positifs.

Quelques inconvénients persistent :

- s'il s'agit d'une greffe bilatérale, le temps opératoire est allongé, car il est difficile d'opérer les deux sinus maxillaires en même temps sous anesthésie locale et le prélèvement mentonnier doit donc être fait aussi en deux temps, espacé de plusieurs mois, comme dans le cas n° 1 ;

- une fracture des greffons corticaux allogéniques pouvant survenir lors de leur mise en place, il est prudent de prévoir une lamelle de rechange.

Les avantages sont en revanche nombreux :

• Le traitement est simplifié ; il n'est plus nécessaire d'avoir recours à un prélèvement pariétal. Lorsque l'on évalue cette technique dans une perspective de risque, elle s'impose :

- pour les patients âgés ;

- pour les patients dont l'état général ne permet pas d'envisager des interventions longues et douloureuses ;

- chez les patients refusant un prélèvement crânien pour des raisons psychologiques ou autres (hommes complètement chauves).

• La qualité de l'os autogène mentonnier [26], d'origine membraneuse, est comparable à celle de l'os crânien, mais la quantité d'os spongieux prélevé dans ce site est plus importante, ce qui est bénéfique au remodelage osseux. L'ostéoinduction est plus rapide avec de l'os spongieux qu'avec de l'os cortical [27].

• Le volume osseux disponible prélevé en intra-buccal devient suffisant pour greffer les deux sinus tout en les cloisonnant, à condition de combler les zones neutres (non implantables) avec un matériau allogénique. De plus, on a la possibilité d'augmenter le volume osseux disponible en mélangeant l'os autologue avec de l'os allogénique.

• La déchirure de la membrane de Schneider lors de son décollement n'est plus un problème, le greffon cortical allogénique faisant office de plafond permet de bloquer le matériau de comblement sous-jacent et les risques de fuite qui en résulte. Les sinusites postopératoires par obstruction de l'ostium maxillaire sont ainsi inexistantes.

• La zone à combler est compartimentée, ce qui facilite la mise en place par tassement du broyat sous-jacent, évite tout espace mort et renforce ainsi son homogénéité et sa densité future.

• La hauteur osseuse implantable disponible est prédéterminée par la hauteur de positionnement du greffon de cloisonnement (en général à 16 mm), d'où la possibilité de poser des implants de longueur adéquate (12 ou 14 mm).

En 1999, Tulasne [28] donne, sur 400 sinus opérés par sa technique, un taux d'ostéointégration de 95 %. Il considère comme résolu le problème implantaire dans les secteurs postérieurs maxillaires.

La technique décrite ici (cas n° 1) n'est qu'une variante de la greffe osseuse du plancher du sinus à l'aide de cloisonnement par greffon transinusien décrite par Tulasne et al. [13]. Nous pouvons donc espérer avoir dans le temps des résultats comparables.

Dans certains cas (cas n° 2), pour des raisons médicales ou autres, les comblements sont effectués entièrement avec de l'os allogénique, afin d'éviter des interventions trop lourdes.

Les résultats histologiques à 7 mois sont très satisfaisants (Fig. 17A et 17B). L'ostéointégration des implants se maintient dans le temps, sans problèmes notables après leur mise en charge prothétique.

La question essentielle est de savoir : quel est l'avenir de ces greffes allogéniques pures ? La réponse nous sera donnée lorsque nous aurons un recul de deux ou trois ans et que ces cas seront plus nombreux et complètement analysés.

Conclusion

L'utilisation de substituts osseux d'origine allogénique disponibles auprès de banques de tissus autorisées par l'AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) [22] peut rendre de grands services à nos patients et leur éviter d'avoir recours à des techniques chirurgicales de reconstructions osseuses beaucoup plus lourdes. Cette méthode apparaît simple et pratique, et s'intègrefacilement dans les techniques de soulevés de sinus, décrites par Tatum [6] et Tulasne et al. [13].

Son efficacité devra être évaluée par une étude clinique sur le long terme, comprenant un collectif plus important de patients.

Ce type d'intervention doit être manié avec prudence par un chirurgien expérimenté susceptible d'assumer les éventuelles complications infectieuses qui peuvent survenir après la mise en place de la greffe [29, 30].

Remerciements aux :

Drs Raphaël Bardonnet et Marc Chalard pour leur coopération lors de la rédaction de cet article.

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