Modification du crochet Nally-Martinet en fonction de la dent bordant un édentement distal - Cahiers de Prothèse n° 118 du 01/06/2002
 

Les cahiers de prothèse n° 118 du 01/06/2002

 

Prothèse amovible partielle

Thierry Delcambre *   Bruno Picart **   Claude Lefèvre ***   Grégoire Mayer ****  


* Maître de conférences des universités, Praticien hospitalier
** Maître de conférences des universités, Praticien hospitalier
*** Maître de conférences des universités, Praticien hospitalier
**** Assistant hospitalo-universitaire
Sous-section de prothèses (Pr P.H. Dupas)
Faculté d'odontologie
1, place de Verdun
59000 Lille

Résumé

La rationalisation de la conception des tracés de prothèse partielle amovible métallique (PPAM), menée par les enseignants de la sous-section de prothèses de la faculté d'odontologie de Lille, a amené les auteurs à choisir des crochets à la fois simples dans leur action biomécanique mais aussi dans leur réalisation au laboratoire. Ce choix, qui intéresse essentiellement la conception des PPAM à châssis rigide, a conduit à considérer le problème de surcharge biomécanique des dents bordant les édentements distaux (classes I et II de Kennedy). Le crochet Nally-Martinet, décrit outre-Atlantique sous le nom de crochet « Back Action », semble tout à fait indiqué pour ce type d'édentement distal à condition d'être parfaitement réalisé en fonction de la ligne guide préalablement déterminée et matérialisée au paralléliseur suivant l'axe d'insertion choisi. Toutefois, les contraintes biomécaniques liées, d'une part, à la longueur du bras de ce crochet et, d'autre part, à la localisation mésiale du taquet d'appui occlusal unique sur la dent bordant l'édentement distal ainsi que les contraintes parodontales engendrées par la multiplication des connexions ont amené à modifier la forme du crochet Nally-Martinet en fonction de la dent support et des dents contiguës tout en lui préservant ses propriétés.

Summary

Modification of the Nally-Martinet's clasp according to the tooth outlining a distal edentulous edge

The teachers of the department for prosthesis a the University of Odontology of Lille have set to rationalize the conception of the lay-outs of the removable partial denture (RPD). This has led them to favour clasps which are simple both in terms of biomechanical functioning and of realization in a laboratory.

This choice, which essentially regards the conception of RDP with a rigid saddle, has led to consider the problem of biomechanical excess load of the teeth outlining the distal edentulous edge (Kennedy classes I and II). The Nally-Martinet's clasp, christened overseas “Back Action” clasp, seems totally appropriate for this type of distal edentulism providing it follows perfectly the previously-determined guidelines and is materialized with the paralleliser following the chosen axis of insertion. However, the biomechanical constraints which are, on the one hand, linked to the length of this clasp and, on the other hand, to the mesial location of the only occlusal support on the tooth outlining the distal edendulous edge together with the periodental constraints generated by the multiplication of the connections, brought to modify the form of the Nally-Martinet's clasp according to the abutment and the adjacent teeth while safeguarding its proprieties.

Key words

distal edentulous edge, Nally-Martinet's clasp, removable partial denture

La conception des plaques métalliques en prothèse partielle amovible (PPA) [1] a souvent laissé au clinicien ainsi qu'au prothésiste de laboratoire une grande part d'improvisation soit par oubli, soit par ignorance des règles de base de conception. La répartition des appuis occlusaux directs et indirects, la répartition des crochets en fonction des axes de rotation, des mouvements prothétiques à neutraliser et des classes d'édentement restent des éléments clés dans la réussite d'une conception rationnelle des plaques métalliques en PPA [2, 3]. Si les conséquences d'une conception erronée de plaque métallique restent moins importantes pour les classes d'édentement encastré (classes III et IV de Kennedy de faible amplitude) en raison des plus faibles mouvements prothétiques, les édentements terminaux engendrent, sous l'action des forces de mastication, des contraintes beaucoup plus importantes au niveau des dents supports de crochet et des tissus ostéo-muqueux supportant des selles prothétiques.

Édentement distal = appui mésial

La dualité tissulaire (dent/muqueuse) caractérisant ces PPAM demeure le problème majeur à résoudre en ce qui concerne les édentements distaux. Les PPAM à selles dites « amorties » ou les stress-breakers des Anglo-Saxons [4] n'apportent pas de réponse à ce problème, leur conception ne répondant pas au comportement visco-élastique des tissus supportant les selles. Pour les châssis métalliques rigides, la conception même du crochet peut libérer le mouvement de la selle prothétique au sein des tissus muqueux sous-jacents dans la mesure où celui-ci est limité par :

- une préparation tissulaire adéquate (prothèse provisoire, matériau de « mise en condition tissulaire ») ;

- une maîtrise des empreintes et de l'occlusion (empreintes anatomo-fonctionnelles, aménagement des courbes fonctionnelles, précision des enregistrements).

Que ce soit pour les crochets « Back Action » ou encore pour ceux du système RPI de Kroll, l'appui direct mésial, unique, sur la dent bordant l'édentement distal [5] demeure l'élément essentiel et incontournable de protection de la dent support de crochet. En effet, sous l'action de la mastication, les selles prothétiques distales ont tendance à s'enfoncer dans les tissus muqueux sous-jacents (fig. 1). Le taquet d'appui occlusal le plus proche de la selle prothétique génère un axe de rotation entraînant une action directe plus ou moins néfaste des composants du crochet sur la dent support et son parodonte.

La biomécanique permet d'apprécier l'action plus néfaste d'un appui occlusal distal associé à un édentement distal (fig. 2). Cette action néfaste l'est d'autant plus que l'extrémité rétentive du crochet s'éloigne de l'axe de rotation offrant ainsi un bras de levier plus long et une force plus grande de désinsertion de l'extrémité rétentive du crochet. Outre son rôle essentiel de sollicitation desmodontale axiale des dents supports, le taquet en position mésiale (fig. 3) permet, lors de la sollicitation fonctionnelle de la selle prothétique, une translation verticale des composantes distales du crochet pourvu que celles-ci aient été conçues (en position de repos) sur la ligne guide.

Le crochet Nally-Martinet type = appui mésial + localisation de la ligne guide [6]

Construit en respectant les principes et la logique biomécaniques des crochets, le crochet Nally-Martinet est sans doute le crochet le mieux adapté aux dents supports de PPAM à selles en extension distales. Le crochet Nally-Martinet est composé d'un appui occlusal mésial direct, d'une connexion mésiale, d'un bras de calage-rétention qui ceinture la dent par sa face palatine ou linguale puis par sa face distale pour venir chercher la rétention au niveau de la face vestibulaire (fig. 4a, 4b et 4c).

Le crochet postérieur de Ney (back action clasp) répond quasiment à la même description. Seule la localisation de l'appui occlusal en distal de la dent support le différencie du crochet Nally-Martinet.

Toutefois, même si les travaux de Nally-Martinet portant sur la comparaison de huit châssis de classe I de Kennedy munis de différents crochets [7] valorisent ces deux crochets à connexion mésiale, il s'avère que l'appui occlusal mésial reste préférable à condition de placer correctement le bras de calage par rapport à la ligne guide.

Réputée pour pouvoir éviter l'effet néfaste de la rotation distale des selles terminales des PPAM, cette caractéristique ne peut se concrétiser que si le bras de calage distal est construit sur la ligne guide (fig. 5a et 5b). Une localisation du bras de calage au-dessus de la ligne guide entraîne une ouverture de ce bras sous l'effet de la pression exercée par les forces occlusales sur la selle prothétique. À moyen terme, cette sollicitation excessive risque d'entraîner la fracture du bras du crochet (fig. 6a et 6b). D'ailleurs, in vitro, les qualités du crochet Nally-Martinet sont appréciées pour leur pouvoir d'autoriser une translation du bras de calage le long de la dent éprouvette. Seule l'extrémité du bras de rétention est soumise à une déformation lors du passage du bombé créé par la zone de retrait [8].

Cliniquement, le crochet étant soumis à un mouvement de rotation autour du taquet occlusal et non à un mouvement de translation, il est préférable de ne pas créer de surface de guidage sur la face distale de la dent bordant l'édentement pour que le bras de calage glisse sans contrainte sous la ligne guide. Dans ce but, il est nécessaire de localiser la ligne guide au niveau du tiers occlusal de la face distale de la dent support soit en la modelant par améloplastie, soit en modifiant l'axe d'insertion. L'élaboration d'un crochet Nally-Martinet sur une dent possédant sur sa face distale une ligne guide trop cervicale entraîne, hormis une fatigue rapide du crochet, une sollicitation excessive du parodonte par le bras de calage, engendrée par l'enfoncement de la selle prothétique terminale.

Le crochet Nally-Martinet à potence décalée [6]

Si le crochet Nally-Martinet demeure un crochet de choix dans le traitement des édentements distaux par PPAM, sa construction reste délicate et dépend directement de l'anatomie de la dent support et de la position axiale de celle-ci par rapport à l'axe d'insertion. Bien souvent, la multiplication des appuis occlusaux indirects nécessaires pour contrer les mouvements de rotation distale et de translation verticales des PPAM entraîne également la multiplication des potences de liaison à l'armature et, de ce fait, un risque non négligeable de léser le parodonte soit directement, soit par rétention de débris alimentaires. De plus, si une dépressibilité de la fibro-muqueuse support de la selle prothétique peut entraîner une rotation importante autour de l'appui occlusal du crochet, celle-ci peut provoquer également des mouvements de translation et de rotation horizontaux. Si un crochet Nally-Martinet bien conçu et bien réalisé se joue d'une rotation distale de la selle prothétique d'une PPAM, il n'en est pas de même vis-à-vis des mouvements horizontaux. Ces mouvements nocifs risquent alors de solliciter un bras de crochet certes très flexible par sa longueur mais également fragile par l'élasticité relative de l'alliage utilisé [6].

Pour ces raisons, il est apparu opportun de modifier la construction du crochet Nally-Martinet pour contrer les mouvements nocifs engendrés par les contraintes horizontales. Cette modification a été pensée en prenant soin de ne pas modifier les caractéristiques de libération des contraintes en rotation distale liées à l'enfoncement de la selle prothétique. La modification du crochet Nally-Martinet à potence décalée se traduit par le transfert de sa potence en mésial de la dent contiguë et l'adjonction d'une connexion en distal de la dent bordant l'édentement (fig. 7). Ainsi, lorsque le crochet est soumis à des contraintes horizontales importantes, la potence distale permet de rigidifier le bras de calage sans pour autant empêcher la rotation du crochet sur la face distale de la dent support puisqu'il n'existe pas d'éléments susceptibles de s'opposer au glissement sous la ligne guide de la partie distale du crochet (fig. 8a, 8b et 8c).

Il est à noter que l'adjonction de cette potence ne modifie en rien les impératifs de conception préalablement décrits, notamment ceux concernant l'obligation de construire le crochet sur la ligne guide. En tout cas, jamais il ne faudra ajouter de taquet occlusal distal au niveau de la dent bordant l'édentement distal.

Le crochet Nally-Martinet sur molaire [6]

S'il est vrai que l'exception confirme la règle, moins il y a d'exceptions, plus l'enseignement des règles se trouve facilité. L'appui mésial unique sur la dent bordant un édentement distal se veut une règle générale et cette logique contre-indique, de ce fait, l'utilisation de certains crochets à appui distal comme, par exemple, le crochet anneau sur la première molaire. Or, la circonférence de cette dent interdit l'utilisation du crochet Nally-Martinet tel qu'il est classiquement décrit ; celle-ci supporterait dans ce cas un bras de calagerétention trop long et donc trop fragile. Pour permettre la rotation de la selle prothétique en distal de la première molaire, outre la construction du crochet sur la ligne guide, l'adjonction d'une potence en distal de cette dent, sans appui occlusal, apporte une modification intéressante qui permet alors l'utilisation du crochet Nally-Martinet (fig. 9a, 9b et 9c). Les zones de retrait relativement peu profondes des premières molaires n'imposent pas l'élaboration d'un bras de rétention très élastique. L'adjonction de cette potence distale rigidifie l'ensemble de la construction, permet de garder les caractéristiques d'amortissement indirect du crochet Nally-Martinet et évite de contourner la règle de l'appui mésial sur la dent bordant un édentement distal.

Indications maxillaire et mandibulaire des différents crochets Nally-Martinet

Les schémas de la figure 10 montrent « le » crochet Nally-Martinet utilisable en fonction de la dent bordant l'édentement distal, mais également en fonction d'une répartition des connexions nécessaire à une protection efficace du parodonte.

Conclusion

Le système de protection sociale français ne permet pas actuellement de choisir en première intention une solution prothétique fixée sur implants. En prévision d'une évolution favorable des assurances complémentaires, il faut garder comme objectifs de sauvegarder les dents restantes et de préserver le capital osseux des patients et penser à l'aspect « transitoire » des prothèses partielles amovibles. Les modifications du crochet Nally-Martinet proposées ci-dessus vont dans ce sens et offrent dans la plupart des cas d'édentements distaux une solution qui respecte les grands principes de conception des prothèses amovibles métalliques.

Ces modifications ont permis aux auteurs de rationaliser la conception des tracés des prothèses partielles amovibles métalliques (PPAM) et de garder une certaine logique dans la distribution des appuis occlusaux et des moyens de rétention utilisés en fonction des édentements.

Toutefois, l'expérience clinique montre que la conception d'un crochet n'intervient que pour une faible part sur le pronostic des traitements des PPAM et les auteurs se permettent d'insister sur le fait que la conception d'un crochet doit s'inscrire dans un contexte global de conception et de traitement prothétiques par PPAM pour obtenir un résultat biologique durable.

Remerciements: Les auteurs remercient le Pr J.N. Nally et le Dr C.N. Martinet pour l'intérêt qu'ils ont bien voulu accorder à ce travail et pour avoir autorisé la diffusion des modifications apportées au crochet qui porte leur nom.

bibliographie

  • 1 Brien N. Conception et tracé des prothèses partielles amovibles. Éditions Prostho, 1996.
  • 2 Delcambre T, Picart B, Dausque D. L'informatique: support pédagogique au service de l'apprentissage des tracés de plaques métalliques. Cah Prothèse 1999;107:63-70.
  • 3 Picart B, Delcambre T, Lefèvre C, Bideaux H. Rationalisation dans la conception des tracés de prothèse métallique amovible. Strat Prothétique 2002;2(1):29-38.
  • 4 Jourda G, Tourtet LC, Gaillard J. Le châssis amorti en prothèse adjointe partielle. Rev Odonto-Stomatol 1989;18(3):233-244.
  • 5 Borel JC, Schittly J, Exbrayat J. Manuel de prothèse partielle amovible. 2e édition. Paris : Éditions Masson, 1994.
  • 6 Alglave S. Création de modèles pédagogiques de crochets coulés en prothèse partielle amovible. Thèse pour le doctorat en chirurgie dentaire. Faculté de Chirurgie dentaire de Lille, 2000.
  • 7 Nally JN. Cours de perfectionnement sur la prothèse partielle adjointe. Genève : Éditions Médecine et Hygiène, 1977.
  • 8 Martinet CN, Nally JN, Barraud R, Meyer JM. Propriétés mécaniques et résistance à la fatigue de trois alliages « stellites » utilisés en prothèse dentaire. Rev Mens Suisse Odonto-stomatol 94: 315-320, 198.