Études de qualité de vie en implantologie - Cahiers de Prothèse n° 102 du 01/06/1998
 

Les cahiers de prothèse n° 102 du 01/06/1998

 

Implantologie

Patrice Zakoian *   Patrick Missika **  


* Diplôme universitaire
d'implantologie Paris-VII

251, avenue Lacassagne - 69003 Lyon
** Maître de conférences
des Universités

Directeur du diplôme universitaire d'implantologie
Paris-VII
12, rue des Pyramides - 75001 Paris

Résumé

Un traitement implantaire peut être un échec total aux yeux du patient, alors même que toutes les conditions cliniques du succès sont réunies. La prothèse est un échec si elle ne correspond pas aux attentes des patients. D'où l'intérêt de leur donner la parole pour savoir si la prothèse implantaire améliore la qualité de vie des individus, sur les plans fonctionnel, esthétique, psychologique et social. Chez l'édenté total, la motivation demeure essentiellement d'ordre fonctionnel. Chez l'édenté partiel, l'estime personnelle va déterminer un niveau d'attentes plus élevé et un niveau de satisfaction plus difficile à atteindre. L'approche des patients par le biais des données épidémiologiques permet de déboucher sur une implantologie holistique dans laquelle l'ostéointégration n'est pas seulement une ankylose bien établie, mais aussi une intégration plus subtile au tissu psycho-social de l'individu.

Summary

Implantology: studies of the quality of life

An implant treatment can be a total failure in the patient's eyes whereas all the clinical conditions of success are gathered. The prosthesis will be a failure if it does not correspond to the patient's expectations. Hence, the interest to let them speak to know whether the implant prosthesis improves the individuals'quality of life on the functional, aesthetic, psychological and social levels. For the edentulous, motivation is essentially a matter of function. For the partially-edentulous patient, self-esteem is going to determine a higher level of expectations and a level of satisfaction more difficult to reach. The patients'approach via epidemiological data allows to lead to holistic implantology in which the osteointegration is not a well-established ankylosis, but also a more subtle integration to the psycho-social fabric of the individual.

Key words

dental implantation, psychology

L'ostéointégration est un terme générique qui regroupe les différents critères d'intégration de l'implant dans les divers tissus et organes qu'il traverse ou côtoie à l'intérieur du système stomatognathique et pas seulement l'os. Ce concept s'élargit encore lorsqu'on parle d'intégration au tissu psycho-social.

La littérature ne foisonne pas en études épidémiologiques dans ce domaine précis alors qu'à l'heure actuelle, des études de qualité de vie sont faites dans d'autres spécialités pour mieux comprendre les patients. On s'est, en effet, jusqu'à présent plus focalisé sur la longévité des implants que sur les résultats esthétiques, fonctionnels et psycho-sociaux objectivés par les patients eux-mêmes.

Notre propos est de faire le point actuel de nos connaissances sur ce sujet à travers la littérature en fonction des différents degrés d'édentation et d'en déterminer les applications directes dans l'optique d'une meilleure approche des patients.

Études chez l'édenté total

L'école suédoise : bridge vissé type Brånemark

La première étude à s'intéresser à l'impact psychologique de l'édentation et à sa réhabilitation par des implants concerne les édentés totaux (cas clinique n° 1, fig. 1, 2, 3 et 4 ). Blomberg et Lindquist 1 en 1983 et Lindquist [2] en 1987, dans une étude prospective sur 26 patients édentés totaux, comparent les effets fonctionnels et psycho-sociaux d'un bridge ad modum Brånemark [3] par rapport à un groupe contrôle de 26 patients édentés totaux non traités dans un premier temps, les patients des deux groupes ayant été au préalable appareillés ou réappareillés de façon optimisée. Ils montrent en utilisant un questionnaire non standardisé qu'il y a une différence significative entre les deux groupes dans le sens d'une nette amélioration pour le groupe traité lorsqu'il s'agit d'un pilotis mandibulaire, le pilotis maxillaire n'en donnant pas quant à lui. Il faut noter toutefois que l'EPI (Eysenk's Personnality Inventory) ne varie pas de façon significative. Cet indice mesure le niveau d'extraversion et de mobilité émotionnelle. On peut regretter qu'il n'y ait pas eu de suivi du groupe témoin jusqu'au bout des six ans d'observation.

Dans le prolongement de cette étude, celle d'Albrektsson et al. [4] en 1987, rétrospective sur 152 patients porteurs d'une prothèse implanto-portée depuis 2 à 13 ans, confirme une amélioration de la santé mentale des patients dans 80 % des cas chez les femmes et 90 % chez les hommes.

Il est intéressant de constater que la seule différence significative à l'intérieur des groupes d'âge est observée au niveau de l'appréciation esthétique du bridge : les patients âgés de plus de 60 ans sont généralement satisfaits (87 à 94 %), les moins de 60 ans beaucoup moins (20 % des cas seulement). L'estime de soi, mesurée sur une échelle non standardisée, et la confiance en soi sont accrues (84 à 97 % des réponses positives).

La portée des probants résultats rapportés par l'école suédoise, confortés par Adell [5] en 1985, est à limiter à la lumière d'autres études.

La motivation fonctionnelle

Kiyak et al. [6], dans une étude prospective longitudinale sur 39 patients concernant les aspects psychologiques d'une prothèse ad modum Brånemark, établissent, malgré des résultats globalement analogues à ceux de Blomberg et Lindquist, que la principale motivation demeure fonctionnelle, l'apparence étant d'une importance moindre pour les patients dont l'image corporelle globale est généralement plus élevée que les patients entreprenant de la chirurgie orthognathique ou orthodontique. On note des résultats négatifs chez les patients névrosés pour souligner encore l'intérêt de les dépister précocement. Il n'y a pas de changement dans l'EPI. L'estime de soi, mesurée cette fois sur une échelle standardisée, ne varie pas, à l'opposé de l'école suédoise.

Toujours dans le sens de l'argumentation d'une motivation fonctionnelle, Akagawa et al. [7] testent, en 1988, 191 porteurs de prothèses complètes sur le rôle de l'insatisfaction dans la motivation à entreprendre un traitement implantaire. 50 % des patients sont mécontents de leur prothèse et souhaitent entreprendre un traitement implantaire pour améliorer la stabilité et le confort avec toutefois une méconnaissance totale des échecs possibles. Les attitudes négatives vis-à-vis des implants sont justement liées à la connaissance de leurs inconvénients :

- 42 patients craignent les échecs ;

- 55 redoutent la chirurgie et la douleur.

Le prix élevé est également souvent un obstacle.

Cette étude confirme donc, par ailleurs, la nécessité d'une information précise sur les risques et les bienfaits de ce traitement.

Gregono et al. [8], en 1989, comparent la prothèse implantaire à la prothèse amovible antécédente de 61 patients et obtiennent des résultats divergents par rapport à ceux de l'école suédoise. Les résultats fonctionnels demeurent constants, puisque 82 % des patients initialement motivés à 74 % par l'amélioration de leur capacité masticatoire n'ont plus de problèmes pour manger mis à part les problèmes de maintenance qui subsistent dans 57 % des cas et s'aggravent même dans 17 % des cas. Cependant :

- 54 % restent embarrassés ;

- 31 % considèrent toujours la prothèse comme un corps étranger ;

- 48 % évitent encore de sourire.

Sur le plan psycho-social, les résultats sont moins évidents que ceux obtenus par Blomberg et Lindquist.

Il est étonnant de constater dans cette étude que :

- 35 % des patients ne voient pas de changement ;

- 41 % sont moins satisfaits ;

- 41 % sont moins satisfaits ;

- 89 % cependant recommenceraient ;

- 97 % pensent finalement que les désagréments sont compensés par le résultat.

Ceci est probablement à mettre sur le compte de l'évolution du souvenir dans les études rétrospectives et peut-être du coût élevé qui rend les patients plus critiques avant que le résultat ne soit totalement acquis.

Dans le prolongement de cette idée, Clancy et al. [9], dans une étude rétrospective sur 157 patients traités par des bridges sur pilotis sur des implants Core-Vent (Dentsply Detrey) entre 1984 et 1988, montrent que la satisfaction, les attentes et l'absence d'inconfort corrèlent de façon significative. Cela signifie que :

- plus le patient est satisfait, plus le résultat est conforme aux attentes et moins il est ou a été sujet au sentiment d'inconfort ;

- ou, plus le résultat est conforme aux attentes, plus le patient est globalement satisfait et moins rétrospectivement la douleur et l'inconfort ont été grands.

Cette corrélation montre peut-être la limite des études rétrospectives et leur effet pervers sur le souvenir.

L'aspect financier du traitement, totalement éludé dans les études des Suédois, qui bénéficient d'un système de protection élevé, est mis en évidence dans l'étude de Hoogstraten et Lamers [10] en 1987 sur les édentés totaux, dans laquelle plus de la moitié des patients du groupe informé sur les implants, mais n'ayant pas voulu entreprendre le traitement, se sont abstenus pour des raisons économiques. Le groupe « traitement » était, quant à lui, significativement amélioré ; ce n'est plus une surprise.

Un troisième groupe, comportant des patients qui n'avaient même pas souhaité être informés, montrait cependant un indice de satisfaction plus élevé que le groupe informé non traité et que le groupe implanté avant traitement. Il y avait similarité des indices de satisfaction du groupe traitement et du groupe informé ayant refusé le traitement, ce qui tend à montrer que la prothèse implantaire amène à un niveau de satisfaction comparable à celui d'une prothèse complète amovible bien intégrée. On notera toutefois que le groupe se contentant de sa prothèse complète était moins extraverti que les deux autres.

Finalement, trois paramètres vont jouer un rôle prépondérant dans la détermination du patient à entreprendre un traitement implantaire de ce type :

- l'insatisfaction de la prothèse amovible, surtout d'ordre fonctionnel ;

- le degré d'extraversion, probablement lié à l'âge ;

- les possibilités financières du patient ;

- à un degré moindre, la peur de la chirurgie et des échecs, qui peut être gérée par une bonne information.

Le besoin subjectif en implants

L'étude de Palmquist et al. [11] en 1991 nous aide à clarifier encore et à élargir cette notion de besoin subjectif des patients par rapport à une prothèse implantaire en général et pas uniquement des édentés totaux. Ils envoient un questionnaire à 3 000 Suédois de 45 à 69 ans, choisis au hasard dans la population d'un village de 275 000 habitants. Ils obtiennent 2 347 réponses.

Les patients sont groupés en sept catégories en fonction de leur degré d'édentation : de l'édenté total au patient n'ayant perdu aucune dent. Des questions spécifiques à leur état respectif, visant à évaluer leurs besoins subjectifs en implants, leur sont posées. Les sujets n'ayant perdu aucune dent sont intéressés à 51 %. Les édentés totaux, à 8 % seulement. Entre les deux, les pourcentages relatifs s'échelonnent graduellement, en fonction du degré d'édentation et du type d'appareillage. Il est clair que l'intérêt porté aux implants décroît avec le niveau d'intégrité buccale.

La raison principale du refus est que soit le remplacement n'est pas nécessaire (79 % des édentés non compensés), soit que les sujets sont satisfaits de leur appareillage (70 à 83 % selon les groupes appareillés). La deuxième raison, la plus fréquemment invoquée, est le coût trop élevé pour 29 % des édentés partiels et 24 % des édentés totaux mono-maxillaires. Les autres alternatives telles que la crainte de la chirurgie ou le côté invasif du traitement sont rares.

Les patients présentant un bon état bucco-dentaire montrent le plus grand intérêt pour les implants, alors que les moins dentés, surtout les édentés totaux, s'y intéressent le moins. Ceci est important à souligner quand on sait que le système Brånemark était initialement destiné aux édentés totaux. Ces patients sont satisfaits de la prothèse adjointe et considèrent que le traitement, qui de surcroît est onéreux, est inutile. Ces résultats sont en accord avec l'étude de Hoogstraten et Lamers.

Les études à questionnaires normalisés

L'étude de Harle et Anderson [12] montre qu'une simple prothèse stabilisée par des implants est de nature à régler les problèmes essentiellement fonctionnels des édentés totaux.

Cette étude a le mérite et l'intérêt d'utiliser un questionnaire complet normalisé comportant trois volets :

- un volet fonctionnel : Dental Functionnal Status Index (DFSI) ;

- un volet psychologique : Rand Mental Health Index (MHI) [13] ;

- un volet social : Sickness Impact Profile (SIP) [14].

Les résultats (23 prothèses conventionnelles contre 23 prothèses stabilisées par des implants chez un total de 46 femmes) montrent des différences significatives dans le domaine fonctionnel, alors qu'il n'y en a pas pour les deux autres indices malgré toutefois une amélioration. Le coût élevé de l'opération est alors compensé par le bénéfice fonctionnel. Pour les autres patients, qui ont pu tant bien que mal s'adapter à leur prothèse amovible, le jeu n'en vaut pas la chandelle.

Ces résultats sont en accord avec ceux de Kent et Johns [15, 16], qui utilisent également un questionnaire standardisé comprenant :

- le Goldberg General Health Questionnaire [17] pour évaluer le niveau de détresse psychologique ;

- l'échelle d'estime de soi de Rosenberg et al. [18] ;

- une liste de symptômes fonctionnels.

Ils le soumettent à deux groupes de patients :

- un recevant la prothèse implantaire ;

- l'autre sans traitement.

Les résultats indiquent une amélioration substantielle du groupe traité, dans lequel le nombre des symptômes fonctionnels diminue de 90 % et reste inchangé dans le groupe témoin. On note aussi une diminution significative du niveau de détresse psychologique par opposition au groupe témoin, où elle atteint un niveau élevé. Il n'y a pas de changement de l'estime de soi.

Ces deux études confirment les effets positifs des implants ostéointégrés sur le bien-être et la qualité de vie chez l'édenté total. Il faut cependant noter l'effet pondérateur minorant des échelles de mesure standardisées sur les résultats et l'oubli d'un paramètre important : le degré de résorption osseuse mis en évidence ultérieurement par Humphris et al. [19] en tant que facteur pouvant influer sur le bénéfice apporté par les prothèses mandibulaires stabilisées par les implants. Heyink et Schaub [20] ont par ailleurs montré que la qualité de la prothèse complète et les variables de qualité de vie sont rarement associées.

Études chez l'édenté partiel

Les implants pour qui ?

Ces considérations amènent tout naturellement à se tourner vers d'autres catégories d'édentés chez lesquels le rôle psycho-social des implants en termes de qualité de vie se pose de façon plus cruciale que chez l'édenté total.

Nous avons vu que le besoin subjectif en implants croissait avec le niveau d'intégrité buccale. L'esthétique est la considération la plus fréquemment invoquée en leur faveur (cas clinique n° 2, fig. 5, 6, 7 et 8) et le prix élevé l'argument principal contre eux [21]. Ces éléments ne permettent cependant que de faire une rapide esquisse du patient à implants.

Le patient type

L'étude de Tavares et al. [22] croisée, descriptive et rétrospective sur 635 patients implantés par 38 praticiens américains privés, généralistes pour les trois quarts, détermine le profil type du patient à implants aux États-Unis. L'indice de satisfaction, qui est mesuré à travers quatre critères (mastication - confort - apparence - contrôle de la plaque), est généralement élevé sauf pour le contrôle de plaque, ce qui exprime, là encore, la difficulté des patients - même des couches sociales élevées et satisfaits par ailleurs du traitement - à nettoyer leur bouche. Les résultats à 4 ans, pour les trois quarts des patients, sont à prendre avec prudence et nécessitent une réactualisation à 10 ou 15 ans pour valider le succès à long terme.

Cette étude épidémiologique intéresse surtout les édentés partiels (76 % au maxillaire et 69 % à la mandibule) et comporte un faible pourcentage d'édentés totaux. Le patient type serait :

- une femme (62 %) ;

- d'un bon état général (82 %), évalué au moyen du General Health Status Index (GHS) ;

- âgée de 59 ans (31 %) ;

- d'un niveau d'éducation élevé : collège (35 %) ;

- manager ou active (40,5 %) ou femme au foyer (23 %) ;

- satisfaite de ses implants cylindriques (54,5 %) ;

- supportant des prothèses fixées (88,5 %) ;

- en place depuis 2 à 4 ans (77 %) ;

- autofinançant le traitement (75,8 %) ;

- ayant des problèmes de nettoyage avec sa prothèse implantaire.

Le niveau des indices de satisfaction est élevé et concorde avec celui des études sur les édentés totaux. Par contre, il n'y a pas ici de relation entre l'âge et le niveau de satisfaction des patients.

L'apparence est significativement améliorée chez les édentés partiels ou unitaires de cette étude alors qu'elle ne l'était pas chez les édentés totaux d'autres études dans des tranches d'âges similaires [3]. Ces patients sont très motivés et ils le prouvent en s'investissant physiquement et financièrement. Il ne faut donc pas les décevoir. Il faudra répondre à leurs attentes, car ils ont une demande esthétique très forte qui va de pair avec leur niveau d'extraversion.

Le succès du traitement implantaire passera le plus souvent dans ces cas par la bonne gestion de l'architecture tissulaire, sous peine de déboires cuisants.

Dans les cas d'édentation, où on a la possibilité de gérer les extractions et les tissus concomitamment à l'implantation, il faut souligner l'impact très positif de l'implantation immédiate sur le psychisme de l'individu par la restitution sans délai de l'organe perdu (cas clinique n° 3, fig. 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15 et 16 ), le praticien ayant le bonheur de se substituer à la mère nature qui jadis pourvoyait l'enfant d'une nouvelle dent remplaçant sa dent lactéale. Cette technique, avec aujourd'hui un recul de cinq ans, donne par ailleurs d'excellents résultats cliniques [23].

Applications

Le traitement implantaire : une alternative

À l'exposé de ces chiffres, il est évident qu'au-delà de la faisabilité purement technique des implants, le statut social et psychologique de l'individu va jouer un rôle important dans l'indication du traitement implantaire. On sait que les édentés totaux ne représentent qu'environ 10 % d'une population de pays tels que la Suède ou les États-Unis et qu'au-delà d'un certain âge, la demande de ces patients devient essentiellement fonctionnelle. On passera par la prothèse amovible classique optimisée avant d'être sûr que le traitement implantaire est le dernier recours. Ceci s'applique d'ailleurs à tous les niveaux d'édentation ; la prothèse la plus simple étant la meilleure, il faudra toujours présenter au patient le traitement implantaire comme une alternative aux autres moyens de reconstitution prothétique classiques, amovibles ou fixes.

Indications et contre-indications

Parmi les édentés partiels ou unitaires, les individus actifs, haut placés dans l'échelle sociale, ayant les moyens financiers et soucieux de leur image, seront plus à même de comprendre les objectifs et les moyens d'un traitement sophistiqué, long, coûteux et astreignant. Leur niveau intellectuel favorisera la compréhension des explications, tant pour les modalités du traitement que pour la maintenance, garante du succès à long terme.

Ces études nous confirment que la motivation est le moteur des candidats à l'implantation, qui soit ne peuvent fonctionner avec leur denture amovible, soit ont des motifs plus superficiels, tels que l'esthétique ou simplement la coquetterie. À cet égard, le praticien devra dépister précocement les attentes irréalistes de patients qu'il ne pourra jamais satisfaire.

On évitera soigneusement les patients souffrant de désordres psychologiques qui s'adaptent mal au stress et à l'anxiété, dont Allen [24, 25] a donné une classification :

- les dépressifs ;

- les névroses de dépersonnalisation ;

- les obsessionnels ;

- les hystériques.

Ces névroses sont des contre-indications absolues. Les autres névroses sont gérables par les praticiens particulièrement patients et compréhensifs. Dans les rares études où ils n'ont pas été écartés, ces patients font de très mauvais scores.

L'information du patient

Le praticien doit faire preuve d'une grande capacité d'écoute et d'observation aussi bien pour dépister ces patients pathologiques, que pour des patients normaux appréhendant le stade chirurgical. Ces derniers peuvent être scindés en deux grandes catégories [26] :

- ceux qui focalisent sur les problèmes et qui demandent des informations précises sur ce à quoi ils doivent s'attendre et comment le gérer, rejoignant ainsi Ballint M et E [27] : « Le patient doit apprendre quelle sorte et quelle quantité d'aide il doit et peut attendre de son médecin, et, d'autre part, quelle quantité d'anxiété, de gêne et de souffrance il doit supporter tout seul, et également, quand et dans quelles conditions, il a le droit de demander à être soulagé. » Pour cette catégorie de patients, Martelli et al. recommandent une séance de vingt minutes, quinze jours avant l'intervention, pour faire une sorte de répétition générale. Certains préconisent même de donner aux patients des informations précises sur les risques et les échecs encourus, tels que l'anesthésie mandibulaire ou les complications sinusiennes, en relativisant leur éventualité en raison de leur fréquence peu élevée [28] ;

- pour les autres qu'ils qualifient d'« émotionnels », ceux qui préfèrent en savoir le moins possible, il vaut mieux employer des techniques de relaxation pour gérer leur stress et axer la consultation sur une stratégie contournant les problèmes sans pour autant les éluder totalement. Il semblerait, à cet égard, que le vocable de prothèse interne soit préférable et plus juste que celui d'implant, effrayant moins les patients, tout en étant plus conforme à la définition d'une prothèse mise en place après effraction de la gencive, cette prothèse interne étant ensuite connectée à la prothèse externe [29].

La maintenance

Enfin, ces études nous ont montré que, toutes catégories d'édentés confondues, le problème de la maintenance restait le point noir.Le praticien devra jauger l'habileté manuelle de son patient et sa capacité à nettoyer sa prothèse, lui fournir tous les moyens et les explications nécessaires et s'assurer qu'il a bien compris par des contrôles réguliers auxquels le patient sera tenu de venir. Le patient porteur d'implants doit avoir une bonne hygiène de vie. Les fumeurs, les alcooliques et les toxicomanes sont, bien évidemment, des catégories à risques, pour ne pas dire des contre-indications.

Conclusion

Toutes ces études prospectives ou rétrospectives à questionnaires standardisés ou non convergent dans le même sens et tendent à montrer que la motivation première de l'édenté total et particulièrement mandibulaire pour entreprendre un traitement implantaire est d'ordre fonctionnel, même si l'influence sur le bien-être psycho-social en est indéniable, bien que moins évidente lorsque des indices de mesures standardisés sont employés.

Cette motivation peut être contre-balancée de façon significative par la peur de la douleur qui, cependant, n'est pas irrémédiable et surtout par le coût financier élevé de l'opération chez des patients le plus souvent âgés et, en général, peu extravertis, moins soucieux de leur apparence que des patients plus jeunes et moins édentés, pour lesquels le problème se pose différemment. Pour ces derniers, les études de qualité de vie sont peu nombreuses et ce domaine mérite d'être approfondi en utilisant des modèles de recherche plus appropriés et sophistiqués, si possible prospectifs et incluant un groupe contrôle.

Enfin, cette approche psychologique des patients par la voie des données épidémiologiques nous a permis de dégager des applications relevant du consentement éclairé, qui, plus qu'un prérequis légal, apparaît à la lumière des chiffres comme la condition sine qua non du succès de la psycho-intégration de nos reconstructions implantaires.

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