Évolution et indications des reconstitutions corono-radiculaires indirectes - Cahiers de Prothèse n° 116 du 01/12/2001
 

Les cahiers de prothèse n° 116 du 01/12/2001

 

Prothèse fixée

Gérard Aboudharam *   Michel Laurent **  


* Docteur en chirurgie dentaire
- Docteur de l'université de la Méditerranée
- ancien assistant hospitalo-universitaire

10, avenue Jeanne d'Arc
13400 Aubagne
** Docteur en chirurgie dentaire -
assistant hospitalo-universitaire
307, rue Paradis
13008 Marseille
Unité d'odontologie conservatrice et de prothèse conjointe
Service d'odontologie Marseille-Centre
UFR Odontologie Marseille
Université de la Méditerranée
17-19, boulevard Mireille Lauze
13010 Marseille

Résumé

Les reconstitutions des dents dépulpées, qu'elles soient directes ou indirectes, ont évolué ces dernières années grâce aux matériaux adhésifs. Ceux-ci ont permis le développement de nouveaux concepts. L'évaluation clinique de la couronne dentaire résiduelle et de la racine doit permettre de poser l'indication du type de reconstitution en tenant compte de ces nouveaux concepts. Lorsque l'indication d'une reconstitution indirecte est posée, on doit tenir compte de deux notions importantes : d'une part, l'élaboration de tenons radiculaires anatomiques et leur mode de fixation doivent éviter au maximum la fragilisation des racines et, d'autre part, la technique doit être la plus aseptique possible pour préserver le traitement endodontique. L'utilisation des reconstitutions corono-radiculaires indirectes métalliques (inlay-cores), justifiée par un très grand recul et une relative simplicité de mise en œuvre, reste toujours d'actualité. Mais les inlay-cores ne doivent pas imposer de contraintes à la racine, génératrices de risques de fracture. On préfère, pour ces reconstitutions, un collage ou un scellement adhésif comme mode d'assemblage. Les reconstitutions corono-radiculaires en céramique, bien que limitées dans leurs réelles indications, ne peuvent être conçues que sur des racines permettant la préparation d'un logement important. Enfin, l'utilisation d'un matériau récent alliant fibres de verre et matériau composite (FRC) (Targis®, Vectris®) peut être une alternative prometteuse. Les caractéristiques biomécaniques très favorables, les qualités optiques satisfaisantes pour l'utilisation éventuelle des prothèses céramo-céramiques, l'homogénéité du matériau et la simplicité d'assemblage font de celui-ci un matériau de choix pour les reconstitutions corono-radiculaires indirectes. Il devra être éprouvé cependant dans cette nouvelle application. Le suivi à moyen et à long terme des cas traités sera déterminant pour évaluer les limites de l'utilisation de ce concept dans cette indication.

Summary

Evolution and indications of indirect post and core reconstitutions

The reconstitutions of non vital teeth, whether they are direct or indirect, have evolved recently thanks to the adhesive materials which have allowed the development of new concepts. The clinical evaluation of the residual tooth crown and of the root allows to choose the type of reconstitution taking into account those new concepts. When the indication of an indirect reconstitution is given, one must take into account two important notions: on the one hand, the elaboration of anatomic posts and their mode of fixation must avoid the weakening of the roots as much as possible and, on the other hand, the technique must be as aseptic as possible to preserve the endodontic treatment. The use of metallic indirect post and core reconstitutions (inlay-cores), justified by a very long clinical assessment and a relative simplicity of realization, is still up-to-date. But the inlay-cores must not impose any strain to the root which could generate risks of fracture. For these reconstitutions, an adhesive bonding is prefered as a mode of assembling. Ceramic post and core reconstitutions, although their indications are limited, can only be realized on roots allowing the preparation of an important space. Lastly, the use of a recent material combining carbon fibers and composite material (FRC) (Targis®, Vectris®) can be a promising option. The very favourable biomechanical characteristics, the satisfactory optical qualities for the possible use of ceramo-ceramic prostheses, the homogeneity of the material and the simplicity of assembling make it a choice material for the indirect post and core reconstitutions. However it will have to be tested in this new application. The mid and long term follow-up of the treated cases will be decisive to estimate the limits of the use of the concept in this indication.

Key words

bonding, carbon fiber, composite, indirect post and core reconstitutions

La reconstitution d'une dent dépulpée est un acte quotidien de pratique clinique. Elle constitue, la plupart du temps, le préalable à la réalisation de l'acte prothétique ; elle assure l'étanchéité de l'accès endodontique en prévenant la contamination bactérienne. Elle doit redonner une cohésion à l'organe dentaire en tenant compte de l'anatomie, de l'étendue de la perte de substance coronaire, de l'épaisseur des parois résiduelles, des contraintes fonctionnelles qui vont s'exercer sur les restaurations et, enfin, du type de restauration prothétique.

Si, pendant de nombreuses années, les deux standards les plus utilisés étaient les matériaux foulés autour d'un tenon préfabriqué et l'inlay-core métallique scellé, les possibilités thérapeutiques se sont diver-sifiées. Les matériaux adhésifs ont permis le développement de nouveaux concepts. Les reconstitutions corono-radiculaires directes utilisant des tenons collés en fibres synthétiques et des matériaux composites en sont un exemple démonstratif. Bien que moins nombreuses, les indications des reconstitutions corono-radiculaires indirectes existent toujours [1]. Elles ont, de la même manière que les reconstitutions directes, évolué avec les matériaux, les succès et les échecs rencontrés [2].

Ce sont les situations cliniques qui guident les choix : importance du délabrement de la couronne dentaire dû à la destruction carieuse, nécessité imposée par la recherche d'axes strictement parallèles pour des préparations corono-périphériques multiples, majoration des éléments de rétention lorsque la hauteur est limitée. La décision thérapeutique doit toujours tenir compte de la facilité de mise en œuvre des différents maté-riaux et des réalités de la pratique quotidienne.

Synthèse des indications actuelles

L'inlay-core est toujours très « ancré » dans les habitudes thérapeutiques, à tort ou à raison, car peu d'études statistiques sur les échecs à moyen et long terme sont aujourd'hui publiées.

Est-il nécessaire de coiffer une dent dépulpée ?

Une cavité d'accès conforme aux impératifs endodontiques impose de délabrer fortement la face occlusale. Si seule cette face est perdue, on considère que la dent est faiblement délabrée. Dans ce cas, tous les matériaux de reconstitution sont envisageables et il n'est pas obligatoire de concevoir une prothèse sur cette dent [3].

Si deux parois sont perdues, les possibilités thérapeutiques sont également étendues pour ne pas imposer une prothèse si l'incidence esthétique n'est pas fortement compromise.

À partir de trois parois perdues, on considère la perte comme sévère, l'acte prothétique s'avère la plupart du temps indispensable. De plus, il peut être nécessaire d'avoir recours à un élément de rétention pour le matériau de reconstitution sous-jacent. Cet élément de rétention coronaire est souvent un ancrage radiculaire. Les indications respectives d'une reconstitution indirecte et d'une reconstitution directe doivent être posées en analysant la couronne dentaire [4], d'une part, et l'anatomie radiculaire [5], d'autre part.

Analyse de la couronne dentaire restante

Elle permet de juger si la structure subsistante est compatible avec une reconstitution directe ou non. En effet, l'hétérogénéité du complexe tenon/matériau et les impératifs du champ opératoire impliquent un délabrement moins important dans l'indication d'une reconstitution directe.

Trois paramètres sont à prendre en compte, quel que soit le type de dent : le nombre de parois restantes, la hauteur des parois et leur épaisseur. On définit ainsi pour chaque paramètre une valeur minimale en dessous de laquelle l'indication d'une reconstitution corono-radiculaire indirecte est posée :

- le nombre de parois restantes ne doit pas être inférieur à 3 ;

- la hauteur des parois ne doit pas être inférieure au 2/3 de la hauteur initiale ;

- l'épaisseur des parois doit être égale ou supérieure à 1 mm.

Ces valeurs sont résumées dans le tableau I .

Si, en traçant une diagonale se situant à la limite des valeurs minimales définies plus haut, un seul des paramètres se situe à droite de cette diagonale, même si les deux autres paramètres sont favorables, il est quasiment impossible d'éviter une reconstitution indirecte (fig. 1). Bien que schématique et extrêmement simplifié, ce tableau est proposé pour servir de guide dans l'indication du mode de reconstitution. Il faut noter, en pratique, que le praticien doit souvent faire une projection de la perte de substance liée à la préparation. Le délabrement avant préparation ne permet pas toujours de poser l'indication de la reconstitution.

Analyse de la racine dentaire

Elle permet de s'assurer que les parois restantes après préparation du logement du tenon pourront supporter les contraintes liées à la présence d'un tenon.

Les critères à prendre en compte sont :

- la courbure canalaire : on retient, d'une manière générale, qu'il ne faut pas franchir la courbure sous peine d'affaiblir la racine et de risquer d'induire une fêlure, une amorce de fracture, voire une effraction de la paroi interne. Et ce d'autant plus que les collages permettent de réduire la longueur des tenons en conservant leur rétention et leur efficacité ;

- la forme de la lumière canalaire : il est indispensable de respecter l'anatomie du canal lors de la préparation du logement.

Ces critères définissent des situations cliniques favorables ou risquées en fonction du type de dent. Une petite racine fine et courbe supportera mieux la présence d'un tenon aux propriétés mécaniques proches de la dentine. À l'inverse, une racine plus solide pourra supporter les contraintes liées à la présence d'un tenon métallique. Cette notion peut être nuancée lorsque les tenons métalliques sont insérés sans contrainte et entourés d'un joint de polymère adhésif jouant le rôle d'amortisseur.

Principes généraux

Deux notions importantes doivent régir la conception moderne des reconstitutions corono-radiculaires indirectes :

- l'élaboration des tenons radiculaires et leur fixation doivent éviter au maximum la fragilisation des racines ;

- une technique la plus aseptique possible doit préserver le traitement endodontique.

Le respect du premier principe énoncé repose sur la réalisation de tenons anatomiques et passifs [6]. Le tenon ne renforce pas la racine, il ne joue qu'un rôle de tuteur et de rétention pour la restauration coronaire [7]. C'est le système d'assemblage qui va redonner la cohésion à la racine. La forme de la lumière canalaire doit être conservée au cours de la préparation (en particulier dans les canaux ovales) afin d'allier économie tissulaire et solidité du tenon. La longueur du tenon est également adaptée à la taille de la racine. La forme légèrement conique du tenon, en particulier dans la zone apicale, semble moins contraignante et délabrante [8]. Lors de l'essayage clinique, la passivité des tenons est vérifiée par l'absence totale de friction (fig. 2 et 3). La rétention des tenons sous-dimensionnés est assurée par une technique de fixation adhésive. En outre, l'élasticité du film de colle qui entoure le tenon améliore la diffusion des contraintes et augmente la cohésion de la racine [9].

Le principe d'asepsie repose en grande partie sur la rapidité d'obturation des entrées canalaires. Étant donné la faible étanchéité des obturations transitoires, l'inlay-core doit être réalisé dans les plus brefs délais après le traitement endodontique sous peine de contamination bactérienne par les fluides salivaires [1]. L'élimination de la gutta-percha devrait se faire de façon aseptique selon Wu et al. [10]. Pour cet auteur, le risque ultérieur de percolation et de contamination bactérienne serait non négligeable.

En dehors des deux aspects détaillés ci-dessus, d'autres principes peuvent être rappelés. La limite de l'inlay-core doit toujours être située en deçà des limites dentaires pour permettre une jonction directe entre la coiffe et la dent, meilleur garant d'un joint et d'une étanchéité optimale. Le positionnement des limites de l'inlay-core permet également de ménager les épaisseurs nécessaires pour la future coiffe ; cela suppose une parfaite visibilité des limites dentaires sur le moulage et, donc, la mise en œuvre, lors de l'empreinte, d'une technique d'accès aux limites adaptée.

Au laboratoire, la réalisation d'éléments augmentant la rétention de la future coiffe sera souvent prévue sous forme de puits ou de cannelures.

Matériel et matériaux de reconstitution

Matériel de préparation canalaire

Il n'existe pas de système de préparation qui fasse l'unanimité des auteurs [11] ni de méthode opératoire standardisée. Pour l'élimination de la gutta-percha, on peut donner la préférence à des instruments rotatifs plutôt qu'à des instruments chauffés comme les « Pluggers ». Ces derniers risquent d'endommager la partie terminale de l'obturation [12]. L'élimination de la partie la plus importante de la gutta-percha étant faite, la mise en forme du logement canalaire est poursuivie avec des élargisseurs rotatifs. Les forets cylindroconiques trop mutilants comme les forets type Mooser® (Cendres et Métaux) sont déconseillés. Les angles à l'extrémité du logement risquent d'affaiblir la racine ; ces zones de faiblesse peuvent donner naissance, ultérieurement, à une amorce de fracture.

Une mise en forme avec des systèmes utilisant forets et tenons calibrés paraît contradictoire avec la recherche de formes anatomiques. Enfin, l'utilisation d'un spray et une vitesse réduite pour diminuer l'échauffement sont indispensables.

Reconstitutions indirectes métalliques

L'utilisation des métaux pour les reconstitutions indirectes est sans doute justifiée par un très grand recul clinique, une relative simplicité de mise en œuvre et, avec l'expérience clinique, une bonne prédictibilité des résultats à terme. Les qualités mécaniques des métaux permettent l'obtention d'une résistance suffisante de la reconstitution dans la quasi-totalité des situations cliniques. Le cas extrême des incisives mandibulaires en est l'illustration.

Qu'ils soient précieux ou non précieux, les alliages métalliques présentent, cependant, l'inconvénient d'un module d'élasticité important : 200 GPa (dentine 16-18 GPa) et, de ce point de vue, leur utilisation est critiquable. Mais les systèmes d'assemblage, en particulier l'utilisation de système de collage comme le Panavia 21® (Kuraray) ou le Superbond® (Sun Medical), offrent de nouvelles perspectives. Mendoza et al. [13] ont montré que les racines dont les tenons sont collés au Panavia 21® offrent une meilleure résistance à la fracture que celles dont les tenons sont scellés avec un ciment à base d'oxyphosphate de zinc.

Reconstitutions indirectes en céramique

Parmi les facteurs qui doivent être pris en compte pour les dents du secteur antérieur, l'esthétique est un paramètre important. L'utilisation de couronnes en céramique sans armature métallique améliore de façon considérable le résultat esthétique final. Deux types d'indications justifient la suppression du métal pour les reconstitutions indirectes :

- indication esthétique : elle est particulièrement justifiée pour les céramiques translucides (type Empress® (Ivoclar-Vivadent). Les céramiques d'infrastructure alumiseuse In-Ceram® (Vita) ou Procera® (Nobel Biocare), beaucoup plus opaques, imposent moins de contraintes esthétiques pour les restaurations sous-jacentes ;

- indication liée à la biocompatibilité : la disparition des phénomènes de corrosion ou d'allergie justifie l'élimination totale des métaux.

L'application d'une couche de céramique opaque sur la partie coronaire de l'inlay-core [14] est un moyen simple pour masquer le métal. L'inconvénient de ces reconstitutions est de n'autoriser aucune retouche après leur mise en place sous peine d'éliminer, par endroit, la couche d'opaque.

Une alternative plus intéressante consiste à recouvrir l'infrastructure métallique d'une couche d'opaque et d'une céramique « dentine ». Cette couche de couleur proche de celle de la dentine est suffisamment épaisse pour permettre les retouches.

Afin de supprimer totalement le métal, l'utilisation de reconstitutions indirectes en céramique a été suggérée : d'abord en vitro-céramique, avec le procédé Dicor® (Dentsply) en 1989 [14], puis en oxyde d'alumine infiltré de verre, avec le procédé In-Ceram® [15]. En 1994, une technique alliant un tenon préfabriqué en oxyde de zirconium (ZrO2) et une partie coronaire élaborée en céramique a été proposée [16, 17] (fig. 4, 5, 6 et 7).

Il faut citer également l'utilisation de la technique monobloc où le tenon et la coiffe en vitro-céramique ne constituent qu'une seule pièce [18].

Bien que ces reconstitutions indirectes avec un scellement adhésif tel que le Panavia 21® (Kuraray) semblent présenter toutes les qualités requises sur les plans mécanique et biologique [19], leur utilisation est limitée par le diamètre important du tenon. Elles sont, en outre, limitées dans leurs indications réelles et réservées la plupart du temps aux dents antérieures maxillaires.

Reconstitutions indirectes en composite renforcé par des fibres (FRC)

Les techniques de reconstitutions directes des dents dépulpées évoluent de plus en plus ces dernières années vers l'utilisation de tenons en fibres synthétiques avec, en particulier, les fibres de carbone [20, 21]. Les tenons assemblés avec des systèmes adhésifs sont associés à des polymères chargés comme matériau de restauration. Ces reconstitutions permettent une économie tissulaire et sont avantageuses sur le plan mécanique, les études in vitro le démontrent [22]. Bien que le recul clinique ne soit pas aussi important que pour les reconstitutions directes utilisant des tenons métalliques, les résultats d'études rétrospectives in vivo sur les dents reconstituées avec fibres et matériau composite sont encourageants [23].

Les inconvénients de ces reconstitutions sont liés à la complexité de leur réalisation, puisqu'elles nécessitent plusieurs matériaux. Le temps de mise en œuvre est beaucoup plus long que l'assemblage d'une reconstitution indirecte. L'utilisation des composites de laboratoire peut être une réponse à ces inconvénients car ils permettent de réaliser des reconstitutions corono-radiculaires indirectes beaucoup plus simples que les précédentes. Ces matériaux allient à la fois caractéristiques biomécaniques favorables pour la racine, qualités optiques satisfaisantes pour l'utilisation éventuelle de prothèses entièrement en céramique et simplicité d'assemblage. De plus, ils ne sont pas réservés aux dents antérieures. L'application du système Targis®-Vectris® (Ivoclar-Vivadent) pour des reconstitutions corono-radiculaires indirectes paraît intéressante. Il présente toutes les qualités requises pour ce type de reconstitution [24].

La méthode opératoire est détaillée temps par temps à partir d'un cas clinique (fig. 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20 et 21). Bien que le cas présenté ici soit celui d'une reconstitution indirecte à vocation esthétique sur une incisive maxillaire, ce type de reconstitution convient à la majorité des dents compte tenu des propriétés mécaniques prometteuses. Les principales contraintes à prendre en compte sont inhérentes au collage (possibilité de mise en place d'un champ opératoire) et à l'accessibilité aux limites périphériques.

Technique de réalisation

Principes de préparation

Préparation corono-périphérique

La dent, dépulpée et reconstituée par des matériaux transitoires ou définitifs, doit être préparée dans sa partie périphérique comme une dent indemne. La limite, en forme de congé, est conservée en situation juxta ou supra-gingivale pour ménager des possibilités de retouche après assemblage de la reconstitution indirecte.

Élimination des matériaux coronaires hétérogènes

Ces matériaux sont : du ciment temporaire, du composite, de l'amalgame, etc. Le curetage des zones cariées et le retrait du matériau d'obturation doivent se faire jusqu'aux entrées canalaires (fig. 22 et 23).

Élimination des parois fragiles

On considère que des murs de dentine dont l'épaisseur est inférieure à 1 mm sont trop faibles pour pouvoir être enregistrés et reproduits en plâtre au laboratoire, ils doivent donc être éliminés. Dans certains cas, aucune paroi de dentine ne peut être conservée et la préparation prend la forme d'un plateau sur tout ou partie du pourtour de la dent.

Préparation du logement canalaire

Une radiographie préalable est indispensable pour choisir le ou les canaux exploités ainsi que la profondeur et le diamètre du logement. Le nombre de canaux exploités sur une pluriradiculée est lié à la hauteur du tronc radiculaire. Sur une dent présentant un tronc radiculaire important, seul le canal le plus large est préparé (canal distal des molaires mandibulaires, canal palatin des molaires maxillaires). En présence d'un tronc radiculaire court ou inexistant, un second logement parallèle ou divergent (clavette) peut être préparé. Cependant, l'amélioration de la rétention par les scellements adhésifs réduit de plus en plus l'indication d'un verrou. La longueur de préparation du logement est fonction de la forme et de la longueur de la racine considérée : le passage des courbures est systématiquement évité et un minimum de 5 mm de gutta-percha doit être conservé dans la zone apicale pour assurer l'étanchéité de l'obturation [25]. Un évasement supplémentaire de l'entrée canalaire peut augmenter la résistance du tenon (fig. 24). Enfin, sur les dents monoradiculées dont le canal est de section circulaire, un dispositif antirotationnel (encoche) est ajouté. Cependant, la préservation maximale de la dentine radiculaire demeure un objectif essentiel.

Remarques sur la gestion des contre-dépouilles : si le délabrement est dû à une contre-dépouille dans la partie canalaire ou dans le tronc radiculaire, trois attitudes peuvent être adoptées pour tenir compte de cette contre-dépouille sans fragiliser la structure dentaire résiduelle par une préparation excessive :

- comblement de la contre-dépouille avec un matériau de restauration adhésif (composite-verre ionomère, etc.) ;

- comblement transitoire de la contre-dépouille par un matériau provisoire (Cavit® (3M-Espe), Temp bond® (Kerr), etc.) jusqu'à la phase d'empreinte puis comblement définitif par le matériau d'assemblage ;

- empreinte avec un matériau élastique en conservant la contre-dépouille qui sera secondairement gérée au laboratoire.

Empreinte ou maquette de fonderie directe

Lorsque les inlay-cores sont réalisés au laboratoire, une empreinte de la dent préparée et de son environnement (antagoniste compris) est indispensable. Ces empreintes doivent présenter non seulement les critères de qualité d'un enregistrement corono-périphérique, mais également des critères spécifiques liés à l'enregistrement des logements canalaires. Le matériau de choix est un élastomère silicone, pour ses qualités mécaniques en particulier sa résistance au déchirement et sa rigidité après la prise. Il est injecté dans les logements canalaires à l'aide d'un bourre-pâte Lentulo® ou de Tanaka® de très gros diamètre. Le praticien doit veiller à guider le matériau le long d'une des parois sans obstruer la lumière canalaire pour ne pas emprisonner de bulle d'air (fig. 25). La coulée du moulage doit être adaptée en veillant à ne pas déformer l'empreinte par un plâtre trop épais ou une compression quelconque.

Si la maquette de l'inlay-core métallique est réalisée directement en bouche à l'aide d'une résine calcinable (Duralay®, Dental Mig. Co.), l'absence de contre-dépouille dans la partie canalaire devient impérative afin de pouvoir retirer la résine injectée dans le canal, après polymérisation. Un tuteur assurant la rigidité et la cohésion de la résine est indispensable. De même, l'élimination de toute trace d'eugénol, par un parfait nettoyage du logement canalaire, est nécessaire pour permettre la polymérisation de la résine (fig. 26 et 27).

Assemblage

Choisir un matériau d'assemblage est déterminant pour la pérennité de la reconstitution. Gonthier et al. ont défini un cahier des charges pour l'assemblage des tenons [26]. Ce cahier des charges repose sur trois paramètres : la rétention du tenon, la prévention des fractures et l'étanchéité de la restauration. Ce choix est effectué en fonction du matériau de la reconstitution corono-radiculaire indirecte qui peut être de différentes natures : phosphate de zinc (ZP), polycarboxylate (PC), ciment verre ionomère (CVI), ciment verre ionomère modifié par adjonction de résine (CVIMR), résine adhésive chargée ou non (RA), résine non adhésive et système adhésif (RNA).

Si on se réfère aux différents types d'assemblage ( tabl. II), on constate que les reconstitutions métalliques coulées peuvent être assemblées avec tous types de matériaux. Le scellement avec les ciments au phosphate de zinc possède le plus long recul clinique. La manipulation de ce ciment est importante puisque c'est l'injection à l'aide d'un bourre-pâte de gros diamètre et l'enduction du tenon pour la mise en place qui donnent les meilleurs résultats pour la rétention [27]. Un léger sous-dimensionnement du tenon métallique permet d'éviter les contraintes lors du scellement, en particulier dans la zone apicale [28].

Des études ont montré que la rétention des résines adhésives et des com-posites de scellement est supérieure à celle des ciments classiques [29]. Degrange et al. [30] ont montré que les meilleures valeurs de rétention sont obtenues avec les résines non chargées (Superbond®, Sun Medical). Les valeurs de rétention obtenues avec les CVIMR (Fuji I®, GC) sont cependant très acceptables : 15,5 MPa contre 19,6 MPa avec les résines adhésives non chargées et 5,5 MPa avec le ciment au phosphate de zinc.

Le collage permet une plus grande rétention, une meilleure absorption des contraintes et une meilleure étanchéité. Les conditions cliniques doivent néanmoins être prises en compte. La technique de collage doit être maîtrisée afin d'aboutir à un résultat optimal. L'adhésion d'une résine adhésive comme le Superbond® pour l'assemblage des inlay-cores métalliques peut être améliorée en enduisant le tenon et les parois dentinaires du monomère activé. La mouillabilité de la résine est alors augmentée. Les CVIMR représentent un bon compromis entre efficacité et simplicité de manipulation (fig. 28).

Pour les deux autres types de reconstitutions corono-radiculaires indirectes, en céramique et en FRC, le collage étant obligatoire, on donne la préférence aux résines adhésives comme le Panavia 21® (Kuraray). Ce matériau, à prise anaérobie, laisse tout le temps nécessaire à l'opérateur de réaliser un assemblage satisfaisant.

Les considérations à prendre en compte, lorsque le choix du matériau d'assemblage est un système adhésif sont :

- l'accessibilité qui conditionne un champ opératoire acceptable et compatible avec l'utilisation d'une technique adhésive ;

- la rapidité de mise en œuvre : une assistance est souvent indispensable ;

- la quasi-certitude de non-réintervention endodontique : si un traitement canalaire n'est pas radiologiquement et cliniquement satisfaisant et si la possibilité de réintervention chirurgicale est délicate, les résines adhésives sont peut-être à exclure compte tenu de la quasi-impossibilité de démontage.

Conclusion

Le choix d'un type de reconstitution corono-radiculaire nécessite une réflexion encore souvent insuffisante : analyse fine de la situation clinique, de la radiographie, de l'anatomie dentaire et, éventuellement, de la nécessité de répondre à une demande d'esthétique.

L'évolution des reconstitutions corono-radiculaires tient mieux compte de l'intégration biomécanique. Les nouveaux concepts adhésifs permettent aujourd'hui d'éviter certains échecs rencontrés par le passé. On préfère des inlay-cores métalliques n'imposant pas de contraintes à la racine et, pour le mode d'assemblage, un collage ou un scellement adhésif. La recherche de rétention mécanique génératrice de risques de fracture est largement remise en cause aujourd'hui.

Accessible au plus grand nombre, la technique des reconstitutions corono-radiculaires coulées, simple et bien codifiée reste préférable aux reconstitutions directes collées lorsqu'elles sont mal indiquées ou imparfaitement réalisées.

Le rapport coût/efficacité ne peut être ignoré dans la pratique quotidienne. Ces derniers mois, une évolution de la nomenclature sur les reconstitutions indirectes coulées est intervenue. Les effets de cette révision sont actuellement difficiles à percevoir sur notre pratique. Elle semble pourtant déjà en retard par rapport aux avancées scientifiques dans ce domaine.

Enfin, les nouveaux matériaux composites renforcés par des fibres constituent probablement une alternative prometteuse pour l'avenir. Sur le plan clinique, ces reconstitutions indirectes tirent parti des avantages des reconstitutions directes utilisant des tenons en fibres tout en supprimant des manipulations délicates. Elles vont dans le sens d'une dentisterie a minima, sans métal, mais devront être éprouvées par un recul clinique plus long.

Remerciements à Hervé Arnaud, prothésiste dentaire, pour son aide dans la réalisation des inlay-cores en FRC.

bibliographie

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