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Dr. phil. nat. Dr. med. dent.
Visiting Professor (Nippon Dental University, Japan) O 7, 13
68161 Mannheim, Allemagne
L'optimisation de la régénération osseuse constitue l'un des principaux axes de recherche et de développement de l'implantologie moderne. La découverte de la séquence bioactive d'acides aminés (peptides de 15 maillons), sous la forme d'une TM préparation PepGen P-15, a amorcé une véritable avancée dans cette quête. En reproduisant quasi à l'identique les mécanismes biologiques, ce peptide peut être considéré comme le premier matériau synthétique biomimétique de régénération osseuse artificielle. Plusieurs études ont mis en évidence des résultats très prometteurs.
Cet article présente les caractéristiques de ce nouveau matériau ainsi que son utilisation au travers de deux cas cliniques illustrés.
Research and Development in modern implantology is essentially geared towards optimising bone regeneration. Genuine progresses have been made with the discovery of the amino-acids bioactive chain (15-bonds peptides), in the form of a preparation, PepGen TM P-15. By reproducing virtually identically the biological mechanisms, this peptide can be considered as the first biomimetic material for artificial bone regeneration. Several studies have underlined very promising results. This article sets out through two illustrated case studies both the characteristics of this new material and ist use.
Avec l'essor de l'implantologie, les techniques opératoires se sont, ces dernières années, affinées et des progrès notables dans le développement des matériaux ont été réalisés. L'un des objectifs de l'implantologie moderne est de prévoir comment la régénération osseuse peut être optimisée, en quantité ainsi qu'en qualité, grâce à des matériaux synthétiques de remplacement de l'os. Ce, en vue de supprimer le taux élevé de morbidité de l'os autogène. L'intérêt s'est porté préalablement sur les matériaux de remplacement osseux ostéoconducteurs (céramiques hydroxyapatite, bioverres, os alloplastique d'origine bovine). Ce sont désormais vers les méthodes dites « à orientation biologique » que se tourne le praticien.
On a cru un peu trop rapidement que les facteurs de croissance isolés et compatibles (protéines osseuses morphogéniques) ou des concentrés de thrombocytes obtenus par centrifugation (plasma riche en plaquettes) permettraient d'améliorer sur le long terme la quantité et la qualité de l'os et, par conséquent, de raccourcir significativement le délai de mise en charge de l'implant. Cependant, fondé sur des observations cliniques anecdotiques - particulièrement du point de vue de la possibilité d'une mise en charge précoce de l'implant - cet espoir s'est mué en une déception réelle et croissante [1]. Les matériaux de remplacement osseux d'origine animale ou humaine peuvent concourir à une augmentation de l'activité osseuse, car ils contiennent, en fonction de l'âge du donneur ainsi que de la conduite du traitement elle-même, des restes de facteurs de croissance (par exemple : TGF-β, BMP-2, BMP-7) [2]. Chaque résultat osseux final dépend, par conséquent, de la liaison cellulaire primaire, ce qui exige une élévation du nombre des récepteurs de liaisons correspondants. Quoi qu'il en soit, il est également reconnu que les adjuvants actuels visant à accélérer l'activité osseuse, tels que les facteurs de croissance ou les dérivés de matrice amélaire, n'activent que certains stades de la différenciation cellulaire et peuvent certainement influencer positivement la cicatrisation en général. Ils ne peuvent en aucun cas mettre en œuvre une différenciation finale en ostéoblaste ou en os, voire amorcer une néoformation du tissu [3].
De ces développements, il reste certainement aujourd'hui une compréhension plus approfondie de l'importance de l'aspect biologique de la régénération tissulaire. Les perspectives de la gestion des tissus dans le domaine du clonage paraissent plus vastes bien que les spécialistes dans le monde recommandent encore la plus grande prudence, et ce, pas uniquement pour des raisons de coût. En tout état de cause, la reconstruction complète et identique à l'original de la structure osseuse ne pourra certainement jamais être obtenue en surdosant un seul facteur du processus de régénération osseuse. Ce, parce que la plupart des processus biochimiques organisant les composants élémentaires et, parmi ceux-ci, la stœchiométrie, sont encore obscurs. Dans un système dans lequel les composants individuels s'influençant réciproquement ne sont pas connus, seule la « conservation in vitro » du cycle global peut être prometteuse pour une restitution ad integrum du tissu visé. C'est uniquement dans ces conditions qu'une régénération osseuse peut réaliser correctement et de façon stœchiométrique toutes les phases de développement cellulaire (migration, prolifération et différenciation) et ainsi conduire à une reproduction du tissu original.
L'os humain est constitué à 85 % de minéral osseux inorganique hydroxyapatite et de 15 % de collagène de type I et de type II réunis, la quantité du dernier type n'étant d'ailleurs pas cliniquement significative. Le collagène de type I représente 90 % de l'ensemble du collagène et est constitué d'environ 3 900 acides aminés, organisés en une structure en triple hélice.
Une séquence particulière de 15 acides aminés constitue un « site de fixation » sur le collagène humain. Elle est fondamentale pour la régénération osseuse, puisque c'est là que la régénération osseuse commence. Celle-ci sera dorénavant appelée « site de fixation des cellules » de l'os humain. Il a été amplement prouvé par les investigations biomicromoléculaires que la différenciation des cellules souches mésenchymateuses pluripotentielles en cellules ostéoprogénitrices et en ostéoblastes ne peut prendre place que quand elles peuvent initialement se fixer sur ces récepteurs naturels. La procédure implantologique d'augmentation entraînant un traumatisme de l'os, elle implique une transduction d'un signal biochimique par le cytosquelette des cellules, dû à la déformation trabéculaire, suivie par une transduction d'un signal ostéotrope, à la suite de laquelle les cellules souches ci-dessus mentionnées se fixent aux sites récepteurs de l'os et initient ainsi la réaction en chaîne de la régénération osseuse. Aussi, la réponse des cellules effectrices de la régénération est alors proportionnelle et relative à l'importance, la fréquence et la durée des traumas, mais aussi au nombre de sites de fixation disponibles du collagène [4]. Il existe cependant une limite : d'une part, les sites récepteurs faisant partie de l'intérieur de la triple hélice sont cachés et ne sont donc pas accessibles pour une fixation cellulaire et une régénération de l'os ; d'autre part, le collagène humain peut être sujet à une mutation génétique, ce qui peut également affecter le potentiel du principe de régénération (Fig. 1 et 2).
Au cours de la « réponse des cellules effectrices », les facteurs de croissance (BMP's, TGF-β, IGF, PDGF…) seront intégrés dans la composition stœchiométrique correcte pour enclencher une phase initiale de régénération pendant 4 semaines, suivie par une maturation de l'os qui se termine au bout de 12 semaines.
TM Le PepGen P-15 est la reproduction synthétique de ce site - capital - de fixation du collagène humain, couplée avec un matériau de transport artificiel (hydroxyapatite). Grâce à cette ingénierie tissulaire, la séquence exacte d'acides aminés du site de fixation du collagène de type 1 peut être reproduite d'une façon moléculaire et biologique (Fig. 3).
De par la construction de cette combinaison artificielle de la séquence organique et hyperactive d'acides aminés avec le matériau inorganique de transport, un des sites déclencheurs de la régénération osseuse sera parfaitement reproduit in vitro. On parle ainsi de mimétisme biologique ou biomimétisme. L'application locale de PepGen P-15TM augmente significativement le nombre de sites naturels de fixation, et le nombre de séquences de régénération naturelle finale va, par conséquent, se multiplier. Cela conduit, par ailleurs, à une potentialisation de la rapidité de la régénération osseuse, et - d'une façon stœchiométriquement correcte à une restitution de l'os, conforme à l'original en quantité et en qualité. Cela n'a plus rien en commun avec la substitution osseuse conventionnelle avec des matériaux ostéoconducteurs (Fig. 4).
Par cette sorte d'« ingiénerie des récepteurs », il est maintenant et, pour la première fois, possible de préserver in vitro un processus métabolique complet. Là où on ne pouvait reproduire que le « déclencheur ou la clé » correspondant, on initie les séquences d'événements suivantes complètes. Dans cette mesure, le PepGen P-15TM n'est pas un matériau classique de remplacement de l'os, mais est finalement le premier matériau synthétique biomimétique de régénération osseuse artificielle.
L'hypothèse selon laquelle les séquences complètes de régénération osseuse se multiplient en un certain nombre d'heures devrait être vérifiée dans les prochaines études.
Pour la compréhension fondamentale du mode de fonctionnement du PepGen P-15TM, il est essentiel de reconnaître un modèle hypothétique de travail selon lequel :
1. le PepGen P-15TM, à l'instar du site naturel de fixation du collagène, représente la clé pour la première étape de la régénération osseuse, puisque cette régénération n'est pas possible sans liaison cellulaire (cf. principe de la régénération osseuse) ;
2. tous les facteurs de croissance suivants sont des produits naturels résultant des séquences de régénération. Ils ne doivent donc pas être substitués synthétiquement puisqu'ils peuvent désormais se développer eux-mêmes en quantité suffisante grâce à l'addition de PepGen P-15TM ;
3. des surdosages locaux d'un seul facteur de croissance isolé peuvent provoquer temporairement un pic quasi excessif et partiel de la croissance osseuse exogène. Ils n'entraînent en aucun cas une régénération conforme à l'original et constante du tissu osseux à long terme. Le tissu primaire en surplus montrera à partir de là des applications limitées comme dans les recherches, par exemple, sur le PRP [1] dont la nature se réduira graduellement ;
4. toutes les séquences de la régénération osseuse initiées se déroulant d'une façon stœchiométriquement correcte, une reconstruction contrôlée de l'os a aussi lieu. On peut ainsi s'expliquer l'origine de tumeurs suite à l'application de BMP en expérimentation animale. Jusqu'à présent, d'une façon évidente, le modèle de concentration des séquences de régénération se déplacerait préférentiellement dans une seule direction entraînant alors une dégénérescence tissulaire par un excès des produits intermédiaires non métabolisés (Fig. 5).
La séquence bioactive d'acides aminés (peptide de 15 maillons) découverte par Qian et Bathnagar [5] a été introduite aux États-Unis sous le nom de préparation PepGen P-15TM, initialement pour la régénération des défauts osseux parodontaux [6]. L'ensemble des études in vitro et in vivo montre clairement des taux de régénération osseuse accélérés et augmentés par l'utilisation de ce peptide synthétique [7-9].
Des études plus récentes de Krauser et al. [10] ont montré que lors de l'élévation du plancher de sinus (technique du volet vestibulaire), le PepGen P-15TM, en comparaison au simple comblement des défauts par de l'OsteoGraf/N 300 (durée de mise au repos de 8 mois) produisait le même pourcentage d'os vital en deux fois moins de temps (4 mois) (Fig. 5 et6).
Deux formes de présentation sont en principe à la disposition de l'utilisateur : une poudre PepGen P-15TM de fine granulométrie, dans laquelle la portion active du P-15 est apportée par un transporteur inorganique, et une forme de gel à base de gel de cellulose enrichi au PepGen P-15TM, disponible sous forme injectable « PepGen Flow », conçue en particulier pour l'application dans les zones difficiles d'accès (par exemple : élévation du plancher de sinus).
• Les granules doivent être mélangés en proportion d'environ 1:1 avec un matériau additionnel de comblement (par exemple : Algipore) ou encore avec de l'os autogène prélevé sur le patient. L'addition d'os autogène n'est pas impérative, mais peut cependant être envisagée, quand l'os peut être obtenu à partir de la même zone opératoire (carottes d'os avec fraises trépans, « chips » corticales…). La bioactivité est influencée par l'imprégnation avec une solution de NaCl (cela n'est en aucun cas valable pour la forme en gel) si bien qu'un mélange avec du sang autogène n'est pas nécessaire [11]. Selon notre expérience, les granules sous forme imprégnée se mélangent très bien avec d'autres matériaux de remplacement osseux et s'appliquent sans tomber de la spatule réservée à cet effet. Une instrumentation particulière n'est donc pas nécessaire.
Lors de l'application du PepGen Flow, il faut faire particulièrement attention au recouvrement de l'augmentation locale par une membrane dense. Lors de l'élévation du plancher de sinus avec la préparation Flow, un apport par couches de OsteoGraf N/300 et Flow est recommandé.
• Pour la stabilisation de la position de l'augmentation, un recouvrement membranaire est en général recommandé dans toutes les indications.
Un cas réalisé à notre cabinet illustre comment le PepGen P-15TM agit lors de l'élévation du plancher de sinus. Il concerne une fracture radiculaire de la dent 15 après résection apicale et sa préparation comme support de bridge étendu (Fig. 7, 8a, 8b, 8c 9 et 10).
De par l'énorme pouvoir régénérateur du matériau, celui-ci est recommandé dans les zones réduites de tissu dans les cas où un effet de régénération important est souhaité, par exemple :
- élévation de plancher sinusien avec apophyse alvéolaire résiduelle d'une hauteur < 3 mm (Fig. 11, 12, 13 et 14) ;
- augmentations locales dans les zones de faible volume osseux (D1) ;
- explantation ou perte d'implant en vue d'une augmentation locale ;
- détérioration génétique du collagène ou lors de récepteurs VDR 3 mutants.
Il est bien évidemment préconisé dans toutes les autres indications de chirurgie osseuse bucco-dentaire ubiquitaires.
La découverte d'un récepteur mésenchymateux comme la chaîne P-15 par Bathnagar et al. ouvre de nouvelles perspectives pour « la conservation complète des processus métaboliques ». La portion P-15 semble initier la régénération osseuse et même exercer un rôle de déclencheur lors, par exemple, de la régénération de l'endothélium vasculaire ou encore de la gencive [11]. Partant du constat qu'une altération génétique du collagène I peut causer une ostéoporose, une ostéogenèse imparfaite, mais aussi une dentinogenèse imparfaite, que la densité et la qualité osseuses sont à 75 % fixées génétiquement [13] par l'enzyme clé Colal I alpha 1 [14], on comprend mieux comment fonctionne la production synthétique de sites de fixation. Il n'est cependant pas encore certain qu'une altération génétique de l'ensemble du collagène I (fréquence : 15 % de la population en Europe centrale) concerne la quantité et la structure de ses récepteurs P15, mais cela devrait être démontré dans un futur proche. Quoi qu'il en soit, l'addition de sites de fixation non altérés génétiquement dans le lit implantaire ou dans une zone d'augmentation serait essentielle pour les patients présentant un collagène altéré, car là, seul le PepGen P-15TM pourrait garantir une régénération osseuse complète et ainsi rétablir la qualité biologique de l'os. On pourrait alors redéfinir la qualité (physiologique) de l'os (d'après Misch et Judy en classes D1 à D4) en une qualité biologique à partir d'un screening génétique.
Les méthodes de tests génétiques qui excluent une altération du métabolisme de l'os en préopératoire limitant ainsi les échecs implantaires s'effectuent par un simple test salivaire. Elles enrichissent la palette des diagnostics implantaires et optimisent la prévision. Le screening du Colal I alpha 1 [15], du récepteur VDR 3 [16] et de l'interleukine 1-β [17, 18] est en particulier pris en compte.
Le futur de la chirurgie dentaire réside dans le rétablissement des tissus mous et durs du corps suivant les conditions données individuelles d'un patient. Jusqu'à présent, l'isolation d'une seule substance signal ou facteur est le procédé qui a prévalu pour augmenter l'ingénierie micromoléculaire. On assiste toutefois à l'émergence de méthodes qui tirent davantage parti des mécanismes de contrôle du corps.
Titre original : Knochenregeneration durch Biomimetik. ZMK 2002;18(11):795-799. Traduit et reproduit avec l'aimable autorisation de ZMK (Magazin für Zahnheilkunde, Management und Kultur), des éditions Spitta Verlag. Merci de ne pas reproduire, quel qu'en soit le motif, sans l'autorisation de l'éditeur.
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