Comment évaluer un article portant sur un traitement ?
 

Les cahiers de prothèse n° 117 du 01/03/2002

 

DENTISTERIE FONDÉE SUR DES PREUVES

Gary R. Goldstein *   Jack D. Preston **  


* DDS - Professor and Director
Advanced Education Program in Prosthodontics

New York University
College of Dentistry
New York, N.Y. (États-Unis)
** DDS - Professor Emeritys, The
University of Southern California School of Dentistry

Executive Vice President
Dental Medical Diagnostic Systems
Los Angeles, California (États-Unis)

Scénario clinique

Vous traitez une femme de 54 ans depuis de nombreuses années, et malgré l'excellente qualité de vos réalisations, une maintenance assidue chez son parodontiste et un bon entretien personnel, son état parodontal se dégrade régulièrement. Ses tentatives pour arrêter de fumer se sont avérées infructueuses. Elle est en bonne santé et ne prend aucun médicament. En tant que dentiste traitant, elle vous a questionné à plusieurs reprises sur son problème. Le parodontiste a proposé un traitement de 3 semaines à base de doxycycline, afin de contrôler la dernière phase aiguë de sa maladie parodontale, mais elle s'inquiète des rapports de la Food and Drug Administration (FDA), qui appellent à la prudence dans l'utilisation des antibiotiques. Comment pouvez-vous conseiller cette patiente ?

Résumé

En dentisterie restauratrice, on change de traitement en raison des progrès réalisés au niveau des produits et/ou des techniques ou parce que le « produit » que nous utilisons n'est plus sur le marché. En tant que dentistes, nous servons généralement de « champ d'expérimentation » pour des compagnies commerciales et les données « anecdotiques » que procurent les bulletins d'information, les publications dans des revues sans comité de lecture et les groupes de discussions sur Internet sont souvent, et malheureusement, la première documentation réalisée sur une performance clinique de mauvaise qualité et/ou sur des effets secondaires indésirables. Les problèmes rencontrés avec les fractures radiculaires lorsque l'on scelle des tenons ou la fracture de restaurations entièrement céramique en utilisant des agents de scellement résine/verre ionomère en sont des exemples. Les études randomisées et contrôlées sont la référence (« gold standard ») d'un protocole de recherche. Malheureusement, nombre d'entre elles peuvent être de longue durée et d'un coût élevé. Cependant, un traitement qui n'est pas efficace est également coûteux. Comme la plupart des progrès sont réalisés avec des études portant sur un petit nombre de cas, qui sont déjà à un niveau inférieur de preuve, nos lectures doivent impérativement être le plus efficace possible. Sackett [5] conclut « … certaines questions sur le traitement ne requièrent pas des essais randomisés (par exemple : des interventions efficaces comparées à des interventions fatales) ou ne peuvent pas attendre que les essais soient menés. Et si aucun essai randomisé n'a été mis en œuvre pour évaluer la situation difficile de notre patient, nous recherchons la meilleure preuve disponible et nous travaillons à partir de là ». La dentisterie fondée sur des preuves procure au lecteur les outils pour évaluer cette preuve. Les objectifs de la dentisterie fondée sur des preuves sont : une meilleure qualité, une recherche ciblée et pertinente qui procure une meilleure information pour le clinicien et un meilleur traitement pour le patient.

Summary

How to evaluate an article about therapy

In restorative dentistry, we change therapy because of improvements in products and/or techniques or because the « product » we use is no longer on the market. As dentists, we are usually doing the « field testing » for commercial companies and the « anecdotal » data supplied by newsletters, nonpeer-reviewed publications, and Internet chat groups are often, and unfortunately, the first documentation of poor clinical performance and/or adverse secondary effects. The problems with root fracture when cementing dowels and the fracture of complete coverage porcelain restorations with resin/ionomer luting agents are examples. Randomized controlled studies are the « gold standard » of research design. Unfortunately, many can be of long duration and great expense. However, the therapy that is not efficacious is also expensive. Because most advances are made with small case studies, which are already at a lower level of evidence, it is imperative that what we read has the greatest possible validity. Sackett [5] has concluded « … some questions about therapy do not require randomized trials (successful inteventions for otherwise fatal interventions) or cannot wait for the trials to be conducted. And if no randomized trial has been carried out for our patient's predicament, we follow the trail to the next best external evidence and work from there. » EBD gives the reader the tools to evaluate that evidence. The goal of Evidence Based Dentistry is better quality, clinically-oriented and relevant research that provides better information for the clinician and better treatment for the patient.

Key words

benefits, evidence based dentistry, randomization, therapy validity

La recherche

En faisant usage de vos compétences acquises en matière de dentisterie fondée sur des preuves, vous effectuez une recherche de littérature sur votre ordinateur, en quête de la preuve appropriée permettant d'étayer votre conseil. Une recherche ciblée sur les résultats de la doxycycline vous procure 2 759 « articles de référence ». L'ajout du mot clé « parodontite » limite la liste à 32 articles. Votre souhait de trouver la preuve clinique vous oriente vers l'article intitulé « Étude contrôlée et randomisée sur l'usage de la doxycycline en prévention des parodontites récidivantes chez les patients à haut risque : activité antimicrobienne et inhibition de la collagénase » de McCulloch et al., 1990 [1]. Après avoir lu le résumé, vous commandez l'article complet. L'étude porte sur 82 sujets ayant subi un traitement chirurgical au cours des trois dernières années et qui, malgré un suivi prophylactique comprenant des surfaçages réguliers, continuent à avoir soit des abcès parodontaux fréquents, soit une perte d'attache parodontale, soit des pertes dentaires consécutives à la maladie. L'étude est randomisée, contrôlée par placebo et réalisée en double aveugle. Trois sujets ayant signalé la prise de tétracycline ou de doxycycline durant l'année précédente ont été exclus au stade du dépistage. Les sujets ont été suivis pendant 12 mois à partir de mesures initiales, et 17 d'entre eux, qui ne présentaient pas de récidive de la maladie, ont été exclus de l'étude. La doxycycline (dose initiale de 200 mg suivie d'une prise de 100 mg par jour pendant 3 semaines) a été administrée à 30 sujets ; un placebo contenant du lactose a été administré à 25 sujets. Les sujets ont été suivis grâce aux indices suivants : niveau d'attache gingivale, profondeur de poche au sondage, saignement ou suppuration au sondage, écoulement sulculaire, indice de plaque, indice gingival, activité antimicrobienne et inhibition de la collagénase. Sept sujets ont abandonné (six sujets du groupe placebo et un sujet du groupe expérimental). Après sept mois, 15 sur 19 des sujets restants (soit 79 %) du groupe placebo et 13 sur 29 (soit 45 %) des sujets restants du groupe expérimental ont présenté une récidive de la maladie.

Le praticien d'aujourd'hui est submergé par une quantité insurmontable de publications et d'informations ; certaines cernent très bien leur sujet, d'autres sont contradictoires ou même inutiles. La prise de décision clinique exige que ce soit la preuve et non l'empirisme qui dicte le traitement. Le principe de dentisterie fondée sur des preuves, adapté sur celui de nos confrères médecins [2-4], offre des directives permettant de déterminer la validité des résultats et d'apprécier dans quelle mesure ils peuvent être appliqués à la pratique clinique.

Cet article a pour but de faire une revue de la littérature portant sur les règles de dentisterie fondée sur des preuves que doit suivre le clinicien pour établir la thérapeutique odontologique appropriée.

Comment évaluer un article sur le traitement ?

La plupart des praticiens tombent dans la routine thérapeutique et établissent leur traitement sur les techniques qu'ils connaissent le mieux et avec lesquelles ils sont à l'aise. Lorsque des techniques totalement nouvelles font leur apparition, comme cela s'est produit pour les implants dentaires, les patients ont le droit - moral, éthique et légal - de connaître les risques et les avantages de tout traitement qui leur est conseillé.

En examinant la valeur d'une source d'information, le lecteur ou l'auditeur doit clairement comprendre quel était l'objectif de l'étude et comment les investigateurs ont cherché à établir leurs prémices. En outre, les résultats de l'étude doivent être directement liés à l'objectif formulé. Même si le résultat d'une étude peut sembler donner la preuve que les conclusions sont justifiées, le lecteur doit s'assurer que les chercheurs ont utilisé des méthodes crédibles pour parvenir à leurs conclusions. Guyatt et al. [3, 4] ont divisé l'évaluation de la validité en questions primordiales et secondaires.

Validité : les résultats sont-ils valides ?

Primordial : L'affectation des patients au traitement est-elle aléatoire ?

Nombreuses sont les méthodes pour sélectionner des sujets et les inclure dans une étude. La preuve la plus tangible est obtenue en sélectionnant les participants par randomisation - en s'assurant que tous ceux qui rentrent dans l'étude ont une chance égale d'être choisis pour l'un des groupes de l'étude. Si les sujets ne sont pas tirés au sort, il y a de fortes chances d'avoir des biais, ce qui invaliderait les résultats. Par exemple, le chercheur principal pourrait être tenté de sélectionner ceux qui présentent un pronostic moins bon pour le traitement secondaire ou placebo et ceux qui présentent apparemment un meilleur pronostic pour le traitement de base. Une attribution correcte signifie qu'en faisant abstraction du moment auquel ils intègrent l'étude, du site qu'ils intègrent (lorsque plusieurs sites sont impliqués), et de leur état personnel, chaque sujet peut être placé dans un groupe d'étude selon des méthodes d'attribution randomisées. La randomisation garantit que les variables qui sont contrôlées par l'étude, ainsi que toute autre variable inconnue susceptible d'influencer potentiellement les résultats de l'étude sont réparties de façon égale à travers l'ensemble des groupes. Bien entendu, la randomisation nécessite une étude prospective. La validité des résultats exige aussi que les chercheurs réunissent un groupe (de sujets) suffisamment conséquent et qu'un nombre significatif de ces sujets soit capable d'aller jusqu'à la fin du traitement.

Il est nécessaire de comprendre que la randomisation ne peut pas compenser une étude mal planifiée et mal appliquée. Le simple fait que le concept de l'étude soit établi, randomisé et contrôlé ne dispense pas le lecteur d'en examiner la méthodologie. « La médecine fondée sur des preuves ne se limite pas à des essais randomisés et à des méta-analyses. Elle implique de pister la meilleure preuve externe (provenant de revues systématiques, lorsqu'elles existent ; sinon à partir d'études fondamentales permettant de répondre à vos questions cliniques » [5].

Bien que la randomisation élimine les biais d'affectation, elle nécessite une population d'étude adaptée (« N »). Brunette [6] affirme que « l'un des problèmes avec le concept des groupes randomisés est que les deux groupes peuvent ne pas être identiques de par les variations de l'échantillonnage randomisé. » Feinstein [7] s'interroge sur la confiance aveugle qui est souvent accordée aux tests randomisés et suggère que la stratification du pronostic est cruciale pour l'utilisation des données. Il maintient que si les données doivent être évaluées en sous-groupes pronostiques, ces sous-groupes doivent, dans la mesure du possible, être identifiés avant de commencer l'étude et que les sujets doivent être affectés aux sous-groupes avant d'être randomisés [8]. Par exemple, si une étude doit être menée avec le tabagisme comme variable discriminatoire majeure, il est prudent d'identifier à l'avance les fumeurs et les non-fumeurs afin de s'assurer que la « chance » ne place pas un nombre significativement plus élevé de fumeurs dans l'un des groupes. Bien qu'il serait extrêmement lourd et presque impossible de stratifier chaque variable potentielle, les facteurs clés ayant le potentiel de modifier l'étude doivent être déterminés dès le début de l'essai thérapeutique. Dans l'étude sur la doxycycline, les sujets ont été sélectionnés par une méthode d'affectation randomisée sur ordinateur. Aucune stratification des variables discriminatoires n'a été effectuée.

Tous les patients intégrés dans l'étude ont-ils été correctement comptabilisés et affectés dans les conclusions ?

Tous les sujets qui entrent dans l'étude doivent être pris en compte, et ce, quelle que soit la raison pour laquelle ils n'ont pas été jusqu'au bout de l'étude. On lit parfois des études dans lesquelles un nombre important de participants a été perdu et qui ne propose aucune explication à cette perte. Il est parfois implicite que de telles pertes sont sans conséquence et que seule l'évaluation de ceux qui ont terminé l'étude est importante. Si un participant meurt, la cause du décès doit être précisée afin de s'assurer qu'elle n'est pas liée au traitement expérimental. Si le nombre de sujets inclus dans l'étude est suffisamment important, la perte par décès doit être répartie de façon égale pour tous les groupes de l'étude. Cependant, les sujets qui choisissent d'abandonner une étude peuvent le faire pour des raisons similaires et, dans les essais thérapeutiques, le mécontentement face au traitement représente un facteur non négligeable. Le nombre de ceux qui commencent et terminent l'étude doit être clairement indiqué et toutes les différences enregistrées.

L'expérience montre qu'un taux d'abandon supérieur à 20 % compromet la validité de l'étude. Nombreuses sont les méthodes pour gérer les abandons. L'une d'entre elles consiste à utiliser la moyenne du groupe témoin pour les abandons dans le groupe test et la moyenne du groupe test pour les abandons du groupe témoin. Selon une autre méthode, on suppose que tous les abandons du groupe test allaient mal et que tous les abandons du témoin allaient bien. Bien que les épidémiologistes soient divisés sur la façon de gérer les abandons, ils se rejoignent sur un point : la méthode doit être précisée au début de l'étude et non après la collecte des données. Les chercheurs ont également l'obligation de décrire, à l'attention du lecteur, la méthode d'évaluation des abandons.

Dans notre scénario clinique, tous les patients inclus dans l'étude ont été comptabilisés à la fin de l'essai. Sept patients ont abandonné, et les analyses statistiques ont été effectuées et rapportées avec et sans les abandons.

Secondaire : L'étude a-t-elle été menée en aveugle pour les patients, leurs praticiens et le personnel de l'étude ?

Les biais sont difficiles à éviter, et même les chercheurs bien intentionnés peuvent dévier les résultats d'un essai vers le résultat qu'ils souhaitent intérieurement. Les patients peuvent avoir reçu des indices qui influencent leur réponse ou encore l'évaluation des résultats peut être orientée vers le but souhaité. Les biais doivent être identifiés, et les méthodes d'intervention doivent être précisées dans le protocole de toute recherche. Une fois l'affectation réalisée, toutes les évaluations doivent être effectuées sans que les investigateurs ne sachent quel groupe est le groupe test. C'est alors seulement qu'une évaluation non biaisée peut avoir lieu.

Les patients ne doivent pas non plus savoir à quel groupe ils ont été affectés. Cela peut s'avérer difficile s'il existe des différences vérifiables concernant l'apparence physique, le goût, l'odeur ou inhérentes à l'essai thérapeutique, ou encore en comparant différents concepts prothétiques. Toutes les recherches ne peuvent se faire en aveugle. Si un groupe reçoit une thérapeutique de routine physique bien définie, elle sera forcément différente de celle effectuée par un deuxième groupe. Tous les efforts doivent tendre à garantir que les patients ignorent leur groupe d'affectation, cela afin d'exclure les biais inhérents aux participants. Les patients peuvent avoir une préférence ou une aversion préétablie envers un traitement, un régime ou un matériau et peuvent influencer, sciemment ou par inadvertance, les résultats.

Bien que le travail en « aveugle » représente un idéal, cela paraît difficile à garantir pour certaines études. Par exemple, dans une étude comparant des prothèses supra-implantaires avec des prothèses totales conventionnelles, il est impossible de rendre le patient ou l'observateur « aveugle ». L'étude sur la doxycycline a été menée en double aveugle.

Les groupes étaient-ils semblables au début de l'étude ?

Une uniformité de cohorte est essentielle dans les études cliniques. Des variations d'âge ou de sexe, des différences ethniques ou des variations importantes dans l'état de santé général sont des facteurs qui peuvent influencer les résultats. Plus le nombre de sujets est important, plus il y a de chances pour que la randomisation prenne en compte ces variables incontrôlées. Cependant, un chercheur prudent va évaluer les groupes auxquels les sujets ont été affectés, afin de vérifier s'il y a des facteurs susceptibles de peser sur les résultats. La taille de l'échantillon devient alors un élément important, et elle doit être prise en compte au même titre que les facteurs susceptibles de causer la perte de sujets dans n'importe quel groupe lors de l'évaluation de la valeur des résultats d'une étude.

En évaluant l'étude sur la doxycycline, nous n'avons pas la certitude que les groupes soient similaires. Bien que les auteurs aient fait état d'une répartition équitable des types dentaires (un préalable essentiel, car les molaires étaient plus atteintes par la phase active de la maladie que les dents antérieures), nous ne savons rien, par exemple, sur le tabagisme et les habitudes parafonctionnelles, le nombre de dents résiduelles, le type d'occlusion et le type de restaurations. En théorie, la randomisation élimine les biais résultant de l'affectation, et doit répartir ces facteurs de façon uniforme entre les groupes, étant donné que le « N » était suffisamment important. Les auteurs de l'étude auraient dû expliquer dans le chapitre sur les méthodes comment le « N » a été calculé et quelle est la puissance de l'étude. Le lecteur peut alors déterminer s'il estime que le « N » de cette étude répond à cette question.

En dehors de l'intervention expérimentale, les groupes ont-ils été traités de façon équivalente ?

Même lorsqu'une étude est bien conçue, les sujets sont affectés de façon randomisée aux groupes traités et les investigateurs rendus « aveugles » quant à l'évaluation, il est possible, par inadvertance, d'induire des biais durant l'étude. Lorsque l'on pense qu'une thérapeutique peut avoir certains effets secondaires, les investigateurs peuvent vouloir suivre ce groupe test de plus près ou poser des questions qui ne sont pas soumises aux autres groupes. Des questions simples concernant le goût, la sensation ou l'apparence peuvent être posées - indiquant subtilement au sujet qu'il est/ou n'est pas dans un groupe spécifique. Cela est plus probable lorsque les groupes ne sont pas « aveugles », et la manière selon laquelle les groupes sont traités peut modifier le résultat.

Dans une étude, le seul fait d'étudier peut modifier ce qui est à l'étude. Si un investigateur convoque à nouveau un « groupe test » plus souvent qu'un groupe témoin, ou si le « groupe test » reçoit un traitement adjuvant supplémentaire (tel qu'une prophylaxie, un traitement antimicrobien ou un second médicament donné pour contrecarrer un effet secondaire), l'impact de la cointervention sur l'observation initiale est inconnu et affecte la validité de l'étude. Tout doit être fait pour s'assurer que tous les groupes reçoivent un traitement équivalent autant que faire se peut. Dans l'article que nous sommes en train d'évaluer, il apparaît que les groupes sont traités de façon égale.

Validité : quels sont les résultats ?

Cela est le point essentiel à établir. Quelquefois, un rapport peut être rédigé de façon à obliger le lecteur à se concentrer sur ce que l'investigateur espère qu'il verra et à ignorer d'autres facteurs qui peuvent être aussi importants. Les résultats réels peuvent être bien établis à condition de poser quelques questions simples, mais directes, et de rechercher des réponses valides.

Quelle est l'importance de l'effet thérapeutique ?

Toutes les études n'offrent pas des résultats aussi simples à établir que la vie ou la mort, la guérison ou la persistance de la maladie. La plupart des recherches arrivent à des conclusions qui requièrent quelque prudence pour établir la réelle ampleur de l'effet thérapeutique. Si les groupes sont égaux au sein de l'étude (et cela doit être établi en premier) et que les mesures du résultat sont validées, les résultats peuvent alors être analysés sur le plan statistique ou représentés graphiquement ou, encore, évalués différemment. Cependant, les statisticiens peuvent être en désaccord sur la meilleure façon d'analyser les résultats, et certains chercheurs vont utiliser une méthode qui présentera au mieux les résultats qu'ils préfèrent.

Les lecteurs doivent vérifier le pourcentage de résultats négatifs qui sont la conséquence invariable de n'importe quelle thérapeutique ou traitement, en établissant le risque encouru (pourcentage subissant des effets négatifs dans l'étude) et à partir de là, la réduction du risque absolu (RRA) entre le groupe traité et les autres. En utilisant X =les résultats négatifs dans le groupe témoin et Y = les résultats négatifs dans le groupe traité, le RAA = X - Y. Associé à la réduction du risque absolu, le risque relatif est calculé en divisant le risque avec traitement par le risque sans traitement (RR = Y/X). Une expression courante de l'efficacité est la réduction du risque relatif (RRR). Cette évaluation est exprimée comme un pourcentage, et plus le RRR est élevé, plus le traitement est efficace (RRR = 1 - (Y/X) × 100).

Ces calculs sont importants, mais pas faciles à obtenir pour un traitement prothétique. En cas de décès, le résultat (négatif ou indésirable) est facilement apparent. En dentisterie, les évaluations des résultats négatifs ou indésirables ne sont pas aussi évidentes et sont souvent discutables.

McCulloch et al. [1] ont utilisé des résultats négatifs acceptables (abcès et/ou perte d'attache gingivale > 2 mm) et relevé une réduction du risque relatif se montant à 43 % en excluant les abandons et à 28 % quand les abandons sont inclus. Les intervalles de confiance n'ont pas été indiqués : ils auraient aidé le lecteur dans l'application des résultats à la population générale.

Les résultats vont-ils m'aider à traiter mes patients ?

Une fois le résultat connu et l'effet thérapeutique quantitativement évalué, les lecteurs doivent déterminer si le traitement proposé s'applique réellement aux patients de leur cabinet. La population étudiée est-elle représentative du ou des patients susceptibles de recevoir le traitement ou la technique proposée ? Par exemple, l'étude a-t-elle été menée en utilisant une population militaire (mâle) ayant une moyenne d'âge de 22 ans ou dans le cadre d'un centre tertiaire de soins, portant sur des patients cancéreux avec un pronostic douteux et une moyenne d'âge de 62 ans ?

Il est important de lire le chapitre sur les résultats et pas seulement les conclusions. Le lecteur peut trouver qu'il interprète les données différemment des investigateurs. La plupart des articles sur les traitements dentaires sont descriptifs et ne permettent pas de comparaisons statistiques. Les résultats sont généralement exprimés en chiffres positifs qui peuvent induire le clinicien en erreur. Par exemple, un résultat donnant un taux de succès de 85 % peut paraître impressionnant, mais présenté en négatif (15 % de taux d'échec), il aura plus d'impact sur la prise de décision clinique.

Les critères d'inclusion/exclusion de l'étude permettent-ils une extrapolation à vos propres patients ? S'il apparaît que ces paramètres d'extrapolation sont atteints, la question élémentaire est alors : vos patients vont-ils retirer un bénéfice de ce traitement ? La réponse à cette question donne un sens à tout le processus. Si la réponse à toutes les autres questions est positive et que l'étude ne s'avère malgré tout d'aucun bénéfice pour les patients pour lesquels vous étudiez ce traitement, la recherche peut être seulement considérée comme « intéressante » ou « prometteuse ». Rien n'incite cependant le lecteur à appliquer immédiatement les résultats dans l'espoir d'un bénéfice pour ses patients.

Il se peut que le bénéfice soit trop minime pour en prendre le risque ou que le changement statistiquement significatif d'une valeur clinique soit trop faible pour que le traitement soit entrepris. Il y a une différence importante entre la signification statistique et la signification clinique. Par exemple, un chercheur peut utiliser un appareil de mesure extrêmement précis pouvant indiquer la perte osseuse autour d'implants en dixièmes de millimètre. Après 5 ans, leur étude peut montrer une perte osseuse statistiquement significative de 0,01 mm autour d'implants de la marque X. Mais les résultats sont-ils cliniquement significatifs, surtout s'il existe une différence de coût, de temps ou de technique entre les marques X et Y ? De tels rapports peuvent ouvrir la voie à des études futures et laisse augurer un meilleur succès avec des méthodes plus performantes, mais ils sont mis de côté sans que leurs recommandations ne soient appliquées.

Un autre souci cliniquement pertinent est la différence entre une réponse biologique et une réponse clinique. Deux exemples : les cordons de tétracycline et les ciments verre ionomère.

Les matériaux imprégnés de tétracycline peuvent démontrer leur capacité à tuer des microbes (une réponse biologique), ce qui peut n'avoir aucune pertinence clinique. Mais s'ils démontrent une réduction de l'inflammation ou de la profondeur au sondage (une réponse clinique), les données peuvent alors s'avérer significatives pour le lecteur. Le même courant de pensée s'applique également aux ciments verre ionomère. Dire qu'ils libèrent du fluor (une réponse biologique) n'a pas de sens pour le clinicien, mais s'ils entraînent une réduction de la carie (une réponse clinique), les résultats ont alors des implications pour le dentiste.

La pertinence est la question la plus difficile à établir pour le clinicien. Dans notre exemple de scénario clinique, l'article en question est très bien conçu. L'étude en double aveugle, randomisée et contrôlée, est au plus haut niveau dans la hiérarchie de la preuve. En limitant l'étude à des patients à haut risque, cela permet au lecteur de faire une corrélation directe avec les patients susceptibles d'avoir le plus besoin de ce traitement. Le souci du détail des auteurs et la façon méticuleuse dont ils procurent l'évaluation de leurs résultats confèrent une validité à leurs recherches et à leurs découvertes. Lorsqu'il apparaît que le traitement conseillé (régime, matériel, technique) est d'une valeur suffisamment importante pour mériter un essai, il faut alors prendre en considération deux facteurs supplémentaires.

Tous les résultats cliniquement importants ont-ils été pris en considération ?

Alors qu'un médicament (traitement, matériau, régime) peut être utilisé en vue d'un bénéfice escompté, d'autres ramifications peuvent être rencontrées. Le résultat inattendu le plus dramatique serait la mort. La plupart des événements corrélés, en particulier en dentisterie restauratrice, sont plus subtils. L'utilisation d'alliages métalliques non précieux comme substituts à l'or a offert des propriétés physiques améliorées. On s'est cependant demandé si les allergies et la toxicité tissulaire étaient corrélées avec leur usage. Un traitement médicamenteux peut soulager la douleur du patient au risque de problèmes gastriques. Une étude portant sur un nouveau type de restaurations en céramique pure peut se concentrer sur la couleur et la longévité, mais sans évaluer l'usure des dents antagonistes. Les résultats secondaires peuvent être observés uniquement dans des échantillons de population plus larges et peuvent ne pas être immédiatement apparents dans des essais plus restreints.

Les biais de chronologie concernent la durée pendant laquelle la manœuvre est évaluée. Si quelqu'un menait une étude sur des implants ostéointégrés maxillaires et décidait, en s'appuyant sur des études réalisées à la mandibule, d'effectuer le stade II chirurgical après trois mois, on pourrait en conclure que le taux de succès dans la cohorte étudiée ne justifie pas son utilisation dans la population générale. En réalité, l'allongement à six mois du temps séparant le stade I du stade II donne des résultats plus favorables. Les rapports cliniques portant sur les taux de survie à 1 ou 2 ans des nouveaux matériaux de restauration peuvent ne pas nous donner d'information utile, mais les essais n'ont pas été menés suffisamment longtemps pour garantir que d'autres résultats cliniques importants sont apparus.

Si une étude omet de mentionner des résultats secondaires, cela peut seulement signifier que les chercheurs n'avaient pas une population suffisamment large pour démontrer de tels événements ou que l'étude s'est terminée trop tôt. Mais cela ne signifie pas que de tels événements ne se sont pas produits. Lorsqu'elles sont correctement signalées, les auteurs vont attirer l'attention du lecteur sur ces omissions plutôt que de se contenter de rendre compte fièrement des résultats positifs apparents. En faisant une revue de l'étude sur la doxycycline, il apparaît que tous les résultats cliniquement importants ont été évalués.

Les bénéfices thérapeutiques supposés justifient-ils les effets indésirables et les coûts potentiels ?

Bien que l'effet primaire d'un médicament ou d'une technique puisse apporter un bénéfice mesurable, il peut s'accompagner d'effets secondaires - évidents ou cachés - qui annihilent ou tempèrent les avantages. Ces effets secondaires peuvent ne pas se produire chez l'ensemble de la population traitée et être spécifiques à un groupe ou sous-groupe. Trois patients du groupe de la doxycycline ont signalé des dérangements gastro-intestinaux qui n'étaient pas suffisamment graves pour les obliger à arrêter la prise du médicament.

Cela est un autre exemple pour lequel la structure initiale de l'investigation est importante, parce que l'effet secondaire peut ne pas être attribué de façon certaine au traitement, à moins qu'il y ait un groupe témoin avec lequel l'essai puisse être comparé. L'amplitude du bénéfice et de la fréquence avec laquelle ce bénéfice peut être espéré doit être mise en balance avec le risque de nuire et la fréquence à laquelle de tels effets négatifs peuvent se produire. Les effets indésirables peuvent prendre de nombreuses formes. Le décès et les effets médicaux secondaires néfastes sont évidents, mais les implications financières, les techniques chirurgicales additionnelles et la durée accrue du traitement sont d'une importance majeure pour nos patients. L'analyse du rapport risque/bénéfice est essentielle pour vérifier si un traitement doit être entrepris, et le patient doit être averti des aspects négatifs d'un traitement et de ses avantages potentiels. Une analyse circonspecte et intelligente de tous les aspects de tout nouveau traitement est un précurseur essentiel à la recommandation ou à l'entreprise de n'importe quel traitement.

Retour à notre scénario

À la lecture de l'article sur la recherche, il apparaît que, pour un patient à haut risque présentant un épisode aigu de parodontite chronique, l'étude valide une seule prescription de doxycycline. La question demeurée sans réponse, qui est pertinente pour le clinicien, est : « que se passe-t-il après un usage répété d'antibiotique à faible dose ? » Y aura-t-il une modification de la flore buccale normale ? Des bactéries résistantes au médicament vont-elles apparaître ?

Titre original : How to evaluate an article about therapy. J Prosthet Dent 2000;6(83):599-603. Traduit et reproduit avec l'aimable autorisation de Mosby. Merci de ne pas reproduire, quel qu'en soit le motif, sans l'autorisation de l'éditeur.

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