Analyse critique des protocoles d'empreinte en prothèse amovible complète supra-implantaire - Cahiers de Prothèse n° 105 du 01/03/1999
 

Les cahiers de prothèse n° 105 du 01/03/1999

 

Prothèse amovible complète (ou totale)

Olivier Fromentin  

Ex-assistant
Service d'odontologie de l'Hôtel-Dieu
Unité de Prothèse
42 bis, rue des Ursulines
78100 Saint-Germain-en-Laye.

Résumé

De nombreux protocoles d'empreinte ont été décrits en prothèse amovible complète supra-implantaire. Pour chacun d'eux, il a été proposé d'associer une technique et un ou plusieurs matériaux d'empreinte. En fonction des conditions cliniques ou anatomiques du cas à traiter, plusieurs associations peuvent être indiquées. Comparer ces protocoles nécessite une classification ; celle-ci ne peut pas être fondée sur une description exhaustive des modalités techniques combinées à différents matériaux. En revanche, la chronologie du traitement implanto-prothétique et le nombre de séances d'empreinte permettent de distinguer trois types de protocoles d'empreintes : simultanées, dissociées et combinées.

En connaître les avantages et les inconvénients permet de réaliser un choix judicieux lors de l'élaboration d'une prothèse amovible complète supra-implantaire.

Summary

Critical analysis of the protocols of impressions in complete removable overdenture

The making of a complete removable overdenture implies the realization of impressions which aims are : to reproduce accurately the osteomucous support, to record the mucous reflection area during function while it is in use, to locate precisely the emergence of the implant through the soft tissues, to transfer accurately the orientation and the position of the different implants, to allow to assess the difference of reaction of the fribromucosa and of the implants undergoing occlusal forces. Numerous impression protocols are described in the literature. Comparing them would impose a classification which cannot be based on an exhaustive description of the technical modes combined to different materials. On the other hand, the chronology of treatment and the number of the sessions for impression intended for the recording of the different elements necessary to the prosthetic conception allow to identify three types of impression protocols: the protocols of simultaneous impressions through which the prosthesis and the connection's concomitant elaboration is possible with a same plaster-cast, the protocols of dissociated impressions through which the prosthesis can be elaborated after or, even better, before the conception of the connection, which necessitates different plaster-casts, the protocols of combined impressions through which the conventional prosthetic elaboration systematically initiates the treatment, a new overdenture being secondarily conceived on a simultaneous impression. Knowing the advantages and drawbacks of each type of protocol helps to make a clever choice for the making of a complete removable overdenture.

Key words

implant, impression technique, overdenture

Du fait de l'intérêt clinique suscité par les implants ostéo-intégrés dans le traitement par prothèse amovible des cas complexes d'édentation totale [1-8], de nombreux protocoles d'empreinte ont été préconisés. Tous ces protocoles ont pour ambition d'atteindre les mêmes objectifs, en respectant des impératifs tissulaires, implantaires et fonctionnels :

- reproduire avec précision la surface d'appui ostéo-muqueuse ;

- enregistrer le jeu de la zone de réflexion muqueuse ;

- situer précisément l'émergence implantaire au niveau des tissus mous ;

- transférer l'orientation et la position des différents implants ;

- permettre d'apprécier la dépressibilité de la fibro-muqueuse face à l'ankylose implantaire pendant la fonction ; ainsi, la sustentation prothétique sera entièrement assurée par la fibro-muqueuse pour certains [2, 6] ou partagée entre les implants et la fibro-muqueuse pour d'autres [9, 10].

Comparer ces protocoles d'empreinte nécessite une classification qui ne peut pas être fondée sur une description exhaustive des modalités techniques combinées à différents matériaux. De nombreux protocoles alliant diverses techniques et matériaux sont possibles, les indications variant en fonction des conditions cliniques ou anatomiques du cas à traiter [11, 12]. En revanche, la chronologie du traitement et le nombre de séances d'empreinte, destinées à l'enregistrement des différents éléments nécessaires à la conception prothétique, permettent de distinguer trois types de protocoles d'empreintes :

- les protocoles d'empreintes simultanées ;

- les protocoles d'empreintes dissociées ;

- les protocoles d'empreintes combinées.

Connaître les avantages et les inconvénients de chaque type de protocole permet de réaliser un choix judicieux lors de l'élaboration d'une prothèse amovible complète supra-implantaire.

Les protocoles d'empreintes simultanées [13-18]

Les protocoles d'empreintes simultanées ont pour objectif de rassembler, sur une empreinte secondaire unique, l'ensemble des éléments nécessaires :

- à la conception de la base prothétique amovible ;

- à la réalisation de la connexion (barre de conjonction ou attachement axial) sur les homologues de laboratoire des implants ;

- à la solidarisation entre la prothèse amovible et l'attachement utilisé.

Pour cela, il a été décrit différents protocoles qui associent une empreinte primaire et une empreinte secondaire :

- l'empreinte primaire est réalisée sur les vis de cicatrisation implantaires à l'aide d'un porte-empreinte de série ; celui-ci est garni de plâtre à empreinte (fig. 1) ou d'hydrocolloïdes irréversibles.

Le modèle obtenu (fig. 2) permet l'élaboration d'un porte-empreinte individuel dont une ou plusieurs fenêtres, situées en regard des vis de cicatrisation, permettent l'émergence des vis de transferts implantaires [14]. Une alternative aux modalités techniques précédentes peut être proposée en intégrant la situation des transferts dès l'empreinte primaire. Des transferts implantaires standard sont vissés en bouche et l'empreinte est réalisée à l'aide d'un porte-empreinte de série, adapté ou modifié et garni d'hydrocolloïdes irréversibles [15, 19]. Cela permet d'obtenir un porte-empreinte individuel conforme à l'encombrement causé par ces mêmes transferts (fig. 3 et 4), utilisés au cours de l'empreinte secondaire (fig. 5) ;

- enfin, après avoir obturé provisoirement, à l'aide de cire, les ouvertures situées en regard des vis de cicatrisation, les réglages du porte-empreinte individuel ainsi que l'enregistrement du joint périphérique sont réalisés. Puis, les transferts sont mis en place après avoir retiré les vis de cicatrisation (fig. 6, 7 et 8). L'empreinte secondaire anatomo-fonctionnelle globale est ensuite réalisée sous pression digitale (fig 9a et 9b).

Certains auteurs [13, 16] ont préconisé l'utilisation d'un matériau à empreinte unique type polysulfure, polyéther ou élastomère siliconé dans des viscosités différentes pour l'enregistrement de la surface d'appui ostéo-muqueuse et des transferts. Pour d'autres, il est préférable d'associer deux matériaux différents, utilisés en une ou deux étapes. Ainsi, sur des transferts vissés standard, l'association oxyde de zinc/élastomères [17] (fig. 10a et 10b) serait la solution de choix ; sur des transferts transvissés « pick-up », les combinaisons polyéther/plâtre [18], élastomères/plâtre [18], polysulfure/plâtre (fig. 11) ou oxyde de zinc/plâtre permettraient une meilleure précision au cours de l'enregistrement.

Par ailleurs, l'utilisation de plâtre pour solidariser les transferts « pick-up » dans une empreinte globale autoriserait le transvissage des homologues de laboratoire sans risque de déformation [20, 21]. Si la solidarisation des transferts au porte-empreinte individuel à l'aide de résine chémo-polymérisable (Duralay® de France Dentaire) s'avère intéressante [18], la réunion des transferts « pick-up » entre eux, par de la résine armée d'une ligature avant de procéder à l'empreinte, complique le protocole sans bénéfice significatif [22, 23].

L'élaboration concomitante de la prothèse et de la connexion est ainsi possible sur le même modèle de travail, issu d'un protocole d'empreinte simultanée.

Avantages

Les protocoles d'empreintes simultanées présentent trois avantages majeurs :

- il s'agit de protocoles classiques décrits pour la réalisation de prothèses complètes supra-radiculaires [24] et transposés pour la prothèse supra-implantaire ;

- pour prendre en compte la différence de dépressibilité tissulaire (fibro-muqueuse/racines résiduelles), la pression digitale individualisée et exercée simultanément lors de la réalisation d'une empreinte globale supra-radiculaire [24] n'est plus justifiée au cours de ces protocoles d'empreintes supra-implantaires. En effet, d'après Kidd et al. [25, 26], le comportement visco-élastique de la fibro-muqueuse se traduit par une dépressibilité de l'ordre du millimètre sous une contrainte de quelques mg/mm2 tandis que selon Lundgreen et Laurell [27], pour une force d'environ 20 N, une dent naturelle se déplace verticalement d'environ 50 mm (0,05 µm) en moyenne et un implant-vis ostéo-intégré de seulement 2 mm (0,002 µm) ;

- ce sont des protocoles d'empreintes relativement simples et rapides, effectués en deux séances seulement. La durée du traitement prothétique est ainsi limitée, nécessitant peu de séances cliniques et d'étapes de laboratoire.

Inconvénients

Ces protocoles d'empreintes simultanées comportent des inconvénients qui doivent être évalués en fonction des caractéristiques cliniques du cas traité :

- plus le nombre d'implants utilisés pour la connexion implanto-prothétique est important, plus ces protocoles s'avèrent délicats. L'enregistrement du joint périphérique au cours de ce type d'empreinte est singulièrement compliqué par le volume du porte-empreinte individuel. Celui-ci doit être renforcé s'il est largement fenestré au niveau des transferts d'empreinte ou surcontouré si l'on souhaite soutenir le matériau à empreinte autour de ces transferts ;

- cliniquement, il s'avère délicat d'obtenir une empreinte anatomo-fonctionnelle précise à l'aide d'un matériau unique pour enregistrer la surface d'appui et la limite périphérique en même temps que la situation des transferts implantaires. Cela, particulièrement à la mandibule, où les caractéristiques mécaniques (visco-élasticité) et physiques (comportement hydrique) du matériau utilisé conduisent souvent à une situation de compromis dans le résultat final ;

- l'utilisation de deux matériaux aux caractéristiques complémentaires, l'un enregistrant la situation du tissu ostéo-muqueux (oxyde de zinc, polysulfure, polyéther) et l'autre, la position des implants (plâtre, élastomères haute viscosité), permet d'éviter l'inconvénient précédent. Mais cela complique la technique, en particulier à la limite entre les deux matériaux qui est souvent le siège d'imprécisions facilement décelables, imposant la réfection de l'ensemble de l'empreinte (fig. 12) ;

- ces techniques d'empreinte, quels que soient les matériaux utilisés, sont réalisées sous pression digitale, l'occlusion étant souvent illusoire sur des porte-empreintes individuels au volume important. La mise sous pression des tissus de support prothétique au cours de l'empreinte s'avère arbitraire, probablement éloignée de la pression fonctionnelle s'exerçant par l'intermédiaire d'une prothèse correctement stabilisée et équilibrée. Ce dernier point est important lors de la mise en place d'un système de connexion qui comporte une appréciation de la dépressibilité tissulaire (ou « rénitence », d'après Pilloud [28]) sous la forme d'un espacement entre les pièces du dispositif ; l'enregistrement de la situation des tissus sous pression occlusale au cours de l'empreinte secondaire conditionne l'amplitude de l'enfoncement prothétique pendant la fonction, évitant la sustentation exclusivement implantaire. Ce phénomène est d'autant plus marqué que la connexion implanto-prothétique est volumineuse, diminuant d'autant la sustentation prothétique dévolue à la fibro-muqueuse ;

- en prothèse amovible supra-dentaire, lors de l'élaboration prothétique, la situation des racines conservées contraint souvent au compromis entre le montage des dents artificielles et la réalisation de l'attachement. En prothèse amovible supra-implantaire, il devrait en être autrement. La mise en place chirurgicale d'implants devrait être réalisée selon des impératifs chirurgicaux, mais aussi prothétiques, et faciliter, de ce fait, la réalisation ultérieure de la prothèse et de l'ensemble du dispositif de connexion implanto-prothétique.

Ces protocoles d'empreintes simultanées sont souvent décrits dans un contexte ou la phase chirurgicale d'implantation, puis la conception prothétique sont réalisées indépendamment l'une de l'autre… ;

- il est nécessaire de réaliser un essayage esthétique et fonctionnel de la maquette en cire, afin de valider celle-ci et permettre secondairement la réalisation de la connexion. En revanche, l'essai clinique de l'insertion de l'attachement ainsi que de la connexion globale implanto-prothétique n'est réalisé qu'au stade final du traitement. Concevoir l'ensemble prothèse/connexion sans validation clinique intermédiaire est un objectif qui aurait des conséquences lourdes en cas d'erreur lors de l'empreinte ou durant l'élaboration technique au laboratoire.

Les protocoles d'empreintes dissociées

Le principe des protocoles d'empreintes dissociées est d'obtenir le maximum de précision dans l'élaboration prothétique en réalisant autant d'empreintes qu'il existe de difficultés potentielles. Ainsi, le protocole d'empreintes choisi doit permettre de réaliser des moulages spécifiques soit du tissu ostéo-muqueux, soit des transferts implantaires.

Le protocole en deux ou trois empreintes dissociées [9, 13, 17]

D'après Block et Kent [13], Schroeder et al. [17] ou Beumer et Lewis [9], le protocole débute par la réalisation d'une première empreinte de situation, pour construire directement un moyen de connexion de type barre de conjonction. Ils préconisent l'emploi d'un porte-empreinte compatible avec le volume des transferts et garni d'un matériau à empreinte élastique (fig. 13, 14, 15 et 16). Ce protocole se termine par une deuxième empreinte qui enregistre la surface d'appui ostéo-muqueuse et l'attachement en place, toujours à l'aide de matériaux élastiques (fig. 17) ; l'attachement peut être transvissé ou seulement positionné sur les piliers implantaires, cela afin de réaliser une empreinte qui le moule (fig. 18) ou l'entraîne au sein du matériau polymérisé. Pour réaliser cette empreinte, un porte-empreinte individuel est confectionné d'après l'empreinte initiale ou mieux, d'après une empreinte primaire de la surface d'appui (troisième empreinte). La prothèse est ensuite confectionnée classiquement, au laboratoire, autour de l'attachement. La mise en place des cavaliers de rétention est réalisée in fine au laboratoire (fig. 19) ou directement en bouche à l'aide de résine chémo-polymérisable.

La prothèse est ainsi réalisée secondairement à l'élaboration de l'attachement, sur un modèle de travail issu d'un protocole d'empreintes dissociées.

Avantages

Ce protocole en deux ou trois empreintes présente essentiellement deux avantages :

- il fait appel à une technique simple, rapide et « conventionnelle » ;

- mouler le système de connexion et en réaliser une réplique en plâtre ou en résine (époxy ou polyuréthane) évite son retour au laboratoire. Maintenir la barre de connexion en bouche permet ainsi d'améliorer la rétention d'une prothèse provisoire garnie localement d'une résine métacrylique à prise retardée.

Inconvénients

En revanche, ce type de protocole en deux ou trois empreintes présente de nombreux inconvénients :

- en débutant le protocole par la réalisation de la barre métallique de connexion, il est impossible de tenir compte de la future situation des dents prothétiques, pourtant primordiale sur les plans esthétique et fonctionnel. Quels que soient les paramètres cliniques du cas traité, la situation de la connexion implanto-prothétique n'est déterminée que par la position de l'émergence des implants et le relief de la crête édentée ;

- lors de la réalisation de l'empreinte de la surface d'appui ostéo-muqueuse et de l'attachement in situ ou lors de la mise en place des cavaliers en bouche, il s'avère nécessaire et délicat de combler l'espace situé sous la barre de conjonction pour éviter la pénétration de la résine ou du matériau à empreinte à ce niveau ;

- lors de l'empreinte secondaire, ce protocole impose l'utilisation d'un matériau élastique très visqueux, en particulier dans le secteur de l'attachement, ce qui peut amener un surcontour des bords de l'empreinte dans cette région. Par ailleurs, dans ces situations, il est encore difficile d'apprécier la dualité tissulaire (rénitence de la fibro-muqueuse et ankylose implantaire), le problème étant d'opter pour une sustentation prothétique uniquement ostéo-muqueuse ou partagée avec les implants ;

- dans ce type de protocole, le choix de la mise en place des cavaliers en technique directe implique l'utilisation de résine chémo-polymérisable, aux qualités mécaniques et physico-chimiques médiocres comparées à celles d'une résine thermo-polymérisable.

Le protocole en quatre empreintes dissociées [29-31]

Les objectifs d'un protocole en quatre empreintes dissociées sont :

- réaliser une prothèse complète, conforme aux principes de base d'une conception classique ;

- si elle s'avère encore nécessaire, passer à la phase implantaire en utilisant la prothèse réalisée ou un duplicata comme guide radiologique, puis chirurgical pour la mise en place des implants ;

- réaliser une empreinte de situation des implants après la mise en fonction, associée à des clés de situation des dents prothétiques permettant une réalisation judicieuse du système de connexion implanto-prothétique ;

- solidariser en une dernière étape la prothèse et les implants en fixant au laboratoire les pièces femelles de l'attachement.

Ce protocole d'empreintes dissociées est constitué de quatre étapes d'enregistrements en deux phases distinctes :

• la phase initiale nécessite deux empreintes complémentaires, muco-statique, puis anatomo-fonctionnelle, comme il est décrit classiquement dans les protocoles d'empreintes de prothèse complète [11, 12] (fig. 20) ;

• la phase d'élaboration de l'attachement et de solidarisation implanto-prothétique passe par la réalisation de deux autres empreintes :

- une empreinte de situation des implants qui est réalisée à l'aide de la prothèse terminée [29] ou encore d'un duplicata porte-empreinte [30], voire d'un simple porte-empreinte de série ajusté [31]. Le matériau à empreinte élastique (élastomère siliconé ou polysulfure) doit permettre un repositionnement précis du transfert standard muni de son homologue de laboratoire (fig. 21, 22 et 23) ou autoriser sans déformation le transvissage de l'analogue à travers un transfert « pick-up ». Après quelques corrections du moulage en plâtre, la prothèse définitive est repositionnéesur le modèle obtenu. Des clés vestibulaire et linguale de situation des dents et du volume prothétique sont ensuite confectionnées (fig. 24). La réalisation d'un attachement type barre de conjonction est ainsi guidée par ces clés (fig.25) ;

- l'attachement est essayé en bouche (fig. 26), puis une empreinte finale de solidarisation implanto-prothétique est réalisée sous pression occlusale à l'aide de la prothèse définitive, stabilisée et équilibrée, garnie d'un matériau élastique (élastomère siliconé ou polysulfure) (fig. 27). Les deux éléments du système sont ultérieurement solidarisés au laboratoire, sur le modèle ainsi obtenu (fig. 28).

Ici, la prothèse est réalisée avant la conception de l'attachement implantaire et chacune des quatre empreintes successives ou dissociées apporte les éléments nécessaires et suffisants au passage à l'étape clinique suivante.

Avantages

Le protocole en quatre empreintes dissociées présente quatre avantages majeurs :

- il permet de respecter les impératifs prothétiques dans la phase chirurgicale du traitement implanto-prothétique ;

- il conduit à la réalisation raisonnée de la connexion en fonction de la situation idéale des implants et de la situation classique des dents prothétiques ;

- il assure la prise en compte de la dualité de comportement des éléments à enregistrer dans le choix des matériaux et la dissociation des étapes ;

- il autorise une appréciation plus physiologique de la rénitence tissulaire, l'empreinte finale étant réalisée sur une prothèse adaptée, équilibrée et sous pression occlusale.

Inconvénients

Ce protocole en quatre empreintes dissociées comporte quelques inconvénients :

- c'est un protocole lent, dont certaines étapes nécessitent le retrait, délicat, de la prothèse définitive portée par le patient afin de la transférer au laboratoire ;

- l'utilisation de la prothèse comme porte-empreinte individuel implique souvent sa réfection totale et la fourniture d'un autre jeu de dents prothétiques, particulièrement si les transferts d'implants sont nombreux, peu parallèles ou émergeant au niveau des dents artificielles ;

- à ce stade, il est parfois délicat d'obtenir à l'aide de matériaux à empreinte élastiques une stabilité parfaite des transferts perforant la prothèse ou le duplicata prothétique, contrairement à l'utilisation d'un porte-empreinte de série ;

- comparativement aux protocoles d'empreintes précédents, celui-ci est probablement le plus onéreux du fait de l'utilisation de nombreux matériaux, du temps nécessaire à la réalisation clinique ainsi que des étapes de laboratoire successives.

Les protocoles combinés, empreintes dissociées et simultanées

Postaire et Naser [32] ont décrit un protocole original, combinant les phases d'empreintes propres aux techniques dissociées et simultanées. Comme précédemment, le but de la technique consiste à diviser le traitement implanto-prothétique en différentes phases successives, chacune permettant d'améliorer la précision de l'étape suivante. D'après les auteurs, le traitement débute par la réalisation d'une prothèse conventionnelle selon un protocole classique. Un duplicata de la prothèse terminée sert de guide radiologique et chirurgical afin de permettre un positionnement optimal des implants. Les étapes d'empreinte servant à la réalisation prothétique initiale et à l'élaboration ultérieure de la connexion étant séparées, le protocole est considéré comme dissocié. Toutefois, l'originalité du protocole tient en l'utilisation de ce même duplicata comme porte-empreinte individuel afin de réaliser une empreinte unique, à l'aide de deux polyéthers de viscosités différentes, grâce à laquelle sera réalisée une nouvelle prothèse ainsi que l'attachement implanto-prothétique dans son intégralité. On retrouve ici les modalités d'un protocole d'empreintes simultanées.

Une prothèse transitoire guide est ainsi élaborée, selon un protocole dissocié, avant la conception de l'attachement implanto-prothétique. En revanche, la prothèse définitive ainsi que la connexion sont réalisées sur un modèle de travail issu d'une empreinte simultanée.

Les avantages et inconvénients sont, par conséquent, ici cumulés et parfois pondérés.

Avantages

Ce type de protocole d'empreinte présente de nombreux avantages :

- la réalisation d'une empreinte finale à l'aide d'un duplicata prothétique permet au patient de conserver sa prothèse transitoire pendant toute la phase d'élaboration de la prothèse implanto-supportée ;

- il prend en compte les impératifs prothétiques dans la phase chirurgicale du traitement implanto-prothétique ;

- il permet une conception raisonnée de la connexion en fonction de la localisation idéale des implants et de la situation classique des dents prothétiques ;

- l'appréciation de la rénitence tissulaire est plus physiologique, l'empreinte finale étant réalisée à l'aide d'un duplicata prothétique adapté, équilibré et sous pression occlusale ;

- il s'agit d'un protocole classique, décrit pour les prothèses supra-radiculaires [23] et adapté pour la prothèse supra-implantaire.

Inconvénients

Mais ce type de protocole présente aussi de nombreux inconvénients :

- même à l'aide d'un porte-empreinte individuel bien adapté, puisque issu de la prothèse définitive, il peut s'avérer difficile d'obtenir une empreinte précise à l'aide d'un matériau unique à la fois de la surface d'appui, de la limite périphérique et de la situation des transferts implantaires ;

- ce protocole implique systématiquement d'avoir à réaliser deux prothèses, l'une conventionnelle transitoire et l'autre, supra-implantaire. Dans le coût du traitement, le temps nécessaire à réaliser chaque étape, le matériel indispensable (dents prothétiques, matériaux à empreinte) ainsi que le coût des phases d'élaboration au laboratoire sont à prendre en compte ;

- plus le nombre d'implants et de transferts augmente, plus la surface réelle de sustentation prothétique diminue. Le porte-empreinte individuel doit être largement modifié afin de permettre son insertion sans interférence. Ces corrections diminuant sa rigidité, il est souvent nécessaire d'y incorporer un renfort volumineux afin d'éviter sa fracture au cours de l'empreinte.

Enfin, avec un nombre important de transferts, la quantité de matériau de haute viscosité enregistrant leurs situations augmente, avec le risque de surcontours éventuel à la périphérie du porte-empreinte individuel. Dans cette situation, par rapport à la technique précédente, la précision apportée par l'utilisation du porte-empreinte individuel/duplicata prothétique par rapport à un porte-empreinte du commerce décroît forcément.

Conclusion

Par analogie avec les procédés mis en œuvre pour prendre en compte la dualité tissulaire en prothèse amovible supra-dentaire, de nombreux protocoles ont été proposés pour élaborer une prothèse complète supra-implantaire. Or, les techniques décrites en prothèse amovible complète sur piliers naturels ne sont pas systématiquement transposables sur piliers implantaires. La possibilité de gérer la situation précise des implants et de faciliter ainsi la conception de la connexion implanto-prothétique impose de retenir un protocole de traitement raisonné passant systématiquement par l'élaboration initiale d'une prothèse conventionnelle.

Concernant les étapes d'empreinte, toutes les combinaisons entre les techniques et les matériaux sont possibles et doivent être envisagées en fonction des conditions cliniques du cas à traiter.

Cependant, plus le nombre d'implants et de transferts augmente, plus il semble judicieux de préférer un protocole d'empreintes dissociées ou combinées plutôt que simultanées. En effet, comme en prothèse complète conventionnelle, il est nécessaire d'associer des empreintes complémentaires afin de réaliser un enregistrement s'approchant des conditions physiologiques. Cela permet, dès ce stade, de prendre en compte l'équilibre prothétique et en particulier la sustentation.

Pour chacun de ces protocoles d'empreinte, il est indiqué d'utiliser un matériau unique, élastique ou non, pour obtenir le maximum de précision concernant un seul objectif :

- l'orientation et la localisation précise des émergences implantaires ; ou ;

- l'enregistrement de la surface d'appui ostéo-muqueuse et de sa dépressibilité.

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