MODÈLE CLINIQUE
Robert AZZI * Daniel ETIENNE ** Pierre FENECH ***
*Département de Parodontologie,
Faculté de Chirurgie dentaire,
Université Denis-Diderot,
Paris-VII, Paris, France
Différentes techniques chirurgicales ont été proposées pour augmenter la hauteur de muqueuse kératinisée autour des implants. Les deux cas présentés nous permettent de décrire une approche chirurgicale originale réalisée au stade II, dont l'objectif est triple :
- augmenter la hauteur de muqueuse kératinisée et l'épaisseur des tissus mous en vestibulaire des implants ;
- corriger un déficit tissulaire au niveau d'une zone édentée ;
- optimiser la création de papilles entre les prothèses implanto-portées.
A number of surgical procedures have been proposed to increase the width of the attached mucosa around implants. Two cases are presented to illustrate a new technique and describe a surgical procedure at stage II surgery which has three objectives :
- to augment the width of keratinized mucosa and thicken the existing soft tissues on the buccal aspect of the implants ;
- to correct edentulous ridge deficiencies ;
- to optimize papillae creation between implant-supported-restorations.
Le succès obtenu en implantologie ces quinze dernières années pour traiter l'édentement total ou unitaire a révolutionné notre pratique en chirurgie dentaire. L'ostéointégration ne suffit plus et il faut que les implants soient placés de façon optimale et permettent fonction, phonétique et beauté. Nos patients sont plus exigeants et souhaitent une prothèse implanto-portée aussi esthétique que les dents naturelles. L'essence de l'esthétique n'est pas donnée par le type d'implant, le pilier, la céramique utilisée mais par le profil d'émergence des tissus mous péri-implantaires. L'aménagement de ces tissus est aussi d'importance pour le devenir de l'implant et de la prothèse implanto-portée.
Pour Myasato , et Hashimoto et al. (1997) une hauteur adéquate de gencive attachée autour des dents ou d'implants ostéointégrés ne semble pas nécessaire pour maintenir un bon état de santé. Cependant, l'intégrité des tissus péri-implantaires autour de la partie crestale des implants est autant indispensable au succès et à la longévité des implants que l'est la relation de l'os alvéolaire autour des implants. Berghlunde trouvent que la muqueuse péri-implantaire chez le chien, latérale à l'épithélium de jonction, contient plus de collagène et moins de fibroblastes (aspect cicatriciel) que la gencive correspondante autour des dents. Wennstrom étudiant l'incidence d'une insuffisance de muqueuse masticatrice autour d'implants ostéointégrés, constatent que le contrôle de plaque peut être efficace autour des implants et que la mobilité de la gencive marginale ne serait pas un inconvénient, mais ils considèrent que les tissus péri-implantaires sont plus vulnérables à l'accumulation de plaque (extension apicale de la lésion inflammatoire) que les tissus parodontaux. Pour Block et Kent (1990), la quantité de hauteur de tissu kératinisé autour des implants n'a aucune influence sur la quantité d'inflammation présente. En revanche Meffert (1988) et Schroeder (1987) pensent qu'en l'absence de muqueuse kératinisée, il y a plus de péri-implantites (mucosites). Un implant placé dans la muqueuse alvéolaire présente plus souvent une rupture de la jonction épithéliale et favorise des réactions inflammatoires. Une zone de gencive attachée serait aussi nécessaireÊ pour le confort du patient et la résistance aux traumatismes mécaniques au cours de l'hygiène quotidienne. Kraut Rapley et Ouhayoun (1991) proposent d'augmenter la hauteur de gencive kératinisée autour des implants en présence de muqueuse péri-implantaire mobile et/ou d'un contrôle de plaque difficile. En 1995, Warrer et al. montrèrent lors d'une expérience sur des singes qu'une accumulation de plaque bactérienne entraîne une atteinte plus importante des tissus péri-implantaires autour des implants sans muqueuse kératinisée.
La barrière contre l'inflammation autour des implants est favorisée par une muqueuse attachée kératinisée. Le stade II chirurgical est un moment opportun pour obtenir cet aménagement tissulaire et pour épaissir ces tissus qui seront ensuite guidés pour former des papilles entre les prothèses implanto-portées.
Différentes techniques chirurgicales ont été proposées pour augmenter la hauteur de muqueuse attachée autour des implants : greffes gingivales pour Ouhayoun (1991) et variantes pour Hertel et Han lambeaux apicalisés pour Han (1996), lambeau palatin positionné coronairement pour Tinti et Parma-Benfenati (1995), tunnellisation pour Azzi .
De la muqueuse kératinisée peut être déplacée de palatin en vestibulaire des implants de façon sûre et prévisible.
Après l'anesthésie de la zone à opérer, est réalisée la chirurgie suivante.
La première incision est déportée de 2 à 3 mm du côté palatin par rapport à l'émergence des implants. Cette incision est perpendiculaire à la muqueuse dans un premier temps puis se poursuit en vestibulaire et en palatin en demi-épaisseur (fig. 1).
Deux incisions verticales d'épaisseur totale délimitant la largeur du lambeau et la longueur du tissu conjonctif (désirées) partent de la crête vers le palais (fig. 2).
Deux lambeaux d'épaisseur partielle sont reclinés vers le palais et en vestibulaire (fig. 2). L'épaisseur de ces lambeaux est au minimum de 1 mm pour éviter une nécrose.
En apical du lambeau palatin, une incision horizontale est faite à travers le tissu conjonctif jusqu'à l'os, joignant les deux incisions verticales de décharge (fig. 2).
Un pédicule de tissu conjonctif est soulevé lors de cette quatrième incision de palatin en vestibulaire (fig. 3).
Ce pédicule de tissu conjonctif est roulé de palatin en vestibulaire entre le lambeau vestibulaire et l'os. Les lambeaux sont ramenés à leur position initiale et suturés autour des piliers de cicatrisation (fig. 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18 et 19).
Des points de matelassier horizontaux sont utilisés en mésial et en distal de chaque implant. Une fermeture parfaite et sans hiatus est obtenue. Les sutures ramènent les lambeaux vestibulaire et palatin ensemble et remplissent l'espace entre les implants, donnant ainsi naissance à la future papille qui sera guidée par la prothèse implanto-portée. Un festonnage des tissus kératinisés pour une meilleure coaptation des tissus mous entre les implants peut parfois être nécessaire. Aucun pansement chirurgical n'est utilisé (fig. 4).
Le patient fait deux bains de bouche par jour (solution à 0,12 % de chlorhexidine) et s'abstient de fumer pendant les quinze jours suivant la chirurgie. C'est une cicatrisation par première intention qui est obtenue et les points de suture sont retirés 7 jours après.
La recherche clinique montre la nécessité de créer une zone adéquate de gencive attachée avant de placer une limite cervicale d'une prothèse dans le sulcus et recommande une augmentation de gencive avant la pose d'une prothèse sur dent naturelle ou implanto-portée.
Pour Schroeder (1987), plus de muqueuse kératinisée, c'est plus de fibres collagène et moins de fibres élastiques dans la lamina propria, ce qui donne aux tissus plus de rigidité et un meilleur amortissement des forces. Ericsson et Lindhe considèrent que c'est un facteur important contre l'irritation mécanique et contre la vulnérabilité des tissus péri-implantaires aux lésions induites par la plaque bactérienne.
La technique chirurgicale décrite est fiable, facile à utiliser au stade II et présente l'avantage de n'intéresser qu'un site chirurgical, le site donneur étant adjacent au site receveur.
Des zones étendues et importantes présentant des problèmes muco-gingivaux peuvent être traitées lors d'une seule séance. Cette forme de lambeau favorise une meilleure vascularisation, une meilleure coaptation des lambeaux et donc une meilleure cicatrisation.
La technique chirurgicale proposée est une modification de la technique du rouleau d'Abrams (1980) et des variantes proposées par Sharf et Tarnow (1992), et Azzi mais avec l'avantage d'obtenir une parfaite fermeture de la plaie. Les douleurs et les complications post-opératoires sont limitées.
Le glissement du lambeau palatin en vestibulaire augmente la hauteur de muqueuse attachée et l'enroulement du pédicule conjonctif palatin sous le lambeau vestibulaire augmente la quantité de tissu collagénique. La dissection du lambeau vestibulaire en demi-épaisseur sur 4 à 5 mm permet de glisser le pédicule conjonctif palatin en vestibulaire et surtout d'obtenir une adaptation parfaite des lambeaux vestibulaire et palatin autour du collet des piliers de cicatrisation sans aucun hiatus. L'augmentation de la quantité de tissu déplacé en vestibulaire, obtenue en particulier au niveau interimplantaire, et la technique de sutures utilisée permettent de tracter ce tissu dans la zone interimplantaire. La prothèse implanto-portée va ensuite guider ces tissus et former les papilles interimplantaires.
Demande de tirés à part
Robert AZZI, Département de Parodontologie, Service d'odontologie Hôtel Dieu-Garancière, Université Denis-Diderot, Paris-VII, 75007 PARIS - FRANCE.