Classe II de Kennedy de grande étendue - Cahiers de Prothèse n° 114 du 01/06/2001
 

Les cahiers de prothèse n° 114 du 01/06/2001

 

Occlusodontie

Estelle Schittly *   Guillaume Feys **  


* Assistante hospitalo-universitaire
** Interne en odontologie
Faculté d'odontologie
2, rue du Général-Kœnig
51100 Reims

Résumé

Pour résoudre les différents problèmes que l'on peut rencontrer lors de l'enregistrement de la relation centrée dans un cas de classe II de Kennedy de grande étendue, un dispositif original est proposé. Une maquette d'occlusion conventionnelle, facile à réaliser au laboratoire, constituée de Plaque-base® sur laquelle est placé un bourrelet de Stents®, est stabilisée à l'aide d'Impression Paste® sur le moulage issu de l'empreinte anatomo-fonctionnelle. Pour éviter une déstabilisation de la maquette lors de l'enregistrement, des modifications sont proposées :

- un crochet permettant le maintien par le praticien de la maquette pendant la manipulation ;

- un fil de laiton non élastique de 0,6 mm de diamètre qui serpente entre les cuspides des dents cuspidées pour assurer la rétention de la cire Aluwax®.

La maquette ainsi réalisée doit permettre :

- à l'opérateur, de la maintenir durant l'enregistrement ;

- au patient, de percevoir un comportement des matériaux identique de part et d'autre de l'axe médian ;

- d'optimiser la qualité des enregistrements obtenus grâce à l'empreinte anatomo-fonctionnelle. Ce procédé exploitable aussi bien au maxillaire qu'à la mandibule permet de mieux maîtriser les problèmes occlusaux inhérents aux édentements unilatéraux de grande étendue.

Summary

Widespread class II of Kennedy, an original technique for the recording of the centric relation

In order to solve the various problems one may encounter during the recording of the centric relation in a case of widespread class II of Kennedy, an original technique is suggested. A conventional occlusion wax registration - easy to carry out in the laboratory and made of some Plaquebase®, on which a Stent's® roll is placed - is stabilized thanks to some Impression Paste® on the cast taken from the anatomo-functional impression. Certain alterations are suggested to avoid a destabilization of the wax registration during the recording: a hook ensuring the support of the wax rgistration by the practitioner during the manipulation, and a non-eleastic brass-wire of 0.6 mm in diameter which winds betweeen the cuspides of the cuspided teeth in odrer to ensure the retention of the Aluwax®. Therefore, the wax registration must enable the operator to hold it during the recording and the patient to feel an identical behaviour of the materials on each side of the median axis. Finally, the wax registration must optimize the quality of the recordings which were obtained thanks to the anatonomo-functional impression. This process, which can be used as well for the maxilla as for the mandible, enables to master the occlusion problems inherent to cases of widespread unilateral gaptooth.

Key words

centric relation, class II of Kennedy Applegate, occlusion, recording

La classe II de Kennedy caractérise un édentement unilatéral situé postérieurement aux dents restantes [1]. L'étendue du secteur édenté génère un porte-à-faux plus ou moins important, en fonction du nombre de dents absentes.

Cette configuration des arcades donne lieu à une coexistence de proprioception desmodontale et d'extéroception fibro-muqueuse qui perturbe le fonctionnement de l'appareil manducateur [2] (fig. 1).

Pour le patient, ce type d'édentement peut être générateur de dysfonctionnements en raison de la mastication unilatérale et de l'absence de calage postérieur [3] ; pour le praticien, de difficultés de conception et de réalisation de prothèses stables et confortables.

Ces difficultés commencent dès l'enregistrement des rapports maxillo-mandibulaires, à cause de l'instabilité du support d'enregistrement [4]. En effet, l'absence d'un polygone de sustentation occlusale exploitable interdit l'utilisation d'une cire aménagée de type « cire de Dawson ». Une maquette d'occlusion conventionnelle (Plaque-base®, Cavex et Stent's®, Atlantic Codental) demeure instable et difficile à maîtriser lors des manipulations. De ce fait, elle ne permet pas d'obtenir une précision et une reproductibilité des enregistrements [5]. De plus, la langue et les différentes structures périphériques contribuent à la déstabilisation de la base.

Pour tenter de surmonter ces difficultés, un support d'enregistrement répondant aux critères de qualité indispensables est proposé pour résoudre les problèmes inhérents à tout enregistrement d'une relation inter-maxillaire et plus particulièrement à ces édentements asymétriques de grande étendue. Ses caractéristiques sont :

- facilité de réalisation au laboratoire de prothèse ;

- manipulation aisée lors de la phase clinique par le praticien ;

- stabilité de la base en bouche lors de l'enregistrement des indentations ;

- reproductibilité de l'enregistrement ;

- transfert fiable des moulages sur l'articulateur.

À partir d'un cas clinique de classe II de Kennedy de grande étendue, le dispositif proposé est décrit, puis intégré à la description des différentes séquences d'enregistrement de la relation centrée (RC).

Cas clinique

Madame F. V., 35 ans, vient consulter pour des abcès à répétition sous d'anciennes couronnes et une instabilité de sa prothèse partielle à armature métallique maxillaire. Le maxillaire présente un édentement unilatéral à partir de l'axe médian, mal compensé par une prothèse en inocclusion. L'extraction de la deuxième molaire, irrécupérable, a conduit à un édentement de classe II de grande étendue (fig. 2a, 2b et 3).

Une réhabilitation totale maxillaire par prothèse composite a été décidée. Les moulages d'étude, prothèse en place, sont montés sur articulateur grâce à une cire aménagée de type Dawson (fig. 4a et 4b).

Après dépose des couronnes, des éléments provisoires fixés sont réalisés et des retraitements endodontiques sont entrepris. Une empreinte anatomo-fonctionnelle (Permlastic®, Kerr) est réalisée avec un porte-empreinte individuel en résine.

Une maquette d'occlusion conventionnelle est élaborée sur le moulage issu de cette empreinte en vue de la confection de la prothèse transitoire en résine. Elle fait l'objet de différentes modifications pour répondre aux critères précédemment énoncés.

Description du dispositif

L'originalité du dispositif réside en l'adjonction d'un fil de laiton de 0,6 mm de diamètre permettant la rétention de la cire Aluwax® (Aluwax Dental Products Co) non toilée (qui sera utilisée lors de la phase terminale de l'enregistrement). Ce fil est inclus par ses deux extrémités dans la base de la maquette. Il est simplement façonné et serpente entre les cuspides guides et les cuspides d'appui des dents du moulage maxillaire.

Un second fil, en acier, de diamètre 0,7 mm est également fixé dans la base. Celui-ci, ressemblant à un crochet, n'est pas rétentif mais, maintenu par le praticien, il permettra de conserver le contrôle de la maquette pendant la phase clinique d'enregistrement de la relation centrée (fig. 5).

La maquette d'occlusion est stabilisée à l'Impression Paste® (SS White) sur le moulage préalablement isolé.

Phase clinique d'enregistrement

Montage du moulage maxillaire

Des rainures sont pratiquées dans le bourrelet afin d'assurer la stabilisation de la maquette sur la fourchette enrobée de cire Moyco® (Moyco) (fig. 6a et 6b).

L'insertion de la maquette maxillaire, fil de laiton en place, permet le positionnement de l'arc facial, puis le transfert du moulage sur l'articulateur. Notons que l'adjonction du fil sur la maquette ne gêne en rien la stabilisation du moulage sur la fourchette recouverte de cire Moyco® (réchauffée dans l'eau chaude) (fig. 7 et 8).

Réglage du bourrelet maxillaire

Les séquences cliniques sont entreprises dans les conditions de détente et d'environnement définis pour un enregistrement précis et reproductible de la RC [6].

En opposition à la technique de P. Dawson, la technique utilisée est la technique unimanuelle qui, seule, permet le maintien et la maîtrise du support d'enregistrement [7]. Le pouce et l'index sont placés sur le rebord vestibulaire de la maquette, d'un côté, et sur le crochet, du côté opposé, ce qui informe l'opérateur de toute déstabilisation de la maquette (fig. 9).

Le ramollissement à la flamme du bourrelet de Stents® permet un premier enregistrement. Les indentations mandibulaires sont ensuite supprimées, le bourrelet est ainsi mis en inocclusion de 0,5 à 1 mm (fig. 10).

Phase terminale d'enregistrement

Une épaisseur de cire Aluwax® est déposée sur le bourrelet et sur les faces occlusales du côté opposé pour enrober le fil de laiton, légèrement chauffé au préalable (fig. 11a, 11b et 12).

Des élévations de la mandibule répétées en relation centrée impriment des indentations discrètes dans la cire de façon bilatérale (fig. 13, 14, 15a et 15b) .

Après vérification de la précision des indentations et de la parfaite stabilité de la maquette lors des contacts, le montage du moulage mandibulaire sur l'articulateur peut être effectué (fig. 16).

Pour tenter de répondre aux critères de qualité énoncés ci-dessus et de valider le procédé, une étude de reproductibilité est entreprise. Six maquettes d'occlusion identiques sont réalisées au laboratoire de prothèse pour permettre des enregistrements successifs. À l'issue des six enregistrements (RC à la même dimension verticale), une vérification de la fiabilité et de la reproductibilité est effectuée par l'affrontement de la double base (fig. 17a, 17b et 17c).

Cinq enregistrements sur les six effectués par deux opérateurs autorisent la coïncidence des doubles bases.

Discussion

Au cours des manipulations, aucun des désagréments perçus avec l'utilisation des maquettes conventionnelles n'a été observé comme la rotation de la base autour de l'axe médian lors de la sollicitation du bourrelet ou l'impossibilité d'interposer un matériau adéquat entre les dents antagonistes faussant la relation centrée.

Cette technique permet :

- d'optimiser la qualité des enregistrements obtenus grâce à l'empreinte anatomo-fonctionnelle en équilibrant les sollicitations occlusales ;

- à l'opérateur, de maintenir la maquette pendant la phase d'enregistrement ;

- au patient, de percevoir le comportement d'un même matériau de part et d'autre de l'axe médian.

Conclusion

Pour tenter de contribuer à la réalisation d'un traitement prothétique mettant en œuvre une succession de séquences précises et reproductibles, ce travail, à visées essentiellement clinique et pédagogique, devrait permettre de mieux maîtriser les problèmes occlusaux inhérents aux édentements unilatéraux de grande étendue.

bibliographie

  • 1 Batarec E, Buch D. Abrégé de prothèse adjointe partielle. Paris : Masson, 1989.
  • 2 Schittly J, Borel JC, Exbrayat J. L'occlusion en prothèse partielle amovible. Réalités Cliniques 1995;6:447-465.
  • 3 Borel JC, Schittly J, Exbrayat K. Manuel de prothèse partielle amovible. 2e édition. Paris : Masson, 1994.
  • 4 Kohaut JC. Occlusion en prothèse et réalité clinique quotidienne. Théorie, pratique clinique et bon sens. Simplicité et précision. Cah Prothèse 2000;112:51-61.
  • 5 Schittly E, Cariou F. Édentements sectoriels. Enregistrements des rapports maxillo-mandibulaires. Cah Prothèse 2000;112:25-36.
  • 6 Orthlieb JD, Brocard D, Schittly J, Manière-Ezvan A. Occlusodontie pratique. Paris : Éditions CdP, 2000.
  • 7 Dawson P. Occlusion clinique. Évaluation, diagnostic et traitement. Traduit par Liger F. Paris : Éditions CdP, 1991.