Implantologie assistée par ordinateur : le programme SimPlant/SurgiCaseTM et le SAFE SystemTM - Implant n° 1 du 01/02/2003
 

Implant n° 1 du 01/02/2003

 

Chirurgie

Philippe B. Tardieu *   L. Vrielinck **  


*Docteur en chirurgie dentaire diplômé de l'université Paris-VII
Diplômé universitaire d'implantologie de l'université de Nice-Sofia Antipolis
Adjunct associate professor New York University
49, avenue Alsace-Lorraine
38000 Grenoble
**Docteur en médecine
Licencié en sciences dentaires
Spécialiste en chirurgie maxillo-faciale MKA, Ziekenhuis
Oost-Limburg (ZOL)
Campus Saint Jan
Schiepse Bos, 6
3600 Genk, Belgique.

Résumé

Le SAFE SystemTM est un nouveau procédé de guidage des implants associé à des outils de forage permettant de transférer en bouche une planification implantaire réalisée sur ordinateur à partir des données d'un scanner. SAFE est l'acronyme de secure, accurate, functional and ergonomic. La planification implantaire est réalisée sur le programme SimPlant/SurgiCaseTM. Dans un cylindre de guidage des implants en titane collé sur une base stéréolithographique vient se visser un canon de forage en acier inoxydable chirurgical. Dans le SAFE SystemTM, le nombre de forets est réduit à deux : un foret pilote et un foret calibreur. Les collerettes d'arrêt permettent de contrôler la profondeur des forages et les anneaux en silicone de régler les profondeurs de forage sans avoir besoin de multiplier le nombre d'instruments à utiliser. Après avoir dévissé les canons de forage, les implants sont mis en place à l'aide de porte-implants à travers des cylindres de guidage en titane. Un cas clinique de mise en charge immédiate d'un bridge mandibulaire à l'aide du SAFE SystemTM présentant un appui muqueux est détaillé. Une superposition des scanners avant et après intervention permet de mesurer, implant posé sur implant planifié, la déviation avec le SAFE SystemTM. Des progrès sont encore à faire concernant la précision de la mise en place des guides chirurgicaux et plusieurs voies de recherche sont en cours d'étude. La facilité d'exécution, la rapidité d'intervention et la précision obtenue sont autant de points positifs qui laissent à penser que ces techniques sont en passe de bouleverser profondément notre exercice.

Summary

The SAFE SystemTM is a new guiding process of implants associated with drilling devices allowing the transfer in the mouth of implant planning realized on computer with the data given by the scanner. SAFE is the acronym of secure, accurate, functional and ergonomic. The implant planning is realized on the SimPlant/SurgiCaseTM program. A drilling tube made of surgical stainless steel is screwed onto a guiding cylinder of implants made of titanium glued on a stereolithographic base. In the SAFE SystemTM, the number of drills is reduced to two: one drill is the pilot and the other the calibrator. The stopping flanges allow to control the depth of the drillings and the silicone rings to adjust the depths of the drilling without multiplying the number of instruments to use. After unscrewing the drilling tubes, the implants are set up with the help of an implant-holder through the guiding cylinders made of titanium. A clinical case of a mandibular bridge immediately-loaded on implants placed with the help of the SAFE SystemTM showing a mucous support is detailed. A superimposition of the scanners before and after intervention allows to measure - set-up implant on planned implant- the deviation with the SAFE SystemTM. Some progress has still to be made concerning the precision of the setting-up of the surgical guides and several studies are being carried on the subject. The easiness of execution, the rapidity of intervention, and the precision which is obtained, are many positive aspects which let us think that these techniques are likely to change our practice completely.

Key words

Dental implantology, computer-assisted implantology, radiological guide, stereolithographic surgical guide, immediate setting-up, transmucous implants

Depuis les années 1990, de nombreuses équipes se sont penchées sur le problème de la planification des cas implantaires en s'aidant de programmes informatiques [1-4]. Au-delà de ces premières approches, et plus récemment, d'autres équipes ont cherché à transférer les informations de l'ordinateur à la bouche du patient [5-7]. Cette approche n'est pas limitée à l'implantologie dentaire, mais d'autres approches implantaires ont été élaborées conjointement avec le même succès: vis vertébrales [8], vis de stabilisation transcutanées des chevilles, implants de reconstitution de la voûte crânienne [9], reconstructions osseuses maxillo-faciales, modélisations osseuses et muqueuses des distractions osseuses en 3D [10], etc.

Grâce aux outils créés par la société MaterialiseTM, nous avons pu établir les bases d'un protocole thérapeutique complet qui inclut non seulement la planification des cas à partir des données d'un scanner en 2 et 3 dimensions mais aussi le transfert des projets en bouche grâce à la réalisation de guides chirurgicaux sur mesure, réalisés par procédé stéréolithographique [11]. Dans ce cadre, nous avons testé toutes sortes de situations : restaurations partielles ou totales, maxillaires ou mandibulaires, implants à insertion verticale ou latérale, implants dans des greffes osseuses étendues [12, 13], mises en charge classiques (en 1 et en 2 temps chirurgicaux) et immédiates, mise en place des implants à travers l'os ou la muqueuse et, enfin, mise en place d'implants zygomatiques, ptérygoïdiens et sphénoïdiens [14-16]. Nous nous sommes rapidement rendu compte que les outils issus de l'implantologie « classique » n'étaient pas adaptés à cette nouvelle approche et que, si nous exigions plus de précision, plus de sécurité et plus de facilité lors de la mise en place des implants, il fallait en concevoir de nouveaux. Cette réflexion a amené la mise au point du SAFE SystemTM.

Matériel et méthode

Le SAFE SystemTM s'intègre, au moment de la chirurgie implantaire, dans un protocole qui permet de réaliser des cas implantaires en gardant à l'esprit que c'est la prothèse qui doit diriger la chirurgie et non pas le contraire. La première étape du protocole consiste à réaliser un guide radiologique appelé ScannoGuideTM. Il détermine toute la suite du traitement, de la planification, en passant par l'étape chirurgicale, jusqu'à la phase prothétique finale. Il permet de concevoir la réalisation prothétique avant traitement de manière à prendre les décisions chirurgicales [17, 18]. Lorsque l'on souhaite réaliser des guides chirurgicaux à appui muqueux, il faut utiliser des plaques radio-opaques présentant deux couches de radio-opacité différente avec un gradient de densité important.

Le patient est adressé avec son ScannoGuideTM chez le radiologue pour la prise du scanner. La qualité des éléments scannés est de toute première importance et le radiologue veillera en particulier aux points suivants : stabilité et bon positionnement du ScannoGuideTM, détermination du plan axial parallèle à la face occlusale des dents, tilt égal à zéro de manière à diminuer les distorsions, prise du scanner en béance pour éviter les images dentaires des arcades opposées se chevauchant, visibilité de la face occlusale des dents qui ne doivent pas être coupées, stabilité parfaite du patient lors de la prise du scanner et mise en place du guide à appui muqueux en contrôlant son adaptation intime avec les tissus mous sous-jacents. En ce qui concerne le risque d'exposition à un rayonnement important lors de la prise d'un scanner, on sait depuis 1996 que, grâce à l'utilisation de scanners hélicoïdaux et à des réglages judicieusement adaptés, le rayonnement reçu est égal ou à peine supérieur à celui d'une prise d'une radiographie panoramique [19]. Les risques encourus par un patient lors de la prise d'un scanner maxillaire ou mandibulaire préalablement à la pose d'implants sont en fait très faibles, comme l'attestent de multiples études publiées sur le sujet [20-23]. Le radiologue envoie les données du scanner à un « centre de traitement des données ». Un ingénieur informaticien va « nettoyer » ces images en supprimant les flashes, en éliminant les images parasites inutiles (colonne vertébrale, dents antagonistes, projection des branches montantes de la mandibule pour une analyse maxillaire...). C'est le centre de traitement des données qui réalise les masques avant d'adresser un CD-ROM au chirurgien pour la planification du cas.

L'étape de la planification implantaire demande temps et minutie car elle détermine toute la phase chirurgicale. On utilise pour ce faire le programme SimPlant/SurgiCaseTM. Le praticien réalise son projet implantaire en choisissant lui-même ses plans de coupe en 2D et en 3D. Il est à noter que c'est le chirurgien et non le radiologue qui garde le contrôle des coupes orthogonales frontales obliques, contrairement aux programmes qui étaient antérieure ment disponibles [4]. Ces coupes très précises [24, 25] sont d'un très grand intérêt en implantologie car elles permettent de visualiser l'épaisseur de l'os disponible, sa qualité et le trajet des structures anatomiques à risque sous-jacentes [26]. Un outil permet de calculer la densité osseuse des tissus en unités Hounsfield. Nous savons que cette valeur en unités Hounsfield est un élément d'évaluation fiable de la qualité de l'os [27]. La longueur et le diamètre des implants sont sélectionnés automatiquement en fonction des dimensions existant dans la marque d'implants utilisée. Chaque implant peut être déplacé, incliné et modifié à la demande. Il peut être affecté d'une identification (label) : en général nous attribuons à chaque implant le numéro de la dent correspondant à la zone qu'il occupe. Une fois un projet réalisé, il suffit d'adresser un document (export planning) à la société MaterialiseTM pour la réalisation des guides chirurgicaux. Un formulaire permet au chirurgien de commander un guide sur mesure et, suivant ses indications, il reste de ce fait le concepteur du projet chirurgical. Le guide est alors fabriqué grâce au procédé de stéréolithographie. Le SAFE SystemTM aide le chirurgien au moment de la chirurgie. La réalisation prothétique peut être ensuite exécutée de manière conventionnelle.

Description du SAFE SystemTM

Le SAFE SystemTM est un nouveau procédé de guidage des implants associé à des outils de forage permettant de transférer en bouche la planification implantaire réalisée sur ordinateur à partir des données scanner. SAFE est l'acronyme de secure, accurate, functional, ergonomic (sûr, précis, fonctionnel, ergonomique). C'est un système universel qui n'est pas limité à l'utilisation des guides stéréolithographiques mais qui peut être adapté à n'importe quel type de guide chirurgical. Par ailleurs, tous les types de guides stéréolithographiques sont compatibles : appuis dentaires, appuis osseux, appuis muqueux, appuis mixtes et même appuis implantaires.

Pour préparer de manière « classique » les ostéotomies implantaires, on utilise une série de 5 forets différents : une fraise ronde, un foret de 2 mm de diamètre, un foret pilote, un foret de 3 mm et une fraise évaseuse. Dans le SAFE SystemTM, seuls 2 forets sont utilisés : un foret pilote et un foret calibreur. Le premier foret étagé permet de passer de 2 à 3 mm et le foret calibreur permet de régulariser l'ostéotomie à 3,15 mm. Le pas de vis, le dessin des gouges et le traitement de surface de ces forets ont été étudiés de manière à augmenter leur arête de coupe ; pour diminuer l'échauffement lors de l'ostéotomie, une irrigation de solution saline refroidie est toujours recommandée. Le foret calibreur, quant à lui, ne coupe que sur 2 mm de hauteur et un détalonnage de sa surface permet d'éviter tout échauffement lors de sa rotation dans l'os, contrairement aux forets disponibles sur le marché qui sont cylindriques et qui présentent une friction avec l'os sur toute leur longueur. Cette ostéotomie permet de poser, suivant la densité osseuse, tous les implants dont le diamètre, variable selon les marques, est de 3,25, 3,30, 3,50, 3,75 ou 4,00 mm ; en effet, ils possèdent tous une tête d'implant dont le diamètre est de 4,1 mm et s'adaptent sur les mêmes porte-implants. Dans le cas d'un os de densité extrême (type I de Misch), il est possible de passer un taraud préalablement à la mise en place de l'implant correspondant. En implantologie classique, il existe des séries de forets, avec des marquages au laser, étalonnés selon les profondeurs de forage. Dans bien des cas, il est très difficile de lire ces mesures qui sont proches les unes des autres et nombreuses : 7, 8, 5, 10, 11,5, 13, 15, 18 et 20 mm. Il n'existe pas de butée de contrôle de profondeur. Dans le SAFE SystemTM, les deux forets ont des butées de blocage en profondeur. Il existe 8 longueurs différentes : 10, 13, 15, 18, 20, 23, 25 et 28 mm. Pour adapter les longueurs intermédiaires, qui existent aujourd'hui ou qui existeront dans l'avenir, on dispose d'anneaux de réglage de profondeur (1,0, 1,5 et 3,0 mm). En implantologie classique, on utilise un porte-implant et l'on contrôle la mise en place des implants manuellement et visuellement. C'est à ce stade que les erreurs de positionnement les plus grossières apparaissent car l'implant est parfois dévié de l'axe de forage à cause d'un axe tangentiel de forage par rapport à une crête osseuse étroite ou à cause de la différence de densité entre un os cortical dense et un os spongieux plutôt mou. Dans certains cas, le chirurgien essaye de compenser ce problème en ouvrant un avant-trou conique avec une fraise évaseuse. C'est un détournement de l'usage de cet instrument qui n'a pas été dessiné à cet effet, rappelons-le. Dans le SAFE SystemTM, l'implant est dirigé dans sa position planifiée sans avoir besoin d'un contrôle visuel grâce à l'utilisation d'un porte-implant qui présente une collerette d'enfoncement et qui passe à travers un cylindre de guidage. Il existe à ce jour quatre longueurs de porte-implants : 4, 7, 10 et 15 mm.

Comment utiliser le SAFE System ?

Pour illustrer ces étapes chirurgicales, nous choisirons le cas d'une mise en place implantaire utilisant un SAFE SystemTM à appui osseux. La première étape consiste à inciser et à décoller un lambeau d'épaisseur totale en prenant bien soin de dégager la surface osseuse de tout résidu fibreux (Fig. 1). L'étape suivante consiste à appliquer le guide stéréolithographique sur la surface de l'os et à sécuriser sa position à l'aide de vis d'ostéosynthèse. Le guide est équipé de cylindres de guidage en titane dans lesquels sont vissés des canons de forage en acier inoxydable chirurgical. Le vissage se fait sur un quart de tour uniquement, ce qui facilite les manipulations en bouche (Fig. 2). Ce dispositif permet de transférer avec une grande précision le projet implantaire de l'ordinateur à la bouche du patient (Fig. 3) et, dans l'exemple présenté, de simuler la mise en place de 3 implants de longueurs différentes : 13, 10 et 8,5 mm. Pour forer un puits de 13 mm, on utilise le foret pilote de « 13 mm » (Fig. 4). Pour forer un implant de 10 mm, on utilise le foret pilote de « 10 mm » et, pour un implant de 8,5 mm, on garde le même foret auquel on enfile un anneau en silicone de 1,5 mm (Fig. 5). Dans tous les cas, le forage se fait jusqu'à la collerette de butée. On réalise la même opération avec les forets calibreurs (Fig. 6). Il est conseillé d'utiliser un foret pilote par cas pour avoir une qualité de coupe optimale. En revanche, on peut réutiliser les forets calibreurs dont l'effort de coupe est moins important. Dans le cas d'un forage avec un guide stéréolithographique standard à appui muqueux, il faut ajouter l'épaisseur de la muqueuse à la longueur de l'implant. Et l'on fait de même dans le cas d'un implant enfoui sous le niveau de la crête osseuse. Comme cette épaisseur est variable selon les zones concernées, il est possible d'adapter la profondeur de forage à l'aide des anneaux en silicone. Notons qu'un seul cylindre de forage est nécessaire pour les deux forets utilisés, ceux-ci étant guidés sur une hauteur de 5 mm au-delà de la zone de coupe. Après le forage, les canons de forage sont dévissés d'un quart de tour et ôtés du guide stéréolithographique (Fig. 7). Les cylindres de guidage collés dans le guide stéréolithographique servent alors pour la mise en place implantaire. Dans la procédure sur un appui osseux, des porte-implants courts (4 mm) sont montés et les implants mis en place (Fig. 8). Trois solutions s'offrent enfin au chirurgien : le vissage de capuchons de cicatrisation et le recouvrement des implants par la gencive (Fig. 9), la mise en place de piliers de cicatrisation en un temps chirurgical (Fig. 10) et la mise en charge immédiate des implants avec les éléments prothétiques mis en occlusion (Fig. 11). Cette technique est l'aboutissement d'une évolution et le SAFE SystemTM, tel qu'il est présenté aujourd'hui, n'en est certainement pas la dernière étape. Actuellement, toujours sur la base du SAFE SystemTM, plusieurs approches différentes sont en cours de validation pour simplifier encore cette technique. Au mois de septembre 2002, 990 guides de forage ont été réalisés par le société MaterialiseTM. Les auteurs de cet article en ont utilisé 229: 161 pour des chirurgies à appui osseux, 40 pour des chirurgies transmuqueuses et 28 également avec le SAFE SystemTM (à appui à la fois osseux et muqueux). Si l'on considère qu'un guide de forage est utilisé pour 5 implants en moyenne, c'est plus de 4 800 implants qui ont été mis en place avec ce système à ce jour, dont plus de 1 000 par nous-mêmes. L'aspect le plus important tient dans la progression de cet usage : de 1999 à 2000, environ 160 guides ont été utilisés, en 2001, 350 guides et, pendant les 9 premiers mois de 2002, 450 guides. Cette progression géométrique illustre la confiance que les chirurgiens expriment à l'égard de cette technique dès ses premières utilisations. Notons aussi que ces guides n'ont été, pour certains, commercialisés que très récemment, à cause des délais de validation exigés par la société MaterialiseTM, et que, au moment de la rédaction de cet article, le SAFE SystemTM ne l'est pas encore.

Cas clinique

Une patiente, édentée mandibulaire (Fig. 12 et 13) depuis de nombreuses années, se présente à notre cabinet pour un appareillage fixe sur implants. Nous envisageons une mise en charge immédiate avec un SAFE SystemTM transmuqueux. Un ScannoGuideTM est réalisé avec une densité de sulfate de baryum en poids de 30 % et une densité de 10 % pour la plaque muqueuse. Des cavités de 0,8 mm de diamètre sont creusées selon l'axe principal de chacune des dents pour préfigurer l'axe d'émergence idéal des implants (Fig. 14). Ce gradient important facilite la réalisation des masques lors du traitement de données en discriminant aisément les différentes couches. C'est grâce à la reconstruction stéréolithographique de l'intrados de la plaque muqueuse qu'il est possible de réaliser un guide chirurgical à appui muqueux. L'analyse du cas et la planification implantaire sont réalisées à l'aide du programme SimPlant/SurgiCaseTM (Fig. 15). Selon le plan de reconstruction axial en 2D, nous voyons apparaître les couches dentaires à 30 % de sulfate de baryum (Fig. 16). Les reconstructions en 2D panoramiques et orthogonales frontales obliques nous permettent de réaliser la planification implantaire (Fig. 17 et 18). La reconstruction en 3D nous permet de visualiser le masque de la mandibule, les masques des trajets des nerfs alvéolaires inférieurs, des dents et de la plaque muqueuse (Fig. 19). Le trajet du nerf alvéolaire inférieur est à découvert à cause de l'atrésie osseuse marquée de ce cas (Fig. 20). Les données sont envoyées à la société MaterialiseTM pour la réalisation d'un guide chirurgical SAFE SystemTM. La patiente est traitée sous sédation vigile (benzodiazépines à dose filée) complétée par une anesthésie locale. Elle reçoit une injection intraveineuse d'antibiotique en début d'intervention. Le guide chirurgical à appui muqueux est fixé par plusieurs vis d'ostéosynthèse (de la société OBL, à utiliser avec un tournevis spécial) pour être bien stable pendant les opérations de forage (Fig. 21). Des canons de forage de 5 mm de haut permettent de guider le foret pilote (Fig. 22) puis le foret calibré (Fig. 23). Ensuite, après avoir dévissé les canons de forage, les implants sont mis en place. Notons qu'ils sont mis en place tous ensemble et que les porte-implants ne sont dévissés qu'après (Fig. 24). Les prototypes de porte-implants que nous avons utilisés dans ce cas sont longs et ont nécessité l'utilisation de plusieurs anneaux en silicone pour corriger leur longueur. Comme nous le voyons, le guide stéréolithographique sert à la fois au forage et au positionnement des implants (Implants Osseotite). À ce stade, la plaque est enlevée et les piliers standard sont vissés sur les implants. La prise d'empreinte (Fig. 25) est réalisée immédiatement après la pose des implants et des piliers (il n'y a pas de suture). Le bridge provisoire vissé est posé 24 heures après (Fig. 26). Deux mois plus tard, le bridge définitif est réalisé. Nous pouvons comparer les radiographies panoramiques prises avant et après la pose des implants et contrôler l'adaptation des éléments prothétiques (Fig. 13 et 27). Nous suivons en cela l'approche des mises en charge immédiates, régulièrement étudiée depuis le début des années 1990 par de nombreux auteurs [28-32]. Uniquement dans notre cas clinique, un scanner postopératoire a été réalisé le lendemain de l'intervention afin de superposer la position planifiée des implants à leur position réelle et de vérifier la précision du SAFE SystemTM. Une déviation est visible sur la coupe axiale (Fig. 28), sur les coupes orthogonales frontales obliques (Fig. 29) ainsi que sur les reconstructions 3D limitées aux implants (Fig. 30) ou bien avec le masque de l'os mandibulaire (Fig. 31) que l'on peut comparer à la planification implantaire de la Figure 19 . La déviation moyenne du point coronal est de 0,41 mm, elle mesure la précision du SAFE SystemTM. Elle marque une amélioration par rapport à nos résultats précédents obtenus en plaçant les implants manuellement, après un forage guidé à l'aide de guides de forage stéréolithographiques. Nous avions utilisé pour ce cas des prototypes qui seront encore améliorés dans leur version commerciale pour parvenir à un meilleur résultat. Ces modifications concernent en particulier les dimensions et les tolérances d'usinage.

Discussion

Le protocole que nous avons appliqué nous a permis, sans jamais briser la chaîne de la précision des transferts de données, depuis le ScannoGuideTM jusqu'à la prothèse finale, de réaliser un cas implantaire complètement dirigé par la conception prothétique. L'utilisation du programme SimPlant/SurgiCaseTM et du SAFE SystemTM nous a permis de transférer en bouche la planification implantaire digitalisée grâce à une intervention chirurgicale simplifiée, contrôlée et sécurisée. Le SAFE SystemTM à appui muqueux nous a permis de minimiser le geste chirurgical et de réduire pratiquement à néant les suites opératoires. L'approche des mises en place implantaires sans élever de lambeau présente de nombreux avantages comme le soulignent Campelo, au bout de 10 ans d'expérience [33], et Hahn [34]. La mise en charge immédiate a permis de diminuer le nombre d'interventions.

Dans le cadre du développement de ces techniques, depuis 1997, de nombreuses études de précision ont été réalisées à la fois sur des cadavres et sur des humains. Ces études ont cherché à apprécier la précision du transfert de la position planifiée des implants par rapport à leur position réelle une fois mis en place. L'objet de notre travail n'est pas de retracer toutes ces études ou ébauches d'études de précision qui n'ont pour la plupart donné lieu qu'à des présentations scientifiques orales, dans le cadre du PISA Project (Brite Euram Project) qui a commencé en 1997 pour finir en 2001. Nous ne reprendrons donc que les grandes étapes et les principaux résultats à retenir. Dans la première étude qui a été publiée sur le sujet de la précision des mises en place d'implants zygomatiques à l'aide de guides de forage, Vrielinck [15] présente des résultats avec une déviation moyenne au point d'entrée de 2,7 mm pour les implants zygomatiques et de 1,5 mm pour les implants standard. Il remarque que les déviations sont moindres avec l'utilisation de guides à appui muqueux qu'avec ceux à appui osseux. En 2000, le professeur Jabobs (Oral Imaging Cluster, KU Leuven [35]) présente la différence de précision obtenue entre une mise en place avec l'utilisation de guides de forage et une mise en place implantaire réalisée manuellement, et avec grand soin, sur cadavre. Le résultat montre que la précision avec guide est de 0,92 mm alors que manuellement (et dans des conditions idéales), elle est de 3,71 mm. Elle est donc 4 fois supérieure à ce que l'on peut obtenir manuellement. Nous remarquons que l'étude ayant été réalisée sur cadavre, il y a fort à penser que ces résultats eussent été aggravés lors d'une mise en place manuelle sur patient (cette recherche n'a jamais été faite à notre connaissance). En 2002, Tardieu [36] présentait la première étude de précision sur 4 implants posés à l'aide du SAFE SystemTM. L'analyse avait été réalisée implant posé sur implant planifié de manière à analyser la précision du SAFE SystemTM lui même. Le calcul de la déviation moyenne au niveau crestal était de 0,41 mm. Ces premières mesures ne portaient que sur un seul cas présentant une résorption de crête extrême et ne pouvant pas illustrer l'amélioration sensible que nous avons pu constater cliniquement par la suite. Pour résumer l'évolution de nos acquis dans ce domaine, et bien que nous ne puissions nous reposer que sur des ébauches de recherches effectuées avec des objectifs et des moyens différents, nous pouvons dire que trois points ressortent de ces recherches : la mise en place manuelle est beaucoup moins précise que la mise en place à l'aide de guides ; nous sommes en progrès constant dans la précision du positionnement des implants depuis 1999 ; le SAFE SystemTM permet une précision cliniquement excellente car il a intégré à un même système de précision le forage et la mise en place implantaire. Il existe de nombreux paramètres entrant en jeu dans la précision des transferts ; nous en avons dénombré au moins 15. Néanmoins, l'erreur majeure reste due au positionnement des guides de forage (sur l'os, sur les dents ou sur la crête) et non pas au SAFE SystemTM lui-même. Plusieurs projets sont à l'étude pour améliorer la précision de leur mise en place : installation d'implants provisoires, amélioration des protocoles de mise en place des vis de stabilisation, stabilisation par vissage sur des implants existants, extension des surfaces d'appui, appuis mixtes lorsque cela est possible, utilisation de repères d'occlusion stables... Notons enfin que, lorsque l'on fait état d'une déviation moyenne de 0,4 mm, ces déviations ne sont en général pas décelables cliniquement et seules les superpositions de scanners « avant-après » nous permettent d'apprécier ces écarts.

Conclusion

Grâce aux progrès de l'imagerie médicale et de l'informatique, notre manière de concevoir notre exercice professionnel est en mutation. Le SAFE SystemTM nous a permis d'envisager la mise en place d'implants transmuqueux en toute sécurité et avec une grande précision, d'utiliser des implants trans-sinusiens (zygomatiques, ptérygoïdiens et sphénoïdiens) sans ouverture latérale des sinus et de diminuer considérablement les difficultés et les coûts des réalisations prothétiques. Enfin, cette technique nous a aussi permis de réaliser à ce jour 6 bridges (provisoires ou définitifs) avant la mise en place des implants, à partir des données digitalisées (IBP : immediate bridge placement). Cette approche peut se faire en partant des données du scanner, sans prendre d'empreinte, et la précision de la mise en place implantaire permet l'adaptation et la mise en charge immédiate des bridges.

N. B.

Les schémas des figures 1 à 11 proviennent d'une animation en 3D réalisée par le studio de production Artesia Interactive à partir de dessins réalisés sous Adobe Illustrator et publiés en 1996 par Philippe B. Tardieu dans son ouvrage Présentation thérapeutiques et implantaires aux éditions Jullien.

Artesia Interactive - 6, rue Irvoy - 38000 Grenoble - Tél : 04 76 70 27 27

ADRESSE DES FOURNISSEURS

SIMPLANT/SURGICASETM - SAFESYSTEMTM - SCANNOGUIDETM - MATERIALISETM - Technologielaan 15, 3001 Leuven Belgique. Tél. : 16 39 66 75.

VIS D'OSTÉOSYNTHÈSE - Obl - Immeuble Vecteur Sud, 70-84, avenue de la Republique, 92320 Chatillon. Tél. : 01 46 56 31 52

IMPLANTS OSSEOTITE - 3 i France - 38, rue Anatole-France, 92300 Levallois-Perret. Tél. : 01 41 05 43 43.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Schwarz MS, Rothman SLG, Rhodes ML, Chafetz N. Computed tomography. Part I. Preoperative assessment of the mandible for endosseous implant surgery. Int J Oral Maxillofac Implants 1987;2:137-141.
  • 2. Schwarz MS, Rothman SLG, Rhodes ML, Chafetz N. Computed tomography. Part II. Preoperative assessment of the maxilla for endosseous implant surgery. Int J Oral Maxillofac Implants 1987;2:143-148.
  • 3. Kraut RA. Utilization of 3D/dental software for precise implant site selection: clinical reports. Implant Dent 1992;1:134-139.
  • 4. Tardieu PB. Aide informatique aux diagnostics et aux traitements implantaires. Guides chirurgicaux, scannographiques, programme SIM/Plant. Mémoire pour l'attestation d'études universitaires d'implantologie. Faculté de Nice-Sophia Antipolis 1999;99.09.A/6.
  • 5. Klein M, Abrams M. Computer-guided surgery utilizing a computer-milled surgical template. Pract Proced Aesthet Dent 2001;13:165-169.
  • 6. Fortin T, Champleboux G, Lormée J, Coudert J. Precise dental implant placement in bone using surgical guides in conjunction with medical imaging techniques. J Oral Implantol 2000;26:300-303.
  • 7. Molé C et al. Imagerie médicale, exploitation et perspectives. Modélisation 3D et reconstruction plastique stérolythographique. Act Odonto Stomatol 1993;181:127-141.
  • 8. Goffin J, Van Brussel K, Martens K, Vander Sloten J, Van Audekercke R, Smet MH. Three-dimensional computed tomography-based, personalized drill guide for posterior cervical stabilization at C1-C2. Spine 2001;26:1343-1347.
  • 9. D'Urso PS et al. Custom cranioplasty using stereolithography and acrylic. Br J Plast Surg 2000;53:200-204.
  • 10. Gateno J, Allen ME, Teichgraeber JF, Messersmith ML. An in vitro study of the accuracy of a new protocol for planning distraction osteogenesis of the mandible. J Oral Maxillofac Surg 2000;58:985-990.
  • 11. Tardieu P. Programme SurgiCase Dental, guides chirurgicaux Materialise, cas cliniques. Mémoire pour le diplôme universitaire d'implantologie. Faculté de Nice-Sophia Antipolis 2000; n° 00.06.D16.
  • 12. Philippe B, Tardieu P. Édentement complet maxillaire avec atrophie osseuse. Prise en charge thérapeutique. À propos d'un cas. Partie 1. Phase chirurgicale. Principes thérapeutiques et indications. Implant 2001;7:99-111.
  • 13. Tardieu P, Philippe B. Édentement complet maxillaire avec atrophie osseuse terminale. Prise en charge thérapeutique. À propos d'un cas. Partie 2. Réalisation implantaire et prothétique. L'implantologie assistée par ordinateur. Implant 2001;7:199-210.
  • 14. Wouters K, Vrielinck L, Wivell C, Dhoore E. Further development of drilling templates for the placement of regular dental implants and zygomatic fixtures, based on preoperative planning on CT images. In : Lemke HU, Vannier MW, Inamura K, Farman A (eds). Computer-assisted radiology. Berlin : Elsevier Science, 2000:945-949.
  • 15. Vrielinck L, Politis C, Schepers S, Pauwels M, Naert I. Image-based planning and clinical validation of zygoma and pterigoid implant placement in patients with severe bone atrophy using customized drill guides. Preliminary results from a prospective clinical follow-up study. Int J Oral Maxillofac Surg 2002;31
  • 16. Tardieu P, Vrielinck L. Implantologie assistée par ordinateur. Cas clinique : mise en charge immédiate d'un bridge maxillaire à appuis zygomatiques et ptérygoïdiens. Implantodontie 2002;46:41-48.
  • 17. Amet ME, Gantz S. Implant treatment planning using a patient acceptance prosthesis, radiographic record base, and surgical template. Part 1. Presurgical phase. Implant Dent 1997;6:193-197.
  • 18. Klein M, Cranin AN, Sirakian A. A computerized tomography (CT) scan appliance for optimal presurgical and preprosthetic planning of the implant patient. Pract Periodont Aesthet Dent 1993;5:33-39.
  • 19. Diederichs CG et al. Must radiation dose for CT of the maxilla and mandible be higher than that for conventional panoramic radiography ? Am J Neuroradiol 1996;17:1758-1760.
  • 20. Scaf G et al. Dosimetry and cost of imaging osseointegrated implants with film-based and computed tomography. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 1997;83:41-48.
  • 21. Frederiksen NL, Benson BW, Sokolowski TW. Effective dose and risk assessment from computed tomography of the maxillofacial complex. Dentomaxillofac Radiol 1995;24:55-58.
  • 22. Kassebaum DK et al. Absorbed dose determination for tomographic implant site assessment techniques. Oral Surg Oral Med Oral Pathol 1992;73:502-509.
  • 23. Dual K, et al. Hypothetical mortality risk associated with spiraltomography of the maxilla and mandible prior to endosseous implant treatment. Eur J Oral Sci 1997;105:123-129.
  • 24. Todd A, Gher M, Quintero G, Richardson AC. Interpretation of linear and computed tomograms in the assessment of implant recipient sites. J Periodontol 1993;64:1243-1249.
  • 25. Gehr ME, Richardson AC. The accuracy of dental radiographic techniques used for evaluation of implant fixture placement. Int J Periodont Rest Dent 1995;15:268-283.
  • 26. Ramez J, Donazzan M, Chanavaz M, Brun JP, Tardieu P. The contribution of scanner imagery in implant surgery and sinus overflow using frontal oblique orthogonal reconstruction. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1992;93:212-214.
  • 27. Pattijn V, van Cleynenbreugel T, vander Sloten J, van Audekercke R, Van Der Perre G, Wevers M. Structural and radiological parameters for the nondestructive characterisation of trabecular bone. Ann Biomed Eng 2001;29:1064-1073.
  • 28. Schnitman PA, Wohrle PS, Rubinstein JE. Immediate fixed interim prosthesis supported by two-stage threaded implants: methodology and results. J Oral Implantol 1990;16:96-105.
  • 29. Schnitman PA, Wohrle PS, Rubenstein JE, DaSilva JD, Wang NH. Ten-year results for Brånemark implants immediately loaded with fixed prostheses at implant placement. Int J Oral Maxillofac Implants 1997;12:495-503.
  • 30. Tarnow DP, Emtiaz S, Classi A. Immediate loading of threaded implants at stage I surgery in edentulous arches: ten consecutive cases report with 1-to 5-year data. Int J Oral Maxilllofac Implants 1997;12:319-324.
  • 31. Tardieu P, Missika P. Une classification clinique des mises en charge implantaires immédiates. Implant 1997;3:289-297.
  • 32. Tardieu P. Mise en charge immédiate d'implants dans les sites d'extraction frais. Cas clinique. Histologie sur humain. Implantodontie 1997;1:63-70.
  • 33. Campelo LD, Dominguez Camara JR. Flapless implant surgery: a 10 years clinical retrospective analysis. J Oral Maxillofac Implants 2002;17:271-276.
  • 34. Hahn J. Single stage, immediate loading, and flapless surgery. J Oral Implantol 2000;26(3):193-198.
  • 35. Jacobs R. 3D CT scan bases treatment planning and derived drill guides. Conference on RP models and drill guides in surgery, 12-14 october 2000. PISA workshop, Leuven, Belgium.
  • 36. Tardieu P. SIMPlant/SurgiCase and SAFE System, Final Phidias Conference on RP model and guides in surgery, March 23rd, 2002, Leuven, Belgium.