Élément intermédiaire de bridge - Cahiers de Prothèse n° 102 du 01/06/1998
 

Les cahiers de prothèse n° 102 du 01/06/1998

 

Prothèse fixée

Jean-Louis Dorémieux *   Hervé Dorémieux **  


* Ingénieur diplômé -
Docteur en chirurgie dentaire

CES de parodontologie -
Lauréat de l'université de Nancy
13 ter, avenue du Château-d'Este -
Résidence des Hauts-de-Billère - 64140 Billère
** Docteur en chirurgie dentaire
Certificat de biologie buccale - Faculté de Bordeaux

Cher confrère, cher lecteur

Certains articles sont refusés par notre Conseil scientifique pour des motifs concernant le fond ou la forme. Les articles refusés sont retournés à leur auteur, rejetés souvent parce qu'ils ne sont que l'expression de convictions partisanes, ou de conceptions sans certitudes scientifiques. Nous ne pourrions leur apporter notre caution ni notre crédit en les publiant tels qu'ils sont proposés. Néanmoins...


Summary

Intermediate element of bridge: aesthetic quality and comfort

Intermediate elements of bridge can trigger some complaints: either in terms of aesthetic quality and comfort or in relation to the chosen morphology, but above all with regard to the tissues' falling down. Our meeting with Professor Seibert, who publishes in association with Professor Salama, has instiled a reflection which was initiated by Stein, Glickman, Garber, Rozenberg to the modern approach. This reflection led us to propose a simple and low-cost as well as almost painless technique. It consists in a little surgery on the day that the bridge is to be installed permanently in order to place an element of natural ovoid shape in its apical base. The advantage of this technique can be summed up as an aesthetic and comfortable prosthesis, i.e. an harmoniously-positioned neck, no food building-up to our patients' greastest satisfaction.

Key words

aesthetic quality, comfort, fragment of total thickness, intermediate element of bridge, ovoid shape

Cher confrère, cher lecteur

Certains articles sont refusés par notre Conseil scientifique pour des motifs concernant le fond ou la forme. Les articles refusés sont retournés à leur auteur, rejetés souvent parce qu'ils ne sont que l'expression de convictions partisanes, ou de conceptions sans certitudes scientifiques. Nous ne pourrions leur apporter notre caution ni notre crédit en les publiant tels qu'ils sont proposés. Néanmoins certains de ces travaux mériteraient d'être proposés à votre curiosité ou votre esprit critique. Certaines idées n'ont-elles pas le tort de venir trop tôt, en avance sur le temps ? Aussi quand un de ces articles nous semblera mériter votre attention, nous vous le proposerons en lecture. L'objectif poursuivi n'est pas de détruire mais d'éveiller.

La rédaction

NOTE CLINIQUE

Élément intermédiaire de bridge Esthétique et confort

Cet article présente un travail clinique qui exprime uniquement les convictions personnelles de deux praticiens, non étayées par une expérimentation scientifique rigoureuse.

Les travaux sur les intermédiaires de bridge ne datent pas d'hier et, malgré les diverses conceptions proposées, ils suscitent toujours des polémiques.

Les auteurs de cet article, fondant leur démarche sur leur expérience clinique, proposent une technique qui concilierait esthétique et maintien d'une bonne hygiène. Deux confrères, membres de notre comité scientifique, parmi ceux qui ont une expérience ou une opinion sur le sujet, ont cependant cru bon de réagir à la lecture de cet article. Nous vous proposons, après lecture de l'article, de prendre connaissance de leurs commentaires

Résumé

Les éléments intermédiaires de bridge peuvent induire des doléances : esthétique, confort, en raison de la morphologie adoptée, mais surtout de l'effondrement tissulaire. La rencontre du professeur Seibert nous a appris une technique séduisante, mais difficile à mettre en œuvre sur des patients aux revenus limités. Cette réflexion nous a amené à proposer une technique simple, peu onéreuse et pratiquement indolore, en pratiquant une petite chirurgie le jour de la pose du bridge définitif, dans le but de placer un élément à la forme naturelle, ovoïde à sa partie apicale. L'avantage de cette technique se résume ainsi : prothèse esthétique et confortable, c'est-à-dire collet harmonieusement placé, pas d'accumulations alimentaires, à la grande satisfaction des patients.

Le sujet de cet article est peu abordé dans la littérature [1-7], qu'il s'agisse de cas cliniques présentés ou encore de travaux réalisés dans nos laboratoires (fig. 1).

Tout en nous référant aux travaux des professeurs Glickman [8], Stein [9], Seibert et Salama [10, 11], à partir des travaux de Garber et Rozenberg [12] ainsi que de ceux du docteur Palacci [13], nous avons mis au point une technique originale et simple qui permet de passer de la situation site d'extraction avec effondrement osseux (fig. 2), à la situation reconstitution partielle du bombé vestibulaire (fig. 3). Celle-ci pourra être mise en œuvre dans tous les cas où le facteur confort a plus d'importance que le facteur esthétique ; par exemple, dans les secteurs latéraux postérieurs, l'esthétique, elle, primant aux niveaux antérieurs.

Cette nouvelle approche nous permet, en y ajoutant quelques variantes selon la situation clinique, d'apporter une solution satisfaisante à un moindre coût, tout en faisant gagner du temps.

Après quelques rappels, nous expliquons notre démarche d'omnipraticiens face à des patients qui, comme tous les consommateurs, souhaitent avoir le meilleur service au moindre coût. Nous présentons la technique au travers de deux cas cliniques pour en démontrer l'extrême simplicité, mais aussi la constance des résultats et la satisfaction des patients.

Rappels

Le professeur Irving Glickman [8] nous rappelle que l'intermédiaire de bridge doit répondre à un certain nombre d'exigences :

1. être esthétique ;

2. fournir des rapports occlusaux favorables aux dents piliers ainsi qu'aux antagonistes ;

3. rétablir l'efficacité de la fonction des dents remplacées ;

4. être conçu pour minimiser l'accumulation de la plaque dentaire et des débris alimentaires irritants ;

5. laisser un accès maximal pour autoriser une hygiène convenable ;

6. ménager des embrasures, toujours dans le but de faciliter l'hygiène. À la différence du professeur Glickman [8], qui considère que la forme de l'intermédiaire de bridge n'est importante que dans la mesure où elle permet au patient de maintenir cette zone propre, nous constatons comme les professeurs Seibert et Salama [10, 11], ainsi que Garber et Rozenberg [12], que, lorsqu'on se réfère à l'expérience clinique, les patients souhaitent à présent des éléments prothétiques qui imitent au mieux l'aspect naturel ;

7. donner l'impression que la dent sort de la gencive ;

8. prévenir l'accumulation alimentaire, source de gêne ;

9. respecter l'alignement des collets, ce qui facilite encore l'hygiène.

En d'autres termes, cette énumération conduit à une conception de prothèse esthétique et confortable.

Les professeurs Seibert et Salama [10, 11] ainsi que Garber et Rozenberg [12] ont adopté la forme ovoïde avec des étapes préalables :

- bridge provisoire ;

- greffe de tissus conjonctifs ;

- modification des intermédiaires de bridge auxquels on donne une forme ovoïde en ajoutant de la résine après préparation d'une alvéole creusée à la fraise boule dans le tissu conjonctif lorsque le degré de cicatrisation le permet ;

- le travail prothétique définitif.

La durée du traitement s'en trouve ainsi augmentée de plusieurs mois.

D'autres, comme Philippe Tardieu [14], proposaient déjà en 1985 des techniques différentes, en reconstruisant la crête à l'aide d'une grille, par exemple. Ces techniques sont longues et, par leur technicité, difficilement reproductibles par le plus grand nombre.

La clinique nous prouve que :

- l'hygiène des patients n'est pas constamment ce qu'elle devrait être ;

- la technique préconisée par le professeur Glickman ne vieillit pas très bien. Si les tissus se rétractent même légèrement, mais très rapidement, des aliments se coincent et entraînent un inconfort. Or, il n'est pas aisé de refaire une greffe de tissus conjonctifs à ce stade du traitement ;

- les alvéoles préconisées par les professeurs Seibert et Salama [10, 11] ainsi que Garber et Rozenberg [12] peuvent en très peu de temps se recombler. Nous avons l'exemple d'une patiente chez laquelle nous sommes intervenus 24 heures après le décollement d'un bridge de quatre éléments posé avec du ciment provisoire. La pose du bridge n'a été possible qu'en anesthésiant et en redéplaçant les tissus. Si le bridge provisoire se cassait ou le bridge définitif se décollait, ils ne seraient pas maintenus en place ; il faudrait réanesthésier, recreuser, et même encore au stade des empreintes, comment transmettre avec précision l'alvéole au laboratoire ? S'il faut anesthésier, recreuser, le coagulum va gêner, l'alvéole commencera à se reboucher pendant la préparation des piliers…

- le laboratoire aura du mal à reproduire fidèlement la forme de l'intermédiaire du bridge provisoire ;

- la majeure partie d'une patientèle d'omnipratique refuse les greffes de tissus conjonctifs quand ce n'est pas les bridges provisoires, par peur, peut-être, mais surtout faute de moyens ;

- il est toujours regrettable de se séparer de tissus qu'il n'est pas toujours facile de reconstituer.

Il fallait donc innover pour mettre en œuvre une solution simple et rapide, aux suites indolores et qui réponde aux attentes du plus grand nombre (fig. 4).

Considérations pratiques

Pour répondre aux exigences 1, 3, 4, 5, la forme ovoïde reprise par les professeurs Seibert et Salama [10, 11] semble la plus proche de notre solution. Nous la reprenons pour la partie apicale de l'élément intermédiaire : la forme ovoïde, base large, doit avoir les dimensions de la dent manquante à près de 3 à 4 mm sous la gencive (fig. 5). On passe ainsi d'une face triturante d'une taille proche de celle de la dent naturelle à un apex tronqué de forme ovoïde, dont la taille est également proche de celle de la dent naturelle. La forme ovoïde base large est retenue, car elle n'est ni irritante ni agressive. Elle autorise son nettoyage par le fil de soie et soutient les tissus.

Le prothésiste façonne l'élément intermédiaire comme une dent naturelle dont la racine aurait été raccourcie pour ne pénétrer que de 3 à 4 mm sous la gencive, la partie tronquée ayant une forme ovoïde. L'axe de cet élément doit être établi approximativement suivant la bissectrice de l'angle formé par les rebords osseux de la crête osseuse. Pour répondre aux exigences 6 et 7, il est absolument impératif que la partie apicale de l'élément intermédiaire soit enfouie dans la gencive. Toutes ces exigences nous ont fait abandonner la forme d'obus (fig.6) ainsi que la forme de selle modifiée ou même ce que l'on appelle un pont hygiénique (fig. 7) [2, 9, 15-21].

L'expérience clinique (hygiène trop souvent insuffisante, réactions tissulaires, rétraction volumétrique) montre que seule la céramique [17, 19] - parce qu'elle ne permet pas à la plaque dentaire de se fixer et se développer - peut être retenue comme matériau de surface de l'élément enfoui en contact avec la gencive.

Technique

Retenons le cas classique - défavorable sur le plan tissulaire - décrit par le professeur Glickman dans son livre, Parodontologie clinique ; dessinons l'os (voir fig. 54 du livre) [8]. Transformons le schéma pour donner à l'élément intermédiaire une forme ovoïde dans l'axe du plus grand volume osseux, respectant les critères de l'esthétique (exigence 9).

Il devient alors évident qu'il est possible, au moment de la pose du bridge préparé suivant ces critères, de tout faire en même temps (fig. 8). Pour cela, il suffit :

- d'anesthésier le patient localement ;

- de pratiquer une incision sur la crête (de toutes les façons, garder les papilles des dents piliers) ; cette incision doit être décalée du côté lingual pour avoir plus de tissus vers l'extérieur et n'avoir qu'à décoller a minima le lambeau buccal (fig. 9) ;

- de pratiquer deux incisions de décharge de chaque côté à un peu plus de 1 mm des dents piliers ;

- de décoller en épaisseur totale les tissus, juste ce qu'il faut pour que l'élément de bridge puisse passer (fig. 10) ;

- de réséquer si nécessaire (le résultat n'en sera que meilleur) le sommet de la crête osseuse avec une grosse fraise boule diamantée, du type Jota 0,33.

Le bridge doit pouvoir être placé sans contrainte sur les piliers, en écartant les lambeaux pour laisser passer l'élément intermédiaire, ce qui nécessite quelques ajustements lorsque l'on ne maîtrise pas très bien la technique. Les points de suture ne sont pas toujours indispensables. Tout dépend de la façon dont les tissus se plaquent sur la céramique. Si les papilles sont privilégiées, on peut séparer les lambeaux en deux et suturer pour que le surplus de gencive puisse reformer les papilles (fig. 11 et 12) comme entre deux intermédiaires de bridge ; dans le cas présenté, nous n'avons que comprimé les tissus avec une compresse pour qu'ils se plaquent sur la céramique. On peut même découper le lambeau comme cela a été décrit par le docteur Palacci [13] pour reconstituer les papilles autour des implants. C'est la clinique qui déterminera le choix. On laisse ensuite cicatriser. Plus on repousse les tissus, plus ils se placeront coronairement sur l'élément intermédiaire.

Il en est de même pour le volume de l'intermédiaire de bridge. Plus la largeur de cet élément au contact de la gencive sera proche de la largeur de la table occlusale, plus l'esthétique sera maintenue, sans porter atteinte au confort du patient, puisque les aliments ne pourront stagner et se coincer.

Laboratoire

Au niveau du laboratoire, l'armature métallique est préparée classiquement sans toucher au plâtre. Il suffit au prothésiste de façonner l'élément intermédiaire, partie métallique, dans l'axe indiqué par la crête. Les essayages ayant été effectués en bouche (fig. 13), le prothésiste peut alors creuser le plâtre selon le grand axe de la crête osseuse sur une profondeur de 3 à 4 mm (fig. 14).

La céramique peut être montée en visant à donner à l'élément intermédiaire la forme requise (ovoïde et base large) pour soutenir les tissus (fig. 5), comme le montre la figure 8. Ainsi, la partie enfouie est entièrement et obligatoirement en céramique ; tout dépend de la situation clinique, du niveau des collets, des dents voisines, de la perte de l'os, de l'épaisseur des tissus… (fig. 4). Pour éviter d'avoir à trop retoucher l'os, il est conseillé de procurer au laboratoire une radiographie qui fournira au prothésiste les données dont il a besoin, telle l'épaisseur des tissus.

Cas cliniques

Pour faciliter la compréhension de cette technique et apprécier la diversité des situations à traiter et rencontrées, nous présentons deux cas cliniques.

Premier cas

Monsieur K. : pour remplacer, mais surtout supprimer une prothèse amovible, nous proposons à ce patient un bridge de 24 à 27. Il accepte uniquement la céramique sur 24 et 25. Or, comme nous l'avons écrit, seuls les éléments couverts de céramique peuvent être enfouis. Ce ne sera donc pas le cas pour l'intermédiaire de bridge remplaçant 26.

Le jour de la pose du bridge, nous avons anesthésié le territoire correspondant à l'élément intermédiaire en céramique (25) afin de pouvoir pratiquer les incisions, récliner les tissus et placer le bridge. Dans ce cas, nous n'avons pas suturé. Les figures 15, 16 et 17 situent la cicatrisation à plusieurs semaines, avec formation d'une alvéole, chez un patient dont le niveau d'hygiène n'est pas idéal. Mais il est ravi.

Deuxième cas

Madame M. : des problèmes infectieux nous amènent à extraire la 15 ; la rétraction tissulaire est importante. Il n'est pas question de commencer par un comblement avec du tissu conjonctif (fig. 18), encore moins de faire une greffe d'os pour placer un implant. Par contre, la patiente accepte que l'on corrige la rotation de la 14, ce qui est obtenu en incorporant le système DO (qui consiste à placer un ressort ouvert comprimé dans un tube de forces extra-orales) [22, 23] dans la dent provisoire de la 16 (fig. 19). Il faut surtout compenser la perte tissulaire importante.

Le jour de la pose du bridge, nous pratiquons les incisions - comme cela est décrit dans les figures 9 et 10 - et le décollement des tissus pour essayer (fig. 19) et enfin poser le bridge. Dans le cas où la perte tissulaire est très importante, nous avons utilisé, en comblement et pour maintenir les tissus écartés, des granules d'os spongieux, enrobés dans des fibres de collagène (Bio-Oss Collagen, Laboratoire Pharmadent. Les résultats sont similaires avec le Biogran de chez Suissor). Les suites opératoires ont été nulles.

Le jour de la pose, dont les figures 20 et 21 illustrent le temps chirurgical (les incisions, le décollement des tissus), on essaie le bridge avant son scellement ; les figures 22 et 23 illustrent la qualité de l'alvéole à plus d'un an. Nous avons largement corrigé le défaut dû à l'extraction, évité un surplomb, les stases alimentaires ; le confort est total, l'esthétique est très convenable et la patiente est tout à fait satisfaite.

Discussion

Cette technique très simple lorsqu'il s'agit de faire des bridges de deux à trois éléments, mais se complique lorsque l'on réhabilite toute une arcade avec un bridge de grande portée avec plusieurs éléments intermédiaires, jusqu'à quatre ou cinq. En effet, il est alors nécessaire d'anesthésier plusieurs sites, d'utiliser le bistouri, le décolleur ; le sang gêne. Il faut être patient, mais quelle récompense, quand on revoit les patients quelque temps plus tard :

- ils ne se plaignent jamais ;

- ils n'ont pas eu mal ;

- il n'y a pas de tassements alimentaires ;

- l'esthétique est très satisfaisante (fig. 4), les habitués des bridges n'ont jamais connu cela.

En fait, la première difficulté se situe au niveau du laboratoire :

- les données qui lui sont transmises doivent être extrêmement précises ;

- l'armature qu'il réalise ne doit pas appuyer sur la gencive le jour de l'essayage ou des essayages successifs, pour ceux qui multiplient les étapes ;

- les éléments intermédiaires de bridges doivent être façonnés en respectant bien la bissectrice de l'angle formé par les parois de la crête osseuse (il peut s'avérer préférable que ce soit le praticien qui creuse les alvéoles dans le plâtre) ;

- la céramique doit être montée de manière à produire une forme ovoïde base large, pour que la dent puisse donner l'illusion de sortir de la gencive, avec un collet harmonieusement situé (fig. 23).

La seconde difficulté réside dans le fait que, si l'on n'est pas satisfait du travail, il faut poser le bridge provisoirement (même si l'on est satisfait, c'est préférable ; on se donne ainsi une marge de manœuvre, on peut contrôler, voire réintervenir) pendant deux à trois semaines. À ce stade, il est possible de le renvoyer au laboratoire pour effectuer les retouches en quelques heures ; sinon, il est obligatoire de faire un bridge provisoire ou de réintervenir pour que le bridge puisse être replacé (nous n'avons, à ce jour, pas été confrontés au problème).

Pour être le plus complet possible, nous devons préciser que les alvéoles dans le plâtre ne sont faites que lorsque les essayages sont terminés. Nous avons eu, en effet, une fracture de céramique en utilisant du Cérapall 2 au lieu de l'Actazeram lors du montage de la céramique à la cuisson. Le problème est très certainement lié à la différence des coefficients de dilatation des deux matériaux. La difficulté peut être surmontée en utilisant de la céramique à basse fusion pour recouvrir la partie alvéolaire des intermédiaires de bridge.

Pour terminer, il n'est pas inutile de rappeler que pour que l'esthétique soit optimale, il est souhaitable de respecter le nombre d'or (1,618) [24] comme rapport entre la largeur de la dent et sa hauteur. Pour que les tissus ne souffrent pas, ils ne doivent pas être comprimés.

En résumé, l'élément intermédiaire de bridge doit être, sur le plan volumétrique, le plus proche possible de l'élément naturel qu'il remplace. Il est donc souvent nécessaire de recréer des volumes par l'orthodontie, une orthodontie simple comme cela peut se faire avec le système DO [22, 23], grâce à un dispositif orthodontique incorporé dans une dent ou un bridge provisoire.

Conclusion

Cette technique nous a été inspirée par la présentation des travaux du professeur Seibert [11] lors d'une réunion scientifique. Nous avons pu en apprécier les résultats esthétiques, mais nous n'avons jamais pu complètement l'appliquer pour des raisons pratiques et matérielles. Nous sommes trop avares de tissus de qualité pour tailler et faire des alvéoles en les détruisant, même après une greffe de tissus conjonctifs.

Peut-on trouver mieux que la céramique pour soutenir des tissus sains kératinisés que l'on ne fait que déplacer latéralement ? Depuis, le docteur Palacci [13] a montré avec brio qu'il était préférable, en implantologie, d'utiliser ces tissus plutôt que de s'en séparer.

En peu de temps, on rend un immense service à nos patients :

- l'esthétique est convenable en fonction du volume de la perte tissulaire et de la qualité des tissus (il est possible d'effectuer des apports à ce stade) ;

- les aliments ne sont pas retenus et ce durablement ;

- cette petite chirurgie occasionne tout au plus de la gêne, pratiquement jamais de douleurs.

Enfin, fallait-il oser, alors osons.

Cet article a été écrit à la mémoire du Doyen Huguin qui a été le premier à nous expliquer l'importance de la parodontologie dans nos plans de traitement, ainsi qu'à la mémoire du professeur Seibert récemment disparu.

Bibliographie

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  • 2 Bryan AW. Some common defects in operative restorations contributing to the injury of the supporting structures. JADA 1927;14:1486.
  • 3 Harmon C.Pontic design. J Prosthet Dent 1958; 8:496-503.
  • 4 Masterson J. Fixed partial prosthesis, recent trends in the design of pontics and retainers. Dent Practi Dent Rec 1964;15:131-139.
  • 5 Perel M. A modified sanitary pontic. J Prosthet Dent 1972;28:589-592.
  • 6 Smith D, Potter H. The pontic in fixed bridge-work. Dent Digest 1937;43:16-20.
  • 7 Wing G. Pontic design and construction in fixed bridge work. Dent Pract 1962;12:390-394.
  • 8 Glickman I. Parodontologie clinique, dessinons l'os. Paris : éditions Julien Prélat, 1974:966-969.
  • 9 Stein RS, Glickman I. Prosthetic consideration essential for gingival health. Dent Clin North Amer 1960;March:177.
  • 10 Seibert JS, Salama H. Alveolar ridge preservation and reconstruction. Periodontology 2000 1996;vol. 11:69-84.
  • 11 Seibert JS. Actualités des thérapeutiques parodontales. Conférence avec le Centre de parodontologie d'Aquitaine, Bordeaux, 4 juin 1989.
  • 12 Garber DA, Rozenberg ES. The edentulous ridge in fixed prosthodonties. Compendium 1981; 24:212-224.
  • 13 Palacci P. Aménagement des tissus péri-implantaires ; intérêt de la régénération des papilles. Réalités Cliniques 1992;3(3):381-387.
  • 14 Tardieu P. Reconstruction contrôlée des crêtes déformées. Technique de la grille. J Parodontol Implantol Orale 1986;5(3):185-194.
  • 15 Cavazos E. Tissue response to fixed partial denture pontics. J Prosthet Dent 1968;20:143-153.
  • 16 Clayton J, Green E. Roughness of pontic materials and dental plaque. J Prosthet Dent 1970; 23:407-411.
  • 17 Gossenzadeh C. Étude clinique systématique sur l'état de la fibromuqueuse gingivale au niveau des éléments intermédiaires de pont [thèse n° 298], Genève : Univ. de Genève, 1972.
  • 18 Hirshgerg S. The relationship of oral hygiene to embrasure and pontic design : a preliminary study. J Prosthet Dent 1972;27:26-38.
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  • 20 Morris ML. Artificial contours and gingival health. J Prosthet Dent 1962;12:1146.
  • 21 Podshadley AG. Gingival response to pontics. J Prosthet Dent 1968;19:51.
  • 22 Dorémieux JL, Dorémieux H. Reconstitution des espaces proximaux perdus : le système DO. Inf Dent 1995;28:2163-2165.
  • 23 Dorémieux JL, Dorémieux H. Aménagement des espaces proximaux réduits : le système DO. Clinic 1996;17(6):317-323.
  • 24 Creusot C. Face cachée des nombres. Paris : éditions Devry, 1977.

Réflexions et commentaires de Patrick Renault

L'auteur préconise la mise en œuvre de cette technique dans les conditions où le facteur confort a plus d'importance que le facteur esthétique (secteurs latéraux), avec pour objectif de réduire la durée du traitement et le nombre de séances, pour un meilleur service au moindre coût. Il parle d'innover et d'oser. Or de nombreux travaux ont été réalisés sur les intermédiaires : depuis Tinker [1], en 1918, et son intermédiaire hygiénique (sanitary portic), jusqu'à Lang et Siegnist Guldener [2] en 1996.

Sans en refaire toute l'énumération, on peut citer :

- Reichenbach [3] qui, dès 1931, a montré, sous des intermédiaires intramuqueux, des phénomènes inflammatoires et une résorption osseuse ;

- Dewey et Zugsmith [4] qui, en 1933, ont montré une prolifération en profondeur du tissu épithélial autour des fausses racines et la présence d'un infiltrat inflammatoire avec tissu de granulation. Travaux confirmés par Hildebrand en 1937 ;

- Stein [5] qui, en 1955, au cours d'une étude clinique portant sur 500 intermédiaires, après observation pendant une dizaine d'années, a montré la présence d'une inflammation d'autant plus importante que le contact avec la crête était étendu ou compressif, avec un peu ou pas de couche kératinisée dont on connaît le rôle protecteur pour les tissus sous-jacents. Dans une autre expérimentation, il a démontré que des prothèses ne pouvaient pas empêcher les tissus de reprendre leurs dimensions initiales après excision chirurgicale, à moins d'avoir provoqué une déformation définitive de la crête. Il déconseille cet acte compte tenu de la perte osseuse importante qu'il entraîne. Il a également montré que l'absence d'hygiène sous les intermédiaires entraîne des lésions inflammatoires et que le passage d'un fil de soie dentaire sous ceux qui recouvrent la crête entraîne un accroissement des lésions ulcéreuses : le fil, en frottant la muqueuse, pousse en effet les débris dans les irrégularités de l'intrados de l'intermédiaire. Ce phénomène ne peut être qu'aggravé sous un intermédiaire intramuqueux. Il a enfin montré le rôle primordial de l'état de surface de l'intrados de l'intermédiaire, rejoignant là les conclusions de Phillips et Swarts [6], en 1957, et de Clayton et Green [7], en 1970, sur l'accumulation bactérienne sur les surfaces rugueuses. Une surface lisse, quel que soit le matériau, est aussi indispensable pour permettre un autonettoyage de la région que la forme de l'intermédiaire et son contact avec la crête comme l'a reconfirmé Lang [2] en 1996. L'intermédiaire de bridge intramuqueux n'a été décrit et normalement utilisé qu'au niveau antérieur avec ou sans aménagement de la crête. Très vite, une inflammation chronique de la paroi alvéolaire entraînant une alvéolyse importante fut remarquée. Ce type d'intermédiaire a donc été rapidement et définitivement abandonné au profit des supramuqueux (sanity pontic) et juxtamuqueux de type selle en T, selle modifiée selon Stein [5] ou de forme ovoïde. Toutes formes qui, lorsque l'indication en fonction de la situation clinique est bien posée et que les tissus environnants ont été éventuellement au préalable préparés, répondent parfaitement aux exigences esthétiques, fonctionnelles et de confort du patient.

Outre cette abondante littérature sur le sujet, le bon sens clinique nous incite à refuser cette technique et cette forme d'intermédiaire qui poussent à des compromis gênants. Comment tester la réponse tissulaire à cette forme d'intermédiaire alors qu'il est impossible de mettre en place un intermédiaire provisoire de la même forme ? Pour la même raison, comment tester l'occlusion ou encore la qualité de l'hygiène des patients ? Une hygiène insuffisante a des conséquences non seulement sur la crête mais également sur la santé du parodonte des dents piliers. D'autres désagréments, comme l'halitose ou des douleurs diffuses, peuvent apparaître. Le façonnage très empirique sur le modèle en plâtre de la fausse racine de l'intermédiaire peut, le jour de l'intervention, réserver quelques mauvaises surprises en relation avec un volume osseux réel plus réduit que celui imaginé.

L'impossibilité de réaliser un essayage préalable de la pièce prothétique supprime toute possibilité de contrôle de l'esthétique et des morphologies axiales et proximales, de la qualité du joint céramiquedent, de l'occlusion avant glaçage, des possibilités de nettoyage convenable par le patient. La part de responsabilité laissée au prothésiste en ce qui concerne toute l'élaboration de la céramique sans contrôle intermédiaire possible des exigences précitées est trop importante.

Tous ces compromis ou contraintes ne sont pas justifiés par le seul intérêt de cette technique, d'ordre économique, qui est de tout faire en une séance. Il faut se méfier d'un résultat à court terme qui peut être flatteur, l'inflammation allant croissant à moyen et long termes.

Le critère principal de succès à long terme d'un intermédiaire de bridge, et donc du bridge entier, est la possibilité laissée au patient d'éliminer totalement et sans difficulté la plaque bactérienne au niveau des embrasures et sur les intermédiaires, ce que ne peuvent permettre les intermédiaires intramuqueux.

Le désir d'innover doit tout de même tenir compte de certains principes de base et de données cliniques acquises et scientifiquement contrôlées.

Bibliographie

1 Tinker ET. Sanitary dummies. Dent Rev 1918; 32:401-408. 2 Lang NP, Siegrist Guldener BE. Couronnes et bridges. Atlas de médecine dentaire. Paris : Flammarion Médecine-Sciences, 1996. 3 Reichenbach E. Untersuchungen zur frage einer zweckmässigen gestaltung des brückenkörpers. Vschr Zahnmed 1931;11:125-138. 4 Dewey KW, Zugsmith R. An experimental study of tissue reactions about porcelain roots for fixed bridgework. J Dent Res 1933;13. 5 Stein RS. Pontic residual ridge relationship: a research report. J Prosthet Dent 1966;16:251-285. 6 Phillips RW, Swarts ML. Comparison of bacterial accumulations on rough and smooth enamel surfaces. J Periodont 1957;28. 7 Clayton JA, Green E. Roughness of pontles materials and dental plaque. J Prosthet Dent 1970;23: 407-411.

Patrick Renault
Chirurgien-dentiste,
maître de conférences à Paris-V,
praticien hospitalier des hôpitaux de Paris

44, rue Vital -75116 Paris

Réflexions et commentaires de Frédéric Morin

Quelle forme donner à l'intermédiaire de bridge pour concilier prophylaxie et esthétique ? Cette question est apparue dès que le souci du parodonte s'est imposé au praticien. La règle communément acceptée (« officielle ») est que la santé gingivale prime sur l'aspect ; c'est-à-dire que le compromis clinique doit s'effectuer au détriment de l'esthétique. Le nombre de techniques de remodelage de la crête édentée proposé pour améliorer les rapports de celle-ci avec l'élément prothétique montre que la règle ne satisfait pas forcément le clinicien. En pratique, la « doctrine » n'est pas toujours suivie et nombre d'intermédiaires ne sont pas « prophylactiques », afin de répondre aux souhaits esthétiques du patient.

L'auteur de cet article a le mérite de transgresser ce « tabou ». Mais la solution proposée (modeler les tissus gingivaux autour de l'intermédiaire de façon à « singer » l'environnement naturel) n'est pas nouvelle.

Déjà, dans les années 1970, Leibowitch proposait de réaliser une fausse racine (en céramique et de faible hauteur) au niveau des intermédiaires pour « habiter » l'alvéole correspondant à l'extraction réalisée au moment de la mise en place de la prothèse.

Plus près de nous, par exemple lors d'un congrès consacré à la céramique, l'un des conférenciers a proposé de façonner la gencive crestale à l'aide de la prothèse provisoire de façon que l'intermédiaire puisse bénéficier de ce « faux collet » gingival. Si cet article a l'avantage de soulever ce problème, on peut être plus réservé quant à la méthode. Certaines questions se posent :

- Comment le laboratoire détermine-t-il la « bissectrice de l'angle formé par les rebords osseux de la crête osseuse » ? Il semble difficile de déterminer celle-ci sur un modèle en plâtre. Cet axe est donc arbitraire.

- La longueur de l'intermédiaire est « à 3-4 mm sous la gencive ». Là aussi, le travail au laboratoire est aléatoire.

- L'essayage de l'armature métallique doit être difficile, voire impossible, compte tenu du support métallique nécessaire à la céramique au niveau de la fausse racine.

- Le modelage éventuel (et même préférable aux dires de l'auteur) de cette crête au moment de la mise en place du bridge n'est pas un geste inoffensif. Il s'agit bien là d'adapter l'anatomie osseuse à l'artifice prothétique ! Est-ce licite ?

- La phase chirurgicale au moment du scellement est certainement lourde dans le cas d'édentements multiples.

En conclusion, cet article pose à bon escient le problème quotidien de l'esthétique des intermédiaires de bridge. La technique proposée entraîne des interrogations quant à sa réalisation tant au laboratoire qu'en clinique. Enfin, pour être valide, cette proposition devrait être appréciée par une étude clinique à long terme analysant la pérennité des résultats esthétiques et l'incidence sur le parodonte. L'acceptation de cette démarche ne peut se contenter de « l'expérience clinique » de l'auteur.

Frédéric Morin
Maître de conférences
à l'université de Clermont-Ferrand-I

70, bd Saint-Michel - 75006 Paris

(1) 12e Symposium international de céramique - Paris, 1er et 2 octobre 1993.

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