Le sourire : démarche esthétique à propos d'un cas clinique - Cahiers de Prothèse n° 101 du 01/03/1998
 

Les cahiers de prothèse n° 101 du 01/03/1998

 

Prothèse fixée

Jean-Christophe Paris *   Michèle Guindoz **   Denis Lucci ***   Marie-Hélène Makarian ****   Pierre Soubayroux *****   André-Jean Faucher ******  


* DCD
Post graduate esthétique NYU
** DCD
*** DCD, Attaché hospitalier
au Centre Gaston-Berger, Marseille
**** DCD
***** DCD, Ancien assistant.
****** MCU, PH,
responsable Duore
Laboratoire Serge Peyron
Faculté d'odontologie de Marseille
27, boulevard Jean-Moulin -
13385 Marseille Cedex 5

Une restauration esthétique réclame une décision thérapeutique difficile à détacher de la propre subjectivité du praticien. Pourtant ce type de reconstitution ne saurait se satisfaire de l'empirisme et de l'intuition pour répondre à des règles rigides et bien précises. La même démarche que pour tout traitement impose une observation clinique, un diagnostic et une décision. La complicité du patient conditionnée à sa confiance est un paramètre indispensable.

Résumé

Cette présentation clinique nous montre l'importance d'une méthode établie et rigoureuse tant dans le diagnostic, le plan de traitement que dans la réalisation clinique d'un traitement esthétique. Le naturel, la beauté, l'harmonie et le respect de l'intégralité sont la finalité d'un traitement et ne sauraient être laissés uniquement au hasard, à l'intuition ou à l'empirisme du praticien. Différentes techniques cosmétiques sont détaillées et doivent être au service de nos patients pour leur garantir un résultat esthétique satisfaisant.

Summary

Importance of the smile's dominance : about a case of esthetical rehabilitation in the anterior part

This clinical case demonstrates how important a rigorous and set methodology is with regard to the diagnosis as much to the treatment plan and the carrying-out of an esthetic treatment. A study of the face, smile and dental composition results in the development of an esthetic diagnosis which helps us to lay down an esthetical treatment plan. The esthetical project allows us to make this esthetical projection concrete without preparing the teeth in order to obtain the patient's approval as well as to verify its validity. Various cosmetic techniques are detailed and have to provide our patients with a satisfying esthetical result. A natural effect, beauty, harmony and respect of the integrity are the end-result of a treatment and cannot be left to chance or to the practitioner's intuition or empiricism.

Key words

aesthetics, adhesion, bleaching, bonded porcelain, veneers

Les reconstitutions en céramique pure collées offrent réellement une seconde chance aux dents, aux patients et aux praticiens. L'amélioration de l'esthétique, l'illusion du naturel, l'économie biologique, la fiabilité de ce type de traitement et l'absence de métal provoquent un grand enthousiasme pour traiter nos patients.

Présentation du cas clinique

Une jeune femme de 24 ans, étudiante en architecture, se présente à la consultation esthétique avec un sévère problème. Son sourire dévoile des dents usées et fortement colorées. Elle nous fait part de son désir de retrouver un sourire en harmonie avec son âge, consciente de l'importance de celui-ci dans sa vie affective et professionnelle.

L'interrogatoire rappelle un traitement orthodontique antérieur, indirectement responsable de déminéralisations et de caries traitées par des résines composites.

Étude esthétique et fonctionnelle

Afin de déterminer un objectif esthétique pour cette jeune patiente, une étude du visage, du sourire et de la composition dentaire est effectuée à l'aide :

- de modèles montés sur articulateur ;

- d'un bilan radiographique complet ;

- de photographies de face, de profil et du sourire.

Étude du visage

L'étude du visage est importante, car elle nous permet d'évaluer le rôle et la place que tient le sourire au sein d'une composition faciale [1-8]. Cette étude est réalisée de face, puis de profil.

De face

Les trois étages du visage sont de même valeur et l'harmonie générale des formes est faite de courbes pleines qui s'équilibrent. Il existe néanmoins un décalage visuel entre le sourire et le regard, en raison d'une composition dentaire fortement colorée et usée et, par conséquent, en retrait (fig. 1).

De profil

L'étude de la ligne « E » de Rickets montre un profil concave, dû plus à l'existence d'un menton proéminent qu'à la position des lèvres. Il est important d'avoir toujours à l'esprit que l'on doit perçevoir les choses au milieu de leur environnement visuel direct et que leur isolement est impossible. On ne peut donc parler de la position des lèvres qu'en rapport avec celles du nez et du menton. Les courbes et les contre-courbes de ce profil sont pleines et équilibrées ; la lèvre supérieure semble atonique malgré son épaisseur (fig. 2).

Étude du sourire

L'examen de face (fig. 3) nous montre un sourire inversé, c'est-à-dire une courbe du plan occlusal frontal esthétique linéaire et à convexité supérieure au niveau des incisives (usure et orthodontie bidimensionnelle) [9-11]. La ligne du sourire est moyenne, c'est-à-dire que seules les parties coronaires des dents et des papilles interdentaires sont visibles lors du sourire [12].

On peut noter une épaisseur des lèvres moyenne - ce qui aura une importance dans le choix de la prépondérance visuelle des incisives centrales -, une arcade maxillaire asymétrique par rapport au plan médian et un manque de soutien de la lèvre supérieure par le tiers gingival des incisives centrales (lèvre supérieure atonique). Enfin, le décalage entre âge dentaire et âge réel est flagrant et prive ce visage d'un sourire généreux [13, 14].

Étude dentaire et gingivale

L'étude de la composition dentaire de cette patiente (fig. 4) nous révèle un milieu interincisif vertical et aligné sur le plan médian. Les incisives centrales ont une emprise visuelle faible et leur ration largeur/longueur (l/L) avoisine les 93 %, témoin de dents très carrées [15]. Les formes sont vieillies par l'usure et accusent un manque de féminité [16], l'ensemble présente plusieurs teintes foncées, mais l'alignement axial est régulier. Les faces proximales et les points de contact sont désordonnés à cause de soins peu anatomiques, de petites lésions carieuses ou de légères malpositions.

L'aspect gingival ne révèle pas de pathologie particulière si ce n'est une collerette gingivale de 21 aplatie accentuant un peu plus le caractère carré de cette dent. Les embrasures gingivales intactes préservent les papilles interdentaires. Il est à noter que 13 et 23 ne présentent que 1 mm de gencive kératinisée et, lors du sondage parodontal, la sonde reste visible à travers les tissus. Ce signe de gencive fine nous amène à privilégier des techniques de restaurations collées et supragingivales.

Étude fonctionnelle

L'étude de la fonction nous apporte les renseignements suivants : l'usure dentaire prononcée est le résultat d'un bruxisme ancien et contrôlé. Toutefois, la patiente est consciente du risque de récidive et de la nécessité de contrôles réguliers. Cette usure a limité la guidance antérieure et les protections latérales, sans les faire disparaître.

Étude endodontique

L'image de l'incisive centrale supérieure droite [17] sur un cliché radiographique montre une bonne densité d'obturation canalaire confirmée cliniquement par un sondage.

Diagnostic

En résumé, cette jeune femme présente un sourire récessif, c'est-à-dire visuellement en retrait par rapport au regard et un sourire inversé, c'est-à-dire un plan occlusal à concavité inversée, rompant le parallélisme horizontal des lignes. Des dents antérieures trop courtes et trop foncées sont responsables d'un décalage entre l'âge dentaire et l'âge réel. L'examen clinique ne révèle aucun problème d'ordre parodontal, endodontique ou articulaire.

Objectif du traitement esthétique

Ce recueil d'informations permet de dégager les grandes lignes du traitement : accroître la puissance du sourire, donc sa dominance, ceci en augmentant la prépondérance des incisives centrales et avec une composition dentaire tendant vers plus de féminité et de jeunesse. Les contours gingivaux seront harmonisés par une plastie de la collerette de 21 et la teinte de l'ensemble des dents maxillaires et mandibulaires sera éclaircie.

D'un point de vue prothétique, seule la 11 sera recouverte d'une reconstitution corono-périphérique en céramique pure de type Empress® ; 13, 12, 21, 22, 23 seront, du fait de leur vitalité, restaurées par des facettes céramique collées de type Empress® (Ivoclar). Ce matériau permet la réalisation de coiffes, facettes, inlays et onlays [18].

Plan de traitement

Le montage des modèles sur articulateur et un wax-up fonctionnel et esthétique nous renseignent sur les possibilités de modifications anatomiques dans le respect des principes occlusaux.

Éclaircissement

Le traitement proprement dit commence par l'éclaircissement de la teinte des dents, phase clinique qui ne doit jamais être standardisée puisque nous disposons d'une gamme étendue de produits fiables et biologiquement sûrs, adaptés aux différentes anomalies de teinte [19].

Étant donné l'atteinte chromatique sévère due à des dyschromies intrinsèques d'origine structurale (caries, fêlures), l'éclaircissement débute au fauteuil, à l'aide d'un peroxyde d'hydrogène à 35 %, Starbrite® (Pred). Cette étape doit respecter les mesures de protection habituelles déterminées par les concentrations du produit éclaircissant, en l'occurrence la mise en place d'une digue liquide (Dental Dam® de Denmat). Il n'est pas entrepris de blanchiment individuel de la 11 non vitale, car la descente chromatique se déroule de manière régulière entre toutes les dents.

À la suite de cette séance, l'éclaircissement ambulatoire à l'aide de gouttières peut commencer et se prolonge deux semaines (Opalescence® d'Ultradent). Une fois le résultat souhaité atteint, une période de stabilisation chromatique de deux semaines est respectée avant d'entreprendre les préparations des facettes.

Obturation de la cavité d'accès sur 11

Il est évident que l'on doit éviter, chaque fois que les conditions cliniques le permettent, l'utilisation de métaux dans les zones antérieures, responsables du blocage de la transmission lumineuse. L'introduction des inlays-core céramo-métalliques a permis de reconstituer des dents fortement délabrées et de les réhabiliter par des couronnes collées, en évitant les colorations grisâtres, mais n'a pas résolu le problème chromatique au niveau des racines, et ce plus particulièrement lorsque la gencive kératinisée est fine. Ces considérations nous poussent à préférer une reconstitution collée en raison de la faible épaisseur vestibulo-palatine.

Pour des raisons de variations volumétriques et de difficultés à maîtriser la photopolymérisation en profondeur, notre choix s'oriente vers un composite autopolymérisant (Bisfil-2B® de Bisco), puis un composite macrochargé, dual, (Biscore® de Bisco) en surface.

Plastie gingivale de 21

Afin d'harmoniser les contours gingivaux et de rééquilibrer la forme de cette dent par une diminution de son ratio l/L, il est pratiqué une petite plastie par gingivectomie simple. La temporisation est de huit semaines.

Le projet esthétique

Le projet esthétique (fig. 5) réalisé en résine [17] est la prévisualisation concrète et grandeur nature de notre désir esthétique, la projection du traitement et ceci avant même que les dents ne soient irrémédiablement préparées. Cette étape capitale du traitement est réalisée sur la base du wax-up esthétique et fonctionnel à partir duquel est élaborée une gouttière en silicone transparent (Memosil® de Heraeus-Kulzer) afin de pouvoir photopolymériser la réalisation en résine (Provipont® d'Ivoclar).

Les dents sont isolées avec de la glycérine et la gouttière, remplie de résine sur la moitié des dents intéressées (13, 12, 11), est insérée ; la photopolymérisation débute ensuite. Après désinsertion de la gouttière et appréciation du résultat, la résine peut être retouchée jusqu'à obtenir l'effet recherché. A ce stade, une partie des intentions esthétiques prennent vie et sont testées tant au repos que pendant le sourire, la phonation (tests phonétiques « F », « V », « I », « S » [20, 21] ou la fonction. Des photos permettront une étude plus poussée.

L'étude de la composition dentaire (fig. 5) montre que le désir de restaurer ce sourire par une composition plus jeune, plus féminine, aux incisives centrales plus dominantes était fondé tant d'un point de vue esthétique que fonctionnel. Le fait de redonner la jeunesse aux canines par la restitution de leur pointe permet de libérer les fonctions, de rallonger les incisives et de recréer des embrasures incisales et une courbure harmonieuse du plan occlusal frontal.

Le projet esthétique concrétise non seulement le raisonnement (ou l'intuition) esthétique du praticien, mais donne aussi au patient la possibilité de manifester son approbation ou ses réticences avant que le traitement n'aille plus avant [22].

Les préparations

Les préparations (fig. 6, 7 et 8) de type corono-périphérique sur 11 et de type facette sur 13, 12, 21, 22, 23 obéissent aux impératifs dictés par le matériau céramique collé : pas de rétentions mécaniques, pas de biseaux que la céramique ne saurait reproduire, pas d'angles vifs, source de fractures et de lignes de finition de type congé arrondi [23, 24].

Préparation corono-périphérique de la 11

La céramique Empress® demande une profondeur de réduction de :

- 1 mm en cervical ;

- 1,5 mm en vestibulaire ;

- 2 mm en incisal/occlusal ;

- 1,5 mm en palatin [25].

Afin de préserver une gencive particulièrement fragile chez cette patiente et de ne pas léser la gencive marginale, un cordon rétracteur est glissé dans le sulcus (Ultrapak 6000® d'Ultradent). La préparation débute par la face vestibulaire au niveau cervical à la fraise boule (Komet® 6801-018), puis se poursuit par une réduction proximale à la fraise cylindro-conique (Komet® 6850-014).

Afin de réaliser une préparation homothétique de la face vestibulaire respectant l'anatomie naturelle, les rainures de préparation sont verticales et respectent les trois angulations : cervicale, centrale et incisale (Komet® 6856-018 et 023). La réduction du bord libre doit être de 2 mm mais, dans ce cas clinique, le fait d'augmenter la hauteur coronaire nous autorise à limiter la réduction à 1 mm (Komet® 6856-018 et 023). On procède ensuite à une atténuation des rainures de préparation (Komet® 6856-018 et 023).

La préparation se poursuit au niveau de la face palatine par une réduction cervicale à la fraise boule (Komet® 6801-018) qui dessine le congé large. La partie gingivale se prépare à l'aide d'une fraise cylindro-conique à bout arrondi (Komet® 6856-018 et 023). La partie cingulaire est diminuée en respectant les impératifs occlusaux (occlusion centrée et latéralités) (Komet® 8899-027). Les faces vestibulaire et palatine sont réunies par les préparations proximales (Komet® 6850-014, puis Komet® 6856-018) et l'ensemble de la préparation est adouci et poli (Komet® 8856-018).

Préparation des facettes

Les préparations de type facette imposent :

- une réduction vestibulaire de 0,6 mm ;

- une réduction du bord libre de 2 mm.

Après la mise en place du cordon rétracteur, la préparation (fig. 6) commence par une réduction cervicale (Komet® 6801-014) puis, toujours à l'aide de la même fraise boule, une réduction vestibulaire avec des sillons de préparation horizontaux qui permettront, grâce à un bon appui de son mandrin sur la surface dentaire, de contrôler la profondeur de pénétration. La suppression des reliefs se fait à l'aide d'une fraise cylindro-conique à bout arrondi (Komet® 6856-018).

La préparation se poursuit par la face palatine avec ses impératifs occlusaux (ligne de finition à distance, 1 mm, des points d'occlusion) et d'épaisseur (0,6 mm) :

- sillon de réduction palatine horizontal : fraise boule (Komet® 6801-014) ;

- réduction palatine incisale (Komet® 6856-018).

Les préparations vestibulaire et palatine supérieures se rejoignent par deux gorges proximales qui permettront un repositionnement précis de la facette et l'introduction d'une stabilisation.

Il est important à ce stade de vérifier que la préparation englobe la partie proximale pour éviter la vision désagréable de la jonction facette-dent. Le passage du point de contact impose la mise en place d'une restauration transitoire destinée à éviter toute dérive latérale des dents. Dans le cas de la 21, il est décidé de ne pas conserver le composite mésial et d'étendre la préparation en mésio-proximal, la jonction palatine se faisant par une ligne oblique à distance des points d'occlusion.

La préparation est terminée par un adoucissement des zones angulaires et un polissage (Komet® 8856-018). Les autres facettes (13, 12, 22, 23) (fig. 7) sont préparées de la même manière dans la même séance ; la figure 8 montre les trois inclinaisons de la préparation qui permettront au céramiste de réaliser une facette au volume naturel.

Empreinte

Les fils de rétraction étant déjà en place sur les dents, il suffit simplement de glisser un second fil autour de la préparation corono-périphérique, qui sera retiré juste avant l'empreinte (President® Regular et Putty soft de Coltène). La séance clinique est complétée par une empreinte de l'antagoniste à l'alginate, le positionnement d'un arc facial et l'enregistrement du rapport d'occlusion (Cire Moyco® de Union Broach).

Restaurations transitoires

La prothèse transitoire en résine photopolymérisable (Provipont® d'Ivoclar) est obtenue à partir du wax-up initial ou modifiée après l'étape du projet esthétique. Elle est scellée avec du ciment composite Variolink sans aucune préparation des surfaces, mais après une décontamination préalable (Concepsis® d'Ultradent) [17].

Essayage préalable des restaurations avant glaçage

Après avoir vérifié unitairement les éléments, ils seront fixés avec du Memosil® afin de tester la fonction (délicatement), l'esthétique et la phonétique. Cette étape doit être supportée par une étude photographique qui permettra une évaluation plus pensée de l'organisation et du rendu esthétique.

L'ensemble des vues (fig. 9, 10, 11 et 12) révèle :

- une teinte trop soutenue au niveau cervical ;

- un plan esthétique à harmoniser au niveau de 12 ;

- un milieu interincisif à stabiliser visuellement ;

- des proportions agréables ;

- des formes trop anguleuses et trop masculines.

Ces photos nous renseignent aussi sur la nécessité :

- d'adoucir les lignes de transition et la silhouette verticale des canines ;

- d'ouvrir les embrasures incisales ;

- d'arrondir les angles distaux ;

- de modifier les bords libres trop linéaires ;

- de positionner les pointes canines mésialement et de leur rendre un aspect plus jeune [26] ;

- de travailler sur les courbes et les contre-courbes ;

- de respecter les trois angulations vestibulaires naturelles ;

- de respecter une anatomie plus trilobée [27].

Le soutien de la lèvre apparaît satisfaisant.

Collage

Un second essayage est réalisé pour contrôler une dernière fois les améliorations apportées. Si toutes les conditions sont réunies, on procédera à une mise en place à l'aide de pâtes d'essayage (Variolink® Try-in de Vivadent) hydrosolubles et de différentes teintes : brun, universel, clair, clair opaque. A ces quatre teintes correspondent les quatre teintes du composite de collage Variolink. La teinte claire est retenue pour le collage. A la suite de cette étape, le collage proprement dit peut commencer [28-30].

Collage de la reconstitution corono-périphérique sur 11

• Conditionnement de la couronne (les éléments sont préalablement sablés au laboratoire) :

- dégraissage et décontamination : cette première étape consiste en un nettoyage des éléments céramique contaminés par l'essayage : mélange chloroforme + essence de géranium ;

- mordançage de l'intrados (60 secondes) : la préparation des surfaces céramiques est destinée à favoriser l'action du silane. Elle est rendue effective grâce à l'utilisation d'acide phosphorique à 37 % : Email Preparator GS® de Vivadent ;

- silanisation (60 secondes) : la silanisation est un traitement de surface de la céramique qui permet d'augmenter la puissance de collage (Monobond-S® de Vivadent) [31]. Son application dure 60 secondes sans rinçage suivi d'un séchage ;

- application de l'adhésif (Syntac S-C®) : elle se fait à l'aide d'un pinceau. Il est ensuite nécessaire d'éliminer les excès méticuleusement car cette couche est, dans un second temps, photopolymérisée et toute épaisseur excessive empêcherait le repositionnement sur la préparation.

• Conditionnement de la dent

- Nettoyage-décontamination : cette première étape permet une élimination bactérienne de la surface dentaire (Tubulicid®) ;

- mordançage (15 secondes) : c'est le traitement de surface de l'émail qui permet l'ancrage micromécanique de l'agent de collage. Il est réalisé à l'aide d'acide phosphorique à 37 % (Email Preparator GS® de Vivadent) ;

- rinçage : il est abondant pour éliminer complètement le gel d'acide (spray : 30 secondes) ;

- séchage : le séchage est doux pour éviter de dessécher la dentine et et ainsi empêcher l'effondrement des fibres collagènes, ce qui nuirait à la formation de la couche hybride. Il faudra réhydrater si nécessaire les zones dentinaires pour obtenir ce collage en milieu humide ;

- première application de l'adhésif, Syntac S-C® (Vivadent) : cet adhésif amélo-dentinaire permet la formation de la couche hybride reliant le substrat dentinaire au composite de collage. L'application se fait en couche fine en prenant garde d'éliminer les excès avant de photopolymériser une première fois pendant 20 secondes ;

- deuxième application : cette seconde couche s'applique durant une seconde, puis les excès sont soufflés, avant de photopolymériser à nouveau pendant 20 secondes.

• Phase de collage - Mise en place du composite

- Mise en place du composite de collage, Variolink® (Vivadent) : il est déposé, après la spatulation, dans l'intrados de la céramique sur la couche de Syntac déjà polymérisée. Il est préférable de réaliser cette opération à l'abri de la lumière du scialytique ;

- élimination des excès : pour éviter une grande perte de temps, l'élimination des excès débute avant la photopolymérisation à l'aide d'un pinceau et de fil de soie ;

- photopolymérisation : elle accélère le processus de polymérisation de ce composite de collage dual et se réalise si possible avec deux lampes pendant 40 secondes par face.

• Élimination des excès, finition, polissage

- Élimination des excès : pour conserver un état de surface idéal, nous nous interdisons d'entreprendre la finition à l'aide de fraises quelle que soit leur granulométrie. Pour éliminer les plus gros excès, un instrument à détartrer de petite taille est idéal ; une lame de bistouri n° 12 modifiée permettra de parfaire cette étape (fig. 13).

- finition, polissage :

a/ la finition interproximale est toujours réalisée sous le point de contact grâce à des strips abrasifs en double granulométrie (New Metal Strips®#1000 de GC) (fig. 14). La vérification de cette partie du collage se fait au fil de soie ;

b/ polissage de la face linguale : la seule face que l'on peut finir à la fraise, car d'accès facile, sera aisément polie et l'état de surface très proche de celui obtenu au laboratoire (Komet® 83790-021, meulette Politip® (Vivadent), meulette Enhance®, cupule + pâte diamantée).

• Collage des facettes

Les facettes seront collées individuellement après interposition de bandes de matrice fine (Matrix Strip® n° 2930 de Denmat), ceci pour éviter le collage des restaurations entre elles. Pour plus de commodités, on procédera à un collage alternatif qui permettra de résoudre de manière aisée le problème des points de contact.

Conclusion

L'étude et le traitement de ce cas clinique permettent de confirmer qu'une restauration esthétique du secteur antérieur est une entreprise qui obéit à des règles strictes pour aboutir à une solution satisfaisante. Un traitement esthétique nous impose une obligation de résultat ; l'empirisme et l'intuition seuls ne peuvent nous les garantir.

L'objectif fixé avant le début du traitement, à savoir le rétablissement de la dominance du sourire, semble avoir été atteint grâce à une méthodologie d'approche aussi bien qu'opératoire, seule garante du succès dans une telle démarche. Le mariage des différentes techniques cosmétiques, l'intégration naturelle et biologique de ce type de céramique sans métal, le tout au service d'une approche esthétique raisonnée nous permettent de traiter nos patients en partageant avec eux notre enthousiasme et notre désir d'excellence (fig. 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25 et 26).

Remerciements : les travaux céramiques ont été réalisés par Serge Peyron. Nous le remercions pour sa coopération.

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