Simplifier la restauration implantaire : exemple clinique - JPIO n° 1 du 01/02/2001
 

Journal de Parodontologie & d'Implantologie Orale n° 1 du 01/02/2001

 

MODÈLE CLINIQUE

Réda BENKIRAN *   Jean-Jacques BENSAHEL **  


*Université d'odontologie de Montpellier, France
**Université d'odontologie de Nice, France

Résumé

Une technique simple de restauration implantaire est décrite à l'aide d'un cas clinique. Deux incisives mandibulaires étant absentes, un implant est placé dans la structure osseuse de l'espace édenté et sa position est enregistrée à l'aide d'une clé d'indexation lors de cette même phase chirurgicale. Une période d'ostéointégration de 4 mois est observée, durant laquelle la prothèse définitive transvissée est réalisée. Celle-ci sera mise en place le jour où l'implant ostéointégré sera découvert. Ainsi, seules 2 séances principales auront suffi au traitement complet de ce secteur édenté.

Summary

This clinical report describes a simplified system for implant and prosthetic rehabilitation. Only two major patient visits were required for the replacement of two missing lower incisors. The implant position was recorded with a resin positional index during phase 1 surgery. This implant underwent a 4 months osseointegration period, during which time the final ceramo-metallic prosthetic reconstruction was fabricated. This was screwed in place during the phase 2 surgery.

Key words

Dental implant, prosthodontic reconstruction, surgical positional index, laboratory procedure, immediate final prosthesis

Introduction

La restauration d'une édentation par une prothèse supra-implantaire impose plusieurs étapes successives. Celles-ci rendent ce traitement long et engendrent des désagréments plus ou moins bien acceptés par le patient. La tendance actuelle montre une simplification du protocole opératoire. Dans ce cadre, nous proposons de décrire le traitement d'une situation clinique simple en réduisant son protocole à deux séances principales : la mise en place de l'implant dans un premier temps et l'installation de la prothèse définitive le jour du stade 2.

Présentation de la situation clinique

M. Philippe T., 70 ans, présente une absence de l'incisive centrale mandibulaire droite (dent n° 41) et une large résorption externe de l'incisive latérale mandibulaire droite (dent n° 42) provoquées par un traumatisme ayant eu lieu 2 ans plus tôt (fig. 1). Son état parodontal montre une perte osseuse physiologique horizontale générale de 20 %, sans pathologie particulière.

La 42 est extraite et un bridge provisoire collé est immédiatement mis en place. La solution prothétique conjointe conventionnelle est écartée car elle toucherait tout le bloc incisivo-canin. Malgré l'indication posée d'un bridge définitif collé, le patient nous oriente vers une solution implantaire à la condition que le traitement soit aussi simple que possible. La perte tissulaire importante engendre un pronostic esthétique défavorable ; cependant, le patient refuse toute technique de reconstruction osseuse ou gingivale, au risque d'obtenir une forme prothétique disgracieuse comme le montre le bridge provisoire collé (fig. 2).

A l'examen clinique et radiologique, l'espace interdentaire, de 9,5 mm de large, est insuffisant pour la mise en place de 2 fixtures en remplacement des 2 incisives absentes (Balshi et Wolfinger, 1997). Les images tomographiques issues d'un examen Scanora montrent un volume osseux important et compatible avec la mise en place d'un seul implant de grande longueur. Dans un souci de simplification optimale, le plan de traitement proposé est la pose d'un implant dans un premier temps (stade 1) suivi de la mise en place de la prothèse définitive le jour où l'implant est découvert (stade 2).

Stade 1 : implantation

Un lambeau de pleine épaisseur est récliné et le tissu de granulation est totalement éliminé. Il en résulte une importante vacuité osseuse avec une perte de corticale vestibulaire supracrestale (fig. 3).

Le plan de traitement proposé n'est envisageable qu'à la condition que l'implant soit parfaitement stable lors de sa mise en place (Lazzara, 1989 ; Ericsson et al., 2000) ; en effet, la durée d'ostéointégration sera limitée à la seule période de mise en nourrice, cet implant étant mis en charge le jour où il sera découvert.

Un implant MkII (Nobel Biocare) de 3,75 mm de diamètre et de 18 mm de longueur a pu être placé. La stabilité primaire obtenue est excellente grâce à un ancrage osseux sur 12 mm de profondeur et à une densité osseuse favorable.

Procédure d'indexation

Avant de procéder au comblement de la vacuité osseuse péri-implantaire, la position de l'implant est enregistrée à l'aide d'une clé d'indexation en résine (Reiser et al., 1992) dont les caractéristiques sont les suivantes :

- elle doit absolument être réalisée sur le maître modèle définitif. Elle doit être stable et son repositionnement doit se faire sans équivoque. Tout autre modèle de travail en plâtre engendrerait une incertitude quant à son repositionnement exact ;

- son dessin doit permettre un libre passage du transfert d'implant. Une large ouverture est préférable afin d'éviter de modifier la clé pendant la phase stérile (fig. 4 et 5) ;

- elle fait fonction de guide chirurgical afin de situer l'axe d'émergence de la vis de fixation de la future prothèse au niveau de sa face linguale (5).

A l'aide d'un pinceau stérile, la résine est apposée par couches et polymérisée successivement. En effet, afin d'éviter une distorsion de l'indexation due à une rétraction de la résine lors de sa polymérisation, il est nécessaire que la dernière couche de résine (celle permettant le contact avec le transfert) soit aussi fine que possible. Après polymérisation de cette première jonction, de la résine peut être à nouveau apposée afin de consolider cet enregistrement.

Le transfert est ensuite détaché de l'implant. La région chirurgicale est soigneusement rincée au sérum physiologique. La gestion osseuse péri-implantaire peut alors débuter sans risque de contaminer le site osseux à combler.

Comblement osseux

L'implant a été positionné à 2 mm en dessous du niveau de la corticale osseuse linguale (fig. 3) afin d'obtenir un profil d'émergence adéquat. Une vis de cicatrisation de 2 mm de hauteur est mise en place immédiatement et présente plusieurs avantages (fig. 6) :

- elle conserve un couloir tissulaire sous-gingival permettant un accès aisé à l'implant lorsqu'il sera ultérieurement découvert ;

- elle maintient le lambeau de pleine épaisseur à distance du site à combler et favorise une meilleure intégration osseuse de ce comblement ;

- sa forme évasée engendre une stabilisation supplémentaire de l'implant grâce à son contact avec la corticale osseuse linguale.

La vacuité osseuse est comblée à l'aide de Perioglass® (fig. 7) (Zamet et al., 1997). Dans cette situation clinique, l'indication d'une membrane n'a pas été posée. En effet, la cavité intraosseuse, après la mise en place de l'implant, est de volume réduit et peut également être globalement considérée comme une cavité à 4 parois (fig. 6 et 7) (Becker et al., 1994). Des sutures matelassées horizontales permettent d'obtenir un affrontement conjonctif entre les deux berges et de favoriser ainsi une cicatrisation de première intention ainsi que la protection de l'hétérogreffe. Le bridge collé provisoire est à nouveau installé. Le collage est réalisé sur des surfaces amélaires non préparées et non mordancées, afin de faciliter son décollement lors de la découverte implantaire.

Fabrication prothétique

Au laboratoire, le maître modèle est préparé afin de recevoir l'analogue d'implant :

- un couloir est créé dans l'axe implantaire ;

- l'analogue d'implant est positionné sur le transfert d'implant ;

- la clé d'indexation est repositionnée sur le modèle préparé. Aucun contact ne doit exister entre la réplique de l'implant et les berges en plâtre (fig. 8) ;

- cet analogue est alors fixé au modèle à l'aide de plâtre de classe IV ;

- il faut minimiser l'altération de la forme gingivale de l'espace édenté lors de la préparation de ce maître modèle. Ainsi, la hauteur gingivale pourra être mieux estimée durant la phase de fabrication prothétique. Néanmoins, l'incertitude réside au niveau gingival après la découverte de l'implant. Afin de contourner ce problème, une prothèse de type UCLA transvissée sera fabriquée et l'émergence gingivale sera en céramique de teinte gingivale. Ainsi, la transition entre le milieu intrasulculaire et la surface supra-gingivale se fera le plus discrètement possible (fig. 9) ;

- enfin, il faudra absolument conserver une embrasure en mésial et en distal de cette émergence gingivale afin que la maintenance de cette prothèse soit la plus aisée possible. Ces espaces, créés pour favoriser l'hygiène, se situent en dessous du niveau gingival marginal voisin et pourront nuire au résultat esthétique final (fig. 10). Dans ce cas particulier, la position de la lèvre inférieure du patient, recouvrant en permanence ce site disgracieux, est un facteur favorable (fig. 11).

Stade 2 : mise en place de la prothèse

Quatre mois après le stade 1 chirurgical, le patient est anesthésié et le bridge collé est désinséré (fig. 12). Une incision supracrestale et intrasulculaire est pratiquée, sans incision de décharge. La vis de cicatrisation est éliminée et permet un accès aisé à la tête de l'implant. L'examen clinique et le sondage du comblement montrent un indice de dureté similaire à la structure osseuse voisine et confirment ainsi le succès de ce comblement (Mattout et al., 1995). La prothèse transvissée est installée (fig. 13) et une radiographie rétroalvéolaire est prise pour confirmer son bon positionnement sur la tête hexagonale de l'implant (fig. 14). Avant de suturer le lambeau, l'occlusion est vérifiée et ajustée si nécessaire. Dans ce cas, une fonction de groupe antérieure est préconisée (Isidori et al., 1998) afin de minimiser les contraintes occlusales sur la prothèse implantaire.

Un polissage de la céramique, hors de la cavité buccale, s'impose en cas de retouche occlusale. En effet, le site chirurgical encore ouvert ne doit pas être pollué par des poussières issues des fraises à polir.

La vis de prothèse est serrée à 32 Ncm à l'aide d'une clé dynamométrique. Les lambeaux sont enfin suturés à l'aide de 2 points séparés de part et d'autre de la prothèse, puis un fil dentaire est utilisé afin de vérifier que les points de contact interproximaux ainsi que les embrasures gingivales sont compatibles avec une bonne maintenance de l'hygiène. L'accès lingual à la vis de démontage de la prothèse (fig. 15) est obturé temporairement à l'aide d'un ciment de type Cavit®. Celui-ci sera remplacé par une obturation au composite 10 jours plus tard, après vérification du couple de serrage de la vis.

Conclusion

Deux étapes principales ont été suffisantes pour restaurer cet espace édenté. Le résultat esthétique (fig. 16), jugé satisfaisant par le patient, est néanmoins limité par la perte tissulaire initiale préexistante. L'inconvénient majeur de cette approche est la faible précision d'enregistrement de la procédure d'indexation. L'indication de cette technique doit donc être réservée à des restaurations de faible étendue afin que l'enregistrement peropératoire de la position de l'implant soit fiable. Enfin, le résultat esthétique final, aléatoire du fait de la faible manipulation des tissus mous péri-implantaires, ne doit pas être la motivation primordiale du patient.

Demande de tirés à part

Réda BENKIRAN, 42-44, rue des Serbes, 06400 CANNES - FRANCE. Fax : 04 93 39 54 41.

BIBLIOGRAPHIE

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