Montage esthétique et fonctionnel en rétro- et promandibulie en prothèse amovible complète - Cahiers de Prothèse n° 112 du 01/12/2000
 

Les cahiers de prothèse n° 112 du 01/12/2000

 

Prothèse amovible complète (ou totale)

Jean-Marie Rignon-Bret *   Christophe Rignon-Bret **  


*Professeur - Praticien hospitalier
**Assistant hospitalo-universitaire
10, rue de Liège
75009 Paris

Résumé

Nombreux sont les sujets totalement édentés présentant des rapports de crêtes très défavorables résultant de fortes résorptions et d'états de pro ou de rétromandibulie. La complexité des problèmes posés et leur solution sont évoquées en développant des artifices de montage des dents prothétiques qui permettent, de nos jours, de satisfaire les demandes esthétiques de patients exigeants tout en respectant la fonction.

Summary

Aesthetic and functional mounting in retrognathism and prognathism in complete removable denture

The concern which is shown by our contemporaries to maintain an apparent youth makes particularly tricky the mounting of the prosthetic teeth in complete removable denture. As a matter of fact, the patients who were in a connection of normocclusion when they had their natural teeth and who have kept good crestal connections often express their desire for a better support of the upper lip, which leads to the setting of the incisor-canine group in a far back position more important than that which the natural teeth occupied, transforming thus those cases of natural normocclusion into cases of retrognathism. On the opposite, with the increase of life expectancy and the wearing of iatrogenic prostheses, other patients who presented some connections of normocclusion in natural denture end in crestal connections in prognathism after a state of strong reabsorption following a centripetal phenomenon at the maxillary level and centrifugal at the gnathic level. That's why it seems particularly interesting today to master some mounting devices which can satisfy the aesthetic and function in complete removable denture in the cases of retrognathism and prognathism whether it was the situation of the patient or not when he/she had his/her natural teeth. The specifics of these mountings are set out from criteria of classical mounting in normocclusion.

Key words

complete denture, complete removable denture, mountings, prognathism, retrognathism

Avant d'aborder le sujet, il semble important d'expliquer ce que signifient les termes de rétromandibulie et promandibulie dans le traitement de l'édentation totale. En effet, le décalage des bases osseuses chez l'individu totalement édenté est défini par la classification squelettique de Ballard [1-3]. Il est estimé en mesurant l'angle ANB sur une téléradiographie de profil [1, 2], et ce décalage peut être analysé sans difficulté sur des moulages d'un sujet totalement édenté placés en articulateur suivant un rapport intermaxillaire précis :

- classe I : rapport harmonieux entre maxillaire et mandibule ;

- classe II : position trop postérieure de la mandibule ou rétromandibulie (angle ANB augmenté) ;

- classe III : position trop antérieure de la mandibule ou promandibulie (angle ANB diminué).

L'étiologie de ces rapports squelettiques est fonction de l'hérédité ou de l'importance de la résorption osseuse.

Il est rare, de nos jours, qu'un patient totalement édenté non appareillé se présente à la consultation. La plupart des cas à traiter sont soit des édentés anciens bien appareillés au départ qui, au bout d'un certain temps, désirent renouveler leurs prothèses, soit des édentés mal appareillés qui souhaitent une amélioration de leur cas, soit encore des sujets partiellement dentés mais candidats à la prothèse amovible complète du fait de l'échec ou du mauvais diagnostic à court terme des thérapeutiques conservatrices. Pour tous ces cas, l'interrogatoire permet de savoir si l'intéressé est satisfait ou non de l'esthétique existante mais, pour la plupart, le souci exprimé de conserver une apparente jeunesse rend particulièrement délicate l'élaboration du montage des dents prothétiques. En effet, ceux qui étaient dans un rapport de normocclusion lorsqu'ils avaient leurs dents naturelles et qui ont conservé de bons rapports de crête (classe I de Ballard) manifestent souvent le désir d'un meilleur soutien de la lèvre supérieure ainsi que l'effacement de sillons nasogéniens trop marqués par l'âge ; cela conduit généralement à placer le groupe incisivo-canin dans une position bien plus antérieure à celle qu'occupaient les dents naturelles, transformant ainsi ces cas de normocclusion naturelle en cas de rétromandibulie (classe II de Ballard), au stade du montage des dents prothétiques, dans le traitement de leurs édentations totales. À l'opposé, avec l'allongement de la durée de vie et le port de prothèses inadaptées, génératrices de pathologies, d'autres sujets qui présentaient, en denture naturelle, des rapports de normocclusion aboutissent, suite à un état de forte résorption résultant de phénomènes centripète au maxillaire et centrifuge à la mandibule, à des rapports de crêtes en promandibulie (classe III de Ballard).

C'est pourquoi il semble particulièrement intéressant aujourd'hui de maîtriser certains artifices de montage permettant de satisfaire esthétique et fonction en prothèse amovible totale dans les cas de rétro- et de promandibulie que cela ait été ou non la situation du patient lorsqu'il avait ses dents naturelles. Ces particularités seront évoquées à partir des données du montage classique en normocclusion développées dans l'article précédent par C. Rignon-Bret.

Montage en rétromandibulie

Les cas de rétromandibulie posent des problèmes d'autant plus complexes à résoudre que le décalage antérieur existant entre les crêtes maxillaire et mandibulaire est important. En effet, si on souhaite conserver un soutien esthétique optimal de la lèvre supérieure tout en assurant un équilibre biomécanique répondant aux règles classiques généralement admises en prothèse amovible complète [2, 4, 5], cela conduit à un montage établissant un surplomb important entre les groupes incisivo-canins maxillaire et mandibulaire avec suppression des deux premières prémolaires mandibulaires (fig. 1). Cette façon de procéder, susceptible d'apporter une solution dans le cas d'une faible anomalie, n'est pas satisfaisante dans la majorité des cas car elle favorise une interposition inesthétique et nocive de la lèvre inférieure dans le vide ainsi créé au niveau incisivo-canin. Dans le but d'éviter cette interposition linguale, il est souvent préférable de ne pas donner un soutien idéal à la lèvre supérieure de façon à réduire au maximum le surplomb entre les groupes incisivo-canins maxillaire et mandibulaire avec suppression des premières prémolaires (fig. 2), ce qui peut quelquefois imposer la présence de diastèmes. Cette deuxième solution, bien que garantissant un bon résultat fonctionnel, présente l'inconvénient majeur de sacrifier plus ou moins l'esthétique faciale du sujet, ce qui est actuellement mal accepté. C'est pourquoi, lorsque les exigences esthétiques du patient interdisent cette façon de procéder, un compromis peut être réalisé, sans nuire à l'aspect fonctionnel, en projetant vestibulairement en éventail le groupe incisivo-canin mandibulaire de façon à réduire le surplomb nuisible (fig. 3 et 4).

Cette solution n'est acceptable qu'à condition de respecter certains impératifs [6, 7]

• Créer pour la langue un véritable « berceau » en double concavité lui permettant de stabiliser la prothèse mandibulaire tout en neutralisant l'effet rétropulsif de l'orbiculaire des lèvres. Celui-ci est obtenu en remplaçant les premières prémolaires mandibulaires par deux canines supplémentaires (fig. 4) articulées par un léger contact avec les premières prémolaires supérieures (fig. 3). Ainsi la langue peut, dans le plus grand confort, établir un contact permanent dans la région antérieure (fig. 5) pour compenser le déséquilibre induit par la vestibulo-version importante du groupe incisivo-canin. Cela à condition que tout le profil de l'extrados prothétique lingual soit établi sans zone de contre-dépouille à partir d'un joint sublingual et de zones rétromolaires parfaitement enregistrées (fig. 4 et 5).

• Proposer, chaque fois que cela est possible, un espace libre d'inocclusion plus important que dans les cas de normocclusion, comme c'est quasiment toujours le cas chez les sujets dentés naturellement présentant des rétromandibulies [8]. Cela présente l'avantage d'inviter la langue à jouer son rôle stabilisateur en lui offrant la possibilité de s'étaler dans un espace libre d'inocclusion important avec une arcade maxillaire large car destinée à assurer un soutien esthétique optimal des lèvres et des joues (fig. 3 et 5).

• Abaisser légèrement le plan d'occlusion par rapport au plan bissecteur et à partir du point interincisif au niveau des dents mandibulaires (fig. 6). Cela dans le but d'améliorer ce qui a été évoqué précédemment tout en remarquant que, chez les sujets dentés atteints de rétromandibulie, les bords marginaux de la langue sont souvent situés au-dessus du plan d'occlusion des dents [5]. Cela permet souvent l'utilisation de dents cuspidées larges dans le sens vestibulo-lingual compensant ainsi partiellement le manque d'efficacité masticatrice lié au remplacement des premières prémolaires mandibulaires par des canines supplémentaires.

• Éviter les inconvénients du montage en articulé inversé ou croisé dans les régions postérieures en présence d'axes intercrêtes très convergents vers le haut en montant les dents maxillaires avec leurs cuspides palatines passant par cet axe et suivant une orientation perpendiculaire à celui-ci (fig. 6). Cela présente, de plus, l'avantage d'augmenter encore l'espace dévolu à la langue pour favoriser son rôle stabilisant (fig. 5).

• Permettre une équilibration avec contacts généralisés simultanés répartis sur toutes les dents (ou à la limite en trépied) non seulement en position d'intercuspidie maximale (fig. 7) mais aussi au cours des guidages cuspidiens en propulsion (fig. 8) et en diduction (fig. 9).

Façon de procéder sur le plan pratique

• Mise en articulateur des moulages suivant un rapport intermaxillaire précis (fig.10 et11), avec un parfait report du soutien et des repères esthétiques fournis par le bourrelet maxillaire et établi suivant les règles classiques développées dans l'article précédent. Il faut toutefois souligner que, lorsqu'une table de transfert est utilisée pour la mise en articulateur du moulage maxillaire, il est nécessaire de positionner le point interincisif, matérialisé sur la base d'occlusion maxillaire en avant de la croix de repérage de la table de transfert, selon une valeur correspondant au surplomb antérieur créé par l'état de rétromandibulie [9, 10]. En effet, un positionnement du point interincisif maxillaire suivant le rapport de normocclusion repéré sur la table de transfert aurait pour conséquence de positionner les futures surfaces occlusales mandibulaires dans une relation postérieure à celle déterminée par le rapport de normocclusion, induisant ainsi une erreur au niveau de la cinématique d'un articulateur, utilisé dans un concept géométrique, avec des valeurs moyennes de programmation.

• Évaluation de l'importance du rapport en rétromandibulie à compenser au niveau antérieur (fig. 12) ainsi que du degré de convergence vers le haut des axes intercrêtes (fig. 13).

• Réalisation d'une clé antérieure mandibulaire en élastomère silicone haute viscosité transférant les informations esthétiques [11] du bourrelet maxillaire en ce qui concerne le positionnement souhaité du groupe incisivo-canin, du point interincisif et des pointes canines (fig. 14).

• Léger abaissement du plan d'occlusion au niveau des dents mandibulaires (fig. 15) qui serait bissecteur des axes intercrêtes dans un cas de normocclusion.

• Montage du groupe incisivo-canin maxillaire suivant les références fournies par la clé en élastomère (fig. 16).

• Montage des dents postérieures maxillaires suivant les principes développés pour les cas de normocclusion dans le précédent article (fig. 17). Toutefois, souvent, le fait d'abaisser légèrement le plan d'occlusion et d'adopter un espace libre plus important détermine une convergence accentuée des axes de crêtes vers le haut. Cela impose un montage des dents postérieures maxillaires avec leurs cuspides palatines passant par cet axe et suivant une orientation perpendiculaire à celui-ci (fig. 6), de façon à éviter les inconvénients du montage en articulé inversé ou croisé.

• Montage des dents mandibulaires différent de celui préconisé par la plupart des auteurs dans les cas de rétromandibulie [2, 4, 5]. En effet, ce type de montage établit un surplomb important entre les groupes incisivo-canins maxillaire et mandibulaire avec suppression des premières prémolaires mandibulaires et création d'un diastème (fig.18). Il semble préférable, pour des raisons déjà évoquées, de limiter au maximum le surplomb antérieur en vestibulant en éventail le groupe incisivo-canin mandibulaire (fig. 19) et en plaçant deux canines postiches supplémentaires, généralement en résine alors que les autres dents sont en porcelaine, en lieu et place des premières prémolaires (fig. 20). Cet artifice permet de créer un large « berceau » lingual antérieur s'étendant jusqu'aux deuxièmes prémolaires (fig. 20). Il est destiné à offrir à la langue des possibilités accrues de stabilisation prothétique, ce qui lui permet de compenser l'action de l'orbiculaire des lèvres soutenue par une version anormale du groupe incisivo-canin (fig. 19, 20 et 21) réalisée pour éviter toute interposition nocive et inesthétique de la lèvre inférieure (fig. 22).

Résultats obtenus par ces artifices de montage à travers un cas clinique

Il s'agit d'une patiente en bonne santé, âgée de 70 ans, candidate à l'édentation totale bimaxillaire car non satisfaite de ses prothèses existantes et soucieuse d'améliorer son esthétique.

Le jour de la consultation, les photos de l'intéressée font apparaître, de face (fig. 23 et 25) comme de profil (fig. 27), un affaissement de l'étage inférieur de la face associé à des sillons nasogéniens très marqués. Elle était porteuse d'une prothèse amovible partielle décolletée de 9 dents au maxillaire prenant appui sur 11, 12, 13, 14 et 15, seules dents naturelles présentes sur l'arcade, ainsi que d'une prothèse amovible complète à la mandibule ; les rapports occlusaux s'établissaient en normocclusion.

Seul un traitement par prothèse amovible complète immédiate maxillaire associée à une nouvelle prothèse amovible complète mandibulaire pouvait permettre de satisfaire l'esthétique de cette patiente comme en témoignent les résultats de face (fig. 24 et 26) et de profil (fig. 28 et 29). En effet, cette solution prothétique pouvait permettre de placer les dents artificielles antéro-supérieures dans une position bien antérieure à celle des dents naturelles, de façon à procurer à l'intéressée le soutien esthétique recherché. Le problème posé au stade du montage des dents artificielles faisait que ce cas, dans un rapport de normocclusion initial avec les dents naturelles, devenait un cas de rétromandibulie. La solution ne pouvait donc être apportée que par l'utilisation des artifices de montages en rétromandibulie déjà développés comme le montrent les prothèses exécutées pour cette patiente (fig. 30, 31 et 32).

Montage en promandibulie

Les cas de promandibulie présentent une crête mandibulaire édentée circonscrivant entièrement la crête maxillaire en projection horizontale. Ils posent des problèmes d'autant plus complexes à résoudre que la convergence vers le haut des axes intercrêtes est importante (fig. 33 et 34) et résulte d'une résorption extrême plutôt que d'un état de promandibulie vraie existant déjà à l'état denté. En effet, dans cette deuxième situation, les crêtes sont généralement restées de bonne qualité, et l'équilibration des prothèses se trouve facilitée par le fait que le prognathe mandibulaire vrai a souvent tendance à privilégier les mouvements fonctionnels de glissements cuspidiens en propulsion plutôt que ceux en diduction qui sont généralement de faible amplitude. Il est d'ailleurs relativement facile, au stade de l'édentation totale, de distinguer les états de promandibulie résultant d'une forte résorption, qui sont aptes à faire des mouvements de diduction de grande amplitude, de ceux qui étaient des prognathes vrais à l'état denté et qui, tout en étant limités dans ce domaine, présentent un angle goniaque très ouvert.

Quelle que soit la difficulté du cas (fig. 33 et 34), il est toujours souhaitable de ne pas réaliser de montage en articulé inversé(fig.35) tel que l'avait porté pendant plusieurs années une patiente de 68 ans désireuse de renouveler ses prothèses car insatisfaite de son aspect esthétique [12]. En effet, seul un montage (fig. 36) rétablissant une « normalité fonctionnelle et esthétique » pouvait permettre d'atteindre les objectifs souhaités par la patiente si on compare son aspect de face comme de profil avec les anciennes (fig. 37 et 39) et les nouvelles prothèses (fig. 38 et 40).

La réalisation d'un tel montage pose des difficultés que l'on peut retrouver dans d'autres cas extrêmes de promandibulie pour lesquels il est toujours préférable d'éviter un montage en articulé inversé inesthétique et, de surcroît, générateur de résorption, de morsure de langue et de joues.

Ces difficultés ne peuvent être résolues qu'à condition de respecter certains impératifs [6-12]

• Lingualer légèrement le groupe incisivo-canin mandibulaire et vestibuler le groupe incisivo-canin maxillaire de façon à obtenir à la limite un articulé en bout à bout incisif (fig. 41 et 42).

• Vestibuler légèrement les groupes de dents cuspidées maxillaires de façon que les cuspides palatines passent par l'axe intercrête avec une orientation perpendiculaire à celui-ci (fig. 43 et 44). De plus, cette position limite améliore le soutien esthétique tout en offrant un espace plus confortable à la langue qui lui permet une meilleure stabilisation de la prothèse mandibulaire.

• Proposer un espace libre d'inocclusion très faible (de l'ordre du millimètre) et bien moins important que dans les cas de normocclusion. Cette réduction de l'espace libre contribue à une augmentation de l'espace prothétique et donc à une diminution de la convergence des axes intercrêtes. Soulignons également que, chez les sujets dentés présentant des prognathies mandibulaires, l'espace libre d'inocclusion est très réduit, voire inexistant [8] et que, au stade de leur traitement pour une édentation totale bimaxillaire, on a toujours tendance à sous-évaluer leur dimension verticale d'occlusion, ce qui est une erreur.

• Remonter le plan d'occlusion par rapport au plan bissecteur et à partir du point interincisif des dents mandibulaires (fig. 43 et 44). Cette élévation du plan d'occlusion permet de faire passer la résultante des forces occlusales lors de l'interposition alimentaire unilatérale à l'intérieur du polygone de sustentation, c'est-à-dire des bords, des prothèses. Il faut remarquer que c'est souvent également le cas chez les sujets dentés atteints de prognathie mandibulaire qui ont le plan d'occlusion des dents naturelles situé au-dessus de la langue en position de repos, c'est-à-dire dans une situation plus haute que dans un cas de normocclusion [5].

• Permettre une équilibration avec des contacts généralisés simultanés répartis sur toutes les dents (ou à la limite en trépied) non seulement en position d'intercuspidie maximale (fig. 41) mais aussi au cours des guidages cuspidiens en propulsion (fig. 45) et en diduction (fig. 46 et 47).

• Utiliser des dents prothétiques cuspidées très étroites dans le sens vestibulo-lingual afin de ne pas créer de zones en contre-dépouilles susceptibles de procurer à la langue des possibilités de déstabilisation prothétiques (fig. 42).

Façon de procéder sur le plan pratique

Elle est sensiblement analogue à celle déjà décrite pour les cas de rétromandibulie mais comporte quelques différences.

• Mise en articulateur des moulages suivant un rapport intermaxillaire précis avec un parfait report du soutien et des repères esthétiques réalisés aux dépens du bourrelet mandibulaire sans réaliser de clé en élastomère (fig. 48). Il convient toutefois de souligner que, lorsqu'une table de transfert est utilisée pour la mise en articulateur du moulage maxillaire, il est nécessaire de positionner le point interincisif maxillaire en arrière de la croix de repérage de la table de transfert selon une valeur correspondant au décalage antérieur mandibulaire créé par l'état de promandibulie, cela, pour des raisons analogues mais opposées à celles développées précédemment pour les cas de rétromandibulie.

• Élévation du plan d'occlusion aux dépens des dents maxillaires (fig. 49) qui serait bissecteur des axes intercrêtes dans un cas de normocclusion.

• Montage du groupe incisivo-canin maxillaire suivant la référence du bourrelet mandibulaire qui a été mis en coïncidence au niveau antérieur avec le bourrelet maxillaire restituant ainsi l'esthétique souhaitée.

• Montage des dents postérieures maxillaires suivant les principes développés pour les cas de normocclusion dans l'article précédent. La différence essentielle, dans ce cas particulier, est une forte convergence des axes intercrêtes vers le haut qui impose un montage des dents postérieures maxillaires avec leurs cuspides palatines passant par cet axe et suivant une orientation perpendiculaire à celui-ci (fig. 43 et 44). Cette façon de procéder évite les inconvénients d'un montage en articulé inversé.

• Montage des dents mandibulaires effectué classiquement en recherchant à la limite un articulé en bout à bout dans la région antérieure [13].

• Dans certains cas où l'arcade maxillaire très en retrait (fig. 50), associée à des exigences esthétiques très personnalisées (fig. 51) pour conserver l'aspect existant (fig. 52), impose le montage d'une seule prémolaire maxillaire, le rattrapage de l'articulé au niveau mandibulaire se fait en remplaçant la première molaire par une troisième prémolaire (fig. 53).

L'utilisation de ces artifices de montage, souvent associés à des artifices d'empreinte destinés à obtenir des bords prothétiques fonctionnels compensant les effets de la résorption [12, 14-16], contribue à la satisfaction de l'esthétique par un meilleur soutien des lèvres et des joues. Ils permettent de rétablir un aspect subnormal, de face comme de profil, pour la satisfaction du patient, favorisant ainsi l'intégration des prothèses sur le plan psychologique. De plus, le fait de donner de l'ampleur à l'arcade maxillaire pour assurer le soutien esthétique augmente l'espace vital de la langue, ce qui lui permet de mieux stabiliser la prothèse mandibulaire à l'opposé du montage en articulé inversé qui conduit souvent à une déstabilisation prothétique liée à une insuffisance d'espace pour la langue.

Conclusion

D'après la littérature [2, 17, 18], les statistiques montrent que, chez les sujets dentés, les patients présentant une prognathie mandibulaire sont peu nombreux alors que ceux atteints d'une rétrognathie mandibulaire sont relativement nombreux par rapport aux sujets en normocclusion.

Il est difficile de transposer du sujet denté à l'individu totalement édenté les données épidémiologiques concernant la prépondérance et les parts de la population d'une classe squelettique par rapport aux autres, étant entendu qu'il faut tenir compte, au stade de l'édentation totale, des exigences esthétiques ou encore des effets de la résorption. Toutefois, il apparaît qu'une grande majorité des cas à traiter présentent des rapports de crêtes édentées soit en rétromandibulie, soit en promandibulie. C'est pourquoi les artifices de montage préconisés sont intéressants car ils permettent des résultats esthétiques et fonctionnels assez exceptionnels pour des patients exigeants, que ceux-ci présentent des rapports de rétromandibulie ou de promandibulie avec ou sans pathologie. Ils supposent néanmoins une bonne connaissance des montages classiques qui trouvent actuellement moins d'indications et doivent souvent être associés à des artifices d'empreinte en vue d'améliorer la sustentation prothétique. Enfin, leurs indications reposent sur un plan de traitement établi à la suite d'une observation clinique bien conduite.

Remerciements à messieurs R.Lerpscher, C. Audoux et J. Delcamp pour les travaux de laboratoire.

Nota bene : Les figures 3, 5, 50, 51, 52 et 53 sont extraites de L'Esthétique en prothèse adjointe complète, préservation ou amélioration de Jean-Marie Rignon-Bret publié dans l'ouvrage Esthétique en odontologie de S. Perelmuter [6].

Les figures 33, 34, 37, 38, 39 et 40, 42, 43, 48 et 49 sont extraites d'un article de Jean-Marie Rignon-Bret paru dans Réalités cliniques [12].

Bibliographie

  • 1 Bassigny F. Manuel d'orthopédie dento-faciale. Paris : Masson, 1983.
  • 2 Gateau P, Blanchet P, Nithart S. Classe II en prothèse adjointe complète, conséquences pratiques. Act Odonto-Stomatol 2000;210:209-220.
  • 3 Postaire M, Raux D. Prothèse adjointe complète et promandibulie. Cah Prothèse 1991; 74:12-21.
  • 4 Ackermann F. Le mécanisme des mâchoires. Paris : Masson, 1953.
  • 5 Lejoyeux J. Prothèse complète. Tome 2. 3e édition. Paris : Maloine, 1976.
  • 6 Rignon-Bret JM. L'esthétique en prothèse adjointe complète, préservation ou amélioration. In : Perelmuter S, ed. Esthétique en odontologie. Paris : SNPMD, 1987.
  • 7 Rignon-Bret JM. Esthétique et fonction dans la rétromandibulie chez l'édenté total. Cah Prothèse 1993;82:81-88.
  • 8 Begin M, Hutin I. Le rapport intermaxillaire en prothèse adjointe complète. Réalités cliniques 1997; 8:389-407.
  • 9 Rignon-Bret JM. La détermination du rapport intermaxillaire en prothèse complète immédiate (1re partie). Inform Dent 1989 ;71(31):2703-2710.
  • 10 Rignon-Bret JM. La détermination du rapport intermaxillaire en prothèse complète immédiate (2e partie). Inform Dent 1989;71(36):3367-3378.
  • 11 Rignon-Bret C, Benharoche D, Audoux C. - Caractérisation des bases prothétiques en prothèse amovible complète. Synergie Prothétique 2000 ; 1:59-70.
  • 12 Rignon-Bret JM, Rignon-Bret C. Traitement des cas de promandibulie et de forte résorption chez l'édenté total. Réalités cliniques 1997;8:435-450.
  • 13 Pompignoli M, Doukhan JY, Raux D. Prothèse complète. Clinique et laboratoire. Paris : Éditions CdP, 1993.
  • 14 Rignon-Bret JM. Les empreintes maxillaires chez l'édenté total âgé présentant une forte résorption. Chirur Dent Fr 191;558:37-42.
  • 15 Rignon-Bret JM. Empreintes fonctionnelles dans un cas complexe d'édentement total unimaxillaire. Act Odonto-Stomatol 1992;177:231-242.
  • 16 Rignon-Bret JM. Empreintes fonctionnelles dans un cas complexe d'édentement total mandibulaire. Rev Dent Liban 1996;34:37-47.
  • 17 Curtis TA, Langer Y, Curtis DA, Carpenter R. Occlusal considerations for partially or completely edentulous skeletal Class II patients. Part I: background information. J Prosthet Dentist 1988;60: 202-211.
  • 18 Curtis TA, Langer Y, Curtis DA, Carpenter R. Occlusal considerations for partially or completely edentulous skeletal Class II patients. Part II: treatment concept.