Actinobacillus actinomycetemcomitans and porphyromonas gingivalis in periodontal disease - JPIO n° 1 du 01/02/2000
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 1 du 01/02/2000

 

Vient de paraître

Bruno Barbieri  

Nous savons, bien sûr, que certaines bactéries sont directement liées aux maladies parodontales. Nous savons que l'Actinobacillus actinomycetemcomitans et le Porphyromonas gingivalis, parmi d'autres, sont, peut-être, responsables de certaines formes agressives de ces maladies. Certains, même, établissent leurs thérapeutiques en fonction de la présence ou de l'absence de ces bactéries. L'accès aux tests bactériologiques, dans une pratique quotidienne, permet...


Nous savons, bien sûr, que certaines bactéries sont directement liées aux maladies parodontales. Nous savons que l'Actinobacillus actinomycetemcomitans et le Porphyromonas gingivalis, parmi d'autres, sont, peut-être, responsables de certaines formes agressives de ces maladies. Certains, même, établissent leurs thérapeutiques en fonction de la présence ou de l'absence de ces bactéries. L'accès aux tests bactériologiques, dans une pratique quotidienne, permet d'améliorer le diagnostic et le traitement. Et voilà que 360 pages, pas moins, sont consacrées uniquement à ces deux bactéries dans le dernier numéro de Periodontology 2000.

Certains esprits chagrins argumenteront que l'application clinique de ces données n'est pas évidente. Y a-t-il une telle inadéquation entre la recherche fondamentale et la clinique ? Quelle est l'importance de la taxonomie bactérienne, de la connaissance des facteurs de virulence et de la réponse immunitaire, vis-à-vis de ces bactéries, pour le clinicien ?

La mise en évidence de plus en plus précise des caractéristiques biochimiques et génétiques propres à une bactérie permet plus facilement de déterminer sa présence. Réalisée d'abord par des méthodes sérologiques ou fondée sur l'aspect des colonies, la génétique a pris désormais une place plus importante pour affiner le diagnostic au laboratoire et confirmer la véritable identité des bactéries. A titre d'exemple, rappelons que l'on s'est aperçu récemment que parmi ce que l'on appelait Prevotella intermedia se trouvait aussi des Prevotella nigrescens, auparavant recensés au même titre dans toutes les études des années 1980. Or, ce sont bien deux bactéries distinctes, bien que proches, et l'on peut s'interroger sur l'importance clinique de Prevotella nigrescens. De même, c'est grâce aux progrès des méthodes de taxonomie que le Bacteroides gingivalis, comme nous l'appelions il y a quelques années, est « devenu » Porphyromonas.

Les divers facteurs de virulence des bactéries parodonto-pathogènes sont également très intéressants à apprécier, puisque ce sont ces facteurs, lorsqu'ils s'expriment, qui vont initier la maladie. Les facteurs de virulence ne sont pas seulement impliqués directement dans la destruction tissulaire, mais aussi dans la colonisation, l'agrégation et autres phases de l'infection. La liste des facteurs de virulence de ces deux bactéries est impressionnante (100 pages leur sont entièrement consacrées) et justifie l'intérêt clinique que nous devons leur porter. La question reste posée cependant de savoir si, mis en évidence in vitro, ils s'expriment tous in vivo de la même façon et dans quelles conditions écologiques ? On peut penser que, dans l'avenir, la détermination clinique de leur expression permettra des thérapeutiques dirigées plus précisément vers des sites réellement à risque.

Ces bactéries vont, bien sûr, entraîner une réponse de l'hôte. Celle-ci a aussi des effets délétères sur les tissus parodontaux. Le recrutement des cellules immunitaires, leurs mécanismes d'action et ses effets, la variabilité de cette réponse, dans le temps et dans l'espace, la présence de nombreuses bactéries au sein des poches parodontales sont autant d'éléments qui rendent difficile l'interprétation clinique, pour l'instant, des découvertes scientifiques.

Il n'en va pas de même avec les tests microbiologiques d'identification d'Actinobacillus actinomycetemcomitans et de Porphyromonas gingivalis. Leur utilisation est désormais relativement classique et est réalisée régulièrement dans les cabinets. Les quatre types de test à notre disposition (cultures, test d'immunodiagnostic, sonde DNA ou RNA et PCR), chacun avec ses avantages et ses inconvénients, apportent une aide précieuse au clinicien.

D'importance et d'utilité clinique immédiate, également, est le chapitre sur la fréquence de la présence de ces bactéries dans les maladies parodontales (oui, ce sont bien des bactéries majeures dans l'étiopathogénie de la maladie, avec des variations dues à l'environnement) et sur le traitement que l'on doit leur appliquer. De nombreuses études montrent qu'il est impossible d'éradiquer le A.a. par simple thérapeutique mécanique et c'est une association métronidazole-amoxycilline complémentaire qui en viendra à bout. La présence de P.g. demandera souvent une thérapeutique chirurgicale et une antibiothérapie.

Il est également prouvé que ces bactéries se transmettent d'un individu à l'autre - de façon verticale pour le A.a. (de la mère à l'enfant) et horizontale pour le P.g. (entre époux). Il a été mis en évidence des différences entre ces deux bactéries en termes de colonisation, de prévalence et donc peut-être de traitement. Là encore, l'intérêt clinique est évident et directement applicable.

Et que dire, à l'heure où la parodontologie se tourne vers la médecine (et inversement), des différentes manifestations extra-buccales de ces deux bactéries. Abcès du cerveau, infection cardiaque, pulmonaire, ophtalmique, etc. (la liste est longue et angoissante) méritent toute notre attention, notamment chez les sujets fragilisés particulièrement à risque.

Enfin, le but du traitement parodontal sera de rétablir une flore compatible avec la santé d'un point de vue écologique. Ceci implique la connaissance des interactions bactériennes et des communautés qui s'établissent dans un équilibre persistant au sein des plaques supra et sous-gingivales. Ici résident peut-être les bases de la parodontologie de demain, plus respectueuse des conditions écologiques bactériennes.

C'est donc bien sur ces bases scientifiques que se dessinent les thérapeutiques parodontales du XXIe siècle. La lecture de cet ouvrage (qui est en plus une mine bibliographique) est donc vivement conseillée à tout clinicien. Pour bien combattre les bactéries, il faut d'abord bien les connaître ! Merci à Jorgen Slots et aux nombreux coauteurs de ce numéro d'y avoir contribué.

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