La maintenance parodontale et implantaire - JPIO n° 4 du 01/11/1998
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 4 du 01/11/1998

 

Modèle clinique

Claire FRANCHI  

Neuilly-sur-Seine

Résumé

La maintenance n'est pas la fin du traitement parodontal et implantaire mais bien sa continuation. Aussi active que les autres phases du traitement, elle obéit également à des principes rigoureux, aussi bien quant au choix de la fréquence des rendez-vous, que du déroulement d'une séance ou de l'abord psychologique du patient.

Summary

Supportive care is not the end of the periodontal and implant treatment but is part of its continuation. It is as active as others phases of the treament, and obeys strict rules for the choice of the appointment frequency, the implementation of the treatment plan as well as for the psychological approach of the patient.

Key words

Periodontal supportive care

La maintenance parodontale est également appelée thérapeutique parodontale de soutien par les anglo-saxons depuis le consensus de l'American Academy of Periodontology en 1989.

Son objectif est de maintenir ou de rétablir l'équilibre entre les facteurs pathogènes, et la résistance de l'hôte, de telle sorte qu'aucun processus pathologique ne soit initié.

Baehni et Tessier (1993) définissent trois types de maintenance. La maintenance primaire permet au parodonte sain de le rester. La maintenance secondaire s'intéresse aux parodontes ayant subi au moins un épisode de perte d'attache. Elle débute dès la fin de la phase du traitement ayant permis le retour à la santé parodontale et se prolonge toute la vie du patient (fig. 1a, 1b, 1c et 1d). La maintenance palliative concerne tous les autres cas, non redevables des thérapeutiques conventionnelles pour des raisons d'ordre général (fig. 2) ou locales, telles que l'impossibilité de maîtriser suffisamment l'accumulation bactérienne pour permettre une thérapeutique chirurgicale efficace.

Coopération du patient

C'est sur cet écueil que s'achève bien souvent prématurément la thérapeutique de maintenance (Nabers et coll., 1988). Les causes d'échec sont de deux types. Le patient peut tout d'abord ne plus venir à ses rendez-vous de contrôle. Si l'on n'arrive pas à aborder le traitement avec la notion de plaisir, la lassitude a un jour raison de la bonne volonté du patient. Ainsi il est toujours bon de lui rappeler sa joie quand, à la fin de la phase de la préparation initiale, il a redécouvert ses gencives " resserrées ", une mastication confortable et une bonne haleine. Brandir le spectre de l'édentement est une arme à double tranchant, qui peut activer l'énergie de certains mais aussi inhiber celle du plus grand nombre qui refusera de s'identifier à cette vision inacceptable socialement.

Dans le deuxième cas de figure, le patient vient docilement à ses rendez-vous, mais avec une grande quantité de bactéries " récidivistes ". Là encore, seule une approche positive peut débloquer la situation. Toute allusion à la propreté est à bannir. En effet, quand une maîtresse d'école gronde un élève parce qu'il a les mains sales, le réflexe de ce dernier n'est pas d'aller les laver mais de les cacher derrière son dos. Le mécanisme est identique dans notre domaine, où le patient est également placé en situation d'infériorité. En revanche, sa coopération sera entière si nous analysons avec lui les causes de l'échec, objectivement mis en évidence. Il suffit pour cela de lui montrer l'aspect de la gencive d'une dent dépourvue de bactérie, puis d'une dent envahie par la plaque bactérienne. En fait, sans même chercher à influer sur la motivation aux mécanismes très complexes, la solution sera bien souvent trouvée dans la simple analyse des gestes du patient lors du brossage. Une première erreur couramment rencontrée est l'utilisation des brossettes et des bâtonnets interdentaires bouche ouverte. Il est alors impossible de ne pas tordre ou casser le matériel, ce qui, compte tenu de son coût, aboutit inévitablement à l'abandon. De même, c'est parce que la plupart des patients gardent la bouche largement ouverte, ou à l'opposé les masséters contractés, que les faces vestibulaires des molaires maxillaires restent inaccessibles à la brosse à dents. Il faut également attirer l'attention du patient sur la contraction réflexe des muscles du menton lors du brossage de la face vestibulaire des incisives mandibulaires. La difficulté est contournée en tenant la lèvre inférieure de l'autre main (fig. 3 et 3b). Enfin, une autre erreur très banale consiste à utiliser la brosse à dents obliquement, voire verticalement, sur les faces palatines et linguales. Seuls les quelques poils situés à l'extrémité de la tête de la brosse atteignent gencive et dents, rendant le geste inefficace. L'intérêt des brosses à dents électriques modernes ne doit pas être ignoré. Celles-ci rendent de grands services aux patients maladroits ou tout simplement fatigués.

Déroulement d'une séance de maintenance

Elle comporte une phase d'évaluation de la santé parodontale, suivie d'une phase thérapeutique.

Phase d'évaluation (tableau I)

La sonde parodontale permet le relevé, dans le même temps, de la quantité de plaque bactérienne, de la tendance au saignement et des variations des niveaux d'attache par rapport à la séance précédente. Une mobilité dentaire augmentée signifie soit une reprise de l'inflammation du parodonte profond, soit la progression d'une alvéolyse, mise en évidence par la radiographie. Les radiographies ne sont utilisées qu'en fin d'examen clinique, pour contrôler un secteur à risque de récidive ou pour suivre une cicatrisation (fig. 4a et 4b). Si la parodontite est jugée évolutive, un test bactérien est indiqué, en suivant le protocole défini par Slots en 1996 (tableau II). La synthèse des différents paramètres donne l'attitude à adopter. S'il s'agit d'une inflammation marginale, cela peut simplement signifier que l'intervalle de temps entre deux séances doit être légèrement réduit. Une aide supplémentaire est fréquemment apportée par le patient qui indique exactement depuis combien de jours il ressent à nouveau des agacements gingivaux diffus. Un deuxième contrôle effectué quinze jours plus tard confirme soit la disparition de l'inflammation, soit la nécessité d'intercepter une récidive de la maladie parodontale.

Phase thérapeutique tableau III

Elle varie en fonction du type de maintenance. La maintenance primaire débute toujours par l'incontournable enseignement des techniques d'élimination de la plaque bactérienne qui doit être bref, percutant et personnalisé, suivi par un détartrage, puisqu'il n'y a pas perte d'attache. Un surfaçage radiculaire est réalisé à chaque séance de maintenance secondaire, associé à un contrôle des brossettes interdentaires, tant au niveau de leur taille que de leur utilisation (fig. 5a et 5b). L'entretien professionnel des prothèses implanto-portées ne diffère que par une instrumentation spécifique en plastique (fig. 6), l'instrumentation sonique ou ultrasonique altérant l'état de surface du titane (Dmytryk et coll., 1990). Enfin, lors de la maintenance parodontale palliative, outre les surfaçages radiculaires, l'utilisation d'antiseptiques à base de chlorhexidine ou d'antibiotiques soit par voie locale, soit par voie générale après prélèvement bactérien, rend de grands services.

Choix de la périodicité des visites de contrôle

Il s'établit sur la base de deux articles clés de la maintenance parodontale. Nyman et coll. en 1975 observent qu'une maintenance semestrielle ne protège pas du risque de perte d'attache, contrairement à une maintenance trimestrielle (Ramfjord et coll., 1982). Ceci doit être modulé en fonction de nombreux paramètres (tableau IV), réexaminés à chaque séance. Parmi ceux-ci, le tabagisme joue un rôle important dans la survenue des parodontites réfractaires (Preber, 1998), de même que le stress (Loos et coll., 1998) et nécessitent une maintenance rapprochée. La possibilité actuelle de déterminer la prédisposition génétique de chaque individu à la maladie parodontale constitue un moyen supplémentaire de proposer une thérapeutique de maintenance adaptée (Pihlstrom et Michalowicz, 1998). Le schéma directeur du tableau V peut servir de base de réflexion, en fonction des trois types de maintenance, pour déterminer la périodicité la plus adaptée possible (Westfelt et coll., 1983 ; Winkler et Robertson, 1992).

Qui maintient quoi ?

Ni le praticien traitant, ni le parodontiste ne peuvent assumer seuls l'ensemble de la maintenance dentaire, parodontale et implantaire pour tous les patients. La répartition suivante est proposée :

Le praticien traitant assure le suivi parodontal des cas de :

- gingivite associée à la plaque bactérienne ;

-parodontite de l'adulte sans atteinte des furcations ;

- parodontite de l'adulte avec atteinte des furcations, en alternance avec le spécialiste.

Bien entendu, dans tous les cas, la maintenance de la denture lui incombe. Le parodontiste assure le suivi parodontal des cas :

- des autres gingivites ;

- des parodontites de l'adulte avec atteinte des furcations, en alternance avec le praticien traitant ;

- de la parodontite à progression rapide ;

- de la parodontite juvénile ;

- de la parodontite réfractaire.

La lassitude, inhérente à tout traitement au long cours, peut venir aussi bien du patient que de nous-mêmes. Elle est la première cause d'échec de nos traitements parodontaux. Le seul rempart est le respect dû au patient et au traitement, qui se doit d'être immuable.

Demande de tirés à part

Claire FRANCHI, 43, rue de Chartres, 92200 NEUILLY-SUR-SEINE - FRANCE

BIBLIOGRAPHIE

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