Dérangements intracapsulaires de l'articulation temporo-mandibulaire
 

Les cahiers de prothèse n° 114 du 01/06/2001

 

Articulation temporo-mandibulaire (ATM)

Anne Giraudeau *   Jean-Daniel Orthlieb **   Olivier Laplanche ***   Bernard Mantout ****   François Cheynet *****   Cyrille Chossegros ******   Patrick Sarrat *******  


* DCD, assistante hospitalo-
universitaire

Faculté d'odontologie de Marseille
33, boulevard Luce 13008 Marseille
** DCD, maître de conférences
Faculté d'odontologie de Marseille
307, rue Paradis
13008 Marseille
*** DCD, assistant hospitalo-
universitaire

Faculté d'odontologie de Nice
23, boulevard Paoli
20200 Bastia
**** DCD, attaché hospitalier
Faculté d'odontologie de Marseille
A1, 82, boulevard Michelet
13008 Marseille
***** Stomatologiste-chirurgien
maxillo-facial, praticien hospitalier

Service de chirurgie maxillo-faciale
et de stomatologie (Pr Blanc)
CHU Timone
13385 Marseille
****** Stomatologiste-chirurgien
maxillo-facial, praticien hospitalier

Service de chirurgie maxillo-faciale
et de stomatologie (Pr Blanc)
CHU Timone
13385 Marseille
******* Radiologue, chef de service
Service de radiologie et d'imagerie médicale
Hôpital Saint-Joseph
26, boulevard de Louvain
13285 Marseille Cedex 08

Résumé

Après une analyse critique de la terminologie et un rappel des principes d'une classification, cet article propose une classification actualisée des dérangements intracapsulaires de l'articulation temporo-mandibulaire. Il s'agit d'un concept de catégories diagnostiques tenant compte des progrès réalisés dans le domaine des moyens d'investigation complémentaire (axiographie et imagerie par résonance magnétique). On distingue 4 grades :

- le grade I : désunion condylo-discale partielle avec réunion « bouche ouverte » ;

- le grade II : désunion condylo-discale totale avec réunion « bouche ouverte » ;

- le grade III : désunion condylo-discale totale sans réunion « bouche ouverte » ;

- le grade IV : arthose.

L'objectif de cette classification est principalement de tenter d'améliorer la précision du diagnostic clinique et la fiabilité des études épidémiologiques. Les signes caractéristiques cliniques, axiographiques et IMR sont décrits pour chaque grade.

Summary

Intracapsular derangements of the temporo-mandibular joint: proposition of classification

After a critical analysis of the terminology and a recalling of the principles of classification, this article offers an updated classification of the intracapsular derangements of the temporo-mandibular joint. These fall into diagnosis categories which take into account the progress in the field of complementary means of investigation (axiography and magnetic resonance imaging). Four grades are singled out :

- grade I : partial disc-condyle disunion with repositionning on mouth opening ;

- grade II : total disc-condyle disunion with repositionning on mouth opening ;

- grade III : total disc-condyle disunion without repositionning on mouth opening ;

- grade IV : osteoarthrosis.

This classification aims essentially at improving the precision of the clinical diagnosis and the reliability of the epidemiological studies. Specific signs of clinical, axiography and MRI examinations are described for every grade.

Key words

dislocation, magnetic resonance imaging, temporo-mandibular joint

Les dérangements intracapsulaires de l'articulation temporo-mandibulaire (ATM) [1] sont historiquement répertoriés comme « luxations méniscales » [2]. Il s'agit d'anomalies de position des structures articulaires [3] dont la sémiologie peut varier en fonction de nombreux facteurs (inflammation, atteinte dégénérative, adhérences,etc.). À la lumière des moyens d'investigations complémentaires dont nous disposons à l'heure actuelle, la terminologie et la classification de ces dérangements intracapsulaires semblent inadéquates [4, 5]. Une classification devrait permettre, par le seul examen clinique, de déterminer les caractères structurels et fonctionnels des dérangements intracapsulaires de l'ATM.

Cet article a pour objectif de montrer les insuffisances de la terminologie classique, de préciser les principes d'une classification adaptée et de proposer une classification actualisée des dérangements intracapsulaires de l'ATM.

Aspect terminologique

La multiplicité des dénominations résulte des insuffisances de la terminologie. Les connaissances actuelles permettent de relever l'utilisation de termes inadaptés ou imprécis, sources de confusion.

Terminologie inadaptée

Un certain nombre de termes fréquemment usités ne décrivent pas avec pertinence ce qu'ils prétendent caractériser.

Ménisque

Anatomiquement un ménisque est défini comme un fibrocartilage interarticulaire en forme de croissant. Un bord est fixé à la capsule articulaire, l'autre s'étend librement dans la cavité articulaire. Ainsi, un vrai ménisque ne sépare pas la cavité articulaire (genou), et l'articulation qui le contient a pour mouvement principal celui d'une simple charnière. La structure interposée entre les surfaces articulaires de l'ATM n'est donc pas à proprement parler un ménisque [6]. Considérant sa forme (biconcave), sa structure (essentiellement fibreuse) et l'aspect fonctionnel (possibilité de roto-translation condylienne), le terme « disque » semble plus approprié. Déjà utilisé en 1918 par Pringle [7], ce terme est couramment employé dès les années 60 aux États-Unis.

Luxation discale

Les dérangements intracapsulaires de l'ATM sont dus à une perte des rapports condylodiscaux idéaux toujours associée à un étirement ou à une rupture des ligaments reliant le condyle au disque. Le terme généralement utilisé dans les pays francophones pour décrire cette situation est « luxation », traduction littérale et médicale du terme anglais dislocation (terme peu employé depuis les années 70 aux États-Unis). Une « luxation » est une modification permanente des rapports entre deux surfaces articulaires [8-11]. Dans le concept de « luxation discale », le disque est considéré comme la « cavité articulaire » du condyle mais l'utilisation du terme « luxation » soulève deux problèmes :

- elle sous-entend une possibilité de « réduction » (au sens propre) alors qu'une « luxation discale » n'est jamais réduite car il ne peut y avoir restitution ad integrum des relations condylo-discales initiales ;

- il semble préférable de réserver ce terme à la luxation temporo-mandibulaire (un seul mot pour une seule chose).

Déplacement discal [12, 13]

Les premiers auteurs à décrire les dérangements intracapsulaires de l'ATM parlent de dislocation of the mandibular meniscus tout en utilisant fréquemment le terme displacement of the disc [7]. Ce terme « déplacement discal » sera repris par de nombreux auteurs [14-16] avant d'être retenu pour la classification de l'American Academy of Orofacial Pain (AAOP) [12] mais il présente deux inconvénients :

- le terme « déplacement » n'est pas spécifique d'une situation statique anormale, il peut caractériser le résultat d'un mouvement physiologique du disque ;

- on peut penser que le « déplacement » est autant condylien que discal [17, 18].

Le terme « désunion condylo-discale » [19] semble plus adapté. Il définit le dérangement intracapsulaire de l'ATM.

Réductible et irréductible

La terminologie de l'AAOP [12, 13] distingue le déplacement discal « réductible » et le déplacement discal « irréductible ». Le qualificatif réductible sous-entend un repositionnement condylo-discal au cours des mouvements mandibulaires mais il peut aussi être assimilé à la notion de réduction thérapeutique. Ce qualificatif est donc inadapté. Nous savons, à l'heure actuelle, qu'il n'y a jamais restitution ad integrum des relations condylodiscales initiales. Quant au qualificatif irréductible, il donne au patient l'image d'une pathologie inquiétante.

Réversible (ou non permanent) et irréversible (ou permanent) [20, 21]

Ces termes avaient pour objectif de remplacer « réductible » et « irréductible ». Une anomalie de position condylo-discale est caractérisée par une métaplasie discale et des étirements ou des déchirures ligamentaires. Ces phénomènes ne sont pas réversibles. L'anomalie de position condylo-discale va s'établir de manière permanente même si, dans certaines phases de la cinématique mandibulaire, il peut y avoir un repositionnement condylo-discal transitoire.

Terminologie imprécise

La terminologie classique ne tient pas compte des précisions apportées par l'axiographie et l'imagerie par résonance magnétique (IRM). Une désunion condylo-discale peut être partielle ou totale [22, 23] ; une désunion peut être associée à des remaniements structurels qu'ils soient osseux ou capsulo-disco-ligamentaires ; elle peut être accompagnée de phénomènes d'impotence ou d'adaptation fonctionnelle. Il est donc sans doute nécessaire de quantifier la désunion condylo-discale, de qualifier les remaniements structurels et d'évaluer les capacités fonctionnelles de l'ATM. Ensemble, tous ces paramètres préciseront le diagnostic. Ils devront être caractérisés par des signes cliniques, axiographiques et d'imagerie spécifiques.

Le choix des termes à employer peut être discuté, mais les termes recherchés doivent être précis, plus spécifiques et faciles d'utilisation.

Terminologie proposée

Dérangement intracapsulaire de l'ATM défini par une désunion condylo-discale comportant 4 grades [24] :

- grade I : « désunion » partielle avec réunion « bouche ouverte »;

- grade II : « désunion » totale avec réunion « bouche ouverte »;

- grade III : « désunion » totale sans réunion « bouche ouverte » ;

- grade IV : arthrose.

Principes d'une classification

La classification des dérangements intracapsulaires de l'ATM doit répondre à un certain nombre de critères et d'objectifs.

Critères

Selon Jensen [25], une classification idéale devrait être valide, reproductible (reproductibilité des signes, en particulier cliniques), complète, généralisable, hiérarchisable, opérationnelle (explicite), exclusive. De manière plus réaliste, une classification doit pouvoir être clairement comprise et partagée par le plus grand nombre de praticiens. Pour cela, elle doit :

- principalement être structurelle ;

- comporter des catégories diagnostiques avec des signes cliniques suffisamment spécifiques (permettant de poser un diagnostic dans 80 % des cas [26]) ;

- comporter des signes fonctionnels, le praticien étant essentiellement confronté à l'aspect symptomatique et fonctionnel des dérangements intracapsulaires de l'ATM.

Objectifs

Selon Okeson [27], la classification idéale devrait présenter des avantages du point de vue de la pratique clinique et du point de vue de la recherche. Une classification doit donc avoir plusieurs objectifs.

Préciser le diagnostic

Les progrès réalisés dans le domaine de l'évaluation fonctionnelle et structurelle de l'ATM grâce à l'axiographie et à l'IRM permettent de définir des catégories diagnostiques précises. Même si on ne trouve pas systématiquement de correspondance entre les anomalies fonctionnelles et structurelles [28-32], la classification doit comporter des signes cliniques spécifiques de chaque dérangement interne en intégrant la composante fonctionnelle (éventuellement précisée par l'axiographie) et structurelle (éventuellement précisée par l'IRM). Ainsi, un praticien expérimenté et formé par la connaissance de ces techniques d'exploration pourra anticiper les caractères fonctionnels et structurels des dérangements intracapsulaires de l'ATM, lors de l'examen clinique, et limiter sa prescription d'examens complémentaires.

Évaluer le pronostic

Le pronostic est vraisemblablement fonction d'un certain nombre de facteurs d'environnement (état de la denture, comportement du patient, etc.) mais il est également influencé par les composantes fonctionnelle et structurelle du diagnostic articulaire. Pour établir un pronostic différentiel, il faut déterminer les possibilités d'adaptation articulaire en fonction des catégories diagnostiques.

Indiquer la thérapeutique

Comme le pronostic, les choix thérapeutiques sont fonction de facteurs d'environnement (motif de consultation, état de la denture, évaluation du bénéfice thérapeutique, etc.) mais la définition de catégories diagnostiques peut permettre éventuellement d'indiquer une thérapeutique spécifique, donc d'élargir les possibilités thérapeutiques [4].

Élargir le champ des études épidémiologiques

Les études épidémiologiques sont grandement dépendantes du système de classification utilisé [5, 25, 27]. Plus le système de classification est pertinent, plus les résultats des enquêtes seront intéressants du point de vue clinique.

Classification des dérangements intracapsulaires de l'ATM

L'idéal structurel et fonctionnel correspond à l'union condylo-discale [33]. Le dérangement intracapsulaire de l'ATM est défini par la désunion condylo-discale dont la sémiologie peut varier en fonction de la présence ou non de facteurs liés aux tissus de connexion, de facteurs neuromusculaires, osseux ou inflammatoires.

La « normalité articulaire », les désunions condylo-discales et les facteurs de variation de leur sémiologie seront décrits.

Normalité articulaire

La « normalité articulaire » est prise au sens de « modèle de référence ». Il s'agit de critères idéaux qui ne sont pas tous nécessairement rencontrés chez un sujet asymptomatique.

Aspect clinique

L'entretien ne révèle pas d'historique de dysfonctionnements de l'appareil manducateur (DAM) ou de traumatisme facial. La cinématique mandibulaire est régulière. Les condyles droits et gauches translatent de manière symétrique, sans bruit et sans ressaut (perceptibles à la palpation ou à l'auscultation). Selon Szentpétery [34], les amplitudes d'ouverture buccale et de translation (mesurée en diduction) sont respectivement de 51,7 et 9,3 mm.

Aspect axiographique (fig. 1a, 1b) [35-38]

• La translation condylienne est régulière (sans déviation de trajectoire), curviligne et d'amplitude suffisante (14 à 16 mm lors de l'ouverture, 8 à 10 mm lors de la propulsion, 10 à 12 mm lors de la diduction).

• Les tracés « aller » et « retour » sont superposés.

• L'axe charnière est stable.

• Les tracés de l'articulation droite et gauche sont relativement symétriques.

• Lors de l'ouverture et de la propulsion, le condyle se déplace dans le plan sagittal (pas de déplacement dans le plan transversal).

• Lors de la diduction, le condyle pivotant se dégage un peu latéralement, vers l'arrière et en haut, pour pouvoir faire sa rotation ; le condyle orbitant effectue alors un mouvement progressif vers l'intérieur, vers l'avant et vers le bas. Ce mouvement, décrit dans la littérature comme une courbe à concavité latérale, est souvent rectiligne.

• Les tracés d'ouverture, de propulsion et de diduction sont superposables (s'il n'y a pas d'erreur de localisation de l'axe charnière [39]).

Aspect IRM (fig. 2a, 2b) [24, 40, 41]

Le complexe condylo-discal et les structures osseuses doivent être intacts.

• Complexe condylo-discal

En occlusion d'intercuspidie maximale (OIM), la tête condylienne est en contact avec la zone intermédiaire du disque (donc avec les deux bourrelets discaux) et l'ensemble s'appuie contre le versant postérieur de l'éminence temporale. Lors des mouvements mandibulaires, le complexe condylo-discal reste solidaire (même s'il existe un déplacement relatif des structures articulaires) et se déplace le long du versant postérieur de l'éminence. Le disque sain se caractérise par un hyposignal homogène.

• Structures osseuses

Elles sont régulières et harmonieuses, le condyle et le sommet de l'éminence temporale sont arrondis. En T1 ou en densité protonique, la corticale est en hyposignal et l'os spongieux sous-jacent en hypersignal.

Désunions condylo-discales (annexe I)

Les désunions condylo-discales peuvent être regroupées en 4 grades [24] même si chaque grade ne représente pas systèmatiquement l'évolution du grade précédent (le grade 0 correspondant à la « normalité articulaire »).

Grades I et II : « désunions » avec réunion « bouche ouverte »

Ce sont des désunions condylo-discales caractérisées par une réunion condylo-discale, transitoire, au cours des mouvements mandibulaires. Il existe peu d'atteintes structurelles (il s'agit de simples remodelages osseux, rarement d'atteintes dégénératives [42, 43]) et d'inconforts fonctionnels associés, mais les dyskinésies sont fréquentes (ressauts et claquements liés aux réunions ou aux désunions condylo-discales se produisant lors des mouvements mandibulaires). En fonction de l'amplitude de la désunion condylo-discale, on distingue des désunions partielles et totales.

• Grade I : « désunion » partielle avec réunion « bouche ouverte »

En OIM, la tête condylienne n'est plus en contact avec les deux bourrelets discaux, elle s'appuie uniquement contre le bourrelet postérieur. La désunion peut être plus ou moins importante. Dans les situations de « subnormalité », les signes sont très modérés.

Signes cliniques

Le claquement est précoce (à environ 10 mm d'ouverture buccale), de faible intensité, non réciproque, sans déviation évidente du dentalé, rarement observé dans tous les mouvements. Cependant, l'importance des signes est fonction de l'amplitude de la désunion, de l'état neuromusculaire et de la laxité articulaire.

Signes axiographiques

La plupart du temps, les tracés sont subnormaux. Parfois, on observe un ressaut précoce du tracé dans le plan sagittal (dans le premier quart du mouvement d'ouverture) et une déviation transversale (fig. 3a et 3b).

Signes IRM [22]

En OIM, la tête condylienne s'appuie uniquement contre le bourrelet postérieur du disque. (Elle n'est plus en contact avec le bourrelet antérieur du disque.) Quand la désunion est importante, la rétrocondylie l'est souvent aussi (fig. 4a et 4b).

• Grade II : désunion totale avec réunion « bouche ouverte »

En OIM, la tête condylienne est en arrière du disque.

Signes cliniques [38, 44, 45]

Le claquement est net, constant et réciproque ; plus tardif à « l'aller » que dans le grade I, il se produit toujours près de l'OIM au « retour ». En fonction de l'ampleur de la désunion et de la laxité articulaire, deux types de claquement peuvent être observés :

- un claquement dans tous les mouvements : dans le mouvement d'ouverture, il se produit entre 10 et 25 mm d'ouverture buccale ;

- un claquement plus tardif se produisant uniquement dans les mouvements d'ouverture de grande amplitude.

Signes axiographiques [46-49]

Ressaut bien distinct « à l'aller » et « au retour » ; ressaut « au retour » toujours proche de l'OIM (fig. 5a) ; déviation transversale constante (fig. 5b).

Comme en clinique on peut observer deux situations :

- des ressauts sur tous les mouvements limites, le ressaut « à l'aller » ayant lieu dans la première moitié du mouvement (fig. 5a et 5b) ;

- des ressauts existant uniquement dans les mouvements d'ouverture de grande amplitude (ressaut « à l'aller » dans la deuxième moitié du mouvement). Dans ce cas, les tracés de propulsion et de diduction sont semblables à ceux des désunions de grade III (cf. infra).

Signes IRM [50]

En OIM, le condyle est en arrière du disque, souvent en rétroposition, plus rarement en supraposition [43]. Dans les phases d'ouverture suffisamment importantes, on observe une réunion condylo-discale (fig. 6a et 6b).

• Grade III : « désunion » totale sans réunion « bouche ouverte »

C'est une désunion condylo-discale pour laquelle il n'y a pas de réunion condylo-discale au cours de la cinématique mandibulaire. Elle répond à une atteinte plus importante du complexe condylo-discal. On y trouve, souvent associés, des remaniements osseux et fibreux (adhérences) et des limitations fonctionnelles dans les phases inflammatoires. Des adaptations structurelles et fonctionnelles s'observent dans les phases de chronicité.

Signes cliniques

L'historique révèle des antécédents de claquements et des épisodes de limitation des mouvements.

Quand le grade III est récent, il y a inflammation, donc douleur, et l'amplitude de la translation condylienne est limitée. Ainsi, l'ouverture buccale et la propulsion sont limitées et déviées du côté de l'articulation « atteinte ». Le plus souvent, la diduction est limitée du côté « sain ».

En dehors des phases inflammatoires, il y a peu de douleurs articulaires (douleurs modérées, provoquées, épisodiques). Ainsi, quand le grade III est ancien, il est généralement bien compensé, sans douleur, et la fonction a tendance à se normaliser, en particulier chez l'adulte jeune. De légers crépitements peuvent être diagnostiqués à la palpation et/ou à l'auscultation articulaire.

Signes axiographiques [31, 35-37, 51]

Souvent le rapport d'amplitude « ouverture-propulsion » et « ouverture-diduction » est anormal, l'amplitude du tracé d'ouverture étant plus diminuée que celle de la propulsion et de la diduction (fig. 7a, 7b et 7c).

Dans les grades III récents et les phases inflammatoires, les tracés, dans le plan sagittal, sont d'amplitude limitée, à tendance rectiligne avec une inclinaison relativement importante (pente condylienne) (fig. 8a). Dans la diduction, le déplacement transversal est progressif, d'amplitude augmentée ou à concavité inversée (médiale) (fig. 9). Le mouvement de Bennett (condyle pivotant) est souvent atypique.

Dans les grades III anciens, les tracés se normalisent (en amplitude et légèrement en forme), en particulier chez l'adulte jeune (fig. 8b) ; si l'amplitude des tracés de propulsion et de diduction se normalise, celle des tracés d'ouverture est souvent proportionnellement diminuée. Dans la diduction, le déplacement transversal est progressif et souvent rectiligne.

Signes IRM

Quand le grade III est récent ou en phase inflammatoire, en OIM et en position « bouche ouverte », le disque, plicaturé, est en avant du condyle (fig. 10a et 10b). En OIM, le condyle est souvent en rétroposition, plus rarement en supraposition. On peut observer des atteintes dégénératives évolutives des structures articulaires.

Quand le grade III est ancien, le disque, atrophié, est souvent nettement en avant du condyle en OIM et le condyle peut s'être recentré, dans la cavité glénoïde, par remodelage. On peut observer des adhérences et des remodelages osseux.

• Grade IV : arthrose

Elle est définie par un remodelage important des structures articulaires suite à une atteinte dégénérative. Elle s'observe généralement après un grade III dans les désunions anciennes [42, 43, 52].

Signes cliniques

La fonction est partiellement limitée, et des crépitements nets sont diagnostiqués à la palpation et/ou à l'auscultation articulaire.

Signes axiographiques

Les tracés sont rectilignes (aplatissement de la paroi postérieure de l'éminence) parfois horizontalisés (diminution de l'inclinaison de la paroi postérieure de l'éminence donc pente condylienne faible d'environ 30°) et d'amplitude sensiblement diminuée (fibrose liée à l'ancienneté de la dislocation) (fig. 11).

Dans la diduction, déplacement transversal et mouvement de Bennett (condyle pivotant) sont souvent augmentés.

Signes IRM

Le complexe condylo-discal est désuni en OIM et en position « bouche ouverte ». Le disque est atrophié. La tête condylienne est aplatie et présente un ostéophyte antérieur. La paroi postérieure de l'éminence est également aplatie et, dans les stades avancés, elle a tendance à s'horizontaliser (fig. 12a et 12b). L'interligne articulaire supérieure est diminuée.

Facteurs de variation de la sémiologie des désunions condylo-discales

Des facteurs concomitants à la désunion condylo-discale peuvent être diagnostiqués en clinique, à l'axiographie ou à l'IRM. Ils modifient la sémiologie des désunions condylo-discales influençant la présence ou non de douleurs, l'amplitude et la direction des déplacements condyliens. Ces facteurs correspondent à :

- des atteintes des tissus de connexion (laxité, adhérences, dégénérescences discales et synoviales) ;

- des dysfonctionnements neuromusculaires ;

- des atteintes osseuses (condyliennes et temporales) ;

- des inflammations articulaires.

Conclusion

La classification des dérangements intracapsulaires de l'ATM décrite dans cet article a pour objectif de codifier de manière plus précise les signes (structurels et fonctionnels) permettant d'établir un diagnostic. En favorisant une meilleure formation du praticien, on aboutirait à une démarche diagnostique simple, essentiellement clinique, réservant les examens complémentaires à des doutes diagnostiques. Par ailleurs, des enquêtes épidémiologiques plus fiables pourraient être réalisées et déboucher sur d'éventuelles indications thérapeutiques plus spécifiques. Il ne s'agit, évidemment, que de la présentation d'un concept de catégories diagnostiques devant être validé.

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