Décembre 2035 - Cahiers de Prothèse n° 115 du 01/09/2001
 

Les cahiers de prothèse n° 115 du 01/09/2001

 

Éditorial

Jean Schittly  

rédacteur en chef

Le 30 décembre 2035, France quitte ses amis à l'issue d'une sympathique cérémonie organisée pour son départ en retraite. Elle a 50 ans et n'est pas fâchée d'arrêter ce travail hospitalo-universitaire pour lequel elle a beaucoup donné, mais qui commençait à devenir pesant.

Avec son conjoint, ingénieur, elle a pu élever sans problème deux enfants qui ont désormais leur indépendance, le fils travaillant dans l'informatique et la fille dans l'hôtellerie pour personnes...


Le 30 décembre 2035, France quitte ses amis à l'issue d'une sympathique cérémonie organisée pour son départ en retraite. Elle a 50 ans et n'est pas fâchée d'arrêter ce travail hospitalo-universitaire pour lequel elle a beaucoup donné, mais qui commençait à devenir pesant.

Avec son conjoint, ingénieur, elle a pu élever sans problème deux enfants qui ont désormais leur indépendance, le fils travaillant dans l'informatique et la fille dans l'hôtellerie pour personnes âgées, deux domaines en pleine expansion.

Sur le chemin du retour, dans sa petite voiture électrique, elle se surprend à refaire le film de sa carrière…

Ses études en odontologie, achevées en 2010, se sont déroulées sans trop de difficultés et très tôt, elle a choisi de poursuivre le cursus pour devenir enseignante. Elle n'était pas tentée par le travail dans les centres de soins gérés par la Santé publique ou par des mutuelles privées compte tenu du rythme trépidant des soins. D'autre part, le nombre limité d'actes cliniques autorisés aurait pu s'avérer frustrant au fil des années. Le travail en cabinet privé l'aurait plus attirée, mais il nécessitait de gros investissements en formations complémentaires et en frais d'installation. De plus, le nombre de ces cabinets était en nette diminution car réservés aux patients d'un niveau de vie élevé.

Elle a eu de la chance pour ses études, car se souvient-elle, elles se sont terminées juste avant la réforme qui intégrait totalement l'odontologie aux facultés de médecine. Ses amies des promotions suivantes avaient dû subir des mesures transitoires assez contraignantes.

Déterminée à rejoindre le plus rapidement possible le corps enseignant, elle a décidé de sacrifier une grande partie de sa vie privée durant un semestre pour consacrer soirées et week-ends à apprendre les 510 questions du nouvel internat de santé publique.

Cela a été difficile, souvent décourageant, mais dotée d'une bonne mémoire, elle a finalement obtenu un bon classement et a pu gravir ensuite les échelons de la carrière hospitalo-universitaire grâce à sa volonté de réussir et au soutien de quelques-uns de ses supérieurs hiérarchiques.

Le temps s'est écoulé ensuite, partagé entre vie familiale et vie professionnelle.

Cette dernière s'est révélée assez variée et c'est surtout la préparation des travaux dirigés qui lui a laissé les meilleurs souvenirs, notamment la préparation des supports électroniques des postes de simulation : pour la formation pratique des étudiantes, il avait fallu créer du matériel et des patients virtuels. Le reste du temps était consacré à l'établissement de rapports pour obtenir des fonds, à la rédaction de publications informatisées et à un travail hospitalier limité à un encadrement des étudiantes pour des travaux simples. La carie et la maladie parodontale étant pratiquement maîtrisées, ce sont surtout les suites de traumatisme et les problèmes liés aux traitements défectueux des générations précédentes qui constituaient la majorité des actes.

La restructuration complète d'un système de santé global qui a suivi le grand bouleversement économique mondial a finalement abouti à l'obligation de faire des choix, tous les travaux faisant intervenir les nouvelles technologies ne pouvant être dispensés à tous les patients.

C'est en partie à cause de cela et également en raison de conflits internes incessants au sein de l'université que France n'est pas mécontente de cesser son activité professionnelle. Elle va pouvoir s'investir dans des activités culturelles, des voyages et des actions caritatives.

À l'issue du trajet, la commande électronique d'ouverture de la maison est activée, la voiture prend place silencieusement sur sa plate-forme et conduit la nouvelle retraitée directement dans sa salle de séjour…